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1991. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

Là, où nous avons habité autrefois, notre nom ne se prononce plus ; des enfants, qui ne sont plus les tiens, ont foulé le parquet où j’appris à marcher, et là où le long de cette rue, le jardinier Robin me traînait chaque matin à l’école, enchanté de ma voiture d’enfant, enveloppé d’un chaud manteau écarlate et coiffé d’une toque de velours, c’est devenu maintenant une histoire peu connue qu’autrefois nous appelions la maison pastorale la nôtre. […] Il avait perdu son père depuis plusieurs années, et il dissipait doucement son patrimoine, lorsque venant à sentir la nécessité de ce qu’on appelle une position, il eut recours à un ami, à un parent en crédit qui le fit nommer secrétaire à la Chambre des lords. […] Il en éprouva une telle consolation et une vue de foi si pleine et si lumineuse, que le médecin craignit que cette brusque transition du désespoir à la joie n’amenât à son tour une crise nouvelle. — « L’homme, a dit admirablement Cowper dans un de ses meilleurs poèmes, est une harpe dont les cordes échappent à la vue, chacune rendant son harmonie lorsqu’elles sont bien disposées ; mais que la clef se retourne (ce que Dieu, s’il le veut, peut faire en un moment), dix mille milliers de cordes à la fois se relâchent, et jusqu’à ce qu’il les accorde de nouveau, elles ont perdu toute leur puissance et leur emploi. » La convalescence se soutenant, Cowper résolut de changer tout son train de vie, et renonçant pour jamais à Londres qu’il appelait le théâtre de ses abominations, et qui l’était plutôt de ses légèretés, il chargea son frère de lui trouver une retraite de campagne dans quelque petite ville, non éloignée de Cambridge.

1992. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

Lus aujourd’hui, ils plaisent encore ; ils montrent surtout combien le goût public a changé, et comment on demande moins souvent qu’autrefois aux auteurs de ces vers qu’on appelait spirituels. […] Byron, dans un moment d’humeur, a appelé Cowper un poète mitonné (coddled). […] Une fois il a découvert dans ses courses autour d’Olney, sur une colline assez escarpée, une toute petite cabane cachée dans un bouquet d’arbres, et il l’a appelée le nid du paysan ; il rêve de s’y établir, d’y vivre en ermite, y jouissant de son imagination de poète et d’une paix sans mélange ; mais il ne tarde point à s’apercevoir que le site est incommode, qu’on y manque de tout, qu’il est dur d’être seul : tout bien considéré, il préférera son cabinet d’été et sa serre avec son simple et gracieux confort, et il dira à la hutte sauvage et pittoresque : « Continue d’être un agréable point de vue à mes yeux ; sois mon but de promenade toujours, mais mon habitation, jamais ! 

1993. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Quant à ce que j’appelle la troisième génération, et dans laquelle je prends la liberté de ranger les gens de mon âge à la suite de ceux qui ont une dizaine d’années de plus, c’est moins d’une admiration excessive qu’ils eurent à revenir que d’un sentiment plus ou moins contraire. […] Mes anges (il appelle ainsi M. et Mme d’Argental), en attendant la tragédie, voici la farce ; il faut toujours s’amuser, rien n’est si sain. […] Ainsi il est étrange, me dit mon excellent avertisseur, que Voltaire s’étonne de ce que les angles ne sont pas proportionnels, quoique les sinus le soient ; car c’est une proposition élémentaire de géométrie « que les arcs de cercle sont proportionnels aux angles au centre qui les comprennent » ; mais quant à la ligne qu’on appelle sinus, ce n’est qu’une fonction de l’angle, et qui seule ne suffit pas pour le mesurer.

1994. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

La gaieté, que Villars « appelait l’âme de la nation », il ne négligea rien non plus pour la leur rendre, et il en avait lui-même sa bonne dose. […] On lui avait un moment donné pour second, dans cette prévision d’une bataille prochaine, le maréchal de Berwick avec qui il vécut en bons termes, bien qu’ils fussent quelquefois d’avis différents : « Je me doutais, dit Villars, qu’il était chargé de tempérer ce qu’on appelait ma trop grande ardeur : c’est pourquoi je n’hésitais pas à proposer les projets les plus hardis, persuadé qu’on en rabattrait toujours assez. » Dans la première partie de cette campagne de 1710 il ne put, malgré sa bonne envie, secourir et sauver Douai ; dans la seconde partie il sut manœuvrer et se poster assez bien pour empêcher le siège d’Arras, et l’on en fut quitte pour perdre Béthune, Saint-Venant et Aire. […] On traversa l’Escaut sur des ponts improvisés ; on arriva à cette double ligne établie pour la sûreté des convois, et que les ennemis avaient appelée le chemin de Paris ; on assaillit d’emblée le camp surpris, et on défit totalement le corps qui y était retranché.

1995. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

Son caractère est dénué de toute élévation, et le cœur n’y supplée pas : on ne l’appellera plus maintenant le bon abbé Le Dieu. […] Ainsi, il fera dire à Bossuet qu’il pressait de publier son ouvrage contre Richard Simon : « Avant toute chose, il ne se faut pas mettre la tête en quatre. » Il lui fait dire au sujet des lenteurs et des difficultés qu’éprouve cette publication : « Si nous obtenons ce que nous demandons, il y a de quoi faire bien enrager M. le chancelier ; mais aussi, si nous sommes tondus, nous enragerons bien. » Bossuet tondu et Bossuet enrageant, ce n’est pas là ce que j’appelle, en bonne peinture de portrait, de la ressemblance. […] Ces haines étroites et tout ce qu’elles engendrent, ces trigauderies, comme il les appelle élégamment, font souvent penser aux Célibataires de Balzac, à ce duel fourré de l’abbé Birotteau et de l’abbé Troubert. — Quand la famille de Bossuet, toutes affaires terminées, quitte Meaux définitivement, Le Dieu les salue de cet adieu vraiment cordial et touchant : « Ainsi pour le coup, voilà les Bossuet partis de Meaux : la maison rendue et vidée. — Mardi 2 novembre 1706, est arrivé l’entier délogement de l’abbé Bossuet de Meaux, la dernière charrette partie et la servante dessus, et Cornuau même, son homme d’affaires, parti aussi : Dieu soit loué ! 

1996. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

— La comtesse de Boufflers, qu’on a souvent confondue avec la précédente, et qui, sans qu’on veuille en rien faire tort à celle-ci, lui était, au dire de bons témoins, « supérieure en figure, en agréments, en esprit et en raison  » ; qui avait aussi, il faut en convenir, plus de prétentions qu’elle au bel esprit et à l’influence, a pour qualité distinctive d’avoir été l’amie du prince de Conti, celle de Hume l’historien, de Jean-Jacques, du roi de Suède Gustave III ; elle est perpétuellement désignée dans la Correspondance de Mme du Deffand sous le nom de l’Idole : le prince de Conti ayant dans sa juridiction le Temple en qualité de grand-prieur, la dame favorite qui y venait, qui même y logeait et y avait son jardin et son hôtel attenant, s’appelait tout naturellement l’Idole du Temple ou, par abréviation, l’Idole. […] Tous les contemporains s’accordent à dire qu’elle était fort belle, et cette beauté, bien que de celles qu’on appelle délicates, se soutint longtemps. […] Que lui manque-t-il donc à cette Idole, à cette « divine comtesse », comme l’appelait ironiquement Mme du Deffand ?

1997. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

A l’occasion de quoi mon intention est, et vous ordonne et enjoins bien expressément que, sans délai ni excuse, reveniez, au plus tôt que la présente vous sera rendue, faire le dû et service de la charge où vous avez été si légitimement appelé. […] Si vous l’appelez ainsi, monsieur Feuillet, vous allez trop loin et je vous arrête. Il suffisait, en ces meilleurs moments, de l’appeler un noble cœur, et qui avait des sentiments délicats.

1998. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Je ne saurais dire si le musicien qui jouait du biniou s’en acquittait avec talent, mais il en jouait du moins avec une violence telle, il en tirait des sons si longuement prolongés, si perçants et qui déchiraient avec tant d’aigreur l’air sonore et calme de la nuit, que je ne m’étonnais plus, en l’écoutant, que le bruit d’un pareil instrument nous fût parvenu de si loin ; à une demi-lieue à la ronde, on pouvait l’entendre… Les garçons avaient seulement ôté leurs vestes, les filles avaient changé de coiffes et relevé leurs tabliers de ratine : mais tous avaient gardé leurs sabots, — disons comme eux leurs bots, — sans doute pour se donner plus d’aplomb et pour mieux marquer, avec ces lourds patins, la mesure de cette lourde et sautante pantomime appelée la bourrée. […] Dominique, au milieu de ce laboratoire singulier, plein de charpentes, de madriers, de cabestans, de roues en mouvement, qu’on appelle un pressoir. […] Il avait gardé sa tenue de chasse, et rien ne l’eût distingué des hommes de peine, si chacun d’eux ne l’eût appelé Monsieur notre maître.

1999. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

Don Diègue le relève, le remet dans le ton généreux : il n’est pas temps de gémir ni de mourir ; de nouveaux dangers l’appellent ; et ici se présente l’épisode des Maures à combattre et cette occasion soudaine, développée dans un si beau récit, cette fois tout cornélien et original : « Il n’est pas temps encor de chercher le trépas ; Ton prince et ton pays ont besoin de ton bras. […] Voyant entrer don Sanche qui s’agenouille et lui présente inopinément une épée, Chimène ne lui donne pas le temps de s’expliquer ; elle lui coupe la parole, elle l’insulte, elle l’appelle assassin et traître : « Va, tu l’as pris en traître ; un guerrier si vaillant N’eût jamais succombé sous un tel assaillant. » Adieu la dignité ! […] Dans une forêt montagneuse, on entend des gémissements : il est le premier à les distinguer, car ses compagnons disent qu’ils n’entendent rien, et tandis qu’ils s’asseyent pour faire un repas à l’ombre, les gémissements recommencent ; c’est la plainte d’un lépreux qui, du creux d’une fondrière où il est tombé, appelle au secours et supplie les passants (s’il en vient) au nom du Christ.

2000. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Sur la fin de ce séjour et pendant l’exercice de cette garnison si bien établie et consolidée, Louis XIV jugea à propos de le détacher pour lui confier le commandement de la petite armée qu’il envoya en 1686 au duc de Savoie : elle devait l’aider à chasser des vallées des Alpes les religionnaires désignés sous le nom de Vaudois et qui vivaient là cantonnés depuis des siècles ; on les appelait aussi Barbets les jours de mépris et d’insulte, à cause de l’ancien nom de leurs pasteurs (barbas). […] Appelez cela fanatisme ou foi, peu importe82. […] Je l’ai appelé autrefois « le héros sans désir. ».

2001. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

. — Ces attrapes et ces niches de Louis XVIII lui étaient restées sur le cœur ; il l’appelait par sobriquet le roi nichard. […] On ne lui donne pas d’argent, et il fait du scandale ; si l’on peut appeler scandale des injures bien grossières, adressées par un voleur de grand chemin à des gens qu’il n’a jamais vus. […] Mme de Sévigné n’appelait ce démon de Retz dans sa vieillesse que « notre bon cardinal ».

2002. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

Le 18 octobre 1807, Berthier annonce à Clarke, ministre de la guerre, que, « par décision du 16 octobre, l’adjudant-commandant Jomini, provisoirement appelé près de l’Empereur dans les dernières campagnes, doit retourner auprès de Ney, qui l’a demandé. » De son côté Ney écrit au ministre Clarke, de Fontainebleau, le 5 novembre 1807 : « Excellence, l’Empereur a daigné me promettre à Friedland de nommer M. l’adjudant-commandant Jomini chef de l’état-major du 6e corps d’armée ; je vous prie d’obtenir une décision définitive de Sa Majesté à cet égard. […] Soult était accusé par ses propres soldats d’avoir voulu se faire roi en Portugal : « L’Empereur traita cela de niaiserie ; cependant il fit appeler Jomini le soir même, lui fit répéter l’aventure en présence de Masséna et du prince Eugène, et leur dit : « Pensez-vous qu’il y ait un maréchal de France assez fou pour se proclamer roi indépendant ? […] Je demande pardon de tant insister, mais la vie, la carrière du général Jomini, de « cette perle des officiers d’état-major », comme je l’entends appeler par un bon juge, est restée pour beaucoup une énigme et un problème.

2003. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

On a demandé quelquefois si ce qu’on appelait romantisme en 1828 avait finalement triomphé, ou si, la tempête de Juillet survenant, il n’y avait eu de victoire littéraire pour personne ? […] « Je vivais souvent seule par goût. — On m’appela au théâtre Feydeau. […] Il lui portait un intérêt tout paternel, et, touché de sa noble physionomie tout empreinte de mélancolie, il l’appelait un petit roi détrôné.

2004. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

Or, depuis 1819, ce qu’on pourrait appeler l’école poétique française n’a pas cessé de marcher et de produire : son développement non interrompu se partage assez bien en trois moments distincts ; on y compte déjà trois générations et comme trois rangées de poëtes. […] Un baiser, le premier qu’il ait donné à sa Mamette, comme il appelle Déidamia, va lui être rendu. […] L’âme, rayon du ciel, prisonnière invisible, Souffre dans son cachot de sanglantes douleurs ; Du fond de son exil elle cherche ses sœurs ; Et les pleurs et les chants sont les voix éternelles De ces filles de Dieu qui s’appellent entre elles.

2005. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Tous les deux se rapportent à ce qu’on appelle la réaction, et ils en marquent comme deux temps, coup sur coup, dans leur applaudissement sonore. […] Ce qu’on appelle réaction en littérature n’a aucun sens raisonnable, ou n’a que celui-là. […] Rien de plus difficile, de plus impossible, on le croira, que de régler les hommes d’imagination, de les discipliner et de les classer, de les diriger aux œuvres qui les appellent et qui leur siéraient ; mais il faut convenir, à leur décharge, que jamais, à aucun moment, on ne s’est moins occupé de ce soin qu’aujourd’hui.

2006. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Quand même, en mourant, il ne se serait pas souvenu de nous à cet effet, et ne nous aurait pas expressément nommé pour réparer à son égard et autant qu’il serait en nous, ce qu’il appelait la félonie du sort, nous aurions lieu d’y songer tout naturellement. […] Mais, cette fois, sa fierté vaincue céda aux sentiments affectueux, et il appela auprès de son lit de mort l’artiste éminent et bon, qui, durant les six semaines finales, lui prodigua d’assidus témoignages, recueillit ses paroles fiévreuses et transmit ses volontés dernières. […] Ces trois morceaux en regard appellent bien des pensées.

2007. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Il faut, quand on parle d’un marchand, nommer, comme La Fontaine, « les facteurs, les associés, les ballots, le fret », raconter la vente « du tabac, du sucre, de la porcelaine et de la cannelle. » Si vous voulez peindre un singe qui dissipe le trésor de son maître et fait des ricochets avec des louis, ne dites pas simplement qu’il jette l’argent par la fenêtre ; donnez le détail de cet argent ; appelez chaque pièce par son titre ; amoncelez les « pistoles, les doublons, les jacobus, les ducatons, les nobles à la rose » ; nous nous rappellerons l’effigie et l’exergue, et, au lieu de comprendre, nous verrons. […] A l’intérieur, les deux premières rimes appellent toutes les autres. […] D’où il suit que les sons s’appellent comme les idées et comme les phrases ; la logique, la grammaire et la musique s’accordent pour former un tout indissoluble.

2008. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

« Quand nous étions enfants, nous nous amusions quelquefois, mes petites sœurs et moi, à un jeu que nous appelions la musique des anges. […] I Le bruit de ses heureuses dispositions parvint jusqu’à son oncle, Antoine de Fénelon qui, arrivé au premier grade de l’armée, appela son neveu auprès de lui à Paris. […] IV L’évêque de Sarlat l’appela de ces humbles fonctions dans son diocèse, pour le faire nommer représentant du clergé de la province à l’assemblée générale du clergé.

2009. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

Sainte-Beuve mêle avec beaucoup de grâce les deux méthodes, apprécie quelquefois, mais plus souvent décrit, juge encore les œuvres d’après la tradition, du goût classique, mais élargit cette tradition, s’applique plus volontiers, se promenant à travers toute la littérature, à faire des portraits et des biographies morales, et fournit je ne sais combien de pièces, éparses, mais exquises, à ce qu’il appelait si bien l’histoire naturelle des esprits. […] C’est le spectre du pessimisme qu’il voit se dresser au bout de tous les chemins qu’il s’est taillés dans ce que Shakespeare appelle la forêt des âmes. […] Paul Bourget appelle lui-même son dernier roman, André Cornélis, une « planche d’anatomie morale », et il n’a que trop raison.

2010. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Son succès lui valut, après un trimestre passé au collège de Reims, d’être appelé au collège Henri IV, où le roi Louis-Philippe venait d’envoyer deux de ses fils. […] Il écrivait encore à l’empereur : « Assurons à ceux qui, par leurs qualités naturelles, leur naissance ou leur fortune, sont appelés à marcher au premier rang de la société… la culture de l’esprit la plus large… afin de fortifier l’aristocratie de l’intelligence au milieu d’un peuple qui n’en veut pas d’autre… » — Et c’est pourquoi il supprima la bifurcation en études scientifiques et littéraires, « qui sépare, disait-il, ce qu’on doit unir lorsqu’on veut arriver à la plus haute culture de l’intelligence » ; introduisit dans les lycées l’histoire contemporaine et quelques notions économiques ; restaura la classe de philosophie, si prospère aujourd’hui et suivie avec tant de passion par les mieux doués de nos enfants. […] D’un autre côté, une morale rationaliste, non assise sur des dogmes, non défendue par des terreurs et des espérances précises d’outre-tombe, fondée sur le sentiment de l’utilité commune, sur l’instinct social, sur l’égoïsme de l’espèce qui est altruisme chez l’individu et s’y épure et s’y élargit en charité, enfin sur ce que j’appellerai la tradition de la vertu simplement humaine à travers les âges, une telle morale ne peut que très lentement établir son règne dans les multitudes : il lui faut du temps, beaucoup de temps, pour revêtir aux yeux de tous les hommes un caractère impératif.

2011. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

Les Suppliantes offrent le type de ce qu’Aristote appelait la « tragédie simple ». […] Cléomène avait traîtreusement appelé hors d’un bois sacré des fugitifs d’Argos qui s’y étaient réfugiés après un combat. […] » — Le Héraut rit de leur désespoir : — « Criez, lamentez-vous ; dans le vaisseau vous gémirez plus à l’aise. » — Elles appellent les dieux au secours ; mais l’homme d’Égypte, adorateur des vieilles idoles à têtes d’animaux, renie les divinités de l’Hellade et il les méprise.

2012. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Elles provoquent la polémique et elles appellent la riposte. […] Madame Aubray n’est pas une libre penseuse, ce n’est point non plus « une mère de l’Église », comme madame de Sévigné appelait les doctoresses de son temps. […] Mais, restée seule avec son enfant, Jeannine — c’est son nom, — s’entend appeler par un homme qui, debout dans l’embrasure d’une fenêtre, lui parle sans retourner la tête.

2013. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Elle conçut d’abord cette machine qu’on appelle un salon dans toute son étendue, et sut l’organiser au complet avec des rouages doux, insensibles, mais savants et entretenus par un soin continuel. […] Mme de Tencin appelait les gens d’esprit de son monde ses bêtes ; Mme Geoffrin continuait un peu de les traiter sur le même pied et à la baguette. […] C’est elle qui a dit de l’abbé Trublet, qu’on appelait devant elle un homme d’esprit : « Lui, un homme d’esprit !

2014. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Bazin, son bienfaiteur, « et à s’appeler désormais Bazin de Raucou ». […] J’y vois quantité de remarques fines, rangées les unes à côté des autres, un peu trop de ce qu’on appelle dans les classes de l’esprit de vers latins. Les connaisseurs pourtant ont retenu et me signalent du doigt dans ces volumes un vrai bijou, la vie et la mort de Mayeux, le fameux Mayeux (le type grotesque de notre versatilité politique), venu au monde à Paris le 14 juillet 1789, et qui s’est successivement appelé Messidor-Napoléon-Louis-Charles-Philippe Mayeux, selon les noms des divers régimes qu’il a, tour à tour, épousés ou répudiés, Mayeux un moment porté sur le pavois après 1830, et qui meurt, vers 1833, de douleur et de honte d’avoir été renvoyé des rangs de la Garde nationale et rayé des contrôles comme coupable de faire rire.

2015. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Aussi, plus tard, ne cessa-t-il d’ajouter une grande importance en toutes choses à ce qu’il appelait la mise en scène. […] J’indique le faible du système, ce qu’on a appelé l’enfant gâté de l’érudition de M.  […] Fauriel, Raynouard, rendant compte d’une publication de ce jeune érudit dans le Journal des savants (août et septembre 1833), disait, en terminant : Mais dans ces recherches, dans ces discussions auxquelles de jeunes littérateurs sont pareillement appelés à se livrer avec nous tous vétérans des études, n’oublions jamais, ni les uns ni les autres, qu’il s’agit de discuter et non de disputer.

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