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218. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

C’est à elle que Louis XIV dut les principales qualités de son âme ; cette droiture, ennemie de la dissimulation, et qui ne sut presque jamais s’abaisser à un déguisement ; cet amour de la gloire qui, en élevant ses sentiments, lui donnait de la dignité à ses propres yeux, et lui faisait toujours sentir le besoin de s’estimer ; cette application qui, dans sa jeunesse même, fut toujours prête à immoler le plaisir au travail ; cette volonté qui savait donner une impulsion forte à toutes les volontés, et qui entraînait tout ; cette dignité du commandement qui, sans qu’on sache trop pourquoi, met tant de distance entre un homme et un homme, et au lieu d’une obéissance raisonnée, produit une obéissance d’instinct, vingt fois plus forte que celle de réflexion ; ce désir de supériorité qu’il étendait de lui à sa nation, parce qu’il regardait sa nation comme partie de lui-même, et qui le portait à tout perfectionner ; le goût des arts et des lettres, parce que les lettres et les arts servaient, pour ainsi dire, de décoration à tout cet édifice de grandeur ; enfin, la constance et la fermeté intrépide dans le malheur, qui, ne pouvant diriger les événements, en triomphait du moins, et prouva à l’Europe qu’il avait dans son âme une partie de la grandeur qu’on avait cru jusqu’alors n’être qu’autour de lui. […] Les événements heureux trompent et séduisent ; c’est la flatterie la plus dangereuse pour les rois : au lieu que la sévérité du malheur accuse les fautes et les faiblesses. […] Les événements commandaient à ses principes ; et son administration fut toujours entraînée par le cours violent des affaires.

219. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Durant la dernière année, en rhétorique, il avait eu d’assez grands succès en discours français pour être le candidat le plus désigné à la couronne universitaire ; mais les événements politiques de 1814 lui firent quitter le collége avant la fin de l’année. […] Sa jeune veine a, pour tous les événements qui l’émeuvent, des couplets très-naturels et très-aimables. […] Sans me permettre d’entrer ici dans les différences qui les caractérisent et en laissant de côté ce qu’il y a de particulier dans chacun d’eux, j’avoue pour mon compte avoir ignoré jusque-là, avant de l’avoir considéré dans leur exemple, ce que c’est que la justesse d’esprit en elle-même, cette faculté modérée, prudente, vraiment politique, qui ne devance qu’autant qu’il est nécessaire, mais toujours prête à comprendre, à accepter sagement, à aviser, et qui, après tant d’années, se retrouve sans fatigue au pas de tous les événements, si accélérés qu’ils aient pu être. […] Nous avons dit que cette influence se ferait surtout sentir dans cette jeune génération, l’espoir de la France, qui naît aujourd’hui à la vie politique, que la Révolution et Bonaparte n’ont ni brisée ni pervertie, qui aime et veut la liberté sans que les intérêts ou les souvenirs du désordre corrompent ou obscurcissent ses sentiments et son jugement, à qui, enfin, les grands événements dont fut entouré son berceau ont déjà donné, sans lui en demander le prix, cette expérience qu’ils ont fait payer si cher à ses devanciers. […] Continuant de plaider la cause de la raison émancipée et des conséquences toutes nouvelles qui en découlent, il pose d’une façon absolue certains principes, il se complaît à dérouler certaines maximes générales qu’il est piquant, après tant d’années, de pouvoir confronter avec les résultats et de contrôler : « Les événements, écrivait-il, semblent avoir préparé la France pour l’application des théories, et les faits ont en quelque sorte travaillé pour les principes.

220. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

Les jouissances du pouvoir et des intérêts politiques remportent presque toujours sur les succès purement littéraires ; et quand la forme du gouvernement appelle les talents supérieurs à l’exercice des emplois publics, c’est vers l’éloquence, l’histoire et la philosophie, c’est vers la partie de la littérature qui tient le plus immédiatement à la connaissance des hommes et des événements, que se dirigent les travaux. […] Le gouvernement républicain donne aux hommes, comme aux événements, un grand caractère ; et des siècles de monarchie despotique ou de guerres féodales, n’inspirent pas autant d’intérêt que l’histoire d’une ville libre.

221. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXV » pp. 402-412

L’événement rend tout permis. » Le 28, elle écrit : « Jo est chez Madame tout comme elle était. […] Consentons à passer sur l’année 1678 comme sur un temps vide d’événements remarquables.

222. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’insurrection normande en 1793 »

Le mouvement fut digne de ceux qui l’avaient inspiré ou qui le fomentèrent, de ces principaux chefs de la Gironde, proscrits du « déplorable 31 mai », comme dit Vaultier, collégiens réussis qui furent des politiques manqués, et qui, le doux Vaultier lui-même l’affirme, n’ont compris ni les hommes, ni les événements, ni le jeu des intérêts sociaux : rien que cela ! […] Seulement n’est-ce pas trop de patriotisme de la part de Vaultier que de réclamer pour le compte de sa ville l’éclat de ces splendeurs de politique et de guerre, et de contester sérieusement aux Girondins arrivés à Caen l’influence d’événements pareils ?

223. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des ducs de Normandie avant la conquête de l’Angleterre »

De l’une à l’autre de ces dates, ce qui passe à travers le temps ce sont des luttes, des événements et des personnages empreints de la grandeur sauvage de ces pirates, rois de la mer (sea kings), qui, blasés d’Océan et de neige, voulurent ajouter quelques miettes de terre à leur liquide empire, et s’abattirent sur la côte de France par la route des Cygnes, cygnes eux-mêmes, ou plutôt cormorans, pressés comme les vagues et inépuisables comme elles ! […] Le pinceau maigrelet d’un homme qui ne se doute ni de la taille et de la musculature de ses modèles, ni de la profondeur de leurs physionomies, ni du caractère des événements qui les éclairent et qui les colorent, et dont la petitesse de raison philosophique fausse à tout instant le sens même extérieur de l’histoire.

224. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Nous n’avons qu’à regarder les éléments qui la composent et les événements dont elle part pour comprendre que sa portée est restreinte. […] Pouvons-nous décider que tout événement à tout point du temps et de l’espace arrive selon des lois, et que notre petit monde si bien réglé est un abrégé du grand ? […] Ce magnifique monde mouvant, ce chaos tumultueux d’événements entrecroisés, cette vie incessante infiniment variée et multiple, se réduisent à quelques éléments et à leurs rapports. […] Car, lorsque je constate un événement, je l’isole artificiellement de son entourage naturel, et je le compose artificiellement d’éléments qui ne font point un assemblage naturel. […] Il y a une force intérieure et contraignante qui suscite tout événement, qui lie tout composé, qui engendre toute donnée.

225. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Il assistait aux événements sans rien faire pour les hâter ou pour les ralentir. […] Guizot doit son respect pour les résultats généraux des événements et son dédain pour les faits particuliers. […] L’action se prête aux développements des caractères, tandis que les événements les dévorent et les engloutissent. […] Guizot a si nettement marqué la limite qui sépare les événements de l’action, que je renvoie à la lecture de son travail les poètes de notre temps. […] La spectacle toujours présent des événements accomplis ne permet pas au pinceau de s’égarer.

226. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

On a souvent observé que notre révolution, si féconde en grands événements, ne le fut pas en grands hommes. […] Mirabeau était impatient d’attacher son nom à tous les événements, à toutes les questions qui occupaient un moment les esprits. […] Il contribua, comme les autres, à faire naître des événements plus grands que lui : il ne sut jamais les diriger, même pour son avantage ; et la raison en est simple. […] Les découvertes qui, dans ce genre, assurent notre supériorité, sont plutôt dues à des événements fortuits qu’à la raison perfectionnée. […] Ainsi, les plus petits événements, quand ils tenaient au christianisme, avaient quelque chose de respectable et de sacré.

227. (1903) La pensée et le mouvant

Les choses et les événements se produisent à des moments déterminés ; le jugement qui constate l’apparition de la chose ou de l’événement ne peut venir qu’après eux ; il a donc sa date. […] Bref, pour léguer à nos descendants l’explication, par ses antécédents, de l’événement essentiel de leur temps, il faudrait que cet événement fût déjà figuré sous nos yeux et qu’il n’y eût pas de durée réelle. […] Comment ne pas voir que si l’événement s’explique toujours, après coup, par tels ou tels des événements antécédents, un événement tout différent se serait aussi bien expliqué, dans les mêmes circonstances, par des antécédents autrement choisis — que dis-je ? […] Alors, sa réapparition partielle nous fait l’effet d’un événement extraordinaire, qui réclame une explication. […] L’enfant avait un an à peine quand les événements de 1814 forcèrent sa famille à quitter Namur.

228. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Or, il me semble que rien n’est plus clair que ceci : Une tragédie romantique est écrite en prose, la succession des événements quelle présente aux yeux des spectateurs dure plusieurs mois, et ils se passent en des lieux différents. […] d’après la saisie des Tablettes romaines, qui a eu lieu ce matin, croyez-vous que j’aurais pu esquisser avec ce détail la tragédie de la Mort de Henri IV, événement d’hier qui ne compte guère que deux cent quatorze ans de date ? […] Lanfranc ou le Poète est une comédie romantique, parce que les événements ressemblent à ce qui se passe tous les jours sous nos yeux. […] Il peut cependant y avoir telle tragédie romantique dont les événements soient resserrés, par le hasard, dans l’enceinte d’un palais et dans une durée de trente-six heures. […] Elle est belle, parce que c’est un seul événement.

229. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Il se préparait, dans sa pensée, le rôle de serviteur heureux des événements. […] Ce système a une apparence d’indifférence surnaturelle qui place l’homme d’État au-dessus de l’inconstance des événements et qui lui donne l’attitude de dominer ce qui le soulève. […] Cette apparente dérision des événements doit commencer par l’abdication de soi-même ; car, pour affecter et pour soutenir ce rôle d’impartialité avec toutes les fortunes, il faut que l’homme écarte les deux choses qui font la dignité du caractère et la sainteté de l’intelligence : la fidélité à ses attachements et la sincérité de ses convictions, c’est-à-dire la meilleure part de son cœur et la meilleure part de son esprit. […] Grand joueur, accoutumé à tout perdre ou à tout gagner avec les événements, il les fit entrer toujours comme enjeu dans sa fortune. […] XXXVI La répugnance vengeresse de l’Europe entière contre l’événement de Bayonne fit ce que l’horreur du meurtre du duc d’Enghien avait fait à une autre époque.

230. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Ce n’étaient pas seulement les événements auxquels touche ce livre : la chute de Louis-Philippe et l’érection de l’Empire sur une République en poussière, que l’on était curieux de voir retracés par une main compétente et profondément renseignée, mais c’était l’écrivain, c’était l’homme, aux prises avec ce grand sujet. […] Car, lui aussi, comme tout le monde, du reste, trouve son compte d’enseignement et d’humilité dans le récit des événements qu’il raconte, de ces événements qui ont éclaté comme une surprise, et qui n’étaient pourtant qu’une vieille leçon mal entendue qui recommençait. […] n’a pas été une minute en avance sur les événements qu’il nous décrit et qu’après coup il nous explique. […] S’il ne promène pas sur les événements qu’il a devant lui, dans le brouillard ou dans la nuée, la lorgnette de Napoléon, c’est la vue la plus ferme à quinze pas que nous connaissions pour viser une situation donnée et dévisager un caractère. Ces quinze pas nécessaires à cet habile tireur, il a bien prouve qu’il les lui fallait, mais qu’à cette distance son coup d’œil était infaillible, quand journaliste à la veille — mais seulement à la veille — d’événements qui devaient amener un état de choses jugé si longtemps impossible, il voyait si clair le lendemain.

231. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

C’est qu’en effet, si les événements politiques ne sont pas les plus profonds de ceux qui composent la vie d’un peuple, ils sont d’ordinaire les plus visibles, les plus bruyants, et que pour ce motif ils ont été les premiers à frapper les historiens, par conséquent aussi les premiers dont on ait saisi les rapports avec les autres formes de l’activité sociale. […] Augustin Thierry, dont on ne récusera pas le témoignage, écrit à ce propos67 : « Ce sont les événements, jusque-là inouïs, des cinquante dernières années, qui nous ont appris à comprendre les révolutions du moyen âge, à voir le fond des choses sous la lettre des chroniques, à tirer des écrits des bénédictins ce que ces savants hommes n’avaient point vu, ce qu’ils avaient vu d’une façon partielle et incomplète, sans en rien conclure, sans en mesurer la portée. […] Discours, pamphlets, brochures, articles de polémique éclosent avec une formidable abondance ; et, après ces ouvrages inspirés par les circonstances, animés par les passions du jour, adressés aux contemporains et peu soucieux de la postérité, il en apparaît bientôt d’autres plus médités, plus apaisés, plus froids en apparence, mais où il n’est pas difficile de retrouver le feu couvant sous la cendre ; j’entends les mémoires et les histoires qui prétendent transmettre à l’avenir et déjà juger les événements de la veille. […] De plus, le peuple de France, par instinct peut-être ou grâce à l’éducation que lui ont donnée les événements, témoigne de nos jours une préférence visible pour l’idéal fraternel et humain qui fut dressé, comme un phare éblouissant, par nos penseurs et nos hommes d’action du siècle dernier. […] J’en ai dit assez pour montrer combien il importe de noter en chaque période la forme et l’essence du gouvernement, le degré de liberté atteint, les grands événements intérieurs ou extérieurs.

232. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

C’est avec la pointe de ce poignard qu’il devait graver en leur présence les cultes, les crimes, les vertus de l’époque qui ne lui cachait rien ; il prenait des notes en silence sur les événements, il venait de compulser ces notes et d’en publier le contenu dans huit ou dix volumes sur les terroristes et sur les thermidoriens, ces complices et ces vengeurs à la fois de Robespierre. […] “Que pouvaient, disent les patriotes du 31 mai, les départements à la distance où ils étaient des événements ? […] Je dois beaucoup aussi au spirituel Georges Duval, témoin des événements et peintre des figures. […] La voir tout entière dans le duc d’Orléans, c’est trop grandir l’homme ou c’est trop rabaisser l’événement. […] « Il y a dans les mouvements d’une révolution une grandeur qui se communique aux caractères, et qui grandit quelquefois les âmes les plus vulgaires à la proportion des événements auxquels elles participent.

233. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Mais la pensée humaine fait aussi valoir ses droits, dans un voyage à travers le vaste océan ; partout où l’œil se porte, il voit les flots, les nuages, ou la clarté du ciel, et cette contemplation le reporte aux événements familiers d’autrefois. Les habitants d’un vaisseau recherchent la vue d’un homme étranger ; ils voudraient entendre le son de la parole d’une bouche étrangère, venant d’un autre pays… c’est donc un événement qui saisit de joie, quand vient à passer un autre navire ; on se précipite sur le pont, on s’appelle, on se demande son nom, son pays, on se salue et bientôt on se voit réciproquement disparaître à l’horizon. […] La Prusse, alors en guerre avec la France, subissait le choc des plus douloureux événements. […] La mort de cette femme fut un événement, car, dans ses voyages, Mme de Humboldt s’était mise en rapports intimes avec les notabilités de la science et des arts. […] Alexandre écrivit, le 5 avril 1835, le billet qui rend compte de cet événement à son ami Varnhagen, de Berlin.

234. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

Les événements du drame lui apprennent tour à tour qu’elle est chrétienne, de la race des anciens rois de Jérusalem, fille du dernier Lusignan, que son père vit encore. […] Je n’entends pas par là l’authenticité de l’événement qui sert de sujet à une tragédie, ni cette notoriété qui résiste au scepticisme d’un Niebuhr. […] Les événements n’y sont pas nécessaires comme dans l’histoire, et la moralité n’en a rien de plus imposant que celle d’un roman. […] L’alexandrin est insupportable dans des scènes romanesques, où des personnages indécis nous parlent des petites contrariétés qu’il a plu au poète de leur donner, ou ne savent pas nous parler des grandes affaires que les événements leur ont mises sur les bras. […] Les événements artificiels, les incidents extraordinaires, plaisent à l’imagination des jeunes gens ; les fautes spécieuses, les impropriétés cachées, échappent à leur insuffisante connaissance de la langue.

235. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

Sans doute, les événements extérieurs dont la trame constitue la partie superficielle de la vie sociale varient d’un peuple à l’autre. […] Les événements actuels de la vie sociale dériveraient non de l’état actuel de la société, mais des événements antérieurs, des précédents historiques, et les explications sociologiques consisteraient exclusivement à rattacher le présent au passé. […] Ne dit-on pas couramment que l’histoire a précisément pour objet d’enchaîner les événements selon leur ordre de succession ? […] Si, au contraire, les principales causes des événements sociaux étaient toutes dans le passé, chaque peuple ne serait plus que le prolongement de celui qui l’a précédé et les différentes sociétés perdraient leur individualité pour ne plus devenir que des moments divers d’un seul et même développement.

236. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Pour le bien connaître enfin, Roederer, à la fois pratique et un peu paradoxal, ayant son grain d’humeur, mais obéissant à son mouvement d’idées, fut pendant des années un précepteur actif du public, et, dans cette voie ouverte par la Constituante, admettant tous les correctifs de l’expérience, prompt à les indiquer, il ne craignit pas, en se multipliant de la sorte, de perdre quelquefois en autorité personnelle, pourvu qu’il fût utile à la raison de tous : il ne cessa d’écrire, de conseiller, de dire son avis à chaque nouvelle phase de la Révolution et pendant chaque intervalle, et toujours avec un grand tact des événements et des situations54. […] Le temps ne viendra que trop tôt où mon livre sera le premier événement de ma vie. […] Il suppose que son républicanisme prend à volonté toutes les formes : « Il a serpenté avec succès, dit-il, au travers des orages et des partis, se réservant toujours des expédients, quel que fût l’événement. » Rien ne paraît moins juste que cette assertion quand on a suivi, comme je viens de le faire, la ligne de Roederer jour par jour d’après ses écrits. […] [NdA] Au tome IV, p. 240 et 360 du Mercure britannique. — L’importance du rôle dans les événements de Brumaire est bien appréciée.

237. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

J’étais un peu en arrière avec cette Histoire, et avant le tome xiie dont j’ai à rendre compte, j’ai dû lire le xie , qui contient les événements de la guerre d’Espagne et de Portugal pendant la première moitié de l’année 1809, l’expédition des Anglais sur Walcheren, et, après la paix de Vienne, le divorce avec Joséphine et le mariage avec une archiduchesse, — le tout formant deux livres seulement. […] On y voit Reynier, officier savant et d’ordinaire peu heureux, ayant en lui je ne sais quel défaut qui paralysait ses excellentes qualités et justifiait cette défaveur de la fortune, « fort possédé du goût d’écrire sur les événements auxquels il assistait, et dissertant sur les opérations qu’on aurait pu entreprendre ». […] Cela est vrai des idées, cela est vrai même des événements et des faits en histoire.

238. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Au second livre De l’orateur, cette même question des rapports de l’histoire avec le talent de la parole (« quantum munus sit oratoris historia ») est pareillement mise sur le tapis et discutée entre les interlocuteurs supposés, l’orateur Antoine et Catulus ; Antoine y indique très nettement les différences qui distinguent en propre le genre historique, — l’horreur du mensonge, la vérité des faits pour base, la description fidèle des événements, des lieux, l’exposé intelligent des entreprises, et un courant de récit plus égal, plus doux, épandu, naturel, exempt des violences et des secousses de l’action oratoire. […] Michelet, sa vie de travail, son effort constant, ses fouilles érudites et ses ingénieuses mises en scène, cette faculté de couleur voulue et acquise où il a l’air de se jouer désormais en maître, mais quand je considère de quelle manière il a jugé et dépeint des événements et des personnages historiques à notre portée, et dont nous possédons tous autant que lui les éléments ; quand je le vois toujours ambitieux de pousser à l’effet, à l’étonnement, j’avoue que je serais bien étonné moi-même qu’il eût deviné et jugé les choses et les hommes de l’histoire romaine plus sûrement que Tite-Live. […] Si l’on ôte quelques passages où la simplicité est affectée et la sagacité raffinée, on croit entendre un des anciens jurisconsultes ; Montesquieu a leur calme solennel et leur brièveté grandiose ; et du même ton dont ils donnaient des lois aux peuples, il donne des lois aux événements… Suivant moi, pour que le livre sur Tite-Live fût entièrement vrai (car il l’est sur presque tous les points, et pleine justice est rendue d’ailleurs à l’historien), il eût suffi de laisser au sens du génie oratoire, du génie de l’éloquence déclaré dominant chez lui, la valeur d’un aperçu littéraire, sans lui attribuer la valeur d’une formule scientifique ; il eût suffi enfin de ne pas inscrire à la première ligne de cette étude, de n’y pas faire peser le nom et la méthode de Spinosa, de ne pas rapprocher des termes aussi étonnés d’être ensemble que Spinosa et Tite-Live.

239. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

il pense, il fermente, il s’exalte, il prend feu, il amasse des mondes d’idées, le projets, des vues, des conceptions de toutes sortes sur les événements, sur les hommes et les choses ; et quand il lui vient un interlocuteur ou un écouteur, il déborde, il lance ses feux et ses flammes, ou quand il prend la plume, il se répand. […] Les événements de ces années étaient les plus grands qui pussent intéresser et passionner une intelligence attentive à méditer sur les destinées des empires. […] Au lieu d’expliquer les événements de l’histoire par les causes secondes, naturelles, par le rapport exact des faits, et même quand il a cette explication sous la main, il passe outre, il veut quelque chose au-delà ; il s’y complaît.

240. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Les événements extérieurs dégoûtaient par leur petitesse et leur pauvreté ; la guerre se faisait misérablement et même sans l’éclat des désastres ; les querelles religieuses étaient sottes, criardes, sans éloquence, quoique persécutrices ; les mœurs, infâmes et platement hideuses : c’était une société et un trône sourdement en proie aux vers et à la pourriture. […] L’ode politique n’a aucun caractère dans Rousseau : il en partage la faute avec les événements et les hommes qu’il célèbre. […] De nos jours, si féconds en grands événements et en grands hommes, il en est advenu tout autrement.

241. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

On appelle conscience la connaissance que nous avons de nos sensations, idées, jugements, peines, plaisirs, résolutions, et autres opérations ou événements intérieurs. […] On appelle raison la connaissance des vérités universelles et nécessaires, par exemple : toute qualité suppose une substance ; tout événement suppose une cause. […] On ne peut pas dire que les phénomènes ou événements intérieurs soient dans la conscience ; ils sont l’objet de la conscience ; une sensation, un souvenir, ne sont pas dans la conscience ; la conscience ne contient pas ces opérations, elle les aperçoit.

242. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques, extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil — II »

Dans une lettre de février 1815, adressée à M. de La Fayette, on voit en abrégé toute l’opinion de Jefferson sur les événements de notre Révolution, avec les changements qu’y avait apportés l’expérience ; il y rétracte son ancienne idée d’un accommodement possible en 89 ; il croit reconnaître, avec M. de La Fayette, que la France de 91 était mûre pour la constitution qu’on lui avait faite, si on n’avait voulu la pousser encore plus avant, au-delà de la monarchie. […] Mais si Jefferson n’a pas saisi, à cette distance et dans un chaos d’événements si contraires, la loi successive de cette grande œuvre sociale, il n’a, du moins, jamais désespéré de l’issue : la longueur de l’épreuve ne l’a jamais fait douter du terme.

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