Encore une fois, je ne veux point déprécier l’abbé Delille : tous ceux qui l’ont connu l’ont trop aimé, l’ont trop goûté et applaudi pour qu’il ne dût pas y avoir en lui bien des grâces et une magie de talent : il y a certainement dans le poème de L’Homme des champs, dans celui de L’Imagination (plus que dans Les Jardins), des morceaux qui méritaient tout leur succès quand ce gentil et vif esprit les soutenait de sa présence et de son débit, et quand il les récitait dans les cercles pour qui il les avait composés. […] Restez donc, vous qui, portés dans des chaises ou dans des chars, ne connaissez d’autre fatigue que celle de l’oisiveté et ne goûtez d’autres scènes que celles que l’art combine, restez toujours dans votre élément ; là seulement vous pouvez briller ; là seulement des esprits comme les vôtres peuvent ne pas nuire. […] Tu n’es point connue là où le Plaisir est adoré, cette chancelante déesse à la ceinture dénouée et aux yeux errants, toujours appuyée sur le bras de la Nouveauté, son volage et fragile soutien ; car tu es tendrement patiente (meek) et constante, haïssant le changement, et trouvant dans le calme d’un amour éprouvé des joies que les orageux transports ne donnent jamais. […] … » Mais il y met son originalité et y ajoute sa flamme, un sentiment moral et religieux qui ne l’abandonne jamais, un éclair de saint Paul et des apôtres, avec l’appréciation toutefois d’un confort et d’un bien-être que les apôtres ne connurent jamais. […] Tout le monde connaît en Angleterre sa pièce à Mme Unwin, malade et infirme, intitulée À Marie, et quoique je vienne de dire que je ne citerai plus rien de Cowper, je ne puis m’empêcher de donner quelques strophes ou plutôt quelques versets de cette tendre et incomparable plainte, écrite avec des larmes.
Il se montre toutefois plus tolérant pour les systèmes élevés qu’il n’est ordinaire aux sceptiques et aux empiriques ; dans ces divers systèmes imaginés par les Leibniz, les Malebranche et autres, il n’en est aucun qui n’ait des obscurités et qui n’implique contradiction dans certains endroits : Toutefois, dit Frédéric, il est agréable de connaître et de suivre toutes les routes que l’esprit humain s’est frayées pour parvenir à des vérités qu’il n’a pu découvrir. […] Il semble qu’on ait tout dit à l’honneur des lettres et pour célébrer la douceur dont elles sont dans les différentes circonstances et aux différents âges de la vie ; il y a longtemps qu’on ne fait plus que paraphraser le passage si connu de Cicéron plaidant pour le poète Archias : « Haec studia adolescentiam alunt, senectutem oblectant… », Frédéric nous offre une variante piquante à cet éloge universel des lettres et de l’étude ; il va jusqu’à prétendre, sans trop de raffinement et d’invraisemblance, que toutes les passions (une fois qu’elles ont jeté leur premier feu) trouvent leur compte dans l’étude et peuvent, en s’y détournant, se donner le change par les livres : Les lettres, écrit-il au prince Henri (31 octobre 1767), sont sans doute la plus douce consolation des esprits raisonnables, car elles rassemblent toutes les passions et les contentent innocemment : — un avare, au lieu de remplir un sac d’argent, remplit sa mémoire de tous les faits qu’il peut entasser ; — un ambitieux fait des conquêtes sur l’erreur, et s’applaudit de dominer par son raisonnement sur les autres ; — un voluptueux trouve dans divers ouvrages de poésie de quoi charmer ses sens et lui inspirer une douce mélancolie ; — un homme haineux et vindicatif se nourrit des injures que les savants se disent dans leurs ouvrages polémiques ; — le paresseux lit des romans et des comédies qui l’amusent sans le fatiguer ; — le politique parcourt les livres d’histoire, où il trouve des hommes de tous les temps aussi fousaf, aussi vains et aussi trompés dans leurs misérables conjectures que les hommes d’à présent : — ainsi, mon cher frère, le goût de la lecture une fois enraciné, chacun y trouve son compte ; mais les plus sages sont ceux qui lisent pour se corriger de leurs défauts, que les moralistes, les philosophes et les historiens leur présentent comme dans un miroir. […] Au moment du départ, et lorsque le prince était encore en Suède, Frédéric lui écrivait (12 août 1770) : « Vous apprendrez à connaître là bien des gens dont nous avons besoin. […] La plupart des gens de lettres qui faisaient fête au prince Henri, et dont celui-ci parlait avec éloge, étaient inconnus à Frédéric, ou il ne les connaissait que de réputation. […] Ce général, connu alors par sa belle conduite dans les îles et par ses exploits maritimes, et qui un jour, dans les circonstances les plus critiques, fera tout pour sauver Louis XVI, avait vu Frédéric à Berlin et aux revues de Silésie, et lui avait plu, avait gagné son estime.
Trente ans auparavant, d’atroces exécutions, des massacres connus sous le nom de Pâques piémontaises (1655) n’avaient amené d’autre résultat qu’une vaste effusion de sang, un cri d’horreur dans toute l’Europe protestante, des réclamations énergiques, et la haute intervention de Cromwell, dont le bras protecteur s’étendit jusqu’à ceux qu’on immolait. […] « L’on ne peut leur faire un mal bien effectif ni décisif, et l’on peut, en les agaçant, disait-il, leur faire connaître le mal qu’ils nous pourraient faire et qu’ils ne nous font pas… Leur totale destruction est imaginaire… » En prenant exemple de ce qui se passait dans le même temps en Catalogne, Tessé ajoutait : « Les Espagnols étaient tranquilles et ne demandaient que paix et simplesse ; l’on y a porté une guerre qui leur a fait prendre des mesures auxquelles ils ne pensaient pas. Le roi connaîtra dans la suite de quel poids lui seront les conquêtes qu’il a faites… » Cette guerre de guérillas, on l’a trop su à toutes les époques, dans un pays qui la favorise et avec le ferment de la religion et du patriotisme, est indestructible et quasi-immortelle. […] Il commençait à connaître à quel vis-à-vis dissimulé il avait affaire. […] Elle n’augmente point l’estime que j’avais pour vous, mais elle me fait connaître que je ne me suis point trompé lorsque je vous ai donné le commandement de mon armée.
La foi d’ailleurs ne paraît jamais avoir fait question dans son esprit durant ces années, même quand il adresse à son frère et à son guide des questions comme celle-ci : « Sur la Géologie : — Que penser de ces couches superposes et formées de coquillages qui s’éloignent d’autant plus des espèces connues qu’ils sont plus éloignés de la surface du sol ? […] Je ne me connais plus. […] Il y a partout du bien à faire, et ici plus que nulle part… » Et enfin il lâche le grand argument, plus vrai que lui-même ne le croyait, et que toute la suite de sa vie n’a que trop vérifié : « J’ajoute un motif d’un grand poids : j’ai besoin de quelqu’un qui me dirige, qui me soutienne, qui me relève ; de quelqu’un qui me connaisse et à qui je puisse dire absolument tout. […] il sera à son aise pour s’en faire un monstre : il ne les connaît pas, il les ignore. Ce n’est pas connaître le monde, en effet, que de vivre jusqu’à l’âge de trente-deux ans au fond d’une campagne, n’ayant qu’un seul ordre étroit et sévère de rapports et d’intérêts moraux, de n’avoir jamais observé la société moderne dans l’infinie variété de ses conditions, de ses opinions, de ne s’être pas accoutumé de bonne heure à considérer de plain-pied les hommes nos semblables dans la diversité de leurs goûts, de leurs aptitudes, de leurs talents et de leurs mérites, dans les directions multipliées de leur, zèle et de leur ardeur, dans leur indifférence même, qui serait bien souvent de la sagesse si elle était plus réfléchie.
Les personnes qui l’ont particulièrement connu ont retrouvé dans ces premiers essais de sa nature et dans ces premiers jeux de sa destinée les indices déjà prononcés de ce qu’elles avaient tant de fois observé en lui ; la ressemblance du personnage avec lui-même a paru fidèle, bien qu’à certains égards peu flatteuse. […] L’histoire d’un cœur est celle de beaucoup ; une âme d’élite hors de ses voies, si elle est bien étudiée et connue, donne la clef de bien des âmes. […] Quand, pour plus de liberté et de politesse, nous parlons de Benjamin Constant sous le nom d’Adolphe, nous n’entendons pas borner cet Adolphe à la situation qu’il ]a dans le roman, nous le transportons en idée ailleurs avec la nature que nous lui connaissons ; nous ne lui prêtons pas, nous lui attribuons sous ce type ce que lui et ses semblables ont pratiqué bien réellement à travers la vie. […] A un certain degré, cette mêlée, cette lutte de diverses natures en une seule, aurait pu paraître intéressante, et elle a certainement paru telle à quelques personnes qui l’ont connu ; je sais une femme distinguée qui a écrit : « On sent dans Benjamin Constant un besoin d’être aimé, dirigé, soigné, qui charme à côté de si grandes facultés… » Pourtant, à moins d’être femme peut-être, et avec la meilleure volonté du monde, il n’y a pas moyen de n’être point ici frappé de ce choc d’éléments inconciliables et d’un désaccord qui crie. […] Et, pour prouver que je n’ai aucun parti pris après non plus qu’avant, je veux citer de lui une lettre encore, mais toute différente de celles qu’on connaît, une lettre fort simple en apparence, et qui a cela de remarquable à mon sens, qu’entre toutes les autres que j’ai vues, elle est la seule où il témoigne avoir un peu de calme et de contentement dans la tête et dans le cœur.
Connu, connu ! […] Mlle Phlipon avait été placée, vers l’âge de onze ans, dans le couvent des Dames de la Congrégation, rue Neuve-Saint-Étienne, pour y faire sa première communion ; elle y connut deux demoiselles d’Amiens, deux sœurs un peu plus âgées qu’elle, Mlles Henriette et Sophie Cannet ; elle se lia très-tendrement avec elles, avec Sophie d’abord. […] Que j’aimerais à connaître les hommes habiles en tout genre ! […] Il était tout simple que la jeune fille enthousiaste désirât passionnément connaître et voir Rousseau ; elle crut inventer un moyen pour cela.
Nous le connaissions à l’avance, et nous crûmes d’abord l’avoir apprivoisé. […] Les indifférents découragent ; les cœurs connus remettent de la chaleur et de la vie dans ceux de leurs amis, quand ils se touchent. Un livre qui connaissait l’homme a dit : Væ soli ! […] « Item, il faut vivre », comme le répétait souvent un poëte notaire de campagne que j’ai connu. […] Un moment il sembla que l’existence de Bertrand allait se régler : il devint secrétaire de M. le baron Rœderer, qui connaissait de longue main sa famille, et qui eut pour lui des bontés.
Toutes ces difficultés à vaincre pouvaient rendre très aisément ridicule celui qui ne connaissait pas l’art de les éviter. […] L’esprit républicain exige des vertus positives, des vertus connues. […] Il faut livrer le vice élégant, le vice réservé, le vice habile aux sarcasmes de la moquerie, seul vengeur qui s’introduise au milieu même de la prospérité des méchants, seule arme qui blesse encore celui qui ne connaît plus ni la honte, ni les remords. […] Le déchaînement des passions qu’amènent les troubles civils, ne laisse subsister qu’une seule curiosité, celle que font éprouver les écrits qui pénètrent dans les pensées et dans les sentiments de l’homme, ou servent à vous faire connaître la force et la direction de la multitude. […] Les femmes de nos jours, soit en France, soit en Angleterre, ont excellé dans le genre des romans, parce que les femmes étudient avec soin, et caractérisent avec sagacité les mouvements de l’âme ; d’ailleurs on n’a consacré jusqu’à présent les romans qu’à peindre l’amour, et les femmes seules en connaissent toutes les nuances délicates.
Une tête décharnée, un squelette, peuvent être regardés comme des symboles naturels ; mais le squelette armé de la faux est une figure allégorique : la faux est ici un emblème et suppose connue la métaphore « faucher les vies ». […] Au contraire, le livre une fois lu, le tableau dûment examiné, le bas-relief compris, ne contiennent plus d’énigme ; ils ne nous laissent plus songer et sont désormais pour nous l’image connue d’une idée connue. […] Quelques Flamands s’y adonnent aussi et, je crois, avec plus de bonheur ; je connais des strophes où ne manquent ni la grâce ni l’énergie, bien qu’elles allégorisent ; mais quelle vie intérieure plus profonde elles auraient eue sans ce défaut ! […] Dans le Corbeau, qui a des analogies avec cette pièce, Edgar Poe avait su s’arrêter aux limites du connu.
La claire vue de la nature du mal vous indique le remède ; on guérit bientôt la maladie dont on connaît la cause. […] Votre laborieuse assiduité n’a voulu connaître ni distractions ni repos. […] Connaissez-vous une école qui ait mieux deviné ces jeux de la force, de la passion et du hasard, qu’on a bien tort assurément de vouloir assujettir à des lois ? […] Le but du monde, c’est l’idée ; mais je ne connais pas un cas où l’idée se soit produite sans matière ; je ne connais pas d’esprit pur ni d’œuvre d’esprit pur.
En y regardant bien toutefois, si le livre a été écrit par un homme sensé et qui ait connu l’homme véritable, on trouvera encore à profiter dans l’étude de ces modèles qui ont été proposés aux générations précédentes. […] Mieux vaut lire un homme que dix livres : « Le monde est un pays que jamais personne n’a connu au moyen des descriptions ; chacun de nous doit le parcourir en personne, pour y être initié. » Voici quelques préceptes ou remarques, qui sont dignes de ces maîtres de la morale humaine : La connaissance la plus essentielle de toutes, je veux dire la connaissance du monde, ne s’acquiert jamais sans une grande attention, et je connais bon nombre de personnes âgées qui, après avoir été fort répandues, ne sont encore que des enfants dans la connaissance du monde. […] Sur la religion, il dira, en répondant à quelques opinions tranchantes qu’avait exprimées son fils : « La raison de chaque homme est et doit être son guide ; et j’aurais autant de droit d’exiger que tous les hommes fussent de ma taille et de mon tempérament, que de vouloir qu’ils raisonnassent absolument comme moi. » En toutes choses, il est d’avis de connaître et d’aimer le bien et le mieux, mais de ne pas s’en faire le champion envers et contre tous. […] Je ne connaissais pas cette édition au moment où j’écrivais mon article.
Cet art ne fut jamais mieux connu ni pratiqué que dans le xviiie siècle, au sein de cette société régulière et pacifique, et personne ne le poussa plus avant, ne le conçut plus en grand, et ne l’appliqua avec plus de perfection et de fini dans le détail que Mme Geoffrin. […] Si ma petite-fille est une bête, le savoir la rendrait confiante et insupportable ; si elle a de l’esprit et de la sensibilité, elle fera comme moi, elle suppléera par adresse et avec du sentiment à ce qu’elle ne saura pas ; et quand elle sera plus raisonnable, elle apprendra ce à quoi elle aura plus d’aptitude, et elle l’apprendra bien vite. » Elle ne m’a donc fait apprendre, dans mon enfance, simplement qu’à lire ; mais elle me faisait beaucoup lire ; elle m’apprenait à penser en me faisant raisonner ; elle m’apprenait à connaître les hommes en me faisant dire ce que j’en pensais, et en me disant aussi le jugement qu’elle en portait. […] Elle l’avait connu tout jeune homme à Paris, et l’avait rencontré comme tant d’autres dans ses bienfaits. […] Toutes choses resteront dans l’état où je les ai trouvées, et vous retrouverez aussi mon cœur tel que vous le connaissez, très sensible à l’amitié. […] Personne ne connaissait mieux qu’elle, mieux que cette bourgeoise de Paris, l’art d’en user avec les grands, d’en tirer ce qu’il fallait sans s’effacer ni se prévaloir, et de se tenir en tout et avec tous d’un air aisé sur la limite des bienséances.
Le 23 du mois dernier, est mort dans la force de l’âge un homme dont le nom et les œuvres n’étaient guère connus que de ceux qui s’occupent des productions de l’esprit, mais qui était fort apprécié par les meilleurs juges, d’une intelligence rare, élevée, étendue et sérieuse, d’un goût fin, curieux, quelquefois singulier, mais distingué toujours, d’un caractère à part, ironique et original ; écrivain des plus spirituels et des moins communs, et qu’il serait injuste de traiter comme il semblait par moments désirer qu’on le fît, c’est-à-dire par l’omission et le silence. […] On l’avait toujours connu, d’ailleurs, sous ce premier nom. […] À ce morceau sur Bussy il faut joindre ce qu’il a écrit sur Molière dans la Revue des deux mondes : il y détruit quelques erreurs traditionnelles répétées par tous les biographes ; il rectifie des dates et ajoute aux faits connus sur les origines du grand poète quelques faits nouveaux. […] Un homme qui a beaucoup connu M. […] Bazin, il a pensé que je n’avais pas indiqué suffisamment pour ceux qui l’ont connu de près, ce qui en rachetait et en excusait les saillies quelquefois désobligeantes : Sous cette enveloppe dure et parfois hérissée, m’écrit l’homme d’esprit que je ne me crois pas autorisé à nommer, il y avait un cœur honteux de lui-même, se masquant de son mieux, mais qui se laissait par moments deviner.
Celui qui n’a connu Diderot que par ses écrits, affirment tous ses contemporains, ne l’a point connu28. […] Il n’était tout à fait à son aise que dans une société familière et intime, et alors il se déployait en plein abandon, avec des facultés riches, puissantes, colorées et affectueuses, qui enchaînaient à lui tous ceux qui l’écoutaient : il était impossible de le connaître et de le haïr. […] dira-t-il ; qu’ils connaissent peu la nature ! […] Le président de Brosses, dans des lettres écrites de Paris (1754), raconte comment il fit la connaissance de Diderot par l’entremise de Buffon : « Je veux connaître, disait-il, cette furieuse tête métaphysique » ; et quand il l’a vu, il ajoute : « C’est un gentil garçon, bien doux, bien aimable, grand philosophe, fort raisonneur, mais faiseur de digressions perpétuelles. […] [NdA] Les Salons de Diderot ne parurent point de son vivant, et ils n’ont été imprimés pour la première fois que dans la collection de ses Œuvres donnée par Naigeon (1798) ; mais ils étaient connus dans la société, et il en circulait des copies, comme on le voit par la lettre de Mme Necker.
Personnellement, ceux qui ont connu M. de Biron ont toujours mêlé à leur jugement sur lui un sentiment de regret et un hommage pour ses qualités brillantes, faciles ou généreuses. […] Il y a des traits fort spirituels ; il fait surtout plaisir à ceux qui ont connu, non Émilie, comme écrit Mme Necker, mais Amélie, et il fait mal quand on pense que cette excellente femme, recommandée à un Ange pour ses derniers moments, a été livrée au bourreau. […] M. de Talleyrand, qui avait connu Lauzun, vint au secours de ces dames et de ces familles effrayées. […] Tous ceux qui ont connu le duc de Lauzun savent que, pour donner du charme à ses récits, il n’avait besoin que des agréments naturels de son esprit ; qu’il était éminemment un homme de bon ton et de bon goût, et que jamais personne ne fut plus incapable que lui de nuire volontairement à qui que ce fût. […] Mme de Lauzun est appelée par Besenval, c’est-à-dire par l’homme qui flatte le moins les femmes de son temps, « un chef-d’œuvre d’éducation, et la femme la plus parfaite qu’il ait connue ».
Nous nommerons quatre personnes connues en littérature pour nous donner trois sujets que nous devrons traiter en vingt-quatre heures. […] — Maintenant que vous connaissez la muse, en deux mots connaissez l’homme : J’aime la gloire, mais jamais les succès d’autrui ne sont venus troubler mon sommeil. […] Pauvre enfant orphelin, ou, qui pis est, enfant trouvé, il s’est imaginé que sa mère enfin s’était fait connaître. […] Nul poète n’a reçu autant d’éloges que lui, et nul ne se gêne moins à paraître les aimer, mais il a cela de particulier que ces éloges ne lui ont fait faire aucune folie : il a porté son ivresse de poète avec un rare bon sens : « Je ne sais aucun faux pas de lui », me disait quelqu’un qui le connaît bien.
Il poussait très loin cette doctrine d’accommodement avec les penchants, et on l’a entendu dire : « Quand on a un vice, il faut savoir le porter. » Avant d’être ce que nous l’avons connu, c’est-à-dire une espèce d’amateur en politique, assis à l’orchestre, jugeant la pièce, et consulté même souvent par les auteurs ou acteurs, avant de s’être établi dans son habitude d’observer le monde « comme s’il ne remuait que pour son instruction », M. […] Philippe (c’est le nom du valet de chambre, qui, indépendamment de toutes ses qualités, est studieux, instruit, amateur de lecture), Philippe, retiré du service et vivant auprès de son fils, a pris l’habitude de jeter ses pensées sur le papier ; et comme on lui proposait un jour de se faire imprimer : « Non, vraiment, répondit-ilh, je craindrais de trahir les secrets de l’humanité ; on sent le besoin de les cacher quand on connaît les hommes. » Vers le temps où, retiré en Champagne, à l’abri de la proscription, il écrivait sa Dot de Suzette, M. […] Au reste, dans toutes ces citations, je ne prétends pas endosser les passages que j’emprunte : je m’attache, comme toujours, à faire valoir et à faire connaître l’auteur que j’analyse par ses meilleurs côtés, laissant au lecteur la balance du tout et l’arbitrage. […] Jugeant la politique, absurde selon lui autant qu’ingrate, qui avait scindé et désaffectionné les royalistes vers 1823, il disait : « Je ne suis jamais trop sévère contre les bassesses du cœur humain, je le connais trop pour cela, mais je ne pardonne jamais la bassesse quand elle est en dehors de l’intelligence, quand elle est stupide. » Il avait fini par se détacher complètement des personnes en fait de gouvernement, et il ne se souciait plus, disait-il, que des peuples : « Les peuples vont, non parce qu’on les gouverne, mais malgré qu’on les gouverne. » Son bon moment de royalisme avait été lorsqu’il venait le matin dans le cabinet de M. de Chateaubriand aux Affaires étrangères : il y rencontrait M. […] Fiévée, un peu embelli peut-être, mais ressemblant ; tel il se dessine surtout quand on se borne à le connaître par sa Correspondance avec Bonaparte42.
Un des plus sévères contemporains de Louis XIV, Saint-Simon, qui ne le vit et ne le connut que dans les vingt-deux dernières années de sa vie, au milieu des analyses pénétrantes qu’il a données sur lui dans tous les sens, a dit : Il était né sage, modéré, secret, maître de ses mouvements et de sa langue. […] Mazarin avait déclaré à ceux qui paraissaient douter de l’avenir du jeune roi, « qu’on ne le connaissait pas, et qu’il y avait en lui de l’étoffe pour faire quatre rois et un honnête homme ». […] Pourtant, réduite et entendue dans un certain sens, cette idée a sa justesse : « Je ne crains pas de vous dire, écrit-il pour son fils, que plus la place est élevée, plus elle a d’objets qu’on ne peut ni voir ni connaître qu’en l’occupant. » Saint-Simon, que j’oserai ici contredire et réfuter, a dit de Louis XIV : Né avec un esprit au-dessous du médiocre, mais un esprit capable de se former, de se limer, de se raffiner, d’emprunter d’autrui sans imitation et sans gêne, il profita infiniment d’avoir toute sa vie vécu avec les personnes du monde qui toutes en avaient le plus, et des plus différentes sortes, en hommes et en femmes de tout âge, de tout genre et de tous personnages. […] Il est des princes qui ont raison de craindre de se laisser aborder de trop près et de se communiquer aux autres : il ne croit pas être de ceux-là, et, sûr qu’il est de lui-même, et de ne prêter jamais à aucune surprise, il gagne à cette communication aisée de pénétrer plus à fond ceux à qui il parle, et de connaître par lui-même les plus honnêtes gens de son royaume. […] La pensée religieuse qui s’y joint dans son esprit ajoute plutôt qu’elle n’ôte à ce que cette maxime royale a de politiquement remarquable ; et c’est en ces parties qu’on reconnaît chez lui le véritable homme de talent dans cet art difficile de régner : La sagesse, dit-il, veut qu’en certaines rencontres on donne beaucoup au hasard ; la raison elle-même conseille alors de suivre je ne sais quels mouvements ou instincts aveugles, au-dessus de la raison, et qui semblent venir du ciel, connus à tous les hommes, et plus dignes de considération en ceux qu’il a lui-même placés aux premiers rangs.
Car Gourville est un artiste en intrigue, il aime l’aventure pour l’aventure, puis il aime encore à la raconter à des gens d’esprit qui s’y connaissent. […] Notez que cet emprisonnement de Gourville paraît être, d’après ce que lui-même raconte, assez injuste et peu fondé en motifs ; mais il ne s’en indigne pas ; il n’a pas cette faculté de s’indigner de l’injustice ; il connaît trop son monde, il ne prétend que faire tourner le plus possible cet accident à profit pour l’avenir. […] Je trouvais de si grandes ressources en moi-même pour me consoler, que tous ceux qui me connaissaient en étaient surpris. […] Colbert, Lionne et Louvois déclarèrent ne connaître l’Espagne que par la relation qu’il leur en fit, et Colbert, à lui seul, lui adressa plus de questions que tous les autres ensemble. […] On ne connaît bien le prince de Condé que lorsqu’on a lu Gourville ; c’était à lui particulièrement qu’à son retour en France cet habile serviteur s’était donné.
Ainsi donc, pour qui veut connaître aujourd’hui et avoir sous la main tous les écrits politiques et historiques de Richelieu (je ne parle pas de ses écrits de controverse comme évêque et théologien dans son diocèse), il convient d’avoir : 1º son Testament politique, précédé de la Succincte narration (édition de 1764)31 ; 2º ses Mémoires, imprimés dans la collection Petitot (1823), et depuis dans celle de MM. […] Il semble, par votre lettre, que vous étiez en mauvaise humeur lorsque vous avez pris la plume ; pour moi, j’aime tant mes amis que je ne désire connaître que leurs bonnes humeurs, et il me semble qu’ils ne m’en devraient point faire paraître d’autres. […] Il connaissait personnellement la reine Marie de Médicis, et s’était insinué déjà dans sa confiance. […] Parlant de la manière infructueuse et vaine dont se terminèrent les États généraux de 1614, il ajoute : Toute cette Assemblée n’eut d’autre effet sinon que de surcharger les provinces de la taxe qu’il fallut payer à leurs députés, et de faire voir à tout le monde que ce n’est pas assez de connaître les maux, si on n’a la volonté d’y remédier, laquelle Dieu donne quand il lui plaît faire prospérer le royaume et que la trop grande corruption des siècles n’y apporte pas d’empêchement. […] Richelieu raconte qu’il était en visite chez un recteur de Sorbonne au moment où on vint lui apprendre la mort du maréchal : il revint au Louvre, après en avoir conféré un moment avec ses collègues : « Continuant mon chemin, dit-il, je rencontrai divers visages qui, m’ayant fait caresses deux heures auparavant, ne me reconnaissaient plus ; plusieurs aussi qui ne me firent point connaître de changer pour le changement de la fortune. » Il fut le seul de ce ministère que Luynes parut ménager d’abord et vouloir excepter de la disgrâce et de la vengeance commune.
Son irréligion même, qui éclate pour nous dans ses rapports avec nos philosophes, et qui est le côté par lequel il les a le plus regardés, cette irréligion qui jure si fort avec son rôle de roi fondateur et instituteur de peuple, n’était pas au fond ce qu’accusent ses correspondances les plus connues. […] Nous vivons trop peu pour devenir fort habiles ; de plus, nous n’avons pas assez de capacité pour approfondir les matières, et d’ailleurs il y a des objets qu’il semble que le Créateur ait reculés afin que nous ne puissions les connaître que faiblement. […] Enfin, Frédéric-Guillaume ayant succombé, et les premiers soins donnés aux affaires de l’État, Frédéric, quinze jours après son avènement, pouvait écrire à M. de Suhm : « Il ne dépend plus que de vous d’être à moi, et j’attends votre résolution pour savoir comment et sur quel pied vous voudrez l’être. » M. de Suhm, tel que nous le connaissons, n’avait qu’une réponse à faire, se démettre auprès de sa cour des fonctions dont il était chargé, et voler dans les bras de son ami. […] J’ai connu quelques-uns de cette famille qui se distinguaient par leur mérite, et qui s’étaient concilié mon estime. […] Elle mérite de nous arrêter encore ; je n’ai fait que l’effleurer cette fois ; je continuerai à la faire connaître par extraits et à y dégager les belles parties, celles surtout qui sont propres à caractériser en lui l’ami sincère.
L’on parviendrait ainsi à connaître exactement sinon la valeur émotionnelle d’une œuvre, du moins sa valeur relative pour un esprit donné et par rapport à d’autres œuvres d’art. […] Dans ces recherches, la précision scientifique est possible ; car elles portent sur des artifices de composition, de style, de technique que connaissent des sciences presque constituées. […] Cette influence ne sera pas plus fatale à la critique scientifique qu’elle n’a empêché le développement de la physiologie, que la philosophie de Kant, en démontrant l’impossibilité de connaître les choses en soi, n’a arrêté l’essor de toutes les sciences naturelles. […] IV, 18 [Hennequin se réfère ici aux recherches de deux psychologues connus en France par la médiation d’un des pères fondateurs de la psychologie scientifique française institutionnalisée, Théodule Ribot. […] Une note de l’article de la Revue contemporaine qu’Émile Hennequin consacra à Flaubert (octobre 1885) nous apprend que le critique suisse entra en contact avec Féré pour mieux connaître les phénomènes inconscients d’acquisition du langage (p. 169).
On peut donner de l’existence des systèmes en philosophie une explication plus scientifique et plus profonde en disant qu’ils ne sont que des hypothèses provisoires destinées à lier les phénomènes connus, à en rendre compte dans la mesure de notre expérience et de notre science, à susciter même la recherche de faits nouveaux et inconnus qui viennent soit vérifier, soit renverser l’hypothèse reçue. […] C’est là un des dangers les plus manifestes des époques très-éclairées, qui connaissent trop le fort et le faible de toutes les thèses, le pour et le contre de toutes les questions. […] Nous ne pouvons connaître que des parcelles de vérité, nous ne pouvons former que des synthèses partielles ; lors même que nous nous élevons jusqu’au premier principe, nous ne saisissons pas le lien qui l’unit à tout le reste. Sans doute ces synthèses partielles peuvent être de plus en plus larges, les intermédiaires entre l’absolu et le relatif peuvent être plus ou moins bien connus ; mais l’éclectisme absolu, comme la science absolue (et ce serait la même chose), n’est qu’en Dieu et n’est pas en nous. […] Ils connaissent tous les degrés du vrai, et n’en dédaignent aucun, aussi éloignés d’un pédant scepticisme que d’un dogmatisme outré.
Bouhours, ce sont des retours sur lui-même trop marqués ; & une trop grande attention à faire connoître ses propres qualités dans la peinture avantageuse qu’il fait de ses interlocuteurs ; (car son livre est en forme d’entretien.) […] Le critique en cite ensuite quelques-uns de ceux que Rapin a censurés ; mais ils sont si peu connus que le tems a prouvé que le Jésuite n’a voit pas tort. […] Il seroit difficile, dit l’Abbé des Fontaines, de rassembler en moins de mots & avec autant de goût & de discernement, tout ce qui sert à bien connoître l’art de prêcher. […] Je pourrois faire connoître plusieurs autres Ecrits sur l’éloquence ; mais ils sont répandus çà & là dans des traités qui roulent sur diverses matieres. […] M. l’Abbé Mallet qui donna en 1753. des Principes pour la lecture des Orateurs, que j’ai oublié de vous faire connoître, publia la même année un Essai sur les bienséances oratoires, dans lequel il expose avec netteté les préceptes des grands maîtres.
Rien de plus triste en réalité que cette brillante destinée… Pour moi, du moins, qui ai la faiblesse d’aimer Rivarol lorsque je devrais le condamner, — et qui ramasserais comme un trésor les points et les virgules tombés de sa plume, persuadé que je serais qu’ils devraient pétiller de quelque chose encore, — je ne connais rien de plus lamentable que cette ruine anticipée d’une gloire qui ne se leva jamais, que cette déperdition d’un génie qui aurait pu être si beau ! […] Rivarol, avec tout son esprit, part, comme tous les imbéciles de son époque, du principe qui faussa tout au dix-huitième siècle : à savoir que l’homme est excellent ; et il ne se doute pas de la Chute, ce qui, théologie à part, est honteux pour un observateur qui doit se connaître en nature humaine et qui est aussi peu badaud qu’on peut l’être. […] Il eut, — on le savait déjà parmi ceux qui l’avaient connu, mais ses Lettres récemment publiées l’ont appris à ceux qui ne le connaissaient pas, — il eut toutes les grâces que le monde adore et tout l’imposant qu’il respecte. […] Pour l’acquit probablement de sa conscience d’éditeur littéraire, M. de Lescure a recueilli, il est vrai, comme un double échantillon des aptitudes littéraires et philosophiques de Rivarol, le Discours (si connu du reste) sur l’universalité de la langue française, couronné par l’Académie de Berlin, et le Discours (moins apprécié) sur l’homme intellectuel et moral, d’un si mâle spiritualisme encore malgré les influences de toutes les philosophies du xviiie siècle, qui tendaient à l’anéantir.