… et voilà la grande critique à faire de son livre, qui ne conclut point, qui n’a aucune des conséquences sévères et absolues auxquelles je m’attendais en ouvrant cet ouvrage, dont le titre est plus grand que l’idée.
De ces deux esprits, en effet, l’un est la négation absolue de l’autre.
On y rencontre une foule d’écrivains qui, sans l’être dans l’acception pleine et absolue de ce grand mot, ont du style pourtant, — comme on y voit des artistes qui ont ce qu’on nomme, en terme du métier, « de la palette », — mais cela suffit-il pour l’Art d’un pays ou pour sa Littérature ?
Un livre qui a des défauts littéraires d’autant plus grands qu’il est le produit d’un système, mais qui a aussi une valeur absolue, un mérite qui ne passera pas, c’est-à-dire la vérité presque maladive d’une inspiration qui ressemble à un empoisonnement, les Poésies de Joseph Delorme, datèrent bien ce commencement d’une époque traversée par nous maintenant, mais Dieu sait à quel prix !
Si vous portez vos regards plus loin, vous trouverez en Hongrie ce fameux Jean Hunniade qui combattit les Turcs, et simple général d’un peuple libre, fut plus absolu que vingt rois ; et ce Mathias Corvin son fils, le seul exemple peut-être d’un grand homme fils d’un grand homme ; en Épire, Scanderberg, grand prince dans un petit État ; et parmi les Orientaux, ce Saladin, aussi poli que fier, ennemi généreux et conquérant humain ; Tamerlan, un de ces Tartares qui ont bouleversé le monde ; Bajazet qui commença comme Alexandre, et finit comme Darius : d’abord le plus terrible des hommes, et ensuite le plus malheureux ; Amurat II, le seul prince turc qui ait été philosophe, qui abdiqua deux fois le trône, et y remonta deux fois pour vaincre ; Mahomet II, qui conquit avec tant de rapidité, et récompensa les arts avec tant de magnificence ; Sélim, qui subjugua l’Égypte et détruisit cette aristocratie guerrière établie depuis trois cents ans aux bords du Nil, par des soldats tartares ; Soliman, vainqueur de l’Euphrate au Danube, qui prit Babylone et assiégea Vienne ; le fameux Barberousse Chérédin, son amiral, qui de pirate devint roi ; et cet Ismaël Sophi, qui au commencement du seizième siècle, prêcha les armes à la main, et en dogmatisant conquit la Perse, comme Mahomet avait conquis l’Arabie.
Au moment d’histoire où nous sommes parvenus, la famille Tulliver réalise, comme un individu limité, une nature absolue. […] Ces logiciens parfaits, ces humoristes de l’absolu, ce sont les edelweiss de notre littérature, les fleurs des glaciers. […] S’il peut sembler avoir réussi dans La Recherche de l’Absolu, c’est d’abord parce que le titre en est faux et que les recherches de Balthazar Claës ne font que symboliser dans le relatif la recherche de l’absolu. […] Si le génie réalise des types, il ne saurait réaliser le génie, qui est le contraire du type, à savoir l’individu, et l’individu absolu. […] Considérons la seule œuvre qui, produite par le génie, ait pour sujet le travail du génie, La Recherche de l’Absolu.
J’attribue la diminution de l’idée de patrie, comme tout le monde, je crois, à l’absence presque absolue de vie politique en France depuis Louis XIV jusqu’à la Révolution. […] Et vous ne serez pas très bêtes ; car la bêtise absolue n’est point si commune ; et vous n’aurez pas de génie ; car il est très rare. […] Elle est absolue, elle n’est pas arbitraire. […] Égalité absolue avec chefs temporaires, c’est despotisme capricieux. Égalité absolue avec chef immuable, c’est, selon le caractère du chef, despotisme capricieux encore, ou despotisme dans la torpeur.
Ces refus irritèrent le Consul ; la liaison de madame Récamier avec madame de Staël, deux femmes qui régnaient, l’une par la beauté, l’autre par le génie, lui parut suspecte ; il ne voulait point d’empire en dehors du sien ; la jalousie, qui ordinairement monte, descendit cette fois jusqu’à disputer l’ascendant sur des sociétés de jeunes femmes ; le premier dans l’Europe, mais aussi le premier dans un village des Gaules, c’était sa nature ; le pouvoir absolu ne peut laisser rien de libre sans jalousie, pas même deux cœurs. […] Il ne se fit ni son soupirant ni son ami, il se fit son esclave ; il abdiqua toute personnalité dans ce dévouement absolu et sans salaire à cette Béatrice ou à cette Laure de son âme. […] XVIII Comment un tel homme conçut-il, dès le premier jour, une passion passive, mais absolue, pour une femme si belle, mais pour une femme cependant dont la séduction gracieuse et la coquetterie agaçante ne ressemblaient en rien à cette métaphysique incarnée que Dante adorait dans Béatrice ?
C’est l’ensemble, c’est le composé de toutes les lois absolues dont le Créateur de ce pauvre embryon de Dieu, nommé l’homme, a formé sa courte et imparfaite créature, en le jetant, on ne sait pour quelle fin (châtiment, expiation, germination, mais, en tout cas, misère), sur ce petit globe misérable lui-même, composé d’un éclair de temps, d’un atome d’espace, d’un nombre infinitésimal de jours, d’un éclair de vie et d’une nuit de mort ! […] L’hydre au commencement, l’ange à la fin. » XXX Ces pages sont très belles, mais, de quelque mot qu’on se serve, de quelques phrases qu’on les pare, il n’y a, il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais que deux philosophies sociales ici-bas : La philosophie sociale des jouissances matérielles à multiplier et à faire convoiter de bonne foi à tous les hommes ; La philosophie sociale du spiritualisme et de la résignation pieuse à l’ordre douloureux de la nature, ce décret absolu du Créateur, ce fait accompli, et tristement accompli, du destin ; l’imperfection, la douleur, le travail et la mort, pour mériter un autre sort dans le monde ascendant et invisible dont la terre est la ténébreuse avenue. […] Il faut le reconnaître ou s’appeler Titan ; tout remettre en question, comme les utopistes ; se constituer en état de révolte radicale contre la forme de l’humanité tout entière, c’est-à-dire en état de démence et de frénésie contre la force des choses, cette souveraineté absolue de Dieu.
L’autorité absolue était leur principe, l’obéissance était leur loi ; bien commander, bien obéir, étaient pour eux la société tout entière. […] Bonaparte admettait bien le principe de la suprématie romaine, mais à condition que la suprématie impériale prévaudrait sur tout, et que la véritable église, absolue et universelle, ce serait lui et son empire. […] Et quel autre qu’un solitaire absolu pouvait comprendre la perte du chien, ce dernier asile de l’affection humaine ?
Ce que nous lui reprochons, c’est l’absolue solution de continuité entre ses deux modes d’existence et le manque de dessous quelconque pour appuyer le personnage, qui n’a ni existence légendaire ni existence historique. […] À proprement parler, on ne peut appliquer à un tel état le mot de Négation, qu’autant que l’homme ressent encore puissamment des influences autres et inférieures, et qu’il est obligé de combattre le désir et de terrasser le mal ; en soi, cet état est celui de la félicité absolue, c’est-à-dire le plus positif imaginable. […] Ce drame doit, nécessairement, porter l’empreinte d’une époque, être, pour ainsi dire, historique ; par contre, le drame musical est bien « l’œuvre d’art de l’avenir », étant l’expression de l’idéal absolu, il est de toutes les époques.
Une nation est une agrégation de races diverses dont aucune ne peut être considérée comme puredd, et n’a guère d’autre caractère commun qu’un habitat défini et qu’une langue usuelle, dans laquelle on peut encore distinguer mille éléments adventices ; et quand une nation produit une littérature, cette littérature, de même, est une littérature d’idiome et non de race, à laquelle coopèrent des talents venus de toutes les régions et issus de toutes les communautés où la même langue est parlée ; quand une nation produit un art, ceux qui contribuent à l’illustrer et à le fonder par leurs œuvres, sont pris, encore, aux quatre coins du peuple parlant la même langue et comprennent en outre des étrangers absolus, attirés et retenus par mille circonstances. […] L’on pourrait aisément montrer que l’influence des circonstances ambiantes, notable mais non absolue au début des littératures et des sociétés, va décroissant à mesure que celles-ci se développent, et devient presque nulle à leur épanouissement. […] Cette assertion paraît évidente et elle l’est en effet, bien qu’on ne la prenne pas d’habitude au sens absolu où nous la posons.
Cabanis lui-même, dans son grand ouvrage, n’avait guère fait que recueillir et condenser les observations des médecins, des philosophes et des moralistes, en y ajoutant les siennes et en faisant servir le tout à une conclusion beaucoup trop absolue. […] Claude Bernard parle du déterminisme absolu qui régit tous les phénomènes, sans excepter ceux de relation. […] Cependant la confusion absolue serait quelque chose de si fort qu’on hésite à leur attribuer une thèse aussi étrange.
Je ne sais guère de loi plus absolue, de vérité qui porte mieux le cachet de l’à-priori. […] En morale, aucune erreur absolue ; mais vérité incomplète, vérité exagérée, vérité mal appliquée. […] Or la raison ne peut, en sens absolu, être opposée à la raison. […] D’abord, il faut remarquer que son expression est plutôt générale qu’absolue. […] Au lieu de ce bonheur absolu, ne nous doit-il pas plutôt le malheur, si nous en croyons le cri de nos consciences ?
Si, en effet, on voit une glace, c’est qu’elle a un défaut, car son mérite c’est la transparence absolue. » Et M. […] Il avait quarante-trois ans seulement, et il comptait déjà dix-sept ans de domination, et d’une domination à peu près absolue dans un pays libre. […] Il était mort à l’âge de quarante-sept ans, après avoir gouverné son pays, pendant plus de vingt années, avec autant de pouvoir qu’on en peut exercer dans une monarchie absolue ; et cependant il vivait dans un pays libre, il ne jouissait pas de la faveur de son roi, il avait à conquérir les suffrages de l’assemblée la plus indépendante de la terre ! « Si on admire ces ministres qui, dans les monarchies absolues, savent enchaîner longtemps la faiblesse du prince, l’instabilité de la cour, et régner au nom de leur maître sur un pays asservi, quelle admiration ne doit-on pas éprouver pour un homme dont la puissance, établie sur une nation libre, a duré vingt années !
Il est un fait qui prouve que l’importance purement physiologique d’un organe ne détermine pas d’une manière absolue sa valeur en matière de classification, c’est que dans des groupes alliés, chez lesquels nous avons toutes raisons de supposer que le même organe doit avoir à peu près la même valeur physiologique, sa valeur au point de vue de la classification est très différente. […] Bentham, et tant d’autres, ont fortement insisté sur le peu de valeur absolue de ces divisions et sur leurs limites mal définies. […] Ainsi que je l’ai dit, nous ne pouvons définir chaque groupe d’une manière absolue, mais nous pouvons choisir des types ou formes qui réunissent la plupart des caractères de chacun de ces groupes, quelle qu’en soit du reste l’étendue, afin de donner aussi une idée générale de la valeur des différences qui les distinguent. […] S’il était vrai, par exemple, comme on doit le supposer, que les Cétacés eussent été produits, par une suite de variations rétrogressives d’un ordre de mammifères plus ancien, mais plus élevé et peut-être amphibie ou même complétement terrestre, ce ne serait pas une objection absolue contre cette hypothèse, si dans toute leur vie fœtale il ne restait que de très légères traces d’une organisation supérieure et moins complétement marine, car ces traces devraient avoir disparu, au moins en grande partie, pendant la formation même de l’ordre.
D’ailleurs l’adverbe ne marquant qu’une circonstance absolue & déterminée de l’action, n’est pas suivi de la préposition à. […] Ablatif absolu Ablatif absolu. Par Ablatif absolu les Grammairiens entendent un incise qui se trouve en Latin dans une période, pour y marquer quelque circonstance ou de tems ou de maniere, &c. […] Mais on ne doit se servir du terme d’absolu, que pour marquer ce qui est indépendant, & sans relation à un autre : or dans tous les exemples que l’on donne de l’ablatif absolu, il est évident que cet ablatif a une relation de raison avec les autres mots de la phrase, & que sans cette relation il y seroit hors d’oeuvre, & pourroit être supprimé. […] Régime absolu.
Sans doute, l’impression de la douleur est absolue pour celui qui l’éprouve, et chacun la ressent d’après soi seul.
Elle implique une philosophie simple et grande, qui est le nihilisme absolu.
Liseo, qui a une confiance absolue en messer Ipocrito, adopte ce parti.
Voici Thouvenin qui s’avance vers la rampe, en bonne lumière, et près du souffleur : « La vérité, la vérité absolue, voulez-vous la savoir ?
J’observe chez Racine une soumission absolue aux règles de la tragédie.
Voilà donc, en quelques phrases, la doctrine complète, totale, absolue.
Cela ne viendrait-il pas de ce que, dans l’impossibilité reconnue et peut-être heureuse de la rendre avec une précision absolue, il y a une lisière de convention sur laquelle on permet à l’art de se promener ?
Le monde littéraire, comme tous les mondes, se brise et se classe en deux camps absolus, irréconciliables, comme la vérité et l’erreur ?