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1749. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — I »

Quelques critiques ingénieux prétendirent donner une explication dans le caractère même de l’écrivain : ils supposèrent que la vieillesse l’avait rendu timoré.

1750. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre III. Coup d’œil sur le monde politique, ancien et moderne, considéré relativement au but de la science nouvelle » pp. 371-375

Chez les Turcs particulièrement, l’orgueil du caractère national, est tempéré par une libéralité fastueuse, et par la reconnaissance.

1751. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Sa taille n’était ni petite ni haute, mais admirablement proportionnée ; telle à vingt ans, telle à cinquante : le temps n’y touchait pas ; ni gras, ni maigre, la matière n’avait rien à faire avec cette nature éthérée et immuable ; tempérament du bonheur inaltérable aux passions : il en avait cependant, mais il les contenait par le sang-froid de son caractère ; elles n’étaient pour lui que les tentations de la vie éprouvées en silence, parce qu’elles ne demandaient rien à la vanité, mais qu’elles étaient toutes discrètes comme l’amitié, mystérieuses comme l’amour. […] C’est la charge de ceux qui n’en ont pas d’autres que leur propre respectabilité, respectabilité célèbre, qui, lorsqu’elle se multiplie de père en fils dans une famille, finit par former un surnom de la race. » Or c’était précisément, comme celui de gentilhomme par excellence, le seul titre ambitionné par M. de Vigny, le type de sa vie, le signe distinctif de son caractère, l’aristocratie de sa nature, le rôle innomé de sa vie. […] On ne voit sur leurs traits bruns ni la froide immobilité du Nord, ni la vivacité grimacière du Midi ; leur visage a, comme leur caractère, quelque chose de la candeur du vrai peuple de saint Louis ; leurs cheveux châtains sont encore longs et arrondis autour des oreilles comme les statues de pierre de nos vieux rois ; leur langage est le plus pur français, sans lenteur, sans vitesse, sans accent ; le berceau de la langue est là, près du berceau de la monarchie. […] Construit sur la colline la plus élevée du rivage de la Loire, il encadre ce large sommet avec ses hautes murailles et ses énormes tours ; de longs clochers d’ardoises les élèvent aux yeux, et donnent à l’édifice cet air de couvent, cette forme religieuse de tous nos vieux châteaux, qui imprime un caractère plus grave aux paysages de la plupart de nos provinces. […] Ce sophisme chattertonien admis, quelle admirable et naturelle exposition en action de la pièce et des caractères !

1752. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre I. De la sélection des images, pour la représentation. Le rôle du corps »

Le réaliste part en effet de l’univers, c’est-à-dire d’un ensemble d’images gouvernées dans leurs rapports mutuels par des lois immuables, où les effets restent proportionnés à leurs causes, et dont le caractère est de n’avoir pas de centre, toutes les images se déroulant sur un même plan qui se prolonge indéfiniment. […] Mais la vérité est que le caractère de mouvements extérieurement identiques est intérieurement modifié, selon qu’ils donnent la réplique à une impression visuelle, tactile ou auditive. […] Il y a, dans cette croyance au caractère d’abord inextensif de notre perception extérieure, tant d’illusions réunies, on trouverait, dans cette idée que nous projetons hors de nous des états purement internes, tant de malentendus, tant de réponses boiteuses à des questions mal posées, que nous ne saurions prétendre à faire la lumière tout d’un coup. […] Mais dès lors toute différence est abolie entre la perception et le souvenir, puisque le passé est par essence ce qui n’agit plus, et qu’en méconnaissant ce caractère du passé on devient incapable de le distinguer réellement du présent, c’est-à-dire de l’agissant. […] Si la mémoire est ce qui communique surtout à la perception son caractère subjectif, c’est, disions-nous, à en éliminer l’apport que devra viser d’abord la philosophie de la matière.

1753. (1896) Études et portraits littéraires

Autant de caractères de race. […] Nul caractère ne nécessite un ensemble déterminé. […] Le comique est plus simple, plus substantiel, plus gros ; même il a le caractère habituel d’énormité. […] Mais ce caractère extérieur, — avoué, du reste, par M.  […] L’erreur de Taine est d’étendre aux lois physiques le caractère nécessitant des lois mathématiques.

1754. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Je prie Dieu de lui faire connoître le péril qu’il court en confiant son ame à un homme de ce caractère ». […] Chaque mot a différens caractères : on est ignorant ou sçavant, à proportion des caractères qu’on parvient à connoître. […] Parmi ces personnes revêtues de caractère, étoit un prêtre des missions étrangères, nommé Maigrot. […] Ce caractère lui manquant, il n’étoit pas possible qu’elle se soutînt long-temps. […] Son enfance annonça son caractère.

1755. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Nous faisons ensemble des découvertes sur le caractère des hommes : par exemple, nous nous sommes finement aperçues qu’il y a dans ce monde beaucoup de vanité, et que la plupart des gens en ont. […] Ma mère, qui a tant de goût pour les anciens bâtiments, aimerait bien mieux l’église de Windsor avec les bannières des chevaliers et leurs armures complètes : j’ai fait une grande révérence à l’armure du Prince-Noir. » Son caractère de naturel, comme son piquant d’observation, nous demeure donc bien établi. […] Mais sa femme a d’autres goûts, un caractère à elle, de la volonté. […] En ces moments de dissolution de doctrines et de cohue universelle, à tout prix il importe d’avoir au dedans de soi, dans son caractère, dans sa conduite, des points invincibles et inexpugnables, fussent-ils isolés et sans rapport avec le reste de nous-même, — oui, des espèces de rochers de Malte ou de Gibraltar où l’on se rabatte en désespoir de cause et où l’on maintienne le drapeau. […] Il y disait : « Ce n’est qu’une bagatelle, assurément ; mais c’est une très-jolie bagatelle ; mais il y a de la facilité, de la rapidité dans le style, des choses qui font tableau, des observations justes, des idées qui restent ; mais il y a dans les caractères cet heureux mélange de faiblesse et d’honnêteté, de bonté et de fougue, d’écarts et de générosité, qui les rend à la fois attachants et vrais ; il y a une sorte de courage d’esprit dans tout ce qu’ils font, qui les fait ressortir, et je soutiens qu’avec une âme commune on ne les eût point inventés ; mais il y a une très-grande vérité de sentiments : toutes les fois qu’un mot de sentiment est là, c’est sans effort, sans apprêt ; c’est ce débordement si rare qui fait sentir qu’il ne vient que de la plénitude du cœur, dont il sort et coule avec facilité, sans avoir rien de recherché, de contraint, d’affecté, ni d’enflé… » 223.

1756. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

J’exprimai quelques doutes ; je demandai si, par exemple, Byron réussirait à peindre une nature inférieure, animale ; son caractère personnel me semblait trop puissant pour qu’il aimât à se livrer à de pareils sujets. […] Là où nous avons vu hier Hamlet, nous voyons aujourd’hui Staberle 20, et là où demain doit nous ravir la Flûte enchantée, il faudra, après-demain, écouter les farces du plaisant à la mode. » IV Voici comment, en homme supérieur, il se jugeait lui-même : « Le style d’un écrivain est la contre-épreuve de son caractère ; si quelqu’un veut écrire clairement, il faut d’abord qu’il fasse clair dans son esprit, et si quelqu’un veut avoir un style grandiose, il faut d’abord qu’il ait une grande âme. » Goethe a parlé ensuite de ses adversaires, disant que cette race est immortelle. […] Je pus en même temps vanter son talent, qui n’est pas ordinaire, et Goethe, qui connaît quelques-unes de ses œuvres, la loua comme moi. » « Une de ses poésies, dit-il, dans laquelle elle décrit un site de son pays, a un caractère très original. […] Il a aussi, dans un de ses romans, imité le caractère de ma Mignon ; avec autant de sagacité ? […] Mais avec une génération d’hommes mûrs il n’y a rien à faire, ni pour le corps, ni pour l’esprit, ni pour le goût, ni pour le caractère.

1757. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Cet oncle fabuleux du Titan rejoint, par son caractère raisonneur, les grands-parents de nos comédies ; il a l’air d’être l’ancêtre de ces pères nobles. […] IX. — Conception grandiose de la tragédie d’Eschyle. — Caractère mystérieux de son Prométhée. — Prométhée précurseur du Christ. — Les Prophétie et les Sibylles de Michel-Ange. — Prométhée interprété par la pensée moderne. […] Hermès est tout entier dans ce premier germe, son caractère mythologique se développe d’après les significations qu’il contient. […] Hermès prend un caractère auguste dans celle mission funéraire : non plus seulement conducteur, mais consolateur de la mort. […] Une seule situation : celle d’un supplice injuste subi par un Génie bienfaisant ; un seul nœud : le secret qu’il détient contre son tyran, et que toutes les violences de la force s’acharnent vainement à lui arracher ; un seul caractère : celui d’un héros inflexible que des épisodes successifs développent sous toutes ses faces, dans une attitude immuable.

1758. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

« Je vois, dit Ulysse dans une tragédie de Sophocle, que nous ne sommes que des images vaines ou des ombres légères. » C’est dans ce sens que disait La Bruyère : « Il n’y a point d’année où les folies des hommes ne puissent fournir un volume de caractères. » Ajoutez : et de Comédies. […] Chaque année un volume de caractères, chaque année une comédie ! […] Aujourd’hui comme autrefois, nous ne manquons pas de ces gens à qui la fortune tient lieu de politesse et de mérite, qui n’ont pas deux pouces de profondeur, à qui la faveur arrive par accident ; seulement ces fortunes subites qui sont le déshonneur de la Fortune elle-même, arrivent, aujourd’hui, par d’autres moyens que les moyens d’autrefois, elles se produisent, dans des lieux différents, avec des caractères tout nouveaux. […] comparez ce chapitre tout nouveau du mérite personnel, avec le même chapitre des mœurs et des caractères de ce siècle ! […] Elle savait confusément que si, d’ordinaire, le comédien et l’artiste passent vite, la durée est un des caractères du grand artiste.

1759. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

S’il ne promène pas sur les événements qu’il a devant lui, dans le brouillard ou dans la nuée, la lorgnette de Napoléon, c’est la vue la plus ferme à quinze pas que nous connaissions pour viser une situation donnée et dévisager un caractère. […] en provoquer peut-être ou en déterminer le caractère. […] À la force du bon sens qui le distinguait et qu’à partir de ce moment il ne faussa plus, Cassagnac ajoutait la force de caractère qui ne lui manqua jamais dans toutes les crises de la vie, et à cette force de caractère celle encore du sang-froid, que les gens à caractère n’ont pas toujours.

1760. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Paul Georges hésite entre l’étude de caractère et l’étude de mœurs : elle ne prend aucun des deux lièvres. […] Camée cherche avec candeur le secret des sottises qu’elle lui attribue « dans le caractère slave particulier greffé sur le caractère général féminin ». […] Le roman bientôt arrive, intrigue indifférente lue mille fois, et les nécessités de la pauvre fable faussent et banalisent les caractères. […] L’éducation ne peut que briser le caractère ou le ployer à des hypocrisies que secoueront brutalement de prochaines révoltes. […] Figurez-vous que « cette action, en leur faisant un autre sang, a changé leur caractère ».

1761. (1902) Le critique mort jeune

Elles feraient reconnaître ceux qui ne les comprendraient pas pour d’incurables fanatiques. « Scepticisme nouveau », avons-nous dit pour désigner le caractère éminent de son œuvre. […] Ce sont exactement toutes les formes de gouvernement connues : monarchisme, aristocratisme, socialisme, parlementarisme, démocratisme, etc… Ni fait ni à faire, voilà le caractère que M.  […] C’est par exemple : « … Le véritable caractère de l’humanité, qui est moins, n’est-ce pas ? […] Ces définitions montrent assez combien ceux-là mêmes qui se trouvaient au centre du mouvement se sont mépris sur son caractère. […] Aussi ses portraits sortent-ils des petits coins des « Caractères » et ses batailles de Van der Meulen.

1762. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Ce récit a de la netteté, de la fermeté ; le caractère en est simple ; on y sent l’amour du vrai. […] Plus on accordait à un homme de son âge du sérieux, de la lecture et de l’instruction en lui attribuant ce caractère indépendant, plus on le rendait impossible dans le cadre d’alors et inconciliable. […] À dater de ce moment (1715), les Mémoires de Saint-Simon changent un peu de caractère. […] Ce petit boudrillon voulait qu’on fît le procès à M. le duc du Maine, qu’on lui fît couper la tête, et le duc de Saint-Simon devait avoir la grande maîtrise de l’artillerie. — Voyez un peu quel caractère odieux, injuste et anthropophage de ce petit dévot sans génie, plein d’amour-propre et ne servant d’ailleurs aucunement à la guerre !

1763. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

Montesquieu, cherchant toujours des causes générales, attribue aux différences des climats les différences de caractères des peuples. […] Enfin, cela doit faire des caractères bien différents. […] Si, en général, le caractère est bon, qu’importe de quelques défauts qui s’y trouvent ? […] Voilà son caractère.

1764. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Son caractère était violent et un peu bizarre ; on ne savait jamais d’avance ce qu’il ferait, ce qu’il voudrait. […] Le caractère de mon père ne ressemblait nullement au sien. […] Ce trait de caractère se compliqua, en cette circonstance, d’une qualité qui m’a fait commettre autant d’inconséquences que le pire des défauts. […] En fait, je n’ai d’amour que pour les caractères d’un idéalisme absolu, martyrs, héros, utopistes, amis de l’impossible.

1765. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Sans doute, le public a saisi ce caractère ce l’œuvre ; une interprétation un peu hésitante aux débuts, mais bonne en somme6, une mise en scène minutieusement soignée par les directeurs, lui ont rendu plus aisée l’intelligence. […] Cependant je discerne dans l’œuvre un autre caractère moins généralement observé et qu’il importe de définir, c’est le caractère historique. […] Aragon, un italien, fait une étude psychologique des grands politiques, et arrive avec Schopenhauer à la conclusion que ces hommes sont dépourvus de génie proprement dit et que c’est le démon qui fait le fond de leur caractère.

1766. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

Gaveaux avait rendu cette pensée rêveuse et ce charme de la solitude qui font le caractère d’Atala » et remarquait que « depuis deux mois les journaux sont attelés à ce roman, on en morcelle, on en altère chaque phrase, on le parodie sans esprit, on le plaisante sans gaîté » ; mais, ajoutait-il, « le nom de l’héroïne et de l’auteur seront dans toutes les bouches qui récompensent le succès ». […] « Timide et contraint devant son père, il ne rencontrait l’aise et le contentement qu’auprès de sa sœur Amélie. » La gêne et la lésine, les hôtes inévitables des familles nobles, chargées d’enfants, ruinées et humiliées par le luxe des parvenus bourgeois, aigrirent son caractère dès l’enfance. […] Cette nécessité de tout rapporter au hasard, à la Fatalité, jetait les esprits dans la superstition et dans le catholicisme : il existe encore d’autres causes tout aussi réalistes qui expliquent la renaissance du catholicisme et le caractère religieux du romantisme. […] Mais on n’en était pas encore là en 1800 ; et Mme de Staël insiste sur le caractère nouveau de l’amour.

1767. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

Cependant, en faveur de la pureté éminemment classique de son style et du naturel exquis avec lequel y sont tracés les divers caractères qui lui impriment la vie, nous le prierons au moins de vouloir bien mitiger son arrêt, et de comprendre ce chef-d’œuvre sous la dénomination de classico-romantique, en lui souhaitant pour sa propre gloire d’en produire un pareil. » VI Je reprends : Mon impression personnelle ne fut ni moins vive ni moins ravissante que celle du traducteur, la première fois que le poème dramatique de Sacountala tomba sous mes yeux. […] Dans les œuvres de l’Inde, comme dans celles de la Grèce ou de l’Italie, le caractère pour ainsi dire granitique des premiers poètes est une certaine brièveté mâle et sobre qui calque la nature de plus près, et qui ne pare d’aucun vêtement et d’aucun ornement inutile le nu et le muscle de la pensée. […] VII Ces observations sont justifiées dans les Indes comme dans l’Europe par le caractère gigantesque des poésies primitives, comparé à la dégénération des poésies des époques plus récentes. On vérifie au premier coup d’œil ce caractère de virilité dans l’antique, de raffinement et d’afféterie dans le moderne, en comparant le poème antique de Sacountala avec le drame relativement plus moderne qui porte ce nom.

1768. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

Nous avons vu dans Joinville un sentiment pareil lors du départ de la flotte de saint Louis à Marseille, et lors du second départ, à l’île de Chypre : mais l’enthousiasme de Villehardouin a un caractère plus haut et plus sévère que l’épanouissement et l’enfance d’allégresse de l’aimable Joinville. […] Et quant au caractère même de l’homme, du guerrier si noblement historien, je dirai pour conclure : Villehardouin, tel qu’il apparaît et se dessine dans son Histoire, est bien un homme de son temps, non pas supérieur à son époque, mais y embrassant tous les horizons ; preux, loyal, croyant, crédule même, mais sans petitesse ; des plus capables d’ailleurs de s’entremettre aux grandes affaires ; homme de conciliation, de prudence, et même d’expédients ; visant avec suite à son but ; éloquent à bonne fin ; non pas de ceux qui mènent, mais de première qualité dans le second rang, et sachant au besoin faire tête dans les intervalles ; attaché féalement, avec reconnaissance, mais sans partialité, à ses princes et seigneurs, et gardant sous son armure de fer et du haut de ses châteaux de Macédoine ou de Thrace des mouvements de cœur et des attaches pour son pays de Champagne.

1769. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Mais quand tout s’écroule et se renouvelle, quand les institutions antiques tombent en ruines et que l’état futur n’est pas né, que toutes les règles de conduite et d’obéissance sont confondues, que la justice et le droit hésitent entre les cupidités, les intérêts révoltés qui courent aux armes, c’est alors que le don de sagesse est bien précieux en quelques-uns, et que les hommes qui le possèdent sont bientôt appréciés des chefs dignes de ce nom, qu’ils sont appelés, écoutés longtemps en vain et en secret, qu’ils ne se lassent jamais (ce trait est constant dans leur caractère), qu’ils attendent que l’heure du torrent et de la colère soit passée pour les événements et pour les hommes, et qu’habiles à saisir les instants, à profiter du moindre retour, ils tendent sans cesse à réparer le vaisseau de l’État, à le remettre à flot avec honneur, à le ramener au port, non sans en faire eux-mêmes une notable partie et sans y tenir une place méritée. […] Villeroi et le président Jeannin, engagés dans la Ligue, s’y distinguèrent par ce caractère de grand jugement et de droiture d’esprit : le président Jeannin particulièrement, figure antique, qui l’emporte sur le sage et prudent Villeroi par plus d’élévation, d’originalité, de vigueur, de doctrine, et par une véritable prud’homie.

1770. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Croyez que je forçai bien mon naturel… » Il s’attacha à réfuter par sa conduite les préventions qu’on avait formées en France contre son caractère, et il pratiqua le conseil que le roi lui avait donné en le nommant, qui était de laisser sa colère en Gascogne. […] Or, sachez que ce meilleur cheval de Montluc, qu’il eût donné de tout son cœur pour avoir l’hymne des dames siennoises en l’honneur de la France, était un cheval turc dont il a dit « qu’il l’aimait, après ses enfants, plus que chose du monde, car il lui avait sauvé la vie ou la prison trois fois. » Je n’ai pas à entrer dans le détail du siège ; il me suffit d’en avoir signalé le caractère et de donner envie aux curieux de rechercher les pages qui y sont consacrées14.

1771. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Quand elle a ainsi rappelé toutes les conditions imposées et toutes les obligations, ce caractère où se confond le personnage de mère, de sœur aînée et de religieuse, et qui a pour objet de former de pauvres nobles jeunes filles destinées à édifier ensuite des maisons religieuses, mais surtout des familles, et à renouveler le christianisme dans le royaume ; des jeunes filles à qui l’on dit sans cesse : « Rendez-vous à la raison aussitôt que vous la voyez. — Soyez raisonnables, ou vous serez malheureuses. — Si vous êtes orgueilleuses, on vous reprochera votre misère, et si vous êtes humbles, on se souviendra de votre naissance » ; — quand elle a ainsi épuisé la perfection et la beauté de l’œuvre à accomplir, on conçoit que Mme de Maintenon, s’arrêtant devant son propre tableau, ajoute : « La vocation d’une dame de Saint-Louis est sublime, quand elle voudra en remplir tous les devoirs. » Tout ne se fit point en un jour ; il y eut des années de tâtonnement, et même où l’on sembla faire fausse route. […] c’est précisément ce don des larmes que, même toute part faite au grave caractère d’institutrice, on regrette de ne jamais sentir, de près ni de loin, dans le cœur ni sous la raison de Mme de Maintenon ; et au milieu de tous les éloges et de tous les respects que mérite son noble, son juste, délicat et courageux bon sens, c’est aussi la seule réserve et la seule restriction que j’aie voulu faire.

1772. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

Tant de discours amoureux, tant de descriptions galantes, une femme qui ouvre la scène par une tendresse déclarée et qui soutient ce sentiment jusqu’au bout, et le reste du même genre, lui fit dire que cet ouvrage était indigne non seulement d’un évêque, mais d’un prêtre et d’un chrétien… Voilà ce que M. de Meaux pensa de ce roman dès le commencement ; car ce fut là d’abord le caractère de ce livre à Paris et à la Cour, et on ne se le demandait que sous ce nom : le roman de M. de Cambray. » Et le dimanche 14 mars de la même année : Il paraît une nouvelle critique de Télémaque, meilleure que la précédente, où le style, le dessein et la suite de l’ouvrage, tout enfin est assez bien repris, et dont on ignore l’auteur. […] Je comparerais à quelques égards, et sauf toutes les différences de la condition et du saint caractère, mais en ne pensant qu’à la bonté et au génie, cette vieillesse déclinante de Bossuet à celle du grand Corneille.

1773. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Il avait publié auparavant ses impressions de voyageà Rome et en Italie, sous le titre de Rome et Lorette(il ya de belles choses), et, plus anciennement encore, unvoyage en Suisse (1839), ou plutôt les Pèlerinages de Suisse ; car tout prend un caractère religieux sous laplume de M.  […] Veuillot distingue deux veines et deux courants dans la littérature française, le courant gaulois, naturel, et ce qu’il appelle l’influence sacrée, religieuse, épiscopale : il fait à celle-ci, pour la gravité et l’élévation, une part bien légitime ; il est ingrat pourl’autre, pour le vrai et naïf génie national qu’il sent sibien, qu’il définit par ses heureux caractères, et que tout à coup il appelle détestable, se souvenant que ce libre génie ne cadre pas tous les jours avec le Symbole.

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