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609. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. Vitet à l’Académie française. »

Manzoni le savait bien, lorsqu’il rappelait ce mot à Fauriel : « L’imagination, quand elle s’applique aux idées morales, se fortifie et redouble d’énergie avec l’âge au lieu de se refroidir. » Racine, après des années de silence, en sort un jour pour écrire Athalie.

610. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

Sans doute le sentiment de la couleur et de l’harmonie sommeillait et sans doute, à maintenir si longtemps dans cette pénible attitude doctorale l’esprit humain, on risquait de le paralyser, de le dessécher, de lui faire oublier la grâce de gestes plus vivants : le XVIIIe siècle, cette mare, puis ce torrent, est le loyer dont nous payâmes le XVIIe  Le Romantisme n’eut point d’autre fonction que de rappeler l’art français au souci du monde extérieur : sur l’Ame de Bossuet et de Racine, Hugo et Gautier jetèrent leur draperie splendide.

611. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Œuvres littéraires de M. Villemain (« Collection Didier », 10 vol.), Œuvres littéraires de M. Cousin (3 vol.) » pp. 108-120

Cette qualification d’anciens appliquée aux Pascal et aux Racine, qui, dans notre bouche, à nous autres, pouvait ressembler à une épigramme et à un blasphémé, est devenue, de sa part, un hommage et une piété.

612. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre I : Une doctrine littéraire »

Il peut s’appliquer à Goethe ou à Shakespeare aussi bien qu’à Racine ; il embrasse les beautés romantiques aussi bien que les beautés classiques.

613. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre premier. Astronomie et Mathématiques. »

C’est Corneille, Racine, Boileau, ce sont les orateurs, les historiens, les artistes, qui ont immortalisé Louis XIV, bien plus que les savants qui brillèrent aussi dans son siècle.

614. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Deshays » pp. 208-217

Jamais Racine n’eût bien rempli le canevas des Horaces ; jamais Corneille n’eût bien rempli le canevas de Phedre.

615. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

À Dieu ne plaise que je parle, dans le sanctuaire des lettres, du triomphe de la barbarie, et que je rappelle, devant les statues de Corneille et de Racine, l’époque déplorable où leurs chefs-d’œuvre furent mutilés par des mains sacrilèges.

616. (1824) Notice sur la vie et les écrits de Chamfort pp. -

Il fallait cependant un aliment à l’inquiète activité de son esprit ; sa tragédie de Moustapha et Zéangir, commencée depuis longtemps, abandonnée et reprise vingt fois dans les alternatives de langueur et de force qu’éprouvait sa santé, fut achevée dans cette retraite : plusieurs scènes de cette pièce prouvent avec quelle attention Chamfort avait étudié la manière de Racine, et jusqu’où il en aurait peut-être porté l’imitation, s’il n’eût été sans cesse distrait par ses maux et par des travaux étrangers à ses goûts.

617. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

Quatre vers de Racine ont suffi pour empêcher Louis XIV de faire le saltimbanque dans des mascarades du carrousel et le ramener à ses fonctions de roi.

618. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « André Chénier »

Il prépare un Villon, un Régnier, un Racine, un La Fontaine, un Boileau.

619. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Le Sage » pp. 305-321

En ce temps-là, les réputations les plus majestueuses ont été remises brutalement au crible, mais on ne secoua même pas celle de Le Sage… On ne fit pas contre lui ce qu’on osa faire contre Racine, — et il demeura incontesté et tranquille à sa place dans la littérature française, comme sur son socle dans la galerie du Théâtre-Français.

620. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules De La Madenène » pp. 173-187

Pour les fêtes votives on montait les pièces de Racine et de Voltaire : Zaïre, Athalie, Brutus et César, — César, Brutus, Athalie, Zaïre, — on ne sortait pas de là à Monteou, comme à Saint-Didier, à Sarriano comme à Méthamis et à Beaume de Venise.

621. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVI. Des éloges académiques ; des éloges des savants, par M. de Fontenelle, et de quelques autres. »

Ainsi l’éloge de La Mothe, prononcé par Fontenelle, ne ressemble point du tout à d’éloge du grand Corneille, prononcé par Racine ; ni celui de Despréaux par Valincourt, ou de Pélisson par Fénelon, à celui de Bossuet, par le cardinal de Polignac ; il en est de même de tous les autres.

622. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Vous en concluez qu’il y a plus de chances pour l’apparition d’un poète qui soit la synthèse vivante de son époque, à la manière d’un Shakespeare, d’un Racine ou d’un Gœthe. […] Sans la faveur du roi et les applaudissements de la cour, Racine et Boileau eussent-ils triomphé du même absolu triomphe ? […] La Bruyère et La Rochefoucauld, Molière et Racine attestent que l’âge classique a eu ses psychologues, et de premier ordre. […] Shakespeare avait composé des drames d’une poésie supérieure employant des procédés de tous points contraires à ceux d’après lesquels Racine avait écrit ses tragédies. […] La parfaite politesse des tragédies de Racine, elle aussi, décèle la parfaite politesse des aristocratiques spectateurs pour lesquels le poète ciselait ses alexandrins.

623. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Il avait songé à Racine, et cherché son principal moyen de succès dans la peinture des combats intérieurs, des contradictions incessantes d’un cœur partagé entre l’amour et le devoir, entre le doux égoïsme de la passion et la froide raison d’État ; toute cette poésie amoureuse et charmante que Racine a répandue à flots limpides dans Andromaque, dans Esther, et surtout dans Bérénice, M.  […] Que penser surtout lorsqu’on vit ce disciple de Tite-Live, de Corneille et de Racine, de la ligne sobre et pure, prendre pour guide, en ce périlleux sujet, un poëte dont je ne conteste assurément pas la gloire et le génie, mais qui recherche peu, ce me semble, la pureté des lignes et la sobriété des couleurs ! […] Cousin déclare préférer l’époque de Descartes, de Pascal et de Corneille à celle de Racine, de Boileau et de Fénelon ; et voici M.  […] Voltaire, auquel il faut parfois revenir ; pourvu qu’il ne s’agisse ni de religion ni de tragédie, disait aux détracteurs de Racine et de Boileau : « Croyez-moi, ne touchez pas Jean et à Nicolas ; cela vous porterait malheur !  […] La seconde, la mauvaise, consiste à être soi-même assez ennemi du naturel et du vrai pour méconnaître tout ce que Racine sait en garder sous la draperie classique, et pour le dénigrer au profit de je ne sais quel idéal plein d’emphase et de chimère : je crains que Mercier n’ait choisi la mauvaise.

624. (1922) Gustave Flaubert

Et si lui qui n’aimait pas Racine admirait Boileau, c’est qu’il avait, comme Racine, son Boileau. […] En tout cas, comme Racine dans celles de théâtre, il trouva l’amour dans les coulisses des lettres. […] L’Acropole lui est une occasion de crier contre Racine. […] L’atticisme lui sera toujours étranger, et Racine demeurera sa bête noire. […] Comparant instinctivement Racine et Shakespeare, il lui semble que le théâtre de Racine rapetisse les grands sujets, que la tragédie classique fait du mesquin là où nous attendons et souhaitons du grand.

625. (1881) Le naturalisme au théatre

Quand viendront les Corneille, les Molière, les Racine, pour fonder chez nous un nouveau théâtre ? […] Corneille et Racine ont fait la tragédie. […] Est-ce que les discours interminables que l’on trouve dans Racine et dans Corneille sont de la synthèse ? […] Il a la teinture classique, il sait par cœur des fragments de Boileau et de Racine. […] Enfin, arrive le costume romain, tel que le portaient les héros de Racine.

626. (1904) Zangwill pp. 7-90

Si cet esprit est une forme littéraire et gouverne un âge entier, l’écrivain est un Racine. […] Mais, si on l’ouvre pour examiner l’arrangement intérieur de ses organes, on y trouve un ordre aussi compliqué que dans les vastes chênes qui la couvrent de leur ombre ; on la décompose plus aisément ; on la met mieux en expérience ; et l’on peut découvrir en elle les lois générales, selon lesquelles toute plante végète et se soutient. » Je me garderai de mettre un commentaire de détail à ce texte ; il faudrait écrire un volume ; il faudrait mettre, à chacun des mots, plusieurs pages de commentaires, tant le texte est plein et fort ; et encore on serait à cent lieues d’en avoir épuisé la force et la plénitude ; et je ne peux pas tomber moi-même dans une infinité du détail ; d’ailleurs nous retrouverons tous ces textes, et souvent ; c’était l’honneur et la grandeur de ces textes pleins et graves qu’ils débordaient, qu’ils inondaient le commentaire ; c’est l’honneur et la force de ces textes braves et pleins qu’ils bravent le commentaire ; et si nul commentaire n’épuise un texte de Renan, nul commentaire aussi n’assied un texte de Taine ; aujourd’hui, et de cette conclusion, je ne veux indiquer, et en bref, que le sens et la portée, pour l’ensemble et sans entrer dans aucun détail ; à peine ai-je besoin de dire que ce sens, dans Taine, est beaucoup plus grave, étant beaucoup plus net, que n’étaient les anticipations de Renan ; ne nous laissons pas tromper à la modestie professorale ; ne nous laissons d’ailleurs pas soulever à toutes les indignations qui nous montent ; je sais qu’il n’v a pas un mot dans tout ce Taine qui aujourd’hui ne nous soulève d’indignation ; attribuer, limiter Racine au seul dix-septième siècle, enfermer Racine dans le siècle de Louis XIV, quand aujourd’hui, ayant pris toute la reculée nécessaire, nous savons qu’il estime des colonnes de l’humanité éternelle, quelle inintelligence et quelle hérésie, quelle grossièreté, quelle présomption, au fond quelle ignorance ; mais ni naïveté, ni indignation ; il ne s’agit point ici de savoir ce que vaut Taine ; il ne s’agit point ici de son inintelligence et de son hérésie, de sa grossièreté, de son ignorance ; il s’agit de sa présomption ;  il s’agit de savoir ce qu’il veut, ce qu’il pense avoir fait, enfin ce que nous voyons qu’il a fait, peut-être sans y penser ; il s’agit de savoir, ou de chercher, quel est, au fond, le sens et la portée de sa méthode, le sens et la portée des résultats qu’il prétend avoir obtenus ; ce qui ressort de tout le livre de Taine, et particulièrement de sa conclusion, c’est cette idée singulière, singulièrement avantageuse, que l’historien, j’entends l’historien moderne, possède le secret du génie. […]   La seule garantie qu’on nous donne à présent est qu’« une société d’anthropologie vient de se fonder à Paris, par les soins de plusieurs anatomistes et physiologistes éminents » ; nous qui aujourd’hui savons ce que c’est, dans le domaine de l’histoire, que l’anthropologie, et ce que c’est, dans la république des sciences, que la société d’anthropologie, une telle garantie nous effraye plus qu’elle ne nous rassure ; c’est bien sensiblement à l’humanité présente, à la grossière et à la faible humanité, que Taine remet non pas seulement le gouvernement mais la création de ce monde ; il ne s’agit plus d’un Dieu éloigné, incertain, négligeable, mort-né ; c’est à l’humanité que nous connaissons, aux pauvres hommes que nous sommes, que Taine remet tout le secret et la création du monde ; par exemple c’est lui, Taine, l’homme que nous connaissons, qui saisit et qui épuise tout un La Fontaine, tout un Racine ; c’est la présente humanité, c’est l’humanité actuelle que Taine, au fond, se représente comme un Dieu actuel, réalisé créateur.

627. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

On était donc, en 1665, au vrai seuil du beau siècle, au premier plan du portique, à l’avant-veille d’Andromaque ; l’escalier de Versailles s’inaugurait dans les fêtes : Boileau, accostant Racine, montait les degrés ; La Fontaine en vue s’oubliait encore ; Molière dominait déjà, et le Tartufe, achevé dans sa première forme, s’essayait sous le manteau. […] Si Racine se peut admirer après Sophocle, on peut lire La Rochefoucauld après Job, Salomon, Hippocrate et Marc-Aurèle.

628. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Des Portes a, en effet, du Quinault pour la tendresse et la mollesse des accents ; il est à la fois le Racine et le Quinault de celle école si hâtive de Ronsard. […] Ceux pourtant à qui la grâce est surtout chère et paraît plus belle encore que la beauté, ne sauraient se plaindre du trop de grandeur et de pompe de ce règne auguste, quand ils ont La Fontaine pour faire toute la semaine, s’ils le veulent, l’école buissonnière, et Racine pour maître de chant, aux jours solennels, avec les chœurs d’Esther et d’Athalie.

629. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

On sentait que la douceur des u et la tristesse des é prolongés par des muettes contribuaient au charme de ces vers de Racine : Ariane, ma sœur, de quelle amour blessée Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée ! […] Si les u et les é du distique de Racine nous semblent correspondre à des sons de flûte ou à des teintes de crépuscule, c’est bien un peu parce que ce distique exprime en effet une idée des plus mélancoliques.

630. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

Or, Racine avait composé ses réalistes créations de vie réelle ; et Beethoven instituait la musique expressive des suprêmes vies ; Gluck entrevoyait dans la musique un drame de vie ; le drame complet d’art complet naissait ; et Richard Wagner achevait ces créations d’humaine vie, ces drames, Tristan, la Tétralogie, Parsifal. […] Mais toujours c’est la fable du Mendelssohn qui s’enfle et qui s’enfle, Voltaire reprenant la tragédie de Racine ; on est, de nature et d’éducation, incapable des grandes émotions totales, et l’on s’acharne à celles là, uniquement : ainsi les très misérables musiciens expriment faussement des émotions fausses.

631. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

Des vers tels que ceux-ci dans sa Cléopâtre ont le grandiose d’une scène de Racine. […] XXIX Il se passa de longues années avant que j’eusse l’occasion de la revoir ; elle avait rempli ces années de bonheur, de vers et de célébrité : des volumes de poésie, des romans de caractère, des articles de critique de mœurs qui rappelaient Addison ou Sterne ; des tragédies bibliques, où le souvenir d’Esther et d’Athalie lui avait rendu quelque retentissement lointain de la déclamation de Racine ; des comédies, où la main d’une femme adoucissait l’inoffensive malice de l’intention ; enfin des Lettres parisiennes, son chef-d’œuvre en prose, véritables pages du Spectateur anglais, retrouvées avec toute leur originalité sur un autre sol : tout cela avait consacré en quelques années le nom du poète et de l’écrivain.

632. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Il y a eu une grande école, c’est l’école de 1660, l’école de ces quatre grands poètes, au moins de ces quatre poètes dont trois sont très grands : Racine, Molière, La Fontaine et Boileau. […] Car enfin, si l’on accepte cette définition du romantisme : « Le romantisme, c’est la prédominance de l’imagination », personne, je crois, n’a eu plus d’imagination, ni plus brillante, et plus abandonnée souvent, et souvent plus fantasque, mais avec des grâces infinies, que La Fontaine  Si l’on accepte cette définition du romantisme : « Le romantisme, c’est la prédominance de la sensibilité », de tous ses contemporains (avec Racine) La Fontaine a été certainement le poète le plus doué de sensibilité, et vous savez de quelle nature charmante était cette sensibilité.

633. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

Il faut vraiment qu’en notre pays de France nous aimions bien les guerres civiles : nous avons toujours à la bouche Racine et Corneille pour les opposer à nos contemporains et les écraser sous ces noms.

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