Racine ne rabaissait pas la tragédie : il la rendait plus générale, il la rapprochait de toutes les conditions. […] Quel spectacle plus attachant pour cette âme si tendre que cette lutte de la femme entre toutes les contraintes de sa nature et de sa condition, et l’entraînement irrésistible de ses passions ! […] Telle doit être la passion de l’amour au théâtre : la même au fond pour tous les personnages, elle sera diverse dans l’expression, selon les caractères, l’âge, la condition, le temps et le lieu. […] L’invention, ç’a été de trouver dans un des plus tragiques événements de l’Histoire sainte une tragédie aux conditions où la voulait Racine, avec toutes les vraisemblances qui font d’une fable une réalité. […] Je protestai comme Français et comme lettré ; et, parmi tout ce qu’on voulut bien écouter de l’apologie que je fis de Racine, j’insistai sur ce qu’il y avait d’applications à faire de ses tragédies à la plupart de nos conditions.
A cette condition seulement on finit par s’accommoder au fluide dans ce qu’il a d’inconsistant. […] Et elle a raison de le faire, car à cette condition seulement le vivant offrira à notre action la même prise que la matière inerte. […] Certes, il n’est pas nécessaire de penser en géomètre, ni même de penser du tout, pour attendre des mêmes conditions la répétition du même fait. […] Plus cette transparence est complète, plus, dans les mêmes conditions, la répétition du même fait me paraît nécessaire. […] Voilà du moins ce que dit le raisonnement par analogie, et c’est user à rebours de ce raisonnement que de déclarer la vie impossible là où d’autres conditions lui sont faites que sur la terre.
Cette poésie touchante, familière et pure, a aussi tenté, de nos jours, quelques hommes de talent en France, et je suis loin de ne pas les estimer à leur prix : toutefois la veine principale et la source vive ont été surtout en Angleterre, et j’aimerais à ce que nos auteurs en fussent mieux informés, non point pour aller l’imiter et la vouloir directement transporter chez nous, mais pour se mieux pénétrer des conditions nécessaires à ce genre d’inspirations et pour s’y placer, s’il se peut, à l’avenir. […] Votre ami (Voltaire) qui l’aime beaucoup veut lui faire avoir ses entrées à la Comédie pour Sémiramis… C’est un homme de condition de ce pays-ci, mais qui n’est pas riche, qui meurt d’envie d’aller à Paris, et à qui ses entrées à la Comédie feront une grande différence dans sa dépense. […] Homme du monde accompli, il était réservé à l’extérieur : « Il avait pour tout ce qui lui était indifférent une politesse froide qu’on pouvait quelquefois confondre avec le dédain. » Cette circonspection tenait sans doute à plusieurs causes : il avait vécu dans une petite cour et dans un grand monde où sa fortune ne répondait point à sa condition ; il avait de la dignité et une délicatesse susceptible qu’il ne voulait pas exposer aux blessures.
Souriez-en, si vous le voulez ; c’était une partie de sa nature, une condition et comme une moitié de son talent. […] Quoi qu’il en soit, c’est ainsi qu’il expliquait et louait le talent d’Horace Vernet : Si copier simplement et promptement la nature, disait-il encore, est la véritable condition du génie ; si c’est bien la condition qu’ont remplie les anciens maîtres et qui les distingue de tous les autres, M.
Le premier rendez-vous, accordé à cette condition, eut-il lieu en effet, ou manqua-t-il, comme cela peut-être serait mieux ? […] La femme est bien de sa date et aussi de sa condition : il y a mélange et conflit en elle ; elle a le goût des beaux sentiments, des grands sentiments, un peu de mélancolie, de la métaphysique ; elle lit les romans du jour, George Sand et Balzac. […] » La situation se dessine vivement, ainsi que les caractères : il y a au fond deux natures et deux conditions différentes en jeu.
Jamais discours académique ne remplit mieux toutes les conditions, s’il est vrai que la première de ces conditions, indépendamment de l’élégance, soit l’embellissement continuel, le travestissement flatteur de la vérité. […] Il dit qu’on le traite a comme un colonel de petite condition, dont on réforme le régiment sans daigner l’avertir. » Et son peuple lui-même, et toute l’Italie qui le voit traiter « comme un sujet, non comme un souverain », prend parti pour lui et souffre à son exemple.
Rien d’étonnant, si, rapprochés de la condition souveraine, ils ont, comme les souverains, un conseil, un chancelier, une dette constituée, une cour39, un cérémonial domestique, et si l’édifice féodal revêt entre leurs mains le décor luxueux et compassé qu’il a pris aux mains du roi. […] Ce sont là de véritables impôts, fonciers, mobiliers, personnels, de patente, de circulation, de mutation, de succession, établis jadis à condition d’un service public dont aujourd’hui il n’est plus chargé. […] Pareillement, à condition d’entretenir la halle et de fournir gratis les poids et mesures, il prélève un droit sur les denrées et les marchandises apportées à sa foire ou à son marché : à Angoulême le quarante-huitième des grains vendus ; à Combourg, près de Saint-Malo, tant par tête de bétail ; ailleurs, tant sur les vins, les comestibles et le poisson42.
Il semble que la meilleure condition pour écrire des romans vrais, ce soit de vivre en pleine réalité actuelle et de laisser les sujets vous venir d’eux-mêmes : M. […] Il faut qu’il épuise toutes les classes, toutes les conditions, toutes les professions. […] L’auteur ne veut pas nous laisser oublier que, si Angélique est sage, c’est parce qu’elle brode des chasubles et qu’elle vit à l’ombre d’une vieille cathédrale, mais que, dans d’autres conditions, elle eût pu aussi bien être Nana.
En d’Aubigné, nous trouvons un autre capitaine, intrépide, ardent, opiniâtre, non moins Gascon que l’autre, aussi attaché à son Dieu, mais malmenant un peu son roi ; fidèle, mais à condition, non plus royaliste quand même ; plus féodal, plus communal, et qui mourra républicain à Genève. […] Il est comme saisi et transporté de l’ivresse de sa nouvelle condition paternelle ; son style cette fois s’allège et bondit : Puer nobis natus est, s’écrie-t-il, comme dans la messe de Noël, il me plaît de commencer cette lettre par un passage de l’Église, à l’imitation de nos anciens avocats en leurs plaidoiries d’importance… Je suis donc augmenté d’un enfant, et augmenté de la façon que souhaitait un ancien philosophe, c’est-à-dire d’un mâle et non d’une fille ; je dirois Parisien et non Barbare, n’étoit que ce nom sonne mal aux oreilles de tous… Et il raconte comment, par jeu et par un reste de superstition d’érudit, il a voulu chercher l’horoscope de ce fils, en ouvrant au hasard quelque livre de sa bibliothèque. […] Pasquier n’était point partisan des états généraux ; dès l’abord, il n’augure rien de bon de ceux d’Orléans (1560) : « C’est une vieille folie qui court en l’esprit des plus sages François, qu’il n’y a rien qui puisse tant soulager le peuple que telles assemblées : au contraire, il n’y a rien qui lui procure plus de tort pour une infinité de raisons. » Et il ne se trompait pas trop alors, eu égard aux conditions de gêne où se trouvait le tiers état dans ces assemblées.
Il n’y a jamais de noirceurs dans tout ce que vous dites, mais il y a présentement une joie qui me donne toute celle dont je suis capable ; il faut, pour la rendre complète, que nous ayons la paix, et à des conditions dont je sois contente ; vous verrez, après cela, madame, de quelle humeur je serai. […] Cette paix, dont la timide et raisonnable Mme de Maintenon parle sans cesse, va devenir dans les années suivantes la pierre d’achoppement avec Mme des Ursins, qui en est beaucoup moins pressée, et qui ne la veut qu’à des conditions plus hautes. […] Mme des Ursins nous associe sans difficulté à ses sentiments et nous entraîne, tant que sa résistance à la paix semble chez elle l’inspiration directe, le cri du patriotisme et de l’honneur : on ne lui pardonne pas seulement cette opiniâtreté, on l’en admire ; mais, dès qu’on y soupçonne une ambition et une cupidité personnelle, l’impression devient toute contraire, et son rôle se gâte à nos yeux, Or, il est certain que, vers la fin de cette période sanglante et dans les négociations si lentes qui la terminèrent, elle fit tout pour obtenir des puissances contractantes une souveraineté en son nom dans les Pays-Bas ; le roi d’Espagne s’obstinait sur cette condition si peu convenable et si disproportionnée aux grands intérêts en litige, et il refusait de signer la paix avec la Hollande, si les Hollandais, non contents de mettre Mme des Ursins en possession de cette souveraineté, ne s’en faisaient, de plus, les garants vis-à-vis de l’empereur.
Richelieu, en rentrant au ministère, avait fait ses conditions qui étaient bien d’accord avec sa frêle santé et avec son humeur : il n’allait point au lever du roi ; il ne recevait point de visites ni de ces sollicitations qui usent le temps et les forces. […] Il ne saurait admettre que, dans un État, tout le monde indifféremment soit élevé pour être savant : « Ainsi qu’un corps qui aurait des yeux en toutes ses parties serait monstrueux, dit-il, de même un État le serait-il, si tous ses sujets étaient savants ; on y verrait aussi peu d’obéissance que l’orgueil et la présomption y seraient ordinaires. » Et encore : « Si les lettres étaient profanées à toutes sortes d’esprits, on verrait plus de gens capables de former des doutes que de les résoudre, et beaucoup seraient plus propres à s’opposer aux vérités qu’à les défendre. » Il cite à l’appui de son opinion le cardinal Du Perron, si ami de la belle littérature, lequel aurait voulu voir établir en France un moindre nombre de collèges, à condition qu’ils fussent meilleurs, munis de professeurs excellents, et qu’ils ne se remplissent que de dignes sujets, propres à conserver dans sa pureté le feu du temple. […] Dans ses peintures morales, et dans l’examen des conditions qu’il exige des hommes appelés à être des conseillers politiques, il avait certainement en vue tel ou tel de ceux qu’il avait connus ; mais ses observations sont si justes et si fortes que, rien qu’à les transcrire ici, il semble encore aujourd’hui qu’on puisse mettre des noms propres au bas des qualités et des défauts : Les plus grands esprits, dit Richelieu, sont plus dangereux qu’utiles au maniement des affaires ; s’ils n’ont beaucoup plus de plomb que de vif-argent, ils ne valent rien pour l’État.
Oui, à condition d’exister parallèlement, d’être non pas deux recettes, mais deux guides. […] Si l’on pousse plus loin l’investigation on découvre que les vers sont ainsi scandés 3 3 3 3 Oui je viens — dans son temple — adorer — l’Éternel 2 4 2 4 Je viens — selon l’usage — antique — et solennel soit un premier vers composé de quatre éléments de trois pieds ternaires, et un second vers scandé 2,4, 2,4. — Il est évident que tout grand poète ayant perçu d’une façon plus ou moins théorique les conditions élémentaires du vers, Racine a empiriquement ou instinctivement appliqué les règles fondamentales et nécessaires de la poésie et que c’est selon notre théorie que ses vers doivent se scander. […] On obtient par assonances et allitérations des vers comme celui-ci : Des mirages | de leur visage | garde | le lac | de mes yeux Tandis que le vers classique ou romantique n’existe qu’à la condition d’être suivi d’un second vers, ou d’y correspondre à brève distance, ce vers pris comme exemple possède son existence propre et intérieure.
Si l’idéal ne dépend pas du réel, il ne saurait y avoir dans le réel les causes et les conditions qui le rendent intelligible. […] Dans la faculté d’idéal, elle voit une faculté naturelle dont elle cherche les causes et les conditions, en vue, si c’est possible, d’aider les hommes à en régler le fonctionnement. […] Et si l’entreprise ne lui paraît pas impossible, c’est que la société remplit toutes les conditions nécessaires pour rendre compte de ces caractères opposés.
Les guinné d’ailleurs se nourrissent volontiers de végétaux et si, l’on en croit le conte kouranko de Nancy Mâra, ne les mangent qu’à condition qu’ils n’aient pas subi de cuisson. […] Quand il arrive à des indigènes d’avoir des enfants retardés dans leur développement et qu’ils soupçonnent d’être fils de guinné, ils peuvent obliger leurs parents à les reprendre en les exposant dans de certaines conditions et en les adjurant de retourner avec ceux de leur race. […] Quant aux konkoma ce sont, dit la tradition, des porcs épics qui renaissent dans les mêmes conditions.
Ils s’insinuent jusque dans les boudoirs, où l’esprit triomphe avec eux de l’inégalité des conditions. […] Mais songeons surtout au renversement opéré dans les conditions par le système de Law, 1716-1721, et que rien de pareil ne s’était vu jusque-là. […] Bossuet, Discours de réception], il est également vrai qu’on ne donne à rien de « changeant » ce caractère d’éternité qui est la condition même ou la définition de l’œuvre d’art ; et, d’un homme a un autre homme, ou, dans le même homme, d’un moment à un autre, qu’y a-t-il de plus changeant que la sensibilité ? […] Mais, avec une méconnaissance entière de la diversité des temps et des conditions de la parole ou de la littérature, on a considéré que l’on pouvait encore emprunter des formes aux générations dont on ne partageait plus les idées, et que les maîtres qui n’étaient plus des « maîtres à penser » pouvaient encore servir de « maîtres à écrire ». […] III]. — De quelques idées de Marivaux ; — sur la critique ; sur l’organisation du « maréchalat » littéraire ; — sur la condition des femmes et sur l’éducation des enfants ; — sur l’inégalité des conditions humaines. — Dans quelle mesure Marivaux lui-même a pris ses idées au sérieux ?
Pourquoi les conditions du gouvernement des hommes ne sont-elles plus les mêmes qu’autrefois ? […] Maisil y avait une condition à leur bonheur ; il fallait que les offrandes leur fussent régulièrement portées par les vivants. […] Mais la religion des premiers temps ne remplissait aucune de ces deux conditions. […] Le fils était dans les mêmes conditions que la femme : il ne possédait rien. […] Ces dieux étaient avides d’offrandes : on les leur prodiguait, mais à condition qu’ils veilleraient au salut de la ville.
Mais ne voyez-vous pas aussi que là est la condition de son succès ? […] Ou bien encore son genre de talent, ennemi de la vulgarité, mêlé de délicatesse et de force, s’accommodait-il assez mal des conditions matérielles de la scène ? […] L’hypothèse d’un règne humain est la condition même de l’histoire, et quelle que soit l’origine de l’homme, l’histoire est sans doute une réalité. […] et qu’en faisant ainsi de l’existence du règne humain la condition du langage, elles la prouvent, — puisque nous parlons ? […] Dure condition de la critique !
Voyons donc ce qu’elle deviendra, dans quelles conditions elle peut vivre, et comment elle se transformera. […] Il faut avant tout qu’un ouvrage soit vivant, et il n’est vivant qu’à la condition d’être vrai. […] Le style consiste souvent à n’en pas avoir, et la condition de bien écrire est peut-être de ne pas écrire du tout. […] C’est par des conditions de ce genre que s’exaltaient ses tendresses, toujours étouffées dans l’atmosphère ordinaire. […] Quelle est, par exemple, la condition sociale la plus ordinaire ?
Il a déterminé les conditions générales de l’art dramatique, et il en a fixé le caractère essentiel. […] Pour satisfaire à cette condition qu’on exige de lui, le drame tente sur lui-même une épreuve nouvelle. […] La peinture ou l’imitation d’une réalité toute prochaine encore devenait l’une des conditions du genre. […] Ils y étaient sans doute aidés par leur situation à l’extrémité de l’Europe, et surtout par les conditions de leur développement historique. […] Dans ces conditions, quoi de plus naturel que la fin du siècle ressemblât à ses commencements ?
La difficulté reste donc bien grande encore, même en supposant remplie la première condition, celle d’un observateur excellent. […] J’ay vescu en trois sortes de conditions depuis estre sorty de l’enfance. […] C’est la condition de vostre création ; c’est une partie de vous, que la mort ; vous vous fuyez vous mesme. […] Que dirons-nous de la sincérité, autre espèce de justice, et la condition de toute justice ? […] « Il y a une dureté de complexion ; il y en a une autre de condition et d’état.
Le but du monde est le développement de l’esprit, et la première condition du développement de l’esprit, c’est sa liberté. […] Peut-être la vulgarité générale sera-t-elle un jour la condition du bonheur des élus.
La première condition de toute durée dans l’inspiration de l’esprit humain, c’est le renouvellement de la vie par le travail, l’étude, la lecture, la méditation, tout cet entretien de la pensée. […] Dans ces conditions d’égoïsme, d’ambition et d’envie, quand on n’est pas au moins trempé comme un homme de Plutarque, on n’est rien… Si l’historien ou le critique interroge la vie de Carrel, qui fut courte, et ses œuvres, qui, grâce à MΜ.
La voix de l’homme est un fait ultramondain étranger au cosmos et particulier à l’homme, venant, nous le voulons bien, d’une vie antérieure, mais à la condition que cette vie antérieure sera Dieu. […] Il faut le rompre à sa condition et lui enseigner sa chute, sinon la création armée l’écrasera ; puis le ciel armé, car Adam, le pédagogue et le père, répond pour ses enfants.
Sans doute, la modération dans les désirs, quand on a le moyen de se modérer, la résignation qui souffre la vie pour moins souffrir de la vie, le calme de l’intelligence qui comprend la nécessité, sont des conditions de santé jusqu’à un certain point, ce qui ne veut absolument rien dire puisque ces conditions sont sans solidité, éternellement menacées par l’imprévu, et peuvent être renversées… par le premier vent-coulis, qui plante un point de côté à Goethe ou à Kant, par exemple, et les emporte, malgré la défense ou le remède de « leurs grandes pensées » !
Terrible condition de l’histoire ! […] Quand Bossuet sera devenu un grand évêque, quand la gloire l’aura apporté à la puissance, quand il sera presque un homme d’État, presque un ministre, l’intermédiaire entre Rome et la France, nous rentrerons dans les conditions de l’histoire générale et nous saurons si l’excellent biographe s’élèvera jusqu’à l’historien.