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1002. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Les Mémoires d’une femme de chambre » pp. 309-321

Les Mémoires d’une femme de chambre I Il faut donc en parler malgré nous, de ce petit livre que le doux Jules Janin appelait, l’autre jour, bête et ennuyeux, et qui n’a pas moins son succès, je ne dirai pas comme s’il était spirituel, car ce n’est plus là une raison ! […] L’homme assez souple pour écrire les lettres rouges de désir et sans orthographe de cette petite pensionnaire de seize ans qui s’appelle Cécile de Volanges pouvait peut-être écrire les Mémoires d’une femme de chambre et faire croire à leur réalité ! […] Commencé par des livres où le talent rayonnait encore, le mal de ces misérables romans, qu’on pourrait encore appeler la Photographie de la fille au dix-neuvième siècle, se continue par les livres mal faits et s’achève (comme ici) par les livres ineptes.

1003. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVII. Des panégyriques ou éloges adressés à Louis XIII, au cardinal de Richelieu, et au cardinal Mazarin. »

Ils avouent que l’abaissement des grands était nécessaire ; mais ceux qui ont réfléchi sur l’économie politique des États, demandent si appeler tous les grands propriétaires à la cour, ce n’était pas, en se rendant très utile pour le moment, nuire par la suite à la nation et aux vrais intérêts du prince ; si ce n’était pas préparer de loin le relâchement des mœurs, les besoins du luxe, la détérioration des terres, la diminution des richesses du sol, le mépris des provinces, l’accroissement des capitales ; si ce n’était pas forcer la noblesse à dépendre de la faveur, au lieu de dépendre du devoir ; s’il n’y aurait pas eu plus de grandeur comme de vraie politique à laisser les nobles dans leurs terres, et à les contenir, à déployer sur eux une autorité qui les accoutumât à être sujets, sans les forcer à être courtisans. […] Mazarin le fit appeler, lui fit des reproches de ce qu’il traitait si mal ses amis, et lui donna sur-le-champ une abbaye de quatre mille livres. […] Il lui apprend qu’il est le plus grand homme de Rome moderne, et il l’appelle très sérieusement l’ homme au-dessus de l’homme .

1004. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Or voilà les miracles qu’accomplit cette magie des sons qu’on appelle la musique. […] Il n’en est pas ainsi de la musique, art dissimulé, subtil, hypocrite, et que j’appellerais volontiers jésuitique. […] Qu’est-ce que l’amour par exemple, et de quel nom appeler les excès auxquels il nous porte ?  […] Le drame s’appelle La Dévotion à la Croix. […] C’est là ce qu’il appelle l’affranchissement de l’individu par la nature.

1005. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

On n’a pas besoin de battre la générale pour m’y appeler. […] En voyage est la suite nécessaire de cette merveilleuse suite d’impressions de voyages qui s’appellent : Le Rhin. […] À peine pouvais-je distinguer au loin à l’horizon la petite forteresse, isolée dans la mer entre la terre et l’île, qu’on appelle le pavé. […] (Nous l’appellerons Charles pour la facilité du récit.) […] Une demi-heure après, la mère Lecoq vint m’appeler. — Entendez-vous ?

1006. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Il prétend qu’on m’appelle le Mariéton de Cuba. Je lui ai fait répondre que personne n’aura l’idée de l’appeler le Heredia de Ly on. […] Durand appelle un fiacre. […] Tailhade l’appelait le poète au compte-goutte. […] Il appelait les anarchistes des « entrepreneurs de bombes funèbres ».

1007. (1900) Molière pp. -283

On ne dira jamais qu’il a exposé régulièrement ce qu’on appelle une action. […] Nous en savons la date exacte par la gazette de Loret, et c’est en 1665 qu’il commence sa guerre contre la maladie, j’appelle ainsi sa guerre contre les médecins. […] Parce qu’elle l’appelle mon cœur et soigne très tendrement ce pauvre corps infirme. […] « La cabale », Molière a prononcé le mot, qu’il n’avait pas prononcé dans Tartuffe, il n’avait fait que s’attaquer à un caractère isolé ; et, là, il dit à la dévotion intrigante et fausse, « tu t’appelles légion ; tu t’appelles cabale !  […] Dès qu’il a parlé deux fois à une femme dans un bal, il l’appelle par son prénom : « la belle Athénaïs », et le lendemain il lui adresse un bouquet.

1008. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

Il changea encore une fois son nom propre et s’appela Tamé Kazou ou I-itsou. […] Une femme apportant une tasse de thé à un Japonais, jouissant à l’endroit, appelé autrefois Mattiyama, de la belle vue de la rivière. […] bien, il y a un homme de Yédo, appelé Hokousaï, adonné depuis de longues années à la peinture, et qui remplit ces trois conditions. […] Des objets qui étaient carrés, on les fait ronds et le monde trouve cela plus beau : ça s’appelle la mode. […] Pêcheuses de coquilles, appelées awabi.

1009. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

J’ai voulu citer cette expression fidèle d’un regret d’amateur, parce qu’elle se rattache à un sentiment plus général, à celui que porte tout antiquaire et tout ami des souvenirs dans l’objet favori de son culte, dans ce coin réservé du passé où l’on a mis son étude, son investigation sympathique et pieuse, une part de son imagination et de son cœur, et où l’on ne voudrait appeler que ceux qui sont dignes d’en tout apprécier et comprendre. […] Montaigne, dans une lettre à son père, a raconté en détail les principales circonstances de cette mort à la fois stoïque et chrétienne : surtout il nous a tracé, dans son chapitre sur l’amitié, un admirable portrait de sa liaison avec celui qu’il appelait presque dès le premier jour du nom de frère. […] Il faut s’adresser à Montaigne pour entendre une plainte, pour apprendre que son ami était si loin d’être à la place où l’appelait son mérite, et pour être informé de cette supériorité en tout point qu’il était fier de lui décerner. […] Il est à croire, puisqu’ils voulaient perdre notre Europe et la remettre en friche par les dissensions et par les guerres, que les dieux, dans leur indulgence, préparaient un asile aux peuples fugitifs, et que c’est à cette fin qu’aux approches de ce siècle, du sein des vastes mers, ils ont fait jaillir un monde : — un monde vierge, humide encore, qui d’abord ne pouvait, dit-on, supporter qu’à peine les traces légères de quelques races errantes, et où maintenant le sol facile appelle la charrue, où les champs illimités n’attendent qu’un maître. […] Il est vrai que c’est surtout depuis l’établissement de ce qu’on appelle la société polie que les exemples d’amitié où interviennent les femmes sont plus en vue.

1010. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Ce qu’il appelle un caprice arbitraire des nations n’était pas si arbitraire. […] Rendant hommage au mérite de M. de La Motte, qu’il ne craint pas d’appeler, « de l’aveu de tout le monde littéraire, un des premiers hommes de son siècle », l’abbé de Pons s’exprimait en paroles bien senties et moins contestables sur son caractère moral et ses vertus de société : Cette supériorité24, disait-il, est d’ordinaire compagne de l’orgueil immodéré ; mais le souverain éloge de M. de La Motte, c’est d’avoir su allier aux talents les plus éminents la plus modeste opinion de lui-même ; c’est de n’avoir jamais cherché dans les ouvrages de ses rivaux que le beau pour le protéger, et de s’être imposé un silence religieux sur les fautes dont il aurait pu triompher. […] On cite de lui ce joli mot à quelqu’un qui l’abordait en croyant le reconnaître, et qui le prenait pour un autre : « Monsieur, je ne suis pas le bossu que vous croyez. » Et toutefois, dans la querelle présente, il ne devait pas tout à fait oublier qu’il lui était échappé, à lui tout le premier, d’appeler les érudits stupides ; et il avait beau dire qu’il ne l’avait fait qu’en général et sans application à personne, le pavé était gros, le compliment peu mince. — Convenons aussi que, sans être Gacon, il fallait se tenir à quatre dans ce débat pour ne pas dire de La Motte (ce qui était vrai au pied de la lettre) qu’il jugeait d’Homère comme un aveugle des couleurs. […] De ces deux sentiments naissent la langueur et le découragement de son esprit ; c’est ce que nous appelons ennui. […] C’est en ce sens qu’on a le droit de l’appeler un idéologue.

1011. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Mme de Tracy, il faut l’expliquer pour tous en peu de mots, était Anglaise de naissance, née à Stockport en 1789 ; elle s’appelait Sarah Newton, et appartenait à la famille de cet homme de génie, le plus grand qu’ait produit la science. […] Quand j’avais cinq ans, je faisais des autels entourés de poupées qui étaient à la messe, et on m’appelait petite païenne. » À ces instincts premiers elle joignit, en avançant dans la vie, l’étude des doctrines. […] J’ai été à la cuisine manger du miel en gâteaux, la cire est aussi bonne que le miel… » Elle a ainsi de ces sauts de jeunesse d’une idée à l’autre, de ce qu’on peut appeler des transitions à la sylphide. — Un autre jour on lit Mademoiselle de Clermont, la jolie nouvelle de Mme de Genlis, à la bonne heure ! […] Mais bientôt les esprits renaissent, le foyer intérieur se ranime, elle se remet à vivre, à penser, à écrire à ses amis ou à les appeler près d’elle, amis de choix et d’un commerce sérieux, parmi lesquels il est juste de nommer MM.  […] Molé qui lui demandait la cause de sa tristesse, il livrait cet aveu pénible : « J’ai quarante ans. » M. de Chateaubriand était de l’avis de ce vieil élégiaque d’Ionie, de Mimnerne, celui qu’on a pu appeler le huitième sage de la Grèce ou le sage du plaisir, et qui mettait tout le prix de la vie dans les jouissances de la jeunesse.

1012. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Les Repues franches ne sont autre chose que l’art de vivre aux dépens d’autrui ; c’est ce qu’on appelle aujourd’hui l’art de faire des dettes et de ne pas les payer. […] De là les Lays ou legs, comme il les appelle, et qui reçurent de son vivant, mais non de son fait, le nom de Petit Testament. […] Arrêté pour ce méfait, mis en prison au Châtelet et appliqué à la question, il se vit même condamné à mort : c’est alors qu’il se hâta de répondre par un J’en appelle (au Parlement), et il en fit une ballade piquante, montrant ainsi sa liberté d’esprit à toute épreuve et badinant jusque sous le gibet. […] Pour moi, sans me faire plus indifférent ni plus sévère qu’il ne me convient sur Villon, je me contenterai, après cette lecture, de reconnaître en lui un des plus frappants exemples de ces natures à l’abandon, devenues étrangères à toute règle morale, incapables de toute conduite, mais obstinément douées de l’étincelle sacrée, et qui sont et demeurent en dépit de tout, et quoi qu’elles fassent, des merveilles, presque des scandales de gentil esprit, et, pour les appeler de leur vrai nom, des porte-talents ; car ne leur demandez pas autre chose, elles ne sont que cela. […] Une voie neuve à peine ouverte et indiquée, si étroite qu’elle soit, appelle aussitôt le troupeau des imitateurs qui foule et ravage ce qui n’était d’abord qu’un vert sentier : ce n’est bientôt plus qu’une route poudreuse.

1013. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Il répondit un jour à l’un d’eux44 qui, dans une discussion, l’appelait emphatiquement son maître : « Il y a longtemps, Monsieur, que je l’ai été. » Le nom de M.  […] Pasquier, lorsqu’il commença sa carrière de député dans la Chambre de 1815, n’était connu encore que par son habileté administrative et par ses qualités d’homme du monde et de société ; il sortait tout récemment du ministère où la confiance du roi l’avait appelé dès la seconde rentrée, et il tint même, pendant toute la durée, fort courte d’ailleurs, de ce premier Cabinet présidé par M. de Talleyrand, le double portefeuille de la justice et de l’intérieur, ce dernier à titre provisoire seulement. […] Séparé, dès ce temps, des royalistes purs, en ce qu’il ne partageait pas cette sorte de culte mystique ou de passion exaltée dont n’étaient pas encore tout à fait revenus, à cette date, plusieurs de ceux même qu’on appela ensuite doctrinaires, il était et resta toujours séparé et très-distinct de ces derniers en ce qu’il n’eut jamais l’esprit de système, ni non plus l’esprit d’opposition surexcitée et de faction dont quelques-uns ne furent pas exempts à de certains jours. […] Ainsi, quand il a donné en conscience et très au long toutes les preuves qu’il y a eu Terreur blanche dans le Midi, il se dédit et ne veut pas qu’on dise la Terreur de 1815 ; il appelle cela de l’emphase. […] Mais ces défauts mêmes sont des garanties, et, quand on a un peu de patience et du temps, on peut se confier aux impressions qui résulteront à la longue de la lecture d’un livre où l’estimable auteur a su apporter bien des qualités de fond, et les plus essentielles, les plus indispensables à ce témoin et rapporteur véridique qui s’appelle un historien. » 42.

1014. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Vers la fin du XIIe siècle, une nouvelle révolution ou évolution, comme on voudra l’appeler, était en plein cours : la construction échappe aux moines. […] Trois siècles et demi après, l’autre Bacon ne fera que le répéter, lorsqu’il dira dans un autre aphorisme mémorable : « Antiquitas sæculi, juventus mundi ; ceux qu’on appelle les anciens sont de fait les plus jeunes ». […] Il a cependant très bien marqué encore en quoi notre Renaissance, — ce qu’on appelle de ce nom dans l’architecture, — est une Renaissance bien particulière, ayant son goût propre et sa saveur à elle, entée de longue main sur l’art gothique, et non pas purement transplantée et copiée de l’Italie. […] Tressoir est le nom qu’on donnait à un grand peigne, au peigne à dents écartées, que nous appelons démêloir ; c’est peut-être aussi un ornement de tête et de la coiffure. […] ils ont aimé l’uniformité, la régularité en tout temps et en tout lieu ; eux aussi, ils auraient pu dire, comme un illustre préfet moderne : « Il entre toujours les trois quarts au moins d’administration dans ce qu’on appelle architecture », quoiqu’encore dans leurs villas, leurs thermes, leurs basiliques, ces mêmes Romains aient songé principalement, et largement pourvu à la destination, à la commodité présente et à l’usage.

1015. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Peletier du Mans a naturellement appelé l’attention de M.  […] Quant à ce qui est des poètes de la seconde moitié du siècle et qui forment ce qu’on a appelé la Pléiade, c’est d’aujourd’hui seulement que, grâce à M.  […] Aussi, Du Bellay, de même que tes ancêtres se sont entendus appeler patriotes pour avoir défendu la terre de la patrie, de même, toi qui plaides pour la langue paternelle, tu auras à jamais un renom aussi comme bon patriote. » Le mot de patrie revient souvent. […] Existait-il un chef-d’œuvre incomparable qui s’appelait la Chanson de Roland ? […] Malgré l’épuration sensible qui s’était faite dans notre poésie depuis Marot et l’aisance aimable qu’il y avait introduite, on n’était point décidément sorti de la fausse voie qui avait ramené notre langue poétique à une sorte d’enfance et qui semblait confiner notre invention dans un cercle de puérilités pédantesques : pour remettre les choses de l’esprit en digne et haute posture, il était besoin d’une entreprise, d’un coup de main vaillant dont Marot et ses amis n’étaient pas capables, de ce que j’appelle un coup de collier vigoureux ; car c’est ainsi que j’envisage cette poétique de Du Bellay et de Ronsard, poétique toute de circonstance, mais qui fut d’une extrême utilité.

1016. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Virieu était lié de jeunesse et de parenté avec toute la cour : les Tourzel, les Raigecourt, les Latrémoille, la princesse de Saint-Maures, qu’on appelait précédemment princesse de Tarente, femme d’esprit et de faction, qui réunissait chez elle tous les royalistes exaltés, et à laquelle on faisait la cour avec des excès de paroles. […] Je ne le comparais à aucun autre écrivain de son temps ; c’était la nature qui l’avait fait ce qu’il était, et les misérables écrivains du métier, à l’exception d’un petit nombre qu’on appelait les écrivains ou les poëtes de l’empire, avaient beau s’insurger et bourdonner leur ironie contre lui comme des mouches malfaisantes, il ne daignait point les écraser de son courroux. […] « Néophyte à cette époque, a-t-on dit spirituellement, il avait quelques-unes des faiblesses des néophytes, et s’il existait quelque chose qu’on pût appeler la fatuité religieuse, l’idée en viendrait, je l’avoue, en lisant ces lignes de sa critique : « Vous n’ignorez pas que ma folie à moi est de voir Jésus-Christ partout, comme madame de Staël la perfectibilité… Vous savez ce que les philosophes nous reprochent à nous autres gens religieux, ils disent que nous n’avons pas la tête forte… On m’appellera Capucin, mais vous savez que Diderot aimait fort les Capucins... » Il parle à tout propos de sa solitude ; il se donne encore pour solitaire et même pour sauvage, mais on sent qu’il ne l’est plus. […] Il part, s’égare dans les bois, est pris par un parti de Muscogulges et de Siminoles ; il confesse hardiment, et avec la bravade propre aux Sauvages, son origine et sa nation : « Je m’appelle Chactas, fils d’Outalissi, fils de Miscou, qui ont enlevé plus de cent chevelures aux héros muscogulges. » Le chef ennemi Simaghan lui dit : « Chactas, fils d’Outalissi, fils de Miscou, réjouis-toi ; tu seras brûlé au grand village. » « Tout prisonnier que j’étais, je ne pouvais, durant les premiers jours, m’empêcher d’admirer mes ennemis.

1017. (1890) L’avenir de la science « II »

On comprend que l’antiquité, n’ayant pas le grand mot de l’énigme, le progrès, n’ait éprouvé qu’un sentiment de crainte respectueuse en brisant les barrières qui lui semblaient posées par une force supérieure, que, n’osant placer le bonheur dans l’avenir, elle l’ait rêvé dans un âge d’or primitif 15, qu’elle ait dit : Audax Iapeti genus, qu’elle ait appelé la conquête du parfait un vetitum nefas. […] Il est incontestable qu’il faut faire dans l’histoire une large part à la force, au caprice, et même à ce qu’on peut appeler le hasard, c’est-à-dire à ce qui n’a pas de cause morale proportionnée à l’effet 18. […] On peut, avec Robert Owen, appeler tout ce qui précède période irrationnelle de l’existence humaine, et un jour cette période ne comptera dans l’histoire de l’humanité, et dans celle de notre nation en particulier, que comme une curieuse préface, à peu près ce qu’est à l’histoire de France ce chapitre dont on la fait d’ordinaire précéder sur l’histoire des Gaules. […] Au contraire, les siècles ébranlés et sans doctrine, comme le nôtre, doivent nécessairement en appeler à l’avenir, puisque le passé n’est plus pour eux qu’une erreur. […] Voilà un fait dont la cause n’est nullement ignorée, mais qui peut néanmoins s’appeler hasard ou part irrationnelle de l’histoire, parce que la direction d’un boulet à quelques centimètres près n’est pas un fait proportionné aux immenses conséquences qui en sortirent.

1018. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

On dit qu’il y a quelque brouillerie dans le ménage, et que cela vient de la jalousie qu’elle a d’une jeune fille de Madame, appelée Fontanges. » Madame de Montespan ne connaissait pas la passion du roi pour madame de Fontanges, elle ignorait sa grossesse, qui n’était plus un secret que pour elle. Elle était seulement blessée de la négligence du roi et de ses attentions pour cette jeune et belle personne, qu’elle appelait une belle idiote, et elle avait recours à son secret ordinaire pour rappeler sur elle l’attention, c’était de s’éloigner. […] Le roi n’est que des moments chez madame de Montespan et chez madame de Fontanges, qui est toujours languissante. » Du 18 septembre : « Je ne sais auquel des courtisans la langue a fourché le premier ; ils appellent tout bas madame de Maintenon, madame de Maintenant. […] Une particularité du caractère de Louis XIV était son respect pour la bienséance, que La Rochefoucauld appelle la moindre de toutes les lois et la plus suivie. […] et des voix qui concertent depuis longtemps (au théâtre), se fassent entendre… Parce qu’on ne danse pas encore aux Théatins », demande enfin La Bruyère, « me forcera-t-on d’appeler tout ce spectacle office divin144 ? 

1019. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Quelques-uns essayent d’arrêter cette progression aux questions métaphysiques et spéculatives, comme ils les appellent, et voudraient sauver la morale ; mais c’est une contradiction, et d’après l’échelle précédente on sera forcé de dire que celui qui nie la morale est plus libre penseur que celui qui l’affirme ; par la même raison, celui qui nie tout principe en politique sera plus libre penseur que celui qui en reconnaît quelques-uns, par exemple la liberté et la justice. […] Il y a donc beaucoup à éclaircir encore en cette question, et nous sommes pour notre part d’autant plus disposé, et je dirai presque autorisé, à défendre dans toute sa latitude le principe de la liberté de penser, que nous n’appartenons pas en philosophie à ce que l’on peut appeler les partis extrêmes. […] Tous ceux qui croient à une vérité absolue, et qui par conséquent se persuadent qu’ils sont en possession de cette vérité, sont donc fatalement entraînés à une sorte d’intolérance ; ils condamnent tous ceux qui ne pensent pas comme eux, les appellent des esprits faux ou pervers, des ennemis de l’ordre social, et si cette intolérance ne va pas jusqu’aux excès des anciens âges, c’est uniquement parce que nos mœurs sont plus douces, ou encore parce que les plus clairvoyants ont été eux-mêmes atteints sans s’en douter par le mal de l’indifférence1. […] Ainsi c’est toujours à la raison qu’il faut en appeler en dernier lieu, et pour chacun cette raison, c’est sa propre raison, car de quel droit lui imposerait-on de se soumettre à la raison d’autrui plutôt qu’à la sienne, à la raison de celui-ci plutôt qu’à celle de celui-là ? […] Remarquez d’ailleurs qu’il n’est point du tout nécessaire que cet examen tourne contre les vérités surnaturelles pour être appelé libre.

1020. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

A l’extrémité de cette longue et stérile avenue qu’on appelle la Faculté des arts, sur laquelle on s’est ennuyé et fatigué sans fruit pendant sept à huit ans, s’ouvrent trois vestibules par lesquels on entre ou dans la Faculté de théologie, ou dans la Faculté de droit, ou dans la Faculté de médecine. […] Toutes ses belles connaissances lui seraient infiniment utiles s’il s’appelait Mœvius ou Sempronius et que nous rétrogradions aux temps d’Honorius ou d’Arcadius ; c’est là qu’il plaiderait, supérieurement sa cause. […] Il y a deux sortes de connaissances : les unes que j’appellerai essentielles ou primitives, les autres que j’appellerai secondaires ou de convenance. Les primitives sont de tous les états ; si on ne les acquiert pas dans la jeunesse, il faudra les acquérir dans un âge plus avancé, sous peine de se tromper ou d’appeler à tout moment un secours étranger.

1021. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 35, de la mécanique de la poësie qui ne regarde les mots que comme de simples sons. Avantages des poetes qui ont composé en latin sur ceux qui composent en françois » pp. 296-339

C’est ainsi qu’un étranger qui ne sçauroit pas comment le tonnerre s’appelle en françois, suppleroit à ce mot par un son qui imiteroit autant qu’il seroit possible le bruit de ce méteore. […] Les langues qu’on appelle langues meres pour n’être pas dérivées d’une autre langue, mais pour avoir été formées du jargon que s’étoient fait quelques hommes dont les cabanes se trouvoient voisines, doivent contenir un plus grand nombre de ces mots imitatifs que les langues dérivées. […] Il est clair par les raisons que nous avons exposées, qu’il est bien plus facile aux écrivains latins de faire des alliances agréables entre les sons, de placer tous les mots d’une phrase auprès d’autres mots qui se plaisent dans leur voisinage : en un mot de parvenir à ce que Quintilien appelle inoffensam verborum copulam, qu’il n’est possible aux écrivains françois de le faire. […] Les latins ont pû, par exemple, parvenir à faire de ces phrases que j’appellerai ici des phrases imitatives. […] J’appellerai donc des phrases imitatives celles qui font dans la prononciation un bruit, lequel imite le bruit inarticulé dont nous nous servirions par instinct naturel, pour donner l’idée de la chose que la phrase exprime avec des mots articulez.

1022. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

J’appelle maladie l’état du vivant, né homme, dont toutes les facultés humaines sont comprimées, l’être entier meurtri, et j’appelle santé, l’état du vivant dont les puissances s’épanouissent harmonieusement et librement. Le prêtre, dont le corps, le cœur et l’esprit demeurent ensevelis sous le fardeau de la règle à laquelle il s’est attaché, est donc bien un malade, un être pitoyable, qui appelle tous nos soins. […] Alors, dans son cerveau lamentable, la Foi vorace s’installait, comme les oiseaux de proie dans les carcasses de chameaux qui jonchent les routes des Saharas… » Et maintenant, c’est « là-haut », dans sa pensée solitaire, qu’il vit exclusivement, « hors de la vie », avec « la mystique sensation de la présence et de l’étreinte divines », ayant même réfréné les tendresses mystiques de son adolescence, tout plein de l’austère joie de se sentir élu, dans la fière sincérité de son vœu. « Ce lui était une béatitude fervente et triste, comme la pâmoison des imaginaires sensualités, dans ce que les théologiens appellent la délectation morose. […] La vérité du séminaire, c’est ce que nous appelons d’un simple mot : erreur.

1023. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

Ce siècle est ordinairement nommé le siècle des grands hommes ; on l’appellerait avec autant de vérité le siècle des éloges. […] Ce mérite le fit appeler, dans son siècle, le créateur de l’éloquence : mais il en eut les formes bien plus que les mouvements et la chaleur ; et trop souvent il prit l’exagération pour l’éloquence même. […] On sait que les langues anciennes avaient une foule de mots qui exprimaient, non point des idées, mais le rapport des idées qui précédaient avec celles qui devaient suivre ; des mots qui serpentaient à travers la marche du discours pour en rapprocher toutes les parties et en faire la liaison et le ciment, rappelaient par un signe la phrase qui était écoulée, appelaient celle qui devait naître, remplissaient les intervalles, animaient, vivifiaient, enchaînaient tout, et donnaient à la fois, au corps du discours, de l’unité, du mouvement et de la souplesse. […] Enfin, comme dans les monarchies ce sont les grands, les riches, et tous ceux qui composent ce qu’on appelle le monde, qui distribuent la gloire des arts, et décident du prix des talents ; comme la plupart des hommes de cette classe, par leur oisiveté, par leurs intrigues, par la lassitude et le besoin des plaisirs, par la recherche continuelle de la société, par la crainte de blesser l’amour-propre encore plus que l’orgueil ; enfin, par la politesse et le désir de plaire, qui donne une attention continuelle et sur soi-même et sur les autres, ont, en général, plus d’esprit et de délicatesse de goût, que de passions et de force de caractère ; ils doivent tendre sans cesse à atténuer, et, pour ainsi dire, assassiner le style, la langue et l’esprit. […] Chacun d’eux appela sur lui les regards de la nation ; mais, ce qu’on doit remarquer, c’est que tous les arts précédèrent parmi nous celui de l’éloquence.

1024. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Émile Augier » pp. 317-321

Lebrun a appelé l’Ajax du parti libéral sous la Restauration ; on n’a pas même assez rappelé qu’à un certain moment, à l’époque de la dernière censure, M. de Salvandy avait été, à lui seul, toute la presse périodique opposante. […] Laya : « Ce que vous appelez mon affectation (dans le style) est mon naturel. » J’ajouterai que cet homme bouillant et brillant, qui portait toutes ses qualités en dehors et qui les avait aussi en dedans, avait une véritable modestie littéraire sous un air de faste, de même qu’il disait avoir eu une timidité première à vaincre avant d’arriver à toute sa hardiesse.

1025. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VI. Exordes. — Péroraisons. — Transitions. »

De cette persuasion encore, où l’on est que l’exorde doit être rare et surprenant, viennent ces exordes à ricochets, comme on pourrait les appeler, qui visent une idée très étrangère au sujet, pour rebondir brusquement vers lui par un retour inattendu : ces exordes en cascade, où d’une idée très générale on descend à une autre, et de celle-ci à une autre encore, jusqu’à ce qu’au dernier degré on rencontre celle qui ouvre le sujet, comme dans les jardins français une eau, tombant de vasque en vasque et de marche en marche, s’arrête enfin et se repose dans le bassin inférieur. […] Ce qu’on appelle souvent une transition est une chose factice et plutôt mauvaise que bonne : c’est une liaison ingénieuse entre deux idées qui n’en sont pas susceptibles et qui ne doivent point en avoir.

1026. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vernet » pp. 227-230

Le tableau qu’on appelle son Clair de lune, est un effort de l’art. […] Voilà ce qu’on peut appeler un ciel.

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