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703. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Le moyen âge et le xvie  siècle étaient des époques trop actives et trop rudes pour que ces contemplations amères et ces développements malsains de la sensibilité humaine y trouvassent aisément accès. […] On ne sait avec certitude à quelle époque elle a été écrite, quoique Malone lui assigne pour date l’année 1610. […] L’action qui fait le sujet d’Othello doit être rapportée à l’année 1570, époque de la principale attaque des Turcs contre l’île de Chypre, alors au pouvoir des Vénitiens. […] Il n’est pas difficile d’y reconnaître la main de Shakspeare, à une poésie plus hardie, plus brillante d’images, moins exempte peut-être de cet abus d’esprit que Shakspeare ne paraît pas avoir emprunté aux poëtes dramatiques de l’époque. […] Il paraît avoir été représenté en 1597 : on avait, avant cette époque, plusieurs pièces sur le même sujet.

704. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

La date en est incertaine, mais la coupe soignée de la barbe du fiancé paraît indiquer l’époque de l’empereur Hadrien. […] A cette époque succède l’époque pastorale, où nous trouvons l’amour des vertes prairies, de l’ombre donnée par les arbres, de tout ce qui rend la vie agréable et confortable. […] Mais il n’en était pas ainsi aux époques primitives. […] A quelle époque la chose se fit-elle ? […] Il façonne à nouveau notre époque.

705. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Cette époque était si belle et si féconde, que les artistes en ce temps-là n’oubliaient aucun besoin de l’esprit. […] Nanteuil est un des plus nobles, des plus assidus producteurs qui honorent la seconde phase de cette époque. […] Tout le monde a remarqué l’époque où son esprit fut travaillé de jalousie à l’endroit de Corrège et de Prud’hon. […] A différentes époques, divers portraitistes ont obtenu la vogue, les uns par leurs qualités et d’autres par leurs défauts. […] Des nombreux élèves qu’il a formés, soutenus ou retenus loin des entraînements de l’époque, M. 

706. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Aux époques de barbarie naît la sagesse. […] A cette époque est apparue une chose qui a bouleversé la conscience du monde. […] Pur surcroît, à notre époque, qui est la plus matérialiste et la plus vile, les artistes et les sensibles ont besoin d’une nouvelle foi, d’une profonde émotion intérieure. […] Le livre n’a pas eu d’écho à l’époque, Shakespeare n’étant pas en vogue. […] L’expression renvoie à l’orientation conservatrice et militariste de l’Allemagne de cette époque.

707. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

Tout proteste, dans les faits et dans les paroles, contre toute persécution du Tasse à cette époque. […] Quelques-uns des vers écrits par lui à cette époque, pour une des cinq dames qui suivaient la princesse de Savoie, attestent que l’image de Léonora avait fait place à une autre image, qui n’éclairait pas seulement, mais qui consumait son cœur. […] Les indignités que je subis l’augmentent encore ; la squalidité de ma barbe, mes cheveux hérissés, mon costume délabré, la saleté de mon linge, les immondices de mon cachot, me pénètrent de répugnance ; mais, par-dessus tout, je suis obsédé par la solitude, qui fut toujours ma plus cruelle ennemie, tellement qu’à l’époque où j’étais le mieux portant, après quelques heures de solitude, j’étais obligé de sortir pour aller chercher la compagnie des hommes. […] Soit que cette mort lui ait été cachée jusqu’à sa sortie de prison ; soit qu’il ait craint, en exprimant sa douleur, d’irriter davantage le duc de Ferrare ; soit encore que le neveu du geôlier, son jeune confident, pressentant quelque danger à laisser ébruiter les expressions du désespoir de Torquato, en ait anéanti le témoignage, rien n’indique, dans les lettres ou dans les poésies du Tasse à cette époque, un contrecoup de cette mort sur son cœur. […] On doit reconnaître que le duc de Ferrare, à cette époque, cherchait sincèrement à le guérir de ses imaginations, derniers assauts de son mal, en lui procurant les distractions propres à évaporer ses songes.

708. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

. — Heureux si j’ai le temps d’accomplir cet austère monument spirituel sans faillir, d’autre part, au devoir d’achever l’œuvre poétique dès longtemps rêvée, promise… Le titre de la présente publication en dit l’esprit essentiel : il affirme ce sens religieux, ou idéaliste, ou mystique — ainsi qu’il vous est loisible de choisir — de l’Art à toutes ses époques de vitalité vraie : d’où vous conclurez que la poésie contemporaine a reconquis tous droits à la gloire depuis qu’elle s’est relevée jusqu’au rêve de l’infini. […] C’est toutefois un usage immémorial, celui de distinguer, dans les époques de l’art, ce qu’on nomme les grands siècles et les siècles de décadence. […] Si nous étions obligés de choisir entre Tite-Live et Tacite, par exemple, il se pourrait que nous fussions plusieurs à préférer l’historien de la décadence latine à l’historien de la bonne époque. […] Mais supposons qu’une telle opinion soit erronée, acceptons cette distinction des époques de grandeur et des époques de décadence de l’art. — Eh bien, nous dit-on, elle n’est donc pas immuable, la notion d’art et de beauté, puisqu’elle subit cette variation de progrès et de regrès. […] Mais n’est-il pas permis d’en voir une correspondance exactement symétrique dans cette époque de la Renaissance : alors qu’en plein épanouissement chrétien une soudaine récurrence sensualiste ramena les artistes au culte et à l’imitation de l’antiquité païenne ?

709. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Qu’on juge, d’après ces dispositions, ce qu’était pour nous, à cette époque, le nom de Béranger. […] Et même, parmi ces Français de son opinion ou de sa faction, Béranger, à cette époque, rétrécit encore son auditoire. […] La passion du peuple était si acerbe, à cette époque, contre les Bourbons, contre la noblesse, contre le clergé surtout, que cette passion aidait le cabaret et la caserne à comprendre les finesses trop littéraires de ce style ; même quand il ne les comprenait pas, le peuple y entendait malice de confiance. […] On comprend qu’à cette époque de sa vie il ait fait ce petit sacrifice à l’envie, divinité de la rue qui vit aussi de fumée, comme les divinités antiques. […] On le destinait alors à ce qu’on appelle aujourd’hui les affaires, c’est-à-dire à la banque, aux fournitures d’armée et aux spéculations d’argent et de papier, qui avaient pris une grande place dans la vie des Parisiens de cette époque, comme sous la Régence et comme de nos jours.

710. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Certaines habitudes s’associent aisément avec d’autres, comme avec certaines époques du jour ou avec certains états du corps ; et, une fois acquises, elles persistent avec constance pendant toute la vie. […] Les changements d’instincts peuvent être surtout rendus faciles, lorsque les mêmes espèces ont des instincts très différents à différentes époques de la vie, selon les saisons de l’année, ou lorsqu’elles se trouvent placées en des circonstances différentes. […] On pourrait citer un nombre infini d’exemples curieux et parfaitement authentiques de l’hérédité des goûts, des tempéraments et des caractères les plus divers, et même des façons d’agir ou des manières d’être les plus étranges, parfois associées avec certaines dispositions mentales ou avec certaines époques. […] Comme, à cette époque de l’année, il n’y en a que très peu dans les nids, je pensai qu’elles se conduisaient peut-être autrement quand il y en avait un plus grand nombre ; mais M.  […] On a des preuves de leur existence aussi loin que la période des terrains Wealdiens, et, d’autre part, on sait que durant la période tertiaire Pliocène les Fourmis étaient si nombreuses en Europe, qu’on pourrait appeler cette époque géologique l’ère des Fourmis.

711. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

L’époque est prolifique. […] Paris, la cour, les personnages de cette fin du xviiie  siècle, qu’on a peints tant de fois, ont été rechampis par Paul Féval une centième fois de plus avec un pinceau infatigablement spirituel, audacieux et léger comme cette époque où les jolies manières avaient remplacé les bonnes mœurs. […] C’est enfin un livre d’histoire comme on est obligé d’en faire aux époques de lutte, de contradiction et de déchirement. […] Si ce talent robuste, à une époque de talents fins, et qui n’a pas laissé de renommée en proportion avec la force samsonienne que ses œuvres affirment, s’était donné à la Libre Pensée comme il s’est donné au Catholicisme, quelle gloire ne lui auraient pas faite les tapageurs qui ont fait celles de Renan et de Proudhon ! […] à rebrousse-poil de son époque.

712. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Ballanche avait lu, dès cette époque, les Considérations sur la Révolution française, par de Maistre, et, tout en ignorant le nom de l’écrivain, il citait des passages de cet opuscule étonnant. […] Les philosophies primitives de l’antiquité furent sans contredit intuitives, et se produisirent sous les voiles de la poésie, avec les accents de la muse : refuserait-on entièrement aux époques de transformation où le sens antique se réveille, et où aboutissent tous les échos du passé, de reconstruire à leur manière quelque chose de ces mystérieux monuments ? […] Durant un séjour qu’il fit à Rome en 1824, dans la même compagnie d’élite qu’autrefois, il eut conscience de l’antique cité latine, du droit patricien et de cette époque incertaine dont il a cherché, dans la Formule générale, à reconquérir le sens sur Tite-Live. […] L’Orphée n’est pas une tentative qui aille à recomposer une antique réalité ; ce n’est pas une restitution poétique, et poétiquement aussi vraisemblable que possible, d’une époque évanouie. […] Il lut les Neuf Livres de Coëssin dès 1809, et dans un voyage qu’il fit à Paris, il visita ce prophète d’une époque pontificale ; mais l’esprit envahissant du sectaire le mit d’abord sur ses gardes : M.

713. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Quand cet homme, qu’excède visiblement lespectacle du monde moderne, s’adonne à l’évocation d’époques que son esprit apercevait éclatantes et grandioses, il ne peut dépouiller son réalisme et se sent impérieusement forcé d’étayer sa fantaisie du positif des données archéologiques. […] Soit par l’harmonie de phrases supérieures à leur sens, soit dans la grandeur d’âmes douloureusement séparées du commun, soit dans l’évocation d’époque mortes et sublimées dans son esprit en leur seule splendeur et leur seule horreur, il sut s’éloigner de ce qui existe imparfaitement. […] La suite des visions n’est pas clairement symbolique ; chacune d’elles est non de fantaisie, mais extraite de livres et condense en quelques lignes tout un ordre de renseignements positifs ; enfin elles sont choisies aussi pour leur beauté et leur mystère ; à tel point que l’on peut tour à tour considérer la Tentation soit comme un poème didactique, soit comme un tableau des époques antiques jusqu’au bas-empire, soit comme un admirable et précieux ballet où se mêlent la fantaisie et les magnificences. […] Son amour des mots indéfinis  c’est-à-dire tels qu’ils provoquent dans l’esprit non une image, mais la sourde tendance à en former une et le vif sentiment d’effort et d’élation qui accompagne toute tendance intellectuelle confuse  le porta aux sujets où il pouvait le satisfaire, aux époques lointaines et vagues, aux mouvements intimes de l’âme féminine, aux scènes lunaires et aux théogonies mortes. […] Il lui fallut Carthage, les hymnes à Tanit, les lions crucifiés, les temples, le désert, le siège, les somptuosités barbares d’une époque, que, lointaine, il put se figurer grandiose.

714. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

Car nous connaissons assez mal cette longue période qui s’est étendue de l’avènement, des premiers Valois jusqu’à l’époque de la pleine Renaissance. […] Où la stérilité de l’époque n’est pas moins attristante que dans les rapsodies des « grands rhétoricqueurs », c’est dans la fausse abondance des Mystères, si toutefois les Mystères appartiennent à l’histoire de la littérature, et que le texte en ait plus de valeur que celui d’un moderne livret d’opéra. […] B. — Caractère artificiel de la poésie provençale ; — et qu’elle n’est qu’un jeu d’esprit ; — dont le thème invariable est l’amour « courtois » ; — mais dont la valeur d’art n’est pas moins grande pour cela : Materiam superavit opus [Cf. dans la littérature grecque les poètes de l’époque alexandrine] ; — et dont les défauts autant que les qualités expliquent la fortune aristocratique. […] Le Roman de la Rose. — On en saisit mieux le rapport avec les genres qui les ont précédées, et entre elles. — En observant qu’elles sont toutes, ou à peu près, du même temps, on s’aperçoit que l’« allégorie » caractérise toute une « époque » de la littérature du Moyen Âge ; — et on est conduit à chercher les raisons de ce goût pour l’allégorie. — Il s’en trouve de sociales, comme le danger qu’on pouvait courir à « satiriser » ouvertement un plus puissant que soi ; — mais il y en a surtout de littéraires, qui se tirent — du peu d’étendue de l’observation « directe » de la réalité au Moyen Âge ; — du peu d’aptitude de la langue à exprimer les idées générales sans l’intermédiaire d’une personnification matérielle ; — et de la tendance des « beaux esprits » de tout temps à parler un langage qui ne soit pas entendu de tout le monde. […] Succès prodigieux du Roman de la Rose ; — et que Jean de Meung, après Crestien de Troyes, est un des rares écrivains du Moyen Âge dont on puisse dire que l’œuvre ait fait époque. — Attaques de Gerson ; — et de Christine de Pisan ; — témoignage de Pétrarque ; — « Puisque vous désirez un ouvrage étranger en langue vulgaire, écrit-il à Guy de Gonzague de Mantoue, je ne puis rien vous offrir de mieux que celui-ci [le Roman de la Rose], à moins que toute la France et Paris en tête ne se trompent sur son mérite. » — Nombreuses copies du poème ; — et, dès la première invention de l’imprimerie, nombreuses éditions du livre.

715. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Il fut impressionné par ce magnifique tableau de la nature et l’exprima hautement, quoique, aux yeux des géologues, cette île ne soit qu’une montagne intéressante d’origine volcanique et formée à différentes époques. […] X Je n’ai jamais été lié d’amitié avec M. de Humboldt, mais je l’ai fréquemment rencontré dans le monde de Paris, à l’époque où j’y jetais moi-même un certain lustre. […] Il eût été très difficile de dire, à cette époque, quelle était sa véritable opinion, et s’il en avait une en dehors de son amour-propre. […] À cette époque, il ne se levait plus qu’à huit heures et demie du matin, lisait, en faisant un frugal déjeuner, les lettres qu’il avait reçues, et s’occupait de faire les réponses les plus pressantes. […] Quoique menant en apparence la calme existence d’un savant, Humboldt n’en était pas moins un aimant qui dirigeait sur Berlin tous les résultats scientifiques de l’époque et les esprits de tous les peuples dont il était le centre intellectuel.

716. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

Il s’agit ici de déterminer l’époque précise où les précieuses s’établirent et furent désignées sous ce nom dans la société ; comment ce mot changea de signification, à quelle époque on distingua entre les précieuses, et on eut besoin d’adjectifs pour déterminer le sens de ce mot. […] Quand nous parlerons de cette comédie à la date de sa première représentation dans la capitale, nous verrons que, quelle qu’ait été l’époque de sa composition, elle ne peut s’appliquer le moins du monde à l’hôtel de Rambouillet. […] Il dit ailleurs, sous la date de 1661 : « On en parle de plus en plus depuis cinq ou six ans, c’est-à-dire depuis 1655 ou 1656. » Somaise est donc d’accord avec de Pure sur l’époque où les précieuses firent grand bruit et où le mot de précieuse acquit de la vogue. […] Avant cette époque elle avait fait des romans, mais elle sciait bien gardée de les publier sous son nom.

717. (1772) Éloge de Racine pp. -

Le cid avait été la première époque de la gloire du théâtre français, et cette époque était brillante. […] Nous voici parvenus à la dernière espèce de création qui caractérise le talent original de Racine, et dont Andromaque fut encore l’époque ; à celle qui lui est peut-être encore plus particulière que toutes les autres, celle au moins que ne lui disputent point ses plus aveugles détracteurs et les plus ardens enthousiastes de son rival. […] Quel homme prodigieux que celui qui, à vingt-sept ans, a pu fixer une époque si glorieuse pour la France et pour lui ! […] Quant au mérite personnel, la différence des époques peut le rapprocher malgré la différence des ouvrages ; et si l’imagination veut s’amuser à chercher des titres de préférence pour l’un ou pour l’autre, que l’on examine lequel vaut le mieux d’avoir été le premier génie qui ait brillé après la longue nuit des siècles barbares, ou d’avoir été le plus beau génie du siècle le plus éclairé de tous les siècles.

718. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

À une époque aussi dépravée par les livres que l’est la nôtre, les Fleurs du mal n’en feront pas beaucoup, nous osons l’affirmer. […] Il y a du Dante, en effet, dans l’auteur des Fleurs du mal, mais c’est du Dante d’une époque déchue, c’est du Dante athée et moderne, du Dante venu après Voltaire, dans un temps qui n’aura point de saint Thomas. […] Il appartient à une époque troublée, sceptique, railleuse, nerveuse, qui se tortille dans les ridicules espérances des transformations et des métempsycoses ; il n’a pas la foi du grand poète catholique qui lui donnait le calme auguste de la sécurité dans toutes les douleurs de la vie. […] Que penseront-ils surtout de cette plaisanterie, banale alors, du mot coupé par l’hémistiche, appliquée au versificateur le plus sévère de l’époque ? […] La poésie à grandes proportions, la poésie épique, est celle des peuples, non pas barbares, mais peu liseurs, ou qui ne savent pas encore lire et qui sont naturellement plus saisissables par la passion que par la réflexion ; c’est la poésie des époques héroïques ; c’est aussi la poésie des peuples opprimés ou asservis, et c’est pour cela peut-être que la France n’a pas de poème épique. — Le poème didactique est un jeu de rhétoricien qui ne peut être poétique qu’épisodiquement. — Quant au poème démonstratif ou persuasif, à la poésie de propagande, au poème-sermon, au poème-pamphlet, ne sont-ils pas devenus ridicules aujourd’hui qu’un article de journal ou une simple brochure renseigne plus vite et plus nettement ?

719. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Les blés d’alentour mûrs avant que la nitée… Voici le récit d’une semaine à la campagne, à l’époque des blés mûrs : … avant que la nitée Se trouvât assez forte encor Pour voler et prendre l’essor, De mille soins divers l’alouette agitée S’en va chercher pâture, avertit ses enfants D’être toujours au guet et faire sentinelle. […] Quand la chènevière fut verte… Seconde époque. […] Bouillon, et à peu près à la même époque une traduction libre, du Joconde de l’Arioste par M. de La Fontaine, et il y eut, comme pour les sonnets de Job et d’Uranie, comme il y a eu toujours à cette époque-là, une discussion, une querelle littéraire remplissant les salons et les cabinets des libraires, il y a eu une querelle littéraire sur la supériorité de M.  […] Et puis, La Fontaine a eu ce grand amour pour les animaux qui était, lui, tout à fait une excentricité, une nouveauté, une originalité déconcertante à l’époque de La Fontaine.

720. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

Et voilà pourquoi, à certaines époques, quand tout ce qui a été si profondément ébranlé se raffermit peu à peu, il est peut-être bon de ne pas toucher à ce qui pourrait jeter de nouveaux troubles dans ces esprits disposés à tout confondre et à ne plus rien respecter. […] Il fut une époque où de telles précautions pouvaient être utiles, mais avec le mouvement actuel des esprits, le déchaînement, pour mieux dire, y a-t-il moyen de tromper ces curiosités insatiables et ces besoins de connaître, chaque jour davantage excités ? […] À cette époque à jamais maudite dans l’histoire du monde, fut posé avec une rigueur inaccoutumée, en présence de l’Église romaine et du principe qu’elle représentait, le principe contraire qui n’est pas un principe, mais le commencement de toutes les erreurs. […] ce qu’on appelle l’esprit d’une époque n’est guère redoutable que parce que ceux qui devraient le diriger se laissent emporter à son flot, par manque de hardiesse ou par manque de génie, et c’est là précisément ce qui arrivait en Europe vers l’année 1766. […] Du reste, ce grand égarement d’une époque spirituelle, éclairée, polie, parce que ses passions lui remontèrent à la tête comme une congestion de sang impur, est un de ces faits qu’on ne saurait plus discuter.

721. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

On est toujours les fils de ces Francs de l’époque carlovingienne qui, à certaines journées, se heurtaient dans un duel immense, en dédaignant les avantages que l’habileté seule pouvait procurer. […] On a vu l’ordre des combattants ; mais Froissart, qui veut être exact et qui est au niveau de la stratégie de son époque, Froissart, qui, en son genre, est aussi clair dans son récit de la bataille de Poitiers que tel moderne peut l’être dans celui de la bataille d’Austerlitz, nous expose que l’ordonnance du prince de Galles a de plus cela de particulier, qu’il a formé, d’une part, un corps d’élite de chevaliers pour faire tête à la bataille des maréchaux de France, et que, d’autre part, à main droite, sur une montagne qui n’est pas trop roide à monter, il a disposé trois cents hommes à cheval et autant d’archers à cheval également, pour longer à la couverte cette montagne et tomber à l’improviste, à un moment donné, sur le corps du duc de Normandie, qui est rangé au pied. […] Jusqu’à cette époque de son histoire, Froissart avait plus ou moins suivi la Chronique de Jean le Bel : c’est à partir de l’année 1356 et de la bataille de Poitiers seulement, qu’il commence à cheminer seul, et, dès les premières pages, il débute par un grand tableau digne d’un maître. […] Les critiques les plus distingués de notre époque, M. 

722. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Qui sait le sort qui attend sa famille adoptive à l’entrée d’une époque de révolutions comme celle où nous sommes ? […] C’est le temps le plus malheureux de ma vie ; je ne puis me comparer qu’à un homme qui, saisi d’un vertige, croit sentir le plancher trembler sous ses pas et voit remuer les murs qui l’entourent ; même aujourd’hui, c’est avec un sentiment d’horreur que je me rappelle cette époque. […] A partir de cette époque, vous avez eu de grands jours ; mais l’action continue a cessé : c’est par l’époque de la Restauration que vous marquerez dans notre histoire.

723. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

De 1821 à 1829, époque où M. de Balzac commença de se faire remarquer par la publication du Dernier Chouan, qu’a-t-il tenté ? […] M. de Balzac à cette époque ne se contentait plus d’écrire ; son esprit d’entreprise l’avait poussé à des opérations de librairie et d’imprimerie ; les Annales romantiques, où il insérait les vers dont je parle, étaient, je crois, imprimées par lui, et il publiait une édition de La Fontaine à laquelle il ajoutait une notice. […] Il redevient chimiste : ses premiers travaux chez Lavoisier renouvellent tout leur attrait et le sollicitent à poursuivre : un officier polonais, qui passe à cette époque par Douai et qui cause avec Balthazar, provoque en lui cette subite révolution. […] Quoi qu’il en soit, c’est un besoin pour moi d’indiquer que, vers l’époque de sa mort, j’ai parlé de lui (Constitutionnel du 2 septembre 1852) sous un point de vue plus général et en embrassant de mon mieux l’ensemble de son œuvre, que je ne suis point cependant arrivé à admirer autant que je le voudrais.

724. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Au xvie  siècle, époque où la langue française, dès auparavant régnante, achève de prendre le dessus et de reléguer le roman à la condition de patois, le pays de Vaud paya son plein tribut à notre prose par les écrits du réformateur Viret, réputé le plus doux et le plus onctueux des théologiens de ce bord. […] En 1815, époque bien critique pour le pays de Vaud, que Berne devait chercher à reprendre, mais que M. […] En parlant des mots d’abord nobles, de quelques mots employés par Malherbe lui-même, mais qui finirent par être déshonorés dans un emploi familier, et qu’il fallut expulser alors de la langue de choix : « C’est le cheval de parade, dit-il, qui, sur ses vieux jours, est envoyé à la charrue20. » Ailleurs (préface du troisième volume), quand, voulant marquer que la poésie d’une époque exprime encore moins ce qu’elle a que ce qui lui manque et ce qu’elle aime, il dit : « C’est une médaille vivante où les vides creusés dans le coin se traduisent en saillies sur le bronze ou sur l’or, » ceci n’est-il pas frappé, de l’idée à l’image, comme la médaille même ? […] Le cours de littérature qu’il professe à Lausanne avec éclat lui a fait d’abord passer en revue toute l’époque moderne, l’Empire, la Restauration ; des portions considérables du cours ont été lithographiées, et sont mieux que des promesses ; il en sortira bientôt un livre qui achèvera de consacrer parmi nous l’autorité du maître.)

725. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

Mémoires sur la mort de Louis XV La maladie d’un roi, d’un roi qui a une maîtresse, et une c… pour maîtresse, d’un roi dont les ministres et les courtisans n’existent que par cette maîtresse, dont les enfants sont opposés d’intérêts et d’inclination à cette maîtresse, est une trop grande époque pour un homme qui vit et qui est destiné à vivre à la Cour, pour ne pas mériter toutes ses observations. […] D’ailleurs, l’état du roi était même plus fâcheux que ne l’est communément à cette époque celui de ceux qui ont cette maladie. […] Sa philosophie avait fait de grands, progrès depuis cette époque, et la conduite avilie du roi, les infamies qui avaient été faites en son nom et auxquelles sa faiblesse apathique s’était prêtée, avaient fort aidé à cette philosophie. […] Il était médecin de Mme Dubarry depuis sa naissance, et l’avait vue dans toutes les différentes époques de sa vie.

726. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

« À cette époque, dit le philosophe allemand Herder dans sa belle Histoire de la Poésie des Hébreux, à cette époque de l’âge du monde, la poésie et la musique étaient étroitement unies ; les poètes et les musiciens n’étaient presque toujours qu’une même personne. […] Un torrent traverse la vallée en serpentant à peine ; son lit, desséché à l’époque où je le traversai, semble rouler des galets et des rochers au lieu d’ondes. […] David paraît avoir été à cette époque un des premiers exemples de cette chevalerie errante et héroïque, toujours pratiquée en Arabie, redressant les torts, protégeant les faibles, punissant, pillant, tuant les oppresseurs, et se faisant ainsi parmi les tribus des campagnes une renommée de tuteur ou de vengeur du peuple qui devait inévitablement le porter au trône ou au supplice.

727. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Il en eut la pensée dans le temps où il aima la gloire avec candeur, alors qu’elle lui apparaissait sous les traits des jeunes Français de l’âge futur apprenant de lui à admirer, dans l’époque où régna Louis XIV, toutes les grandeurs de leur pays. […] L’homme qui a dit de lui : Tous les goûts à la fois sont entrés dans mon âme, devait être l’historien d’une époque où tous les goûts de l’esprit ont eu leur idéal. […] Je suppose un lecteur qui connaît en gros les principaux traits de cette époque : l’œuvre de Richelieu attaquée et près de périr ; un parlement qui veut régir l’État et ne rend pas la justice ; un Condé, un Turenne menant les armées étrangères contre la France ; des finances mises au pillage ; un premier réparateur, l’Italien Mazarin, plus Français que les Français de la Fronde, mais qui se paye de ses services par des mains qui prennent tout ; que va-t-il demander à l’historien de cette époque ?

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