Ainsi cette distinction établie entre le bien moral et l’agréable ne laisse place à aucune liberté. […] Tandis que de tous les centres nerveux où ils sont blottis, ils s’élancent, se combattent, parviennent à établir entre eux une hiérarchie plus ou moins stable, ils se reflètent tous dans la conscience où un instinct spectateur toujours en éveil, toujours présent, tandis que les autres se succèdent, s’attribue la causalité de tout fait accompli et endosse les bénéfices et les dommages de la bataille engagée. La relation qui s’établit à chaque moment entre la multiplicité des instincts, tel est le phénomène composite, l’état de fait, instable et passager, auquel l’instinct spectateur confère un semblant d’unité en le prenant à son compte.
C’est donc un grand progrès dans la science d’avoir établi que nulle souveraineté n’est absolue, pas même celle du peuple ; mais ce point une fois gagné, ne reste-t-il pas encore à savoir à qui appartient cette souveraineté limitée, la seule qui soit possible à l’homme ? […] En droit, la société est maîtresse d’elle-même ; nul n’est exclu du droit social, par conséquent de la souveraineté, et quelque distance que la sagesse conseille d’établir entre la théorie et la pratique, c’est une loi des sociétés qui s’éclairent de faire une part de plus en plus grande, suivant les circonstances, à la souveraineté populaire. […] La France, qui, depuis le xviiie siècle et surtout de nos jours, a les principaux caractères d’une société démocratique, a établi chez elle la liberté religieuse, et c’est une des conquêtes de 89 auxquelles elle est le plus attachée.
J’ai lu dans les Entretiens des non-combattants (mai-juin 1916, 21, rue Visconti) les carnets où Albert Thierry, instituteur syndicaliste et le plus violemment sincère des syndicalistes, crayonnait comme un testament ses suprêmes pensées de politique et de morale et recherchait quelle justice doit être réalisée dans le monde pour que la paix définitive s’établisse. […] Comprendre dans quelles conditions la paix s’établira entre tous les États et dans chaque État, c’est une entreprise qui passe l’horizon d’un soldat et d’un instituteur. […] Que le peuple refuse de parvenir, que la bourgeoisie renonce à son parvenir : la paix française est établie à jamais… Refusant de parvenir, l’homme est beaucoup plus fermement lié à la famille de son père et de sa mère : on peut dire qu’il ne la quitte pas et qu’elle soutient son esprit ou son cœur à chacun de leurs battements.
Ce que nous voulons établir, c’est qu’on ne peut pas parler d’une réalité qui dure sans y introduire de la conscience. […] D’autre part, si la durée réelle devient divisible, comme nous allons voir, par la solidarité qui s’établit entre elle et la ligne qui la symbolise, elle consiste elle-même en un progrès indivisible et global. […] Il est vrai qu’une certaine doctrine accepte le témoignage des sens, c’est-à-dire de la conscience, pour obtenir des termes entre lesquels établir des rapports, puis ne conserve que les rapports et tient les termes pour inexistants.
Comme ma réputation de bravoure n’est pas aussi bien établie que la sienne, je compte demander une escorte. […] Lorsque je suis arrivé à Valladolid, une personne est venue m’inviter à m’établir dans sa maison ; il avait donné ordre qu’on m’y donnât à dîner, à souper, et, de plus, cette personne était chargée de m’offrir de l’argent.
Mais la mort de ses parents le laissant maître de suivre ses goûts, « et persuadé, nous dit Fontenelle, qu’il n’y avait pas de meilleur séjour que Paris pour des philosophes raisonnables », il y vint habiter et se logea au faubourg Saint-Jacques, dans ce qu’il appelait sa cabane, avec son ami Varignon, à qui il constitua une rente de 300 livres par contrat, pour qu’il fût bien établi que des deux amis l’un ne dépendait pas de l’autre. […] Ainsi de tout temps : à côté et au-dessous des réputations établies et qui font illusion au gros du monde en se prolongeant, il y a les jeunes groupes fervents et féconds, les cénacles cachés qui seront le règne et la pensée du lendemain.
Pendant que son père va s’établir à Metz en qualité de conseiller au Parlement, le jeune Bénigne reste à Dijon, ainsi qu’un frère aîné, confié aux soins d’un oncle, conseiller au Parlement de Bourgogne. […] Bossuet, dirai-je donc, c’est l’esprit qui embrasse le mieux, le plus lumineusement, le plus souverainement un corps, un ensemble de doctrines morales, politiques, civiles, religieuses, qui excelle à l’exposer avec clarté et avec éclat, avec magnificence, en se plaçant au point de vue le plus élevé ou au centre, à une égale distance de toutes les extrémités ; à en retenir, à en réunir, à en développer tous les ressorts, à en faire marcher tous les mouvements, à en faire bruire et résonner l’harmonie, comme sous la voûte d’une nef les tonnerres d’un orgue immense ; — mais en même temps, c’est un esprit qui n’en sort pas, de cette nef, de cette sphère si bien remplie, qui ne sent pas le besoin d’en sortir, qui n’invente rien au fond, qui n’innove jamais : il hait la nouveauté, l’inquiétude et le changement ; en un mot, c’est le plus magnifique et le plus souverain organe et interprète de ce qui est institué primordialement et établi.
Frochot, né à Dijon en 1761, marié fort jeune, établi prévôt royal et notaire dans le bourg d’Aignay-le-Duc, avait vingt-huit ans au moment du grand mouvement de 89 : il en partageait les vœux et les espérances, et il fut porté comme député aux États-Généraux. […] Toute cette partie secrète de la vie politique de Mirabeau a été amplement éclaircie par la publication de sa correspondance avec le comte de La Marck, et l’on a pu établir sur cette suite de relations délicates un équitable jugement.
Bien que ce rapport ne soit point nécessairement un lien de plus de l’homme avec le monde, puisque dans le cas du christianisme c’était du mépris et un complet détachement, toutefois la conception nouvelle qui établit ce rapport tend toujours à se réaliser socialement ; elle s’empare en souveraine de l’existence actuelle de l’homme ; elle le prend et l’enserre de ses plis et replis en cette vie, sans lui donner relâche ni trêve ; elle l’associe sous une forme plus saisissante et plus large à la fois que toutes les formes qui ont précédé ; elle le presse et le soulève tour à tour de tout le poids d’une institution forte et sainte. […] Pour nous, l’acte se rapporte toujours au rapport que le moi établit, entre lui et l’extérieur ; par conséquent, lorsque nous parlons d’activité, c’est de l’action matérielle de l’homme sur l’univers et de sa puissance motrice qu’il est question.
Si vous supposez un homme que la réflexion ait rendu tout à fait insensible aux événements qui l’environnent, un caractère semblable à celui d’Épictète ; son style, s’il écrit, ne sera point éloquent : mais lorsque l’esprit philosophique règne dans la classe éclairée de la société, il s’unit aux passions les plus véhémentes ; ce n’est pas le résultat du travail de chaque homme sur lui-même ; c’est une opinion établie dès l’enfance, une opinion qui, se mêlant à tous les sentiments de la nature, agrandit les idées sans refroidir les âmes. […] Il s’établit depuis quelque temps un système absurde relativement à l’éloquence.
Le choral primitif suppose non seulement un groupe d’hommes, mais un groupe d’hommes qui concertent leurs voix ainsi que leurs gestes, qui forment une même masse dansante41… » Pour établir que les éléments communaux prédominent dans la poésie primitive, M. […] L’esprit classique représente ainsi, à certains égards, une volonté d’unité esthétique, sociale et morale, une volonté d’obéissance à l’ordre établi, d’adaptation et de subordination de l’individu au milieu.
Peu à peu, entre ces deux âmes trompées, mais toutes deux trop fières pour l’avouer, il s’établira une intimité douloureuse et résignée, intimité de mensonge et d’hypocrisie, fertile en subterfuges et en flatteries, prodigue de caresses et de baisers, cherchant à se distraire en affirmant sans cesse ce qu’elle ne croit pas. […] Il n’y a plus de jalousie, car chacun des deux captifs aspire à l’affranchissement, mais il s’établit entre ces deux colères honteuses d’elles-mêmes une sorte d’émulation.
Comme les anciens prophètes juifs, il était, au plus haut degré, frondeur des puissances établies 319. […] Les membres de cette dynastie nombreuse et assez isolée étant réduits à se marier entre eux, il en résultait de fréquentes violations des empêchements établis par la Loi.
Les faits qui en établissent le mieux l’existence, c’est la tonicité des muscles, l’état de fermeture permanente des muscles sphincters, l’activité morbide et les excitations qu’elle cause, la mobilité extrême de la première et de la seconde enfance (infant, child) qui ne peut s’expliquer que par un trop-plein d’activité. […] L’excitation spontanée donne naissance à des mouvements, à des changements de posture, par conséquent à des sensations ; il s’établit ainsi, dans l’esprit encore vide, une connexion entre certaines sensations et certains mouvements ; et plus tard, lorsque la sensation sera excitée par quelque cause extérieure, l’esprit saura qu’un mouvement s’exécutera en conséquence dans cette partie.
Une comparaison s’établit naturellement entre elle et la duchesse de Mazarin, cette nièce du cardinal avec laquelle elle avait été fort liée, qu’elle avait eue un moment pour compagne de réclusion, pour rivale ensuite, et qui est si connue elle-même par ses aventures conjugales, ses procès, sa fuite et ses pérégrinations galantes. […] Elle la devait sans doute en partie à la mémoire de son oncle, à ses richesses, à ses grandes relations, mais aussi à son caractère et à son attitude : Mme de Mazarin n’est pas plus tôt arrivée en quelque lieu, dit Saint-Évremond, qu’elle y établit une maison qui fait abandonner toutes les autres.
Dans le premier, on établit que la poësie est un des plus grands fléaux dont le genre humain puisse être affligé ; qu’elle est directement contraire aux bonnes mœurs, & à la tranquillité des états, à leur forme de gouvernement, aux sages loix, aux usages respectables, à la religion, au commerce, enfin à tous les arts utiles. […] Ils l’accusent de jetter du ridicule sur la vertu, de mettre en maximes les réflexions les plus détestables, de traiter le plus souvent des sujets licencieux, d’attaquer les réputations les mieux établies, d’être un cloaque dont l’infection se répand partout.
Si notre religion n’était pas une triste et plate métaphysique ; si nos peintres et nos statuaires étaient des hommes à comparer aux peintres et aux statuaires anciens : j’entends les bons, car vraisemblablement ils en ont eu de mauvais et plus que nous, comme l’Italie est le lieu où l’on fait le plus de bonne et de mauvaise musique ; si nos prêtres n’étaient pas de stupides bigots ; si cet abominable christianisme ne s’était pas établi par le meurtre et par le sang ; si les joies de notre paradis ne se réduisaient pas à une impertinente vision béatifique de je ne sais quoi qu’on ne comprend ni n’entend ; si notre enfer offrait autre chose que des gouffres de feux, des démons hideux et gothiques, des hurlements et des grincements de dents ; si nos tableaux pouvaient être autre chose que des scènes d’atrocités, un écorché, un pendu, un rôti, un grillé, une dégoûtante boucherie ; si tous nos saints et nos saintes n’étaient pas voilés jusqu’au bout du nez ; si nos idées de pudeur et de modestie n’avaient proscrit la vue des bras, des cuisses, des tétons, des épaules, toute nudité ; si l’esprit de mortification n’avait flétri ces tétons, amolli ces cuisses, décharné ces bras, déchiré ces épaules ; si nos artistes n’étaient pas enchaînés et nos poètes contenus par les mots effrayants de sacrilège et de profanation ; si la Vierge Marie avait été la mère du plaisir ; ou bien, mère de Dieu, si c’eût été ses beaux yeux, ses beaux tétons, ses belles fesses qui eussent attiré l’Esprit Saint sur elle, et que cela fût écrit dans le livre de son histoire ; si l’ange Gabriel y était vanté par ses belles épaules ; si la Magdelaine avait eu quelque aventure galante avec le Christ ; si aux noces de Cana le Christ entre deux vins, un peu non-conformiste, eût parcouru la gorge d’une des filles de noces et les fesses de saint Jean, incertain s’il resterait fidèle ou non à l’apôtre au menton ombragé d’un duvet léger : vous verriez ce qu’il en serait de nos peintres, de nos poètes et de nos statuaires ; de quel ton nous parlerions de ces charmes qui joueraient un si grand et si merveilleux rôle dans l’histoire de notre religion et de notre Dieu, et de quel œil nous regarderions la beauté à laquelle nous devrions la naissance, l’incarnation du Sauveur, et la grâce de notre rédemption. […] Que tous les individus ne montrent pas également bien l’âge et la condition, et qu’on ne risque jamais de se tromper quand on établit la convenance la plus forte entre la nature dont on fait choix, et le sujet qu’on traite.
On établit en effet ainsi que, sur ce point encore, elle est l’aboutissement naturel et peut-être nécessaire de toute une évolution. […] Il montrait comment telle ou telle méthode de mensuration permet d’établir des lois, et comment ces lois, une fois posées, peuvent réagir sur la méthode de mensuration et la contraindre à se modifier.
Il affecte de rappeler à Janin le temps où celui-ci logeait rue Madame dans la même maison que Harel et mademoiselle Georges (espèce de ménage établi), et venait en tiers sans troubler l’harmonie parfaite et par manière d’accompagnement.
« Une amitié vraie et durable, ajoute-t-il, ne peut guère s’établir qu’entre deux femmes dont le cœur est calme et bon, dont les sentiments sont élevés, et dont l’esprit a du moins quelques côtés sérieux.
Et maintenant, écoute ceci, Méry-Achmet : on va t’enfermer dans une cage de fer treillissé, — une roulette sera établie devant le treillis ; et, tous les jours, pendant cent années consécutives, ton plus cruel ennemi gagnera des millions sous tes yeux, en se servant de ta martingale.
Un Européen établi dans le pays me l’a affirmé.
Afin d’établir cette vérité d’une manière inébranlable selon le cours naturel des choses humaines, Dieu permit qu’un nouvel ordre de choses naquît parmi les nations.
Mais nous en avons dit assez pour établir ce que nous voulions. […] La nature a si bien établi le commerce de l’amour qu’elle n’a pas laissé beaucoup de choses à faire au mérite. […] … On établit dans un écrit nouveau qu’il n’y a point de différence entre bien penser et bien écrire. […] Il passait en Hollande, s’établissait à Amsterdam d’abord, puis à La Haye bientôt. […] Et parce que Voltaire voulait établir à Genève un théâtre, aucun Genevois n’était en droit de le trouver mauvais.
Ce n’était pas sans doute une petite affaire, dans les temps primitifs, d’établir un pont au-dessus d’une rivière. […] Un rhéteur du premier ou du second siècle imagina de codifier cette notion et d’en établir le canon. […] J’ai plutôt vu l’empirisme en médecine coïncider avec l’ancien régime, mais je ne voudrais pas établir une relation de cause à effet entre ces deux états. […] On tient dans le public qu’ils ne sont guère que le masque de la faveur et que les listes de réception sont établies d’avance. […] Les commerçants hésitaient à s’établir dans ce désert d’où se détournaient les passants ; il y avait tout le long un tas de boutiques à louer.