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41. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Français, mais d’origine allemande, élevé à Paris dans nos collèges et s’étant allé fortifier au-delà du Rhin, il a de bonne heure uni les deux esprits, celui de la recherche approfondie et de la science, celui de l’exposition nette, claire et précise. […] Pour aider la mémoire dans un résumé universel, il faut avoir des temps marqués, des époques ou moments d’arrêt, des stations élevées qui servent de point de repère. […] Cette seconde partie va être toute une explication historique, théorique, théologique et morale, du Christianisme : c’est le point de vue chrétien élevé sous lequel Bossuet concevait et ordonnait l’histoire. […] Cette architecture du Discours sur L’Histoire universelle, à la bien prendre, est admirable en son genre : il y a deux sommets dans ce Discours ; l’un de ces sommets est Moïse, l’autre plus élevé est Jésus-Christ. […] Élevé dès l’enfance à l’ombre du sanctuaire, il n’a grandi que pour en être l’honneur et le défenseur, sans hésiter et sans s’écarter jamais.

42. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 480-482

Cet Ecrivain méritoit les distinctions du Monarque autant par le bon usage qu’il avoit fait de ses talens, que par la sincérité avec laquelle il avoit abjuré les erreurs de la Religion prétendue réformée, dans laquelle il avoit été élevé. […] Les Protestans qui ont osé assurer qu’il est mort dans des sentiments suspects, ne l’ont pas connu : une ame aussi élevée que la sienne, étoit incapable de dissimulation.

43. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Revue encyclopédique. Publiée par MM. H. Carnot et P. Leroux »

L’apostasie de nos gouvernants, l’impudente palinodie de certains hommes qui se retournent aujourd’hui contre les idées dont ils sont issus ; l’hésitation de la société à se reconnaître et à reprendre son train progressif au milieu du désappointement qui a suivi la dernière secousse ; toutes ces circonstances ont favorisé chez quelques esprits élevés, mais trop absolus, trop prompts, le dénigrement inconsidéré des principes et des garanties qui sont pourtant devenus plus que jamais l’indispensable condition de la société moderne. […] Reynaud, par suite de notre dernière révolution, l’élément aristocratique et nobiliaire ayant disparu, les autres éléments qui restent se trouvent élevés chacun d’un degré, et sont, pour ainsi dire, montés d’un cran. […] La Religion et l’Art, ces deux points élevés, ces deux sommets que quelques-uns croient apercevoir devant nous à l’horizon, et qu’ils tâchent de démontrer aux autres, lesquels prétendent n’y rien voir ; ces deux pics merveilleux, qui ne sont pour certains regards sévères qu’une fantaisie dans les nuages, apparaissent aux directeurs de la Revue comme les deux phares de l’avenir ; ils essaient souvent de s’en approcher et d’en gravir les premières hauteurs.

44. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre VI. Architecture. — Hôtel des Invalides. »

Plus les âges qui ont élevé nos monuments ont eu de piété et de foi, plus ces moments ont été frappants par la grandeur et la noblesse de leur caractère. […] L’or du commerce a élevé les fastueuses colonnades de l’hôpital de Greenwich, en Angleterre ; mais il y a quelque chose de plus fier et de plus imposant dans la masse des Invalides.

45. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

La joie et la tristesse se fondaient dans son accent ; le site élevé, la touffe de verdure, le son de la clochette, la lueur sereine du soleil sur ce groupe de murailles, attirèrent machinalement mes pas vers le couvent. […] Je restai si longtemps agenouillé sur cette pierre et absorbé dans mon culte de jeune homme, pour le chantre de l’ingrate Léonora, que le frère fut contraint à me rappeler l’heure, et qu’au moment où je sortis de l’église pour cueillir une feuille de l’oranger de Saint-Onufrio, la dernière lueur du soleil s’était éteinte sur les cimes les plus élevées des monts de la Sabine ; en rentrant lentement à mon logement par les rues ténébreuses de Rome, je songeai que le plus touchant poème du Tasse serait le poème de sa propre vie, s’il se rencontrait un poète égal à lui pour l’écrire. […] Le père du poète s’appelait Bernardo Tasso, il était né en 1493 ; orphelin de bonne heure, et sans fortune, il fut élevé par un de ses oncles, évêque de Ricannoti. […] C’est là que naquit, en effet, Torquato Tasso ; peut-on s’étonner qu’un enfant d’un tel père et d’une telle mère, né et élevé dans un tel séjour, au sein d’une telle félicité et d’une telle poésie, soit devenu le poète le plus tendre et le plus mélodieux de son siècle ? […] Ronsard était une sorte de Pétrarque français, qui tentait de donner à la poésie naissante de son pays les ailes de l’imagination italienne et la sphère élevée du platonisme attique ; mais le génie gaulois, prosaïque et trivial, rabaissa bientôt cette poésie au niveau de terre.

46. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Appendice. »

Le parfait normalien de ce temps-là fut formé à son image et selon cette doctrine philosophique, rationnelle, noble, élevée, modérée, admettant sa part de croyance. […] « Cher Monsieur, « Je lis votre article sur Cousin, d’un sentiment si digne et si élevé. […] Elle avait été comme élevée sur les genoux de Mesdames, filles de Louis XV, auxquelles sa mère était attachée moins encore par une charge de Cour que par des liens d’affection. […] Dans la vie si au hasard que je mène depuis des années et où j’obéis aux nécessités de chaque jour, j’ai gardé du moins et réservé un coin de ma vie antérieure : c’est une appréciation profonde et encore plus juste que reconnaissante des personnes si distinguées, si à part, que j’ai eu le bonheur de connaître et qui m’ont honoré de leur bonté en même temps qu’élevé par leur commerce.

47. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

Et précisément, en acceptant tout cela, l’historien a fait saillir davantage le côté inspiré d’un homme qui n’avait pas la science, disent les savants, et qui a toujours agi comme la science et une science infaillible aurait agi ; et c’est ainsi que sur les diminutions historiques de la grandeur humaine de Colomb il a élevé et plus solidement établi l’homme providentiel ! […] Il l’a grandie, il l’a élevée dans ses événements et dans son héros, mais il n’a pas empêché l’historien d’entrer dans ce que la critique de la philosophie appelle le positif et la réalité des choses humaines. […] Élevée à la gloire de Colomb, l’œuvre de M. Roselly de Lorgues est autant élevée à la gloire de l’Église, car il n’y a que l’Église romaine dans le monde qui puisse faire des grands hommes d’une telle beauté de perfection !

48. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre II. De la métaphysique poétique » pp. 108-124

Aussi, sous un de ses principaux aspects, la Science nouvelle est d’abord une théologie civile, une explication raisonnée de la marche suivie par la Providence ; et cette théologie commença par la sagesse vulgaire des législateurs qui fondèrent les sociétés, en prenant pour base la croyance d’un Dieu doué de providence ; elle s’acheva par la sagesse plus élevée (riposta) des philosophes qui démontrent la même vérité par des raisonnements, dans leur théologie naturelle. […] Je veux dire qu’ils supposent d’abord un état de civilisation où les hommes seraient déjà éclairés par une raison développée, état dans lequel les nations ont produit les philosophes qui se sont élevés jusqu’à l’idéal de la justice. […] Le point le plus élevé s’appelait, selon Pausanias, αετος l’aigle, l’oiseau des auspices, celui dont le vol est le plus élevé.

49. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugues, Clovis (1851-1907) »

Clovis Hugues est bien frappé, vigoureux, facile, richement rimé ; la pensée qui l’anime est généralement élevée, et nul n’a plus de grâce quand il s’agit de peindre le charme de la nature. […] Elle a défendu âprement et avec des rires la cause du petit et du faible ; elle a prononcé les paroles d’espoir et de consolation ; elle s’est attendrie au souvenir du village natal dont elle a retrouvé, tant de fois la parole familière et sonore ; elle s’est élevée jusqu’à l’ode et à la tragédie ; et lyrique, et magnifique, et bien française, elle vient de chanter l’épopée héroïque de notre Jeanne d’Arc… [La Cigale (mars-juin 1900).]

50. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Ses ouvrages font toujours mon admiration par la pensée profonde et toujours élevée qu’il y a. […] Je regarde cela comme une dette d’argent : et dans notre famille nous avons tous été élevés avec des principes qui nous font envisager avec la plus grande frayeur de contracter des obligations que tant de circonstances peuvent empêcher de remplir. […] Ta manière élevée de voir se communique à moi, et, quoiqu’en ce moment il se trouve ici beaucoup d’ouvrage pour moi, je laisse tout pour ne suivre que tes conseils. […] J’ai choisi un effet trop difficile à rendre ; et d’ailleurs je m’aperçois qu’une Corinne est trop élevée pour moi qui n’ai jamais fait que des brigands et des paysannes… C’est un sujet trop difficile. […] Mais, cher ami, ne soyez pas étonné, je vous prie, de ce que je vous dis ; il me semble que des idées élevées, tout en mettant dans l’âme de grands principes de bonheur, donnent aussi au talent quelque chose d’original et le sortent de l’ornière que l’on suit trop généralement.

51. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

On conjecture que, né dans un village près de Dourdan, il fut élevé à la campagne ; car il garda toujours de la nature une impression vive qu’il a exprimée avec bonheur, et il porte à l’homme des champs, pour l’avoir vu de près à la peine, un sentiment de compassion et d’humanité qu’il a rendu d’une manière poignante. […] La Bruyère, lui, vrai philosophe et d’un cœur élevé, ne pensa qu’à être témoin, spectateur et moraliste au profit du public. […] L’autel est au centre et au cœur de l’œuvre, un peu plus près de la fin que du commencement et à un endroit élevé d’où il est en vue de toutes parts. […] Il a cependant à cœur de terminer par ce qu’il y a de plus élevé dans la société comme dans l’homme, la Religion. […] Comme il sent bien le mérite de certaines femmes, leur charme élevé, profond, quand elles joignent l’agrément à l’honnêteté !

52. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

Elle qui m’a confié toute son âme et toute sa vie, quand moi-même je lui ai voué dans mon cœur toute la tendresse qu’on a pour une épouse, souffrirais-je qu’une nature aussi honnête, aussi pure, aussi bien élevée, en vienne, par misère, à tourner mal ? […] Cet homme des champs a deux fils dont il a donné l’un à l’oncle de la ville, qui l’a adopté et qui l’élève à sa manière, c’est-à-dire fort doucement et en lui laissant la bride sur le cou, il a gardé l’autre avec lui et l’a de tout temps tenu fort sévèrement : il l’a élevé à la Caton. […] Et pourtant, ajoute-t-il, il n’est pas mon fils, il est celui de mon frère… Mais je l’ai adopté enfant ; je l’ai élevé, il m’est aussi cher que s’il était mien : il est ma seule joie, ma seule tendresse, et je fais tout, absolument tout, pour qu’il me rende la pareille : je donne, je pardonne, je ne crois pas nécessaire d’user en chaque rencontre de mon droit. […] Pour bien saisir le comique de la situation, il est bon de savoir que tous les désordres contre lesquels il va éclater, et dont Eschine s’est rendu coupable, ne sont que pour le compte du vertueux frère, ce frère si surveillé et que le père morigène si bien ; c’est le plus sévèrement élevé qui est le plus mauvais sujet des deux : l’autre n’a rien fait que par complaisance pour son cadet. […] C’est injuste, car si nous avions eu de quoi, nous aurions fait comme les autres ; et celui que vous me jetez sans cesse à la tête (ilium tu tuum, ce fils modèle élevé aux champs), si vous étiez homme, vous le laisseriez faire maintenant, tandis que l’âge le permet, plutôt que d’attendre qu’il ait mené votre convoi, trop tard à son gré, pour s’en aller faire après coup toutes ces mêmes choses, dans un âge moins propice. » Je paraphrase un peu ; chez Térence, chaque nuance et intention est indiquée par de simples mots bien jetés, bien placés et qui laissent à la pensée toute sa grâce (ubi te expectatum ejecisset foras, alienore ætate post faceret tamen).

53. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

Le front élevé était un peu trop incliné en arrière comme une muraille qui s’affaisse, mais la lumière y jouait comme l’intelligence dans un espace large et bombé. […] En lisant ces pages de M. de Lamartine et en trouvant à chaque instant des expressions heureuses, larges, élevées et même fines (car il y a du fin et du spirituel proprement dit chez lui bien plus qu’on ne le croirait, il y a même de la malice en quelques endroits), on éprouve un vif regret : c’est que la rhétorique, l’habitude et le besoin d’étendre, de forcer et de délayer, le conduisent à compromettre ces pensées et ces touches excellentes : « Depuis deux ans, dit-il de Napoléon, son retour à Paris, autrefois triomphal, était soudain, nocturne, triste. […] Lainé : c’était lui, sous la Restauration, qu’il ambitionnait de suivre, au temps de cette politique noble encore, élevée, royaliste et assez indépendante, d’une inspiration généreuse et sentimentale. […] M. de Lamartine ne s’en tient pas là, et ne voit dans ce peu de lignes qu’un motif à une composition pittoresque qui occupe chez lui deux ou trois belles pages : Debout sur la proue élevée du vaisseau, appuyé sur les fidèles compagnons de sa proscription, entouré de la France nouvelle qui s’était portée à sa rencontre, il tendait les bras au rivage et les refermait sur son cœur, en élevant ses regards au ciel comme pour embrasser sa patrie. […] Le portrait de la duchesse d’Angoulême m’a surtout choqué par une fausse expression de charmes et par une prodigalité de coloris qui fait contresens avec le caractère élevé, sévère et presque austère d’une figure si propre à inspirer uniquement le respect.

54. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXII » pp. 328-331

Mais en ce qui est de la poésie, nous avons peine à ne pas voir plutôt un avantage dans cette espèce de langue, non pas artificielle, mais supérieure à la langue usuelle et d’un ordre plus élevé, d’un ordre à part, qu’il est permis et même imposé à tout poëte sérieux de ressaisir et de s’approprier. […] Au lieu d’avoir comme ailleurs ce qu’on appellerait les sacrés balcons, elle n’a eu, si l’on peut ainsi parler, qu’un trottoir, très-habilement construit, mais très-peu élevé au-dessus de la prose.

55. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 236-239

Ce Poëte s’est élevé à lui-même un trophée immortel, par les Hymnes composées à l’usage de l’Eglise, adoptées dans le plus grand nombre des Dioceses. […] On est étonné que M. l’Abbé Dinouart ait entrepris de donner une nouvelle édition de ce Libelle, contre lequel les Journalistes* s’étoient fortement élevés.

56. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Pierre » pp. 200-201

Vous avez été mieux élevé que la plupart de vos confrères. […] C’est une grande nudité de femme ivre, âgée, chairs molles, gorge flétrie, ventre affaissé, cuisses plates, hanches élevées ; fade de couleur, mal dessinée, surtout par les jambes ; moulue, dont les membres vont se détacher incessamment, usée par la débauche des hommes et du vin.

57. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

tandis que j’étais plongé dans mes rêveries, des jeunes filles sont venues ramasser les fruits de quelques tamarins qui s’élèvent encore près du lac : des guirlandes de cassia couvraient leurs fronts d’ébène ; elles ont formé des danses, et leurs voix se sont élevées gaiement, mais elles ne célébraient point Palmarès. […] Placé dans un rang élevé, M. de Souza n’a pas cru y déroger en enrichissant la littérature de sa patrie d’une édition du Camoëns. […] On recueillit à grands frais dans toutes les bibliothèques de l’Europe les détails épars d’une vie qui fut à la fois si malheureuse et si obscure, et après des années de recherches, à la tête des œuvres du poète, reproduites dans tout l’éclat du luxe typographique, l’illustre éditeur put enfin placer l’histoire complète de cette vie tant méditée, magnifique et pieux monument élevé à la mémoire du génie.

58. (1890) L’avenir de la science « A. M. Eugène Burnouf. Membre de l’Institut, professeur au Collège de France. »

Or, s’il en était ainsi, si la science ne constituait qu’un intérêt de second ordre, l’homme qui a voué sa vie au parfait, qui veut pouvoir dire à ses derniers instants : « J’ai accompli ma fin », devrait-il y consacrer une heure, quand il saurait que des devoirs plus élevés le réclament ? […] C’est votre image que j’ai eue sans cesse devant les yeux, quand j’ai cherché à exprimer l’idéal élevé où la vie est conçue non comme un rôle et une intrigue, mais comme une chose sérieuse et vraie.

59. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Imaginez sur deux grandes arches cintrées un pont de bois d’une hauteur et d’une longueur prodigieuses ; il touche d’un bout à l’autre de la composition et occupe la partie la plus élevée de la scène. […] Le précédent est l’ouvrage de l’imagination, celui-ci est une copie de l’art ; ici on n’est arrêté que par l’idée de la puissance éclipsée des peuples qui ont élevé de pareils édifices ; ce n’est pas de la magie du pinceau, c’est des ravages du temps que l’on s’entretient. […] Les peuples qui ont élevé ce monument, où sont-ils ? […] Ce n’est pas tout ; l’artiste a élevé à chaque extrémité de l’esplanade deux grands obélisques. […] Il y a sans doute au-dessous de la balustrade une grande profondeur, et ce local doit être une portion de ces péristiles élevés sur les bas côtés d’une église.

60. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Et puis, ne l’oublions pas, nous qui datons d’un autre âge, nous avons pu être élevés dans un esprit un peu différent, sans que cet esprit (qui nous a réussi, je le veux bien croire) doive être constamment appliqué dans sa forme première et doive faire loi. […] Ces principes, ces notions générales, tout homme bien élevé doit les posséder, les conserver toute sa vie. […] Ces promenades sont, de tous les sujets de composition à donner aux élèves, les meilleurs… Il me semble qu’il n’y a dans de telles études, entremêlées aux leçons les plus élevées des lettres, rien d’accablant, rien qui émousse le sentiment de l’admiration ni qui jure avec l’idée du beau. […] La lecture de ces pages de l’Instruction serait faite, en vérité, pour donner à quelques-uns des disciples purs de Quintilien le regret de n’avoir point été élevés ainsi. […] C’est en faisant ces rapprochements qu’on acquiert la triste conviction que des esprits même élevés sont souvent esclaves des préjugés et de la routine.

61. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Il semble que l’écho de la Lisette de Béranger et de tant de refrains égrillards ne soit jamais arrivé jusqu’à ces parages : ils sont venus expirer, ces refrains de guinguette, à la région élevée des pins et à ces monts sourcilleux qui font barrière. […] Sur la montagne, la verdoyante ramée des hêtres triomphait si bien du feuillage noir des sapins, elle s’étendait si lustrée, si criante, elle montait si vaillamment jusqu’à la région des pâturages, et ceux-ci commençaient à verdoyer si ferme, qu’à part la coupole de neige qui couvrait le fin sommet, on ne voyait que ce vert terrible qui semblait refouler la pensée en soi-même. » En allant chez la vieille, il y a un endroit plus élevé, un col à passer, et, si l’on s’y arrête pour jouir du spectacle, on voit en bas cette vallée se déroulant au plus loin dans sa moire verte et « d’un vert criard », mais de l’autre côté, du côté du village, au-dessus et par-delà, on voit la montagne et ses dernières pentes, mouchetées de sapins, semées de hêtres et offrant aussi des places plus riantes, car la saison y est retardée, et quand le vallon est en mai, on n’est là-haut qu’en avril : « Les vergers croissaient parmi, et comme j’avais monté pour arriver au col, je retrouvais fleuris les arbres qui, dans le vallon, avaient passé fleur. » Voilà des expressions charmantes et neuves, nées de l’observation même. […] La nature toute seule, en effet, n’est pas conseillère du christianisme : elle l’est tout au plus du déisme, d’un déisme élevé, vague, immense, en présence duquel l’homme s’incline et adore. […] C’est un des points les plus élevés des Pyrénées. […] Ensuite, au bord du lac, s’est élevé un petit oiseau qui volait devant nous comme pour se faire admirer.

62. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Joseph Bertrand, doué par la nature de la faculté mathématique la plus élevée et la plus profonde, à laquelle l’éducation a donné tout son développement, se trouve être de plus un esprit ingénieux, aimable, facile et de lui-même ouvert au goût des lettres. […] Malgré tout l’art et la complaisance qu’y peuvent mettre en effet les plus élevés d’entre les vulgarisateurs, une difficulté réelle qu’impliquent ces notices sur des savants, écrites à l’usage des gens du monde, ne saurait être supprimée ni écartée ; ce point délicat et insurmontable, c’est que, pour celui qui n’a pas étudié la langue mathématique et fait les calculs, l’expression des principales découvertes demeure nécessairement obscure et comme une lettre close. […] Savoir le latin est bien : savoir la géométrie est pour le moins une marque aussi élevée de culture. […] Reportons-nous par la pensée au moment même où l’ouvrage parut, cet ouvrage si neuf, tout rempli et comme émaillé de vues philosophiques et scientifiques élevées, rendues avec piquant, avec imprévu, et se faisant accepter en faisant sourire. […] Certes, plus l’homme comprend ces lois merveilleuses de l’univers, et plus aussi il se rend digne de la condition humaine la plus élevée, telle que l’ont faite les sciences et le sublime effort de quelques-uns ; plus l’homme approche d’un Pythagore ou d’un Archimède, d’un Newton ou d’un La Place, et plus il doit ressentir une joie plénière devant des lois de plus en plus approfondies ou conjecturées ; mais, même à des degrés infiniment moindres, il lui est loisible encore de participer à ces nobles « délices des êtres pensants ».

63. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Mme de Souza, alors Mme de Flahaut, avant d’épouser fort jeune le comte de Flahaut, âgé déjà de cinquante-sept ans, avait été élevée au couvent à Paris. […] Dans Adèle de Sénange la vie se partage en deux époques, un couvent où l’on a été élevé dans le bonheur durant des années, un mariage heureux encore, mais inégal par l’âge. […] Si jamais l’auteur a marié quelque part l’observation du moraliste avec l’animation du peintre, s’il a élevé le roman jusqu’au poëme, c’est dans Eugène de Rothelin qu’il l’a fait. […] Il y a en effet dans la vie et dans la pensée de Mme de Souza quelque chose de plus important que d’avoir lu Jean-Jacques ou La Bruyère, que d’avoir vu la Révolution française, que d’avoir émigré et souffert, et assisté aux pompes de l’Empire, c’est d’avoir été élevée au couvent. […] L’auteur de Lélia, qui a été également élevée dans un couvent, et qui en a reçu une impression très-profonde, a rendu avec un tout autre accent sa tranquillité fervente dans ces demeures.

64. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

On trouverait bien encore, au commencement du xviiie  siècle, cette autre Mme de Staal (Mlle de Launay), auteur des charmants Mémoires, esprit élevé et ferme autant que fin ; mais elle n’a pas assez longtemps vécu, et, par les circonstances de sa condition première, elle n’a jamais été assez avant mêlée dans le plein milieu de la société, pour la personnifier de loin à nos yeux. […] On raconte que dans un couvent de la rue de Charonne, où elle était élevée, elle avait de bonne heure conçu des doutes sur les matières de foi, et elle s’en expliquait assez librement. […] je ne voudrais pas redevenir jeune, à la condition d’être élevée comme je l’ai été, de ne vivre qu’avec les gens avec lesquels j’ai vécu, et d’avoir le genre d’esprit et de caractère que j’ai ; j’aurais tous les mêmes malheurs que j’ai eus : mais j’accepterais avec grand plaisir de revenir à quatre ans, d’avoir pour gouverneur un Horace… Et là-dessus elle se traçait l’idéal de tout un plan d’éducation sous un homme éclairé, instruit, tel que l’était son ami Horace Walpole. […] Enfin, si l’on pardonne à Mme de Sévigné d’avoir aimé follement sa fille, on pardonnera à Mme Du Deffand d’avoir eu pour Walpole cette passion qu’on ne sait comment qualifier, qui lui était entrée par l’esprit dans le cœur, mais qui était fervente, élevée et pure. […] C’est assez indiquer le côté que j’appelle classique dans le sens élevé du mot chez Mme Du Deffand, celui par lequel elle est en dehors et au-dessus de son siècle.

65. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Je voudrais raconter nettement, et sans trop de conjectures, l’histoire de cette intelligence élevée qui tranche avec celle de nos autres contemporains, et qui doit une partie de son caractère et de son originalité à ses origines mêmes. […] Il méditait de l’entreprendre, cette histoire critique et vivante à la fois, avec toutes les ressources de l’érudition moderne, « en dehors et bien au-dessus de toute intention de polémique comme d’apologétique » ; c’était son rêve constant, — le plus beau, le plus élevé, le plus compliqué des rêves. […] En général, le procédé de critique qu’il applique en toute branche d’étude, et qu’il a élevé jusqu’à l’art, est celui-ci : Il s’attache à tirer la formule, l’idée, l’image abrégée de chaque pays, de chaque race, de chaque groupe historique, de chaque individu marquant, pour l’admettre à son rang, à son point, dans cette représentation idéale que porte avec elle l’élite successive de l’humanité. […] Renan porte un bien grand respect et une bien haute révérence à sa majesté l’esprit humain, Mais dans un pays comme la France, il importe qu’il vienne de temps en temps des intelligences élevées et sérieuses qui fassent contrepoids à l’esprit malin, moqueur, sceptique, incrédule, du fonds de la race ; et M. 

66. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

À tous ces présents de la nature, il a joint d’heureux accidents de fortune ; de bonne heure, il a attiré sur lui l’attention des hommes et conquis une place élevée dans le mouvement des lettres et de la politique ; mais rien de parfaitement solide et de complètement initiateur n’est résulté de son action et de ses travaux. […] Sully Prudhomme Le soupir des Premières méditations remplit tout à coup le vide des âmes élevées, comme l’ample et suave gémissement des orgues remplit soudain les hautes nefs et y change l’aspiration suppliante en extase. […] Doucement élevé, en pleine campagne, par des femmes et par un prêtre romanesque, n’ayant pour livres que la Bible, Bernardin de Saint-Pierre et Chateaubriand, il s’en va rêver en Italie et se met à chanter. […] Et enfin, et surtout, ce que l’on reconnaît, c’est que d’autres poètes ont eu peut-être d’autres qualités, plus d’art et de métier, par exemple, ou plus de passion ; ils ont encore été, ceux-ci, des inventeurs plus originaux ou plus puissants, et ceux-là, des âmes plus singulières ; mais nul, assurément, n’a été plus poète, si, dans la mesure on ce mot de poésie exprime ce qu’il y a de pins élevé dans l’idéal de l’humanité, nul ne l’a réalisé plus pleinement, ou n’en a plus approché, sans effort et sans application, naturellement, naïvement, par le seul effet de son instinct ou de la loi de son être, comme un grand fleuve coule scion sa pente.

67. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Appendice. [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 497-502

Quelques auteurs pourtant peuvent se tromper avec une sorte de sincérité et croire qu’il n’y a nul inconvénient à présenter hardiment les scènes d’un monde mélangé et corrompu, en ayant pour guide et pour conducteur quelque sentiment pur, quelque passion plus élevée, représentée dans un des personnages, et en visant à une conclusion satisfaisante pour les cœurs honnêtes ou pour les convenances sociales. […] La Commission de l’année dernière pas plus que celle de cette année ne se l’était dissimulé : la grande difficulté littéraire que rencontre l’institution présente, c’est que le but moral qu’elle réclame avant tout puisse tomber d’accord, dans les ouvrages dramatiques d’un ordre élevé, avec toutes les autres conditions de grâce, d’élégance, d’émotion, de divertissement et de distinction légère que le monde proprement dit a droit de son côté d’exiger ; c’est que le but moral, si on l’y introduit, ne s’y affiche pas d’une manière contraire à la vérité des choses ni au goût, et qu’un genre prétendu honnête mais faux, comme en d’autres temps, n’aille pas en sortir. […] La lecture de ce drame a fait naître chez quelques-uns des membres de la Commission, et des plus compétents en matière de drame, l’honorable regret que la pièce n’ait point été écrite et conçue pour un autre théâtre d’un ordre plus élevé.

68. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre premier. Du Christianisme dans l’éloquence. »

L’éloquence de la chaire a cherché sa victoire dans une région plus élevée. […] Enfin Vergniaud ne s’est élevé à la grande éloquence, dans quelques passages de son discours pour Louis XVI, que parce que son sujet l’a entraîné dans la région des idées religieuses : les pyramides, les morts, le silence et les tombeaux.

69. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Ponsard » pp. 301-305

Et d’abord, il s’est présenté lui-même, tel qu’il est, avec son propre accent, avec ses sentiments et ses doctrines ; il n’a pas emprunté aux traditions académiques les exordes tant de fois renouvelés : il a parlé à sa manière, modestement, honnêtement, traçant de l’homme de lettres et du poète le caractère et le rôle qu’il conçoit, et s’y peignant lui-même avec cette sincérité élevée qui vient du cœur : on a senti dès ses premières paroles quelqu’un qui ne se mettait ni au-dessus ni au-dessous de ce qu’il devait être. […] Ponsard me permettre aussi d’ajouter que sur Goethe et les Allemands, tout en ayant raison peut-être dans le cas particulier, il n’a pas été juste pour l’ensemble : Goethe est un si vaste esprit et un critique d’un ordre si élevé, qu’il est mieux de ne pas prononcer son nom dans une grande assemblée littéraire que de ne l'amener uniquement que pour y rattacher une raillerie et un sourire.

70. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLI » pp. 167-171

Il s’est élevé des difficultés et une polémique au sujet de cette inauguration. […] Il répond à l’impression de bien des esprits sensés et élevés.

71. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Une préface, non-seulement érudite, mais philosophique, d’un ordre élevé, y met en lumière les divers systèmes des anciens sur le principe du droit, et témoigne d’un esprit devenu maître en ces questions, et qui s’entend avec Chrysippe comme avec Kant. […] Cet esprit élevé et fin, et qui a droit d’être difficile sur la qualité des autres, finit par le distinguer ; il trouvait que c’était dommage qu’ainsi doué on ne fit rien, c’est-à-dire qu’on n’écrivît pas. […] Figurons-nous bien le cortége : la plus pénétrante des analyses à droite, la plus fine des railleries à gauche ; et pourtant, il y a une ardeur, une conviction qui, chez cette nature élevée, a la force de cheminer entre ce double accompagnement. […] Thiers à M. de Rémusat, indépendamment du seul esprit, il y avait encore un sentiment public élevé, une chaleur de bonne intelligence politique qui s’y joignait et qui scella le lien. […] Royer-Collard, à ce personnage original, mordant, élevé, mais abrupt , en un mot d’éteindre les fonds historiques et d’accuser à tout moment d’avantage le profil singulier.

72. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XI : Distribution géographique »

Sur les montagnes les plus élevées du Brésil, Gardner a trouvé quelques genres européens qui n’existent nulle part dans les brûlantes contrées intermédiaires. […] Une liste des genres recueillis sur les pics les plus élevés de Java semble dressée d’après une collection faite sur une colline d’Europe. […] Au retour de la chaleur, ces formes tempérées doivent naturellement s’être élevées sur le flanc des plus hautes montagnes et avoir été exterminées dans les basses terres. […] L’entassement des matières éjectées aurait depuis fait émerger d’endroit en endroit une île de lave, bâtie sur les flancs d’autres roches cachées sous les eaux, comme les îles de corail se sont elles-mêmes élevées sur ces cratères à fleur d’eau. […] Le tropique du Cancer se sera élevé jusqu’à la Sibérie et sera redescendu sur le méridien opposé jusqu’au-delà de l’équateur.

73. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Elle supposait dans ceux qui la cultivaient un génie élevé et de vastes méditations. […] Ainsi il s’écarta de la nature bien plus que ceux contre lesquels il s’était élevé. […] Ainsi il n’a rien changé dans le fond des choses, il n’a élevé qu’une querelle de mots. […] Descartes et ses disciples ont suivi une route plus élevée. […] Montesquieu seul sut se défendre avec une noblesse digne de son caractère élevé.

74. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Hommes et dieux, études d’histoire et de littérature, par M. Paul De Saint-Victor. »

Mais M. de Saint-Victor est un délicat et un difficile entre tous ; il a le goût élevé et même superbe : il n’est pas homme à se contenter aisément. […] Le jeune Saint-Victor, élevé pendant ses premières années hors de France, en Suisse, puis en Italie, à Rome et en d’autres lieux peuplés de vivants souvenirs, y put comparer de bonne heure les chefs-d’œuvre des Écoles rivales ; il grandit et se forma à l’idée, du beau parmi les marbres et les tableaux des maîtres ; il lui fut donné, comme à Roméo, de voir à temps la beauté véritable, et depuis ce jour il ne put jamais s’en déprendre. […] Sa voix (je l’ai entendu) prend des accents irrités, vibrants et comme métalliques quand il croit qu’on les outrage : son goût noble et élevé devient altier en ces moments-là.

75. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Françoise. » pp. 159-174

Un des premiers génies de ce siècle, dans une de ses lettres en réponse à celle d’un jeune homme de douze ans, élevé suivant le systême de l’éducation particulière, & qu’on avoit fait commencer par l’étude de sa propre langue, le félicitoit de n’être pas au collège, parce qu’il n’auroit eu qu’un mauvais stile. […] Dans les différends qui se sont élevés sur les causes véritables de cette dépravation de stile dont on se plaint, il faut d’abord faire mention de ceux de l’abbé Dubos, cet écrivain qui avoit peu lu, mais beaucoup réfléchi. […] Ceux qui se sont élevés contre le sentiment de M.

76. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Mistral. Mirèio »

C’est une œuvre tout à la fois simple et solennelle, élevée et familière, délicate et robuste, idéale et rustique, très-éloignée des manières de dire et de peindre des civilisations présentes, qui donnent des poètes comme Edgar Poe pour les plus forts de ses produits. […] Il y a aussi un autre chant, intitulé Les Prétendants, où les trois rivaux du pauvre Vincent le vannier sont dépeints avec un détail si prodigieux et si vaste, qu’on dirait trois rois de contrées différentes qu’Alari, le berger, Veran, le gardien de cavales, et Ourrias, le loucheur, Ourrias, toute la tragédie de ce poème, qui se lève et que l’on pressent dès les premières strophes que lui consacre le poète… : « Ourrias, né dans le troupeau, élevé avec les bœufs, — des bœufs il avait la structure et l’œil sauvage, et la noirceur, et l’air revêche et l’âme dure ! […] Seulement, disons-le lui en finissant, il y avait une question plus importante et plus élevée que la question de la langue provençale et du succès actuel de Mirèio qui peut très bien attendre : c’était la question des patois en poésie ou en littérature, question qui n’a jamais été posée carrément et qu’il était hardi et convenable ici de poser.

77. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Si du polype, qui ne remue que quand on le touche, nous remontons aux mollusques articulés, aux vertébrés qui habitent l’eau, et de là aux animaux les plus élevés qui habitent un milieu plus raréfié, nous trouverons sous des formes et modifications variées, un appareil visuel plus complexe, et une distance croissante dans l’extension de la correspondance. […] On est donc conduit à cette conclusion nécessaire, que l’intelligence n’a pas de degrés distincts, qu’elle n’est pas formée de facultés réellement indépendantes ; mais que les phénomènes les plus élevés sont les effets d’une complication qui, par degrés insensibles, est sortie des éléments les plus simples. […] Mais l’instinct, à mesure qu’il croît en complexité, marche à sa fin ; car à mesure que les instincts deviennent plus élevés, les divers changements psychiques qui les composent deviennent moins cohérents, se coordonnent d’une manière de moins en moins parfaite ; et il doit venir un moment où leur coordination ne sera plus régulière. « Alors ces actions commenceront à perdre le caractère automatique qui les distingue, et ce que nous appelons instinct se perdra graduellement dans quelque chose de plus élevé. » De là résulte la mémoire. […] Pour le développement de l’esprit, comme pour le développement de la société, il semble que ce soit une loi que le progrès vers la forme de gouvernement la plus élevée se fasse en passant par des formes dont chacune établit un pouvoir qui n’est qu’un peu moins tyrannique que le pouvoir qu’elle remplace.

78. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Les frères d’Eschyle, les deux guerriers dignes de son nom par leur courage, comme son courage à lui-même était digne de son génie, le pressaient un jour d’écrire un hymne à l’honneur d’Apollon ; il leur répondit « que la chose était faite dès longtemps, et pour le mieux, par le poëte Tynnichos ; que si à l’œuvre de celui-ci il opposait maintenant une œuvre nouvelle et sienne, elle aurait même fortune que les statues récentes des dieux, en présence de leurs statues antiques : c’est-à-dire que celles-là, rudes et simples, sont réputées divines, et que les autres, plus jeunes et travaillées avec plus d’art, sont admirées, mais qu’elles ont moins du dieu en elles. » Devant Eschyle, son ancien de si peu d’années, Pindare dut raisonner de même ; et, content de sa gloire lyrique renouvelée sous tant de formes, liée à tant de faits royaux et domestiques, il n’avait pas à essayer cette autre gloire du théâtre élevée si haut dans Athènes. […] Enfin il y avait encore cette différence, au désavantage des Thébains, que, tandis que des sages, et des sages puissants, des philosophes législateurs s’étaient élevés dans toutes les parties de la Grèce, même de cette Grèce extérieure qui entamait les bords de l’Asie et se prolongeait en Sicile et jusqu’en Italie, Lycurgue à Sparte, Périandre à Corinthe, Solon dans Athènes, Thalès à Milet, Minos en Crète, Zaleucus et Charondas dans cette péninsule nommée la Grande Grèce, nul titre semblable n’avait illustré le territoire ou la ville de Thèbes. […] Une autre poésie s’était élevée, depuis plus d’un siècle, puissance bien assortie aux troubles des états libres, n’épargnant ni le vice ni la vertu, et promenant de Paros à Corinthe son fouet injurieux. […] Cette renommée d’Archiloque, alors toute vive et toute sanglante, pour ainsi dire, ne pouvait tenter l’âme élevée du poëte thébain. […] L’orgueil cependant s’est élevé contre sa louange, lui faisant obstacle sans justice, et voulant par des bouches insensées avoir parlé, et attacher ainsi quelque tare secrète aux vertus des bons.

79. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Mais Diderot s’est trouvé être un petit bourgeois français condamné à perpétuité au labeur de bureau, à l’écrivasserie : la société l’a nourri, élevé, absorbé. […] Faguet a pu dire qu’il s’était élevé sur le tard à la moralité. Mais qui done l’y a élevé ? […] A quelle influence Rousseau a-t-il été soumis, qui l’ait tiré de ses turpitudes, qui lui ait donné la conscience, qui l’ait élevé enfin à la moralité ? […] Les enfants étaient élevés hors de la présence des parents, sans affection, sans soin, sans surveillance.

80. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

Bientôt les mausolées de l’amiral vénitien Emo, et les mausolées plus mémorables de deux papes, avaient élevé ce nom au-dessus des noms rivaux de son siècle. […] De telles circonstances ne se sont rencontrées que deux fois dans l’histoire : la première fois, elles ont porté à la gloire les noms de Phidias, de Polyclète, de Praxitèle ; la seconde fois, elles ont élevé au-dessus de toutes les renommées contemporaines les noms de Léonard de Vinci, de Titien, de Raphaël et de Michel-Ange. […] Gaspari nous conduisit au bas de la ville, à travers les mêmes ruines, jusqu’à une maison blanche et propre, élevée tout récemment, et où un Italien avait monté une auberge. […] Devant nous grandissait et se détachait du tertre gris où il est placé, le temple de Thésée, isolé, découvert de toutes parts, debout tout entier sur son piédestal de rochers ; ce temple, après le Parthénon, le plus beau selon la science que la Grèce ait élevé à ses dieux ou à ses héros. […] Ces pensées sont de la nature même de la scène où on les respire : elles sont graves comme ces ruines des temps écoulés, comme ces témoins majestueux du néant de l’humanité ; mais elles sont sereines comme le ciel qui est sur nos têtes, inondées d’une lumière harmonieuse et pure, élevées comme ce piédestal de l’Acropolis, qui semble planer au-dessus de la terre ; résignées et religieuses comme ce monument élevé à une pensée divine, que Dieu a laissé crouler devant lui pour faire place à de plus divines pensées !

81. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XII : Distribution géographique (suite) »

Il faut aussi mettre en compte que parmi les productions d’eau douce plusieurs, et même un grand nombre, sont peu élevées dans la série des organismes ; et comme nous avons des raisons de croire que les êtres inférieurs changent et se modifient moins vite que d’autres plus élevés, il doit on résulter que les espèces aquatiques jouissent en moyenne d’un temps plus long que les autres pour accomplir leurs migrations. […] On doit croire que l’île Charles est suffisamment peuplée par son espèce locale d’autant de Merles moqueurs qu’elle en peut contenir, car ils pondent annuellement plus d’œufs qu’il ne peut être élevé d’oiseaux ; et il est supposable également que l’espèce particulière à l’île Charles est au moins aussi bien adaptée à sa propre station que l’espèce particulière à l’île Chatham l’est à la sienne. […] La raison élevée de leur multiplication fait qu’un grand nombre d’individus peuvent être détruits sans que l’espèce périsse, parce qu’il suffit d’un petit nombre d’individus pour la reproduire et la multiplier de nouveau en peu de temps, de sorte que dans les mêmes circonstances où des organismes supérieurs périraient, faute de pouvoir se transformer, des organismes inférieurs souffrent seulement durant un temps, mais persistent, et cette persistance même, leur permettant d’acquérir plus aisément une vaste extension, leur donne ensuite de plus puissants moyens pour persister, parce que, s’ils sont détruits sur un point du globe, ils ont chance de se multiplier sur un autre. […] De sorte que, si la faculté actuelle de variabilité est en raison directe de la somme des variations subies pendant la série totale des temps géologiques, il est de toute évidence que les êtres supérieurs doivent être plus variables que les inférieurs, et d’autant plus qu’ils sont plus élevés. […] Ce que la géologie prouve, c’est seulement la persistance des types inférieurs, c’est-à-dire que la durée moyenne de leurs genres est plus longue que la durée moyenne des genres de types plus élevés ; mais si les documents géologiques constatent les créations et les extinctions de formes, ils ne peuvent établir leur filiation.

82. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

En réalité, il y a toute une classe d’intelligences élevées qui sont peu armées pour inventer, mais qui ont l’esprit d’analyse, l’esprit de synthèse, et le tact d’appréciation à un haut degré. […] Un homme capable de constater des analogies et des liens abstraits qu’on ne soupçonnait pas entre des formes et des images de la nature ; or, le critique véritable peut être ce poète, dans le domaine idéologique, et c’est parce qu’elles se sont élevées à cette haute compréhension de la critique que de grandes consciences poétiques comme Baudelaire, Carlyle, Mallarmé, ont été aussi des organismes critiques de premier ordre. […] Il ne peut plus y avoir que leur critique, — ou la médiocrité dont je parlais, et il faut remercier le journalisme de bannir la critique quotidienne et de la forcer ainsi à être synthétique et élevée. […] Et c’est précisément parce que se découvrent aujourd’hui toutes les erreurs et tous les mécomptes de la critique de carrière, que s’affirme la nécessité élevée de la considérer comme une vocation désintéressée.

83. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

On peut, dans un sentiment élevé de compassion, s’éprendre d’un intérêt idéal pour Marie-Antoinette, vouloir la défendre sur tous les points, se constituer son avocat, son chevalier envers et contre tous, s’indigner à la seule idée des taches et des faiblesses que d’autres croient découvrir dans sa vie : c’est là un rôle de défenseur qui est respectable s’il est sincère, qui se conçoit très bien chez ceux qui avaient le culte de l’ancienne royauté, mais qui me touche bien moins chez les nouveaux venus en qui ce ne serait qu’un parti pris. Un tel point de vue n’est pas le mien ; il saurait être difficilement celui des hommes qui n’ont été élevés à aucun degré dans la religion de l’ancienne monarchie, et c’est là, on n’en saurait disconvenir, le cas de l’immense majorité dans les générations actuelles et dans celles qui se préparent. […] Celle-ci, fille d’une mère illustre, n’avait pu être élevée par Marie-Thérèse trop occupée des affaires d’État, et sa première éducation à Vienne avait été très négligée. […] Ces deux personnes qu’elle a particulièrement distinguées en des temps différents, paraissent avoir été le duc de Coigny d’abord, homme prudent et déjà mûr, et en dernier lieu M. de Fersen, celui-ci colonel du régiment Royal-Suédois au service de France, caractère élevé, chevaleresque, et qui, aux jours du malheur, ne s’est trahi que par son dévouement absolu.

84. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

Il n’y a de pensée élevée que la pensée religieuse, la pensée poétique. […] La langue française qui, seule, entre toutes les autres n’est pas fondée sur les propres origines du peuple qui la parle, attendait peut-être l’âge actuel, l’âge où, inondée de tant de lumières, elle pourrait donner à l’homme, en même temps qu’une métaphysique élevée et pénétrante, la poésie de la raison et du sentiment. […] Je les cite ensemble, à cause de l’analogie, mais sans les confondre ; car M. de Chateaubriand s’est élevé à la dignité de l’épopée, et ce ne sera pas moi qui contesterai à son bel ouvrage le nom de poème. […] L’art pittoresque s’applique davantage aux détails de la vie privée : il a moins d’idéal, puisqu’il n’a pas cette sorte d’immobilité qui indique un être élevé au-dessus des passions humaines ; il est donc plus approprié à toutes les conditions de l’état social.

85. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

En 1685, panégyrique prononcé à Caen, sur une statue élevée à Louis XIV. […] Il créa en lui un goût de magnificence et de luxe, qui s’accorde rarement avec une âme élevée, et qui, cependant, chez lui ne l’excluait pas ; goût qui se répandit sur ses bâtiments, sur ses jardins, sur ses fêtes, et trop souvent substitua des dépenses de faste à des dépenses utiles. […] Sa gloire (et c’est ce qu’il ne faut pas perdre de vue en le jugeant) fut d’avoir élevé sa nation. […] Je voudrais donc que lorsque les monuments qui ont été élevés à ce roi célèbre, seront détruits par le temps, et que ces statues et ces marbres menaceront de s’écrouler, on lui élevât alors un autre monument.

86. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 493-499

M. de Chassiron s’est élevé avec force contre cette innovation théatrale, & a eu pour lui M. de Voltaire, qui se trouvoit même intéressé à la défendre, parce qu’il s’étoit laissé aller au torrent comme les autres. […] Ce seroit avilir le Cothurne, ce seroit manquer à la fois l’objet de la Tragédie & de la Comédie ; ce seroit une espece bâtarde, un monstre né de l’impuissance de faire une Comédie & une Tragédie véritable. » Quoique M. de Voltaire ne fasse pas loi dans le genre comique, par le peu de succès de toutes ses Comédies, il grossit donc la foule de tous nos bons Littérateurs qui se sont élevés contre ces esprits médiocres, qui s’efforcent de rembrunir la Scène, ne pouvant l’égayer.

87. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Doyen  » pp. 153-155

J’aurais élevé Diomede sur un amas de cadavres. […] Il a élevé son Diomede sur un tas de cadavres.

88. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Doyen » pp. 244-247

C’est une des suivantes d’Andromaque, agenouillée, les bras élevés vers le ciel, les mains jointes, le visage tout couvert de sa longue chevelure. […] Et puis, elles sont bien plus certaines qu’Andromaque qu’elles ne verront plus ce cher enfant qu’elles ont élevé.

89. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

L’homme d’intelligence et de sympathie littéraire élevée, qui a conçu l’idée de cette Anthologie et qui en a dirigé l’exécution, a pensé qu’entre ces deux écueils, le trop d’unité ou l’extrême diversité, il y avait pour une œuvre de ce genre bien plus d’inconvénients d’un côté que de l’autre. […] Et, même sans sortir de chez nous, du moyen âge à ce temps-ci, de Rutebeuf à Béranger, par Villon, Rabelais, Marguerite de Navarre, Bonaventure Des Périers, etc., la veine est visible et continue ; la race gauloise est demeurée en ce sens fidèle à elle-même, — plus fidèle dans ces choses de la malice et du rire que dans la poésie élevée et généreuse. […] Il se tentait de rudes efforts incomplets, insuffisants, de la part de Maurice Sève, et dans la petite et docte école de Lyon, pour atteindre aux parties élevées de la poésie : on avait perdu les qualités premières sans acquérir, pour cela, (es autres. […] Ce regret exprimé, nous n’avons plus qu’à suivre : Malherbe et ses disciples immédiats, Racan, Maynard, tous deux élevés dans la crainte du maître, et par lui initiés à tout leur talent, forment un groupe bien complet en soi, et introduisent un bien beau moment, le plus classique dans le passé, pour notre poésie lyrique. […] Il est des poètes dont la personne achève les œuvres inégales et incomplètes ; la personne de Rousseau réfutait et contrariait plutôt les siennes en ce qu’elles ont de noble et d’élevé.

90. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Politien, son ami, le décrit comme un homme d’une beauté accomplie : taille élevée, constitution solide et souple, force à la lutte, habileté à manier les coursiers, bravoure modèle, goût de tous les arts, passion pour la poésie, grâce pour les femmes, discrétion dans ses amours, tel fut son éloge ratifié par son temps. […] Semblable à ces moments de calme qui précèdent les ravages de la tempête, à peine on avait commencé à en goûter les douceurs, qu’elles s’évanouirent sans retour, l’édifice de la félicité publique, élevé par les travaux de Laurent et conservé par ses soins assidus, ne demeura ferme et entier que pendant le peu de temps qu’il vécut encore ; mais, à sa mort, on le vit s’abîmer comme ces palais enchantés que créa l’art de la magie, et il entraîna pour un temps dans sa ruine les descendants mêmes de son fondateur. […] Il serait trop difficile de vous donner des instructions précises sur ce qui regarde votre conduite et vos conversations ; je me bornerai donc à vous recommander d’avoir avec les cardinaux et les autres personnes élevées en dignité le langage du respect et de la déférence, sans néanmoins renoncer à vous servir de votre propre raison, et vous laisser entraîner par les passions des autres, qui peuvent être égarés par des motifs peu estimables. […] « Non seulement vous êtes le plus jeune cardinal du sacré collége, mais encore le plus jeune homme qui ait jamais été élevé à cette dignité, et c’est pour cela que vous devez vous montrer à la fois le plus empressé et le plus humble dans toutes les circonstances où vous aurez à vous trouver avec les autres, sans jamais vous faire attendre soit à la chapelle, soit au consistoire, soit dans les députations. […] La dignité de cardinal n’offre pas moins de tranquillité que de grandeur, d’où il arrive que l’on se livre à une sorte de négligence ; on croit avoir tout fait quand on s’est élevé à ce poste éminent et que l’on n’a plus rien à faire pour s’y maintenir, opinion aussi funeste à la vertu qu’à la véritable grandeur, et dont vous devez avoir grand soin de vous garantir ; sur ce point, il vaut mieux pécher par trop de défiance que de tomber dans l’excès contraire.

91. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

La sympathie, l’aide réciproque, la véracité, le respect mutuel paraissent des conditions favorables à l’existence d’une société d’ordre élevé. […] La société est plus complexe, et d’un ordre plus élevé que l’individu. […] C’est ce que n’ont pas toujours su voir des esprits élevés qui ont failli quelquefois. […] Mais nous prenons peut-être même une estime plus nette et plus sérieuse des réalités élevées en les mesurant mieux, et précisément en les rapprochant des choses inférieures. […] Et ce sont souvent les représentants des formes sociales les plus hautes, les plus élevées, les plus lointaines peut-être, mais non peut-être les moins fortes, ni les moins viables, qui sont particulièrement frustrés, méconnus et persécutés.

92. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre III. Éducation de Jésus. »

L’Arabe, qui n’a eu aucun maître, est souvent néanmoins très distingué ; car la tente est une sorte d’école toujours ouverte, où, de la rencontre des gens bien élevés, naît un grand mouvement intellectuel et même littéraire. […] Ce sont les hommes d’école au contraire qui passent pour pédants et mal élevés. […] Les fréquentes ressemblances qu’on trouve entre lui et Philon, ces excellentes maximes d’amour de Dieu, de charité, de repos en Dieu 135, qui font comme un écho entre l’Évangile et les écrits de l’illustre penseur alexandrin, viennent des communes tendances que les besoins du temps inspiraient à tous les esprits élevés.

93. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

Élevé, par les uns, pour des qualités très réelles et dont quelques-unes furent brillantes, et abaissé, par les autres, pour des vices tout aussi réels et une inconsistance peut-être pire encore, Gustave III attend toujours sa gloire. […] — car la femme-homme est toujours au-dessus de l’homme-femme, pour sa peine, étant le plus élevé des deux, d’être descendu. […] Mascarade entre deux mascarades, entre Gustave III élevé dans des jupes de petite fille, et Gustave III tombant au bal, en domino, sous le coup de pistolet d’Ankarstrœm !

94. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

Nous ne sommes pas faits pour tant de difficultés et de circonspection a Véritablement nous sommes mal élevés, c’est la faute des chefs que nous nous sommes donnés ; nous craignons nos mies, nous respectons leurs injustices grossières et leur mauvaise conduite, quoique nous en disions de bonnes sur cela entre nous. […] On dirait que c’est une divinité renfermée dans une chatière (d’Argenson mêle toujours du trivial à son élevé et à son pittoresque). […] Je ne veux pas faire d’Argenson plus grand ni plus élevé qu’il n’est, je ne veux que le montrer avec quelque ressemblance. […] Il définit la bienfaisance de façon presque à dégoûter d’y chercher l’idée plus élevée et la flamme de charité. […] quel style noble et élevé !

95. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Soyez donc contents une bonne fois d’avoir deux gaillards comme nous. » Et cependant la Correspondance si curieuse, si élevée, un peu trop chargée de métaphysique sans doute, mais aussi animée partout des plus nourrissantes pensées, des plus cordiaux sentiments, entre Gœthe et Schiller, n’a pu être traduite encore et publiée chez nous dans son entier ; on se méfie de notre public, on attend qu’il ait témoigné désirer plus vivement la chose : une regrettable lacune subsiste donc entre cette double traduction, d’ailleurs complète et si satisfaisante, des Œuvres de Gœthe et de Schiller ; le pont n’est pas jeté entre elles. […] Élevé dans la cabane paternelle jusqu’à l’âge de quatorze ans, allant ramasser du bois mort et faire de l’herbe pour la vache dans la mauvaise saison, ou accompagnant l’été son père dans ses tournées pédestres, le jeune Eckermann s’était d’abord essayé au dessin, pour lequel il avait des dispositions innées assez remarquables ; il n’était venu qu’ensuite à la poésie, et à une poésie toute naturelle et de circonstance. […] Il est sans doute, à quelque degré, de la famille des Brossette et des Boswell, de ceux qui se font volontiers les greffiers et les rapporteurs des hommes célèbres ; mais il choisit bien son objet, il l’a adopté par choix et par goût, non par banalité ni par badauderie aucune ; il n’a rien du gobe-mouche, et ses procès-verbaux portent en général sur les matières les plus élevées et les plus intéressantes, dont il se pénètre tout le premier et qu’il nous transmet en auditeur intelligent. […] Je le voyais de nouveau, le soir, avec son étoile sur son habit noir, dans son salon brillamment éclairé, plaisanter au milieu de son cercle, rire et causer gaiement. — Je le voyais un autre jour par un beau temps, à côté de moi, dans sa voiture, en par-dessus brun, en casquette bleue, son manteau gris clair étendu sur les genoux : son teint brun est frais comme le temps, ses paroles jaillissent spirituelles et se perdent dans l’air, mêlées au roulement de la voiture qu’elles dominent. — Ou bien, je me voyais encore le soir, dans son cabinet d’étude éclairé par la tranquille lumière de la bougie : il était assis à la table en face de moi, en robe de chambre de flanelle blanche ; la douce émotion que l’on ressent au soir d’une journée bien employée respirait sur ses traits ; notre conversation roulait sur de grands et nobles sujets ; je voyais alors se montrer tout ce que sa nature renfermait de plus élevé, et mon âme s’enflammait à la sienne. […] Une préface excellente est en tête de cette traduction et, je dois le dire, elle laisse de bien loin en arrière nos préface et avertissement pour l’intelligence élevée au sujet et pour la justesse des appréciations.

96. (1890) L’avenir de la science « II »

L’esprit que j’attaque ici est celui de la science anglaise si peu élevée, si peu philosophique. […] Puis il a essayé de reconstruire l’édifice sur de meilleures proportions, mais sans y réussir ; car le vieux temple élevé par l’humanité avait de merveilleuses finesses, qu’on n’avait pas d’abord aperçues et que les modernes ingénieurs avec toute leur géométrie ne savent point ménager. […] Sans embrasser aucun système de réforme sociale, un esprit élevé et pénétrant ne peut se refuser à reconnaître que la question même de cette réforme n’est pas d’une autre nature que celle de la réforme politique, dont la légitimité est, j’espère, incontestée. […] Les esprits élevés, qui redeviennent peuple, éprouvent le même sentiment. […] Dès lors, elle n’aura été qu’une forme transitoire du progrès divin de toute chose, et du fieri de la conscience divine, Car, lors même que l’humanité n’influerait pas directement sur les formes qui lui succéderont, elle aura eu son rôle dans le progrès gradué, comme rameau nécessaire pour l’apparition des rameaux plus élevés.

97. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

La beauté est, pour la femme, la grâce unie à un sentiment moral ; pour l’homme, la grâce unie à la force et à un sentiment généreux : la vertu, pour les deux sexes, est la poésie en action : le sublime dans les arts est une des vues les plus élevées du génie : le goût, résultat d’une civilisation avancée, est le tact des convenances et des proportions. […] Positive, elle est plus utile à l’intelligence qu’à l’imagination ; élégante, elle reconnaît pour législateur le goût plus que le génie ; noble, mais dédaigneuse, si elle sait rendre l’expression des sentiments généreux et élevés, elle se refuse peut-être à la naïveté sublime. […] Mais Virgile fit plus : il devança, sous ce rapport, le siècle où il vivait, rare prérogative des génies de l’ordre le plus élevé. […] Si Boileau se fût élevé à cette haute considération, il aurait connu les ressources de l’épopée chrétienne ; son esprit réservé et sévère n’aurait pas été effrayé d’une profanation qui était impossible pour le véritable poète ; et il n’aurait pas continué à perpétuer parmi nous le règne caduc des divinités de la Grèce. […] Voilà pourquoi Jeanne d’Arc, qui ne réunit point, il est vrai, toutes les conditions de l’épopée, en a du moins qui auraient pu tenter un génie élevé.

98. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Au terme de nos courses diverses dans le passé, avant de quitter tant de grands souvenirs, n’avons-nous pas quelques regards à jeter sur le monde actuel et ce qu’il offre encore d’imagination élevée et d’enthousiasme, au-delà du cercle d’or et de fer dont il semble de toutes parts s’environner ? […] Né d’un vaillant général de l’Empire et d’une mère vendéenne, élevé dès l’enfance au bruit du canon et des bulletins, dans les places d’armes de l’ennemi vaincu, souvent au soleil d’Espagne, dans l’école militaire de sa jeune noblesse ou parmi les pages de sa cour exotique, Victor Hugo reçut l’éducation la mieux faite pour lui, libre, fière, éclatante. […] Il revint à Mexico, fut d’abord avocat, puis élevé aux honneurs de la magistrature. […] Élevée dans ce séjour colonial, sans école et sans théâtre, la jeune Gomez s’instruisit et s’inspira seule par la lecture de quelques poëtes espagnols et la vue de cet horizon du tropique, « le plus splendide pavillon, dit un poëte, que Dieu lui-même ait pu jeter sur les fêtes de son culte divin ». […] Dans sa trentième année cependant, touchée de l’attachement profond que ressentait pour elle un jeune et célèbre député des cortès, élevé par la révolution au titre de chef politique de Madrid, elle lui donna sa main ; mais ce choix ne devait être que la consolation et l’orgueil d’un mourant.

99. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXI » pp. 237-241

C'est déchoir d’ailleurs pour un homme aussi élevé que Quinet que de se faire en 1843 un controversiste anti-catholique. […] L'article de M. de Rémusat a de très-belles pages sur les jeunes chefs de file d’opinions sous la Restauration (ainsi à la fin de la page 435 : Élevés loin de Paris, etc.

100. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 489-496

Il pourroit dire encore, que, dans nos conversations, je me suis souvent élevé contre la Secte qui l’avoit attiré dans son parti, & qu’il méprisoit si fort, parce qu’il en connoissoit mieux l’artifice. […] Il n’ignoroit pas que je m’étois élevé contre eux dans la Ratomanie, dès 1767, & dans le Tableau Philosophique de l’Esprit de M. de Voltaire, au commencement de 1771.

101. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VII. Suite du précédent. — Paul et Virginie. »

Mais tout ce qui a été élevé ensemble s’aime. Vois nos oiseaux : élevés dans les mêmes nids, ils s’aiment comme nous ; ils sont toujours ensemble comme nous.

102. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Catherine, qui gouverna la Russie pendant trente-quatre ans, n’était point Russe, mais Allemande : princesse d’Anhalt-Zerbst, élevée et nourrie dans les terres prussiennes, elle fut mariée à seize ans au neveu de Pierre le Grand, Pierre, duc de Holstein, d’un an plus âgé qu’elle, et que l’Impératrice Élisabeth avait adopté pour son héritier. […] Elle ne le dit peut-être pas en propres termes, mais elle force tout lecteur à le dire : — une brute bizarre et bigarrée de folie. — Dès l’enfance, il parut si mal élevé qu’on crut que son gouverneur, le grand maréchal Brummer, Suédois de naissance, dès qu’il vit que le prince n’était point destiné au trône de Suède, mais à celui de Russie, changea de méthode et s’appliqua à lui gâter le cœur et l’esprit de propos délibéré : le maréchal en était bien innocent et n’en pouvait mais ; la nature de l’élève suffisait de reste à tous ses vices. […] La condition première de son adoption par l’Impératrice de Russie était qu’il embrasserait le rit grec : il avait été élevé d’abord et baptisé dans le rit luthérien. […] Ce qu’il faut dire, c’est qu’aussitôt élevée à ce rang de grande-duchesse, elle en parut hautement digne et sut se concilier tous les cœurs par sa conduite et son attention aux apparences, par sa tournure, par sa grâce, son air de douceur et de bonté qui recouvrait un grand art de séduction, par sa gaieté qui ne permettait pas de soupçonner tant de prudence.

103. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Placé aux confins de l’école française, un des représentants de cette école, non plus chez elle et dans les douceurs du chez-soi, dans les grâces légères de l’insouciance et du loisir, mais en marche et comme en voie de conquête, lorsque, chargée déjà de butin étranger, elle a un pied par-delà le Rhin, il fait la chaîne d’Auber à Meyerbeer ; d’un genre un peu mixte sans doute, mais non pas hybride ; élevé, savant, harmonique, très-soigneux de bien écrire musicalement parlant, sachant plaire toutefois, ne négligeant pas la grâce, cherchant et trouvant agréablement ce qu’Auber trouve sans le chercher, mais enclin surtout et habile à exprimer dramatiquement la tendresse et la passion. […] Son éloge d’Onslow est piquant ; ceux de David (d’Angers) et de Paul Delaroche sont d’un intérêt élevé et soutenu. […] « Il avait la variété des tons, et passait du plaisant à l’accent élevé et poétique. » A ce portrait d’Halévy, tracé par M.  […] Ravaisson, si ingénieux, si original, si profondément philosophe en toutes ses vues ; Berlioz, artiste et penseur élevé, mais solitaire et un peu sombre ; Beulé, l’heureux Beulé, que la Victoire de Phidias a pris dès le début sous son aile, et qui obtient, à heure fixe et comme à point nommé, tout ce qu’il mérite, le choix est déjà fait.

104. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Cet élève distingué de la première École normale, ce contemporain et ami intime de Victor Cousin, de bonne heure prosateur distingué, poète élevé et touchant, esprit mûr, est enlevé à la fleur de l’âge, à vingt-neuf ans, en 1820 ; il emporte avec lui les regrets, les adieux funèbres éloquemment exprimés de ses amis. […] Il entretient les esprits supérieurs auxquels il s’adresse des sujets élevés qui leur sont familiers, et dans une langue doucement égayée d’esprit, heureusement tempérée de raison, d’élégance et d’agrément. […] On a vu des poètes eux-mêmes dont la pensée était volontiers en révolte et en humeur de secouer tous les jougs rentrer par instants, et comme par un mouvement involontaire, dans cette atmosphère et ce courant de croyances élevées. […] Esprit amer et coquet qui distillait douloureusement des vers érotiques ; qui, en politique, passait aisément à l’extrême ; qui combinait les lascivetés de boudoir avec la haine des rois, et insinuait à plaisir un coin de priapée dans le républicanisme, il n’était pas fait pour comprendre le sentiment libéral, sincère et modéré, le sentiment religieux, également sincère et philosophique, le talent simple, élevé, et toute l’âme morale de celui qu’il croyait avoir suffisamment accablé en l’appelant un doctrinaire, et en faisant une pointe digne de Brunnet sur son nom.

105. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

» Il lui a permis de dire de ces hommes, soi-disant supérieurs à elle, qu’ils étaient paresseux, indélicats, mal élevés, égoïstes et braillards, — car c’est ce qu’ils sont. […] Le livre de Murger a enraciné dans toute la classe bourgeoise l’idée tenace que l’artiste est sale, vêtu de feutres mous, de pantalons à carreaux, de cravates à la Colin, qu’il ne paie jamais un fournisseur, qu’il est mal élevé, même s’il est de bonne famille, et qu’en somme c’est un individu taré, d’une tare spéciale, curieuse : celle d’avoir au moins un détail baroque dans sa tenue et un détraquement cérébral partiel. […] Quel clubman, élevé dans les pures traditions de la gentry, désavouerait l’élégance vive et sérieuse de M.  […] C’est l’âme qui transparaît, et qui à tous, riches ou pauvres, issus du peuple et formés par eux-mêmes ou élevés selon les cérémonials suprêmes, dicte et inspire une beauté saisissante et imprévisible.

106. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

Ainsi qu’il arrive souvent dans les natures très élevées, la tendresse du cœur se transforma chez lui en douceur infinie, en vague poésie, en charme universel. […] Donner vaut mieux que recevoir 237. » « Celui qui s’humilie sera élevé ; celui qui s’élève sera humilié 238. » Sur l’aumône, la pitié, les bonnes œuvres, la douceur, le goût de la paix, le complet désintéressement du cœur, il avait peu de chose à ajouter à la doctrine de la synagogue 239. […] Une idée absolument neuve, l’idée d’un culte fondé sur la pureté du cœur et sur la fraternité humaine, faisait par lui son entrée dans le monde, idée tellement élevée que l’église chrétienne devait sur ce point trahir complètement ses intentions, et que, de nos jours, quelques âmes seulement sont capables de s’y prêter. […] Jésus, fils de Sirach, et Hillel avaient émis des aphorismes presque aussi élevés que ceux de Jésus.

107. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre III : Le problème religieux »

Cette manière de concevoir la religion, qui a été celle des esprits les plus éclairés et les plus élevés, Lessing, Schleiermacher, Benjamin Constant, Mme de Staël, ne laisse pas que de soulever des difficultés considérables, lorsqu’au lieu de l’appliquer au passé on l’applique à l’avenir, et qu’on cherche à se faire une idée de la destinée religieuse de l’humanité. […] Tout ce qui tend à élever l’âme est donc favorable à la morale ; c’est ainsi que les arts, la science, la liberté politique, la philosophie, sont des forces qui tendent à maintenir un niveau élevé dans l’humanité. […] Au fond, c’est une seule et même chose ; mais la différence est que la religion naturelle est une création a priori, sans racines dans les habitudes des hommes, tandis que le christianisme est un fait historique dans lequel presque tous nous avons été élevés.

108. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Tallemant des Réaux »

À Venise, l’impassible gueule du lion de bronze recevait aussi bien la dénonciation fausse ou troublée du goujat que le renseignement le plus vrai, tombé des mains les plus élevées et les plus pures de la République. […] C’est surtout Paulin Paris, qui s’est fait l’annotateur et le glossateur de l’auteur des Historiettes, et enfin c’est Techener, qui, dans un volume charmant, du reste, de disposition, de correction et de caractères, a élevé à l’œuvre de des Réaux un véritable arc de triomphe typographique. […] Il y a pis pour un homme que de ne pas savoir gravera à l’eau-forte ou sur acier la vignette historique de l’anecdote ; il y a pis que l’absence d’esprit et de talent : c’est l’absence complète d’idées nobles, élevées, religieuses.

109. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Biot » pp. 306-310

Les lecteurs vont se dédommager à présent, et ils goûteront ce discours net, ingénieux et sensé, nourri de conseils, aiguisé d’une douce malice, et qui, vers la fin, présente un portrait si noble et si élevé du savant pur. […] Une réflexion toutefois qu’on ne pouvait s’empêcher de faire en assistant aujourd’hui à cette fête de l’esprit, c’est que si pareil intérêt est excité par une réunion académique, si des hommes qui autrefois se sont combattus dans l’arène parlementaire, et qui n’ont certes pas été exempts d’injustices les uns envers les autres, étaient assis là sur le même banc, tout prêts à écouter et à applaudir une parole élevée, à jouir d’un noble talent ; si bien des préventions, des colères ont complètement disparu, et si les esprits, délivrés des craintes et comme désintéressés de leurs propres passions, s’étaient donné là rendez-vous dans un concours d’admiration et de bienveillance, on le devait à quelqu’un et à quelque chose.

110. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

 » Massillon prêche contre la guerre, demande ce que les siècles futurs diront de ces monuments élevés pour éterniser la mémoire d’un carnage, rappelle qu’à l’origine tous les biens appartenaient en commun à tous les hommes et que la simple nature ne connaissait ni propriété privée ni partage. […] La Bourse, avec ses fortunes si vite élevées et plus vite écroulées, est devenue un thème de satire pour les moralistes, les romanciers, les auteurs dramatiques. […] Le prix de ta prose se sera élevé, chemin faisant, de vingt centimes à un franc la ligne. […] Le principe même, qui est à la base de la théorie démocratique, est un principe aristocratique, au sens le plus élevé du mot. […] Il est encore, et trop souvent avant tout, une affaire, une spéculation, un instrument entre les mains d’un richard désireux de s’enrichir encore ou d’une société anonyme qui entend placer ses fonds au taux le plus élevé possible.

111. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

On pourrait trouver parmi les plantes et les insectes des groupes de formes, qui n’ont été considérés d’abord par les naturalistes expérimentés que comme de simples genres, et que depuis on a élevés au rang de sous-familles ou même de familles. […] En quelques cas pourtant, l’animal adulte est, en général, considéré comme moins élevé dans l’échelle organique que sa larve : tels sont, par exemple, certains crustacés parasites. […] En cet état adulte et définitif les Cirripèdes peuvent également, selon les points de vue, être considérés comme plus ou moins élevés en organisation qu’ils ne l’étaient à l’état de larves. […] Comment se fait-il enfin que parfois l’embryon paraisse avoir une organisation plus élevée que l’animal adulte qu’il doit finalement produire ? […] Agassiz a soutenu habilement cette règle de classification générale selon laquelle les formes terrestres sont toujours plus élevées dans la même classe que les formes aquatiques et les formes d’eau douce supérieures aux espèces pélagiques.

112. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre premier. Sujet de ce livre » pp. 101-107

Nous verrons d’un bout à l’autre de ce livre que tout ce que les poètes avaient d’abord senti relativement à la sagesse vulgaire, les philosophes le comprirent ensuite relativement à une sagesse plus élevée (riposta) ; de sorte qu’on appellerait avec raison les premiers le sens, les seconds l’intelligence du genre humain. […] Il est à croire que Varron, qui mérita d’être appelé le plus docte des Romains, avait élevé sur cette base son grand ouvrage Des choses divines et humaines, dont l’injure des temps nous a privés.

113. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

Nisard les a lui-même énumérées et définies avec une équité élevée, parfois indulgente, et beaucoup d’impartialité. […] Nisard n’est pas homme à s’en tenir à cette indifférence d’observateur et de naturaliste, surtout quand il s’agit de son pays ; il a un désir, un but, et ce but est élevé. […] Mais sur les trois ou quatre écrivains maîtres et rois du siècle, sur Montesquieu, sur Buffon, sur Voltaire, toutes les parts n’y sont-elles pas faites d’un coup d’œil élevé, d’une main sûre, et avec des expressions significatives qui restent dans l’esprit et dont on se souvient ?

114. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre III : Le présent et l’avenir du spiritualisme »

Aujourd’hui que les grands fondateurs et organisateurs de cette philosophie ont disparu, que de nombreuses écoles se sont élevées en dehors d’elle, que l’opinion est partagée à son égard, il n’est pas sans opportunité de s’interroger sur son état présent et sa destinée dans l’avenir. […] Néanmoins, tant que ces variations et oppositions ne se manifestaient que dans les limites du dogme lui-même, c’est-à-dire sans mettre en question le fondement surnaturel du christianisme, il y avait dans l’Église protestante un fonds commun, une unité de foi, et en quelque sorte, un point fixe : la divinité du Christ, et la croyance à une révélation spéciale de Dieu ; mais le moment est arrivé où, la liberté d’examen venant à s’étendre jusqu’aux bases mêmes de la théologie dogmatique, s’est élevée la question de savoir si le christianisme est absolument lié à tel ou tel dogme, s’il lui est interdit de s’ouvrir aux lumières de la critique et de la philosophie moderne, et si rejeter le surnaturel, c’est abdiquer l’esprit chrétien. […] Enfin, nés et élevés dans le christianisme, ils conservent et conserveront toujours pour cette grande religion des sentiments filiaux ; mais ils ont aussi pour la philosophie des sentiments filiaux, et ils ne sont pas disposés autant que leurs amis à mettre au service d’une puissance rivale leur liberté intellectuelle.

115. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

C’est le type le plus élevé des politiques qui pèsent, combinent, ménagent et voient moins les rigueurs de la vérité que les douceurs du succès. […] C’était la fille dévouée d’une mère terrible, de cette Inquisition qu’il faut bien nommer tout en pâlissant, et qui, duena impitoyable, l’avait élevée, purifiée et bronzée, sa vierge orthodoxe, à la flamme des charbons ardents d’Isaïe. […] Pichot, c’est un esprit poétique et individuel, dont le sentiment ne manque pas de justesse dans l’appréciation de ce qui est élevé, mais dont les allures familières et trop égotistes, — comme dirait lady Morgan, — rendent l’ouvrage parfois fatigant.

116. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

Lamennais, à qui l’esprit de parti a élevé un catafalque, mais qu’il faudra bien, un jour ou l’autre, finir par juger, Lamennais se présente entre deux théories dont l’une est morte et l’autre n’a jamais vécu. […] C’est donc le point de départ… » Et il ajoute : « De plus, la Théodicée, qui est la partie la plus élevée, la plus profonde de la Philosophie, en est aussi la plus facile. […] Le procédé simple et puissant dont l’abbé Gratry a tiré un si bon parti et qu’il a élevé jusqu’à la rigueur d’une méthode, est le procédé de l’humanité tout entière pour aller à Dieu, — comme nous disons, nous, — pour passer du fini à l’infini, comme disent les philosophes, — et soit que nous y allions sur les fortes ailes de la Méditation ou sur les humbles ailes de la Prière.

117. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Francis Wey »

Mal élevé comme la plupart des hommes de cette époque infortunée, tiré à deux éducations contraires qui ne valent pas mieux l’une que l’autre, et qui, le rompant dans le centre même de son être à la place où les convictions doivent se bâtir leur forteresse, le hachent en deux tronçons plus ou moins saignants qui s’agiteront, sans se rejoindre dans un impuissant scepticisme, Christian, le héros du livre, est, une fois de plus, l’éternel malade dont nous avons tant étudié la maladie sur cette race de lépreux sublimes, Werther, René, Obermann, et tant d’autres animæ viles dans lesquelles le génie s’est expérimenté lui-même. […] Élevée au couvent, dans la communauté de Bérulle, elle y a laissé une amie d’enfance qui vient de prononcer ses vœux et qui incessamment lui rappelle dans ses lettres cette vie de cloître au sein de laquelle elle, Éliane, a passé les premières années de la sienne, et dont, âme pieuse et profonde, elle a emporté le regret. […] La sœur Saint-Gatien, un peu plus âgée qu’elle et choisie, selon l’usage des couvents, pour offrir à Éliane, sous la forme d’une amitié sanctifiée, l’image de son auge gardien, le frère céleste qui doit veiller sur elle, la sœur Saint-Gatien est la voix de la vocation religieuse contre laquelle Christian rencontré a élevé la voix de l’amour.

118. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Il ne paraît jamais avoir connu une première discipline bien sévère : il avait été élevé au collège des jésuites à Mâcon, puis à Paris ; son père, qui voulait faire de lui son successeur dans la magistrature, et qui l’obligea d’étudier les lois, le laissait en attendant se livrer aux amusements de son âge, aux muses légères, à la poésie galante et de compliment. […] La montagne que l’on trouve à droite est la plus élevée ; la ville qu’elle porte sur sa croupe se nomme Invention ; elle est superbe en tours et en édifices dont la structure paraît merveilleuse. […] De l’autre côté, sur la montagne la moins élevée, on voit une autre ville qui s’appelle Imitation, et qui paraîtrait aussi fort belle si elle n’était effacée par sa voisine que l’on reconnaît pour l’original, et à laquelle cette dernière ressemble beaucoup. […] Le ton des premiers vers est assez noble et élevé : Apollon fut soumis, même avant qu’être né, À l’injuste rigueur d’un astre infortuné.

119. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Sarpédon, voulant entraîner son ami Glaucus avec lui, et l’exhortant à faire tête en avant, lui tient un langage aussi naturel qu’élevé : « Nous sommes honorés dans la Lycie, lui dit-il, comme des rois, comme des dieux ; nous y avons, à ce titre, de riches domaines ; nous tenons la première place aux festins et ailleurs. […] Cette idée de grâce, les Grecs la portaient en tout ; pour dire les gens comme il faut, les gens bien élevés, les honnêtes gens, même au sens politique, les Conservateurs, ils avaient ce mot charmant : et [caracteres grecs illisibles] , comme qui dirait : les gracieux, les agréables. […] L’art suprême, aujourd’hui, consisterait non à sacrifier l’une des deux critiques à l’autre, mais à savoir les combiner, s’il se peut, et, après avoir tout regardé avec l’œil de l’analyse, à réagir, à se remettre au point de vue et à retrouver l’admiration, non plus exagérée, grossie, et à tout propos, mais encore élevée et féconde. […] En tenant continuellement les regards élevés, nos esprits eux-mêmes s’élèvent ; et tout ainsi qu’un homme, en s’abandonnant aux habitudes de dédain et de mépris pour les autres, est sûr de descendre au niveau de ce qu’il méprise, ainsi les habitudes opposées d’admiration et de respect enthousiaste pour le beau nous communiquent à nous-mêmes une partie des qualités que nous admirons ; et ici, comme en toute autre chose, l’humilité est la voie la plus sûre à l’élévation20. » Entendez ces belles paroles du docteur Arnold comme elles le méritent, et dans le sens où elles sont dites en effet, — avec religion, non avec idolâtrie.

120. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

Il y joignait une faculté de dialectique élevée, déliée, fertile en distinctions, les multipliant parfois et s’y complaisant, mais ne s’y perdant jamais. […] C’est là que, dans les loisirs d’une vie toute pieuse, toute studieuse, et où les plus nobles amitiés avaient leur part, il composa les deux premiers volumes de l’ouvrage intitulé Esquisse de Rome chrétienne, destiné à faire comprendre à toutes les âmes élevées le sens et l’idée de la Ville éternelle : « La pensée fondamentale de ce livre, dit-il, est de recueillir dans les réalités visibles de Rome chrétienne l’empreinte et, pour ainsi dire, le portrait de son essence spirituelle. » Interprète excellent dans cette voie qu’il s’est choisie, il se met à considérer les monuments, non avec la science sèche de l’antiquaire moderne, non avec l’enthousiasme naïf d’un fidèle du Moyen Âge, mais avec une admiration réfléchie, qui unit la philosophie et la piété : L’étude de Rome dans Rome, dit-il encore, fait pénétrer jusqu’aux sources vives du christianisme. […] Partout il est le même : figurez-vous une démarche longue et lente, un peu penchée, dans une paisible allée où l’on cause à deux du côté de l’ombre, et où il s’arrête souvent en causant ; voyez de près ce sourire affectueux et fin, cette physionomie bénigne où il se mêle quelque chose du Fléchier et du Fénelon ; écoutez cette parole ingénieuse, élevée, fertile en idées, un peu entrecoupée par la fatigue de la voix, et qui reprend haleine souvent ; remarquez, au milieu des vues de doctrine et des aperçus explicatifs qui s’essaient et naissent d’eux-mêmes sur ses lèvres, des mots heureux, des anecdotes agréables, un discours semé de souvenirs, orné proprement d’aménité : et ne demandez pas si c’est un autre, c’est lui. […] L’abbé Gerbet, à ces mérites élevés que je n’ai pu que faire entrevoir, mêle une douce gaieté, un agrément naturel et fleuri, qui rappelle, jusque dans les jeux de vacances, l’enjouement des Rapin, des Bougeant et des Bouhours.

121. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre II : Variations des espèces à l’état de nature »

Wollaston, mais qui certainement seraient élevés au rang d’espèces par beaucoup d’entomologistes. […] La transition d’un degré de différence à un autre plus élevé peut être attribuée simplement, en quelques cas, à l’action longtemps continuée des conditions physiques en deux différentes régions ; mais je n’ai pas une grande confiance en l’action de tels agents ; et j’attribue plutôt les modifications successives d’une variété, qui passe d’un état très peu différent de celui de l’espèce mère à une forme qui en diffère davantage, à la sélection naturelle agissant de manière à accumuler dans une direction donnée des différences d’organisation presque insensibles, ainsi que je l’expliquerai bientôt plus longuement. […] De plus, des plantes placées très bas dans l’échelle de l’organisation sont généralement beaucoup plus répandues que des plantes d’organisation plus élevée ; et là encore il n’existe aucune relation nécessaire avec la grandeur des genres. […] Si bien que les variétés certaines ont une extension moyenne, égale et même un peu plus élevée que ces formes alliées que M. 

122. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

C’est un chef-d’œuvre, et un chef-d’œuvre dans l’ordre le plus élevé, — qu’on me passe le mot ! […] Depuis Grandeur et servitude militaires, Vigny ne s’est donc pas élevé plus haut dans la prose. […] C’est dix fois plus élevé que cela ! […] Le problème de la destinée humaine pèse autant sur le front de l’un que sur le front de l’autre, et fut la grande douleur, la grande anxiété de tous les deux… Inquiets, sceptiques, désespérés, trouvant, à juste titre, que l’incompréhensible est au bout de toutes les questions qui font l’esprit humain et l’Univers, altérés de la soif furieuse de la certitude, et n’ayant pour l’étancher que les eaux troubles du doute, qui faisaient mal au cœur à leurs fiers esprits dégoûtés, tous les deux ressentirent également cette douleur, la plus élevée des douleurs de la vie : le mal de l’esprit, pire que toutes les souffrances de la sensibilité !

123. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Élevés dans la foi, les pères avaient douté ; élevés dans le doute, les fils voulurent croire. […] Composé d’expressions élevées et grandioses, il contente le besoin d’élévation et de grandeur. […] Soutenez la liberté française encore mal assurée et chancelante au milieu des tombeaux et des débris qui nous environnent, par une morale qui l’affermisse à jamais ; et cette forte morale, demandons-la à jamais à cette philosophie généreuse, si honorable pour l’humanité, qui, professant les plus nobles maximes, les trouve dans notre nature, et qui nous appelle à l’honneur par la voix du simple bon sens96. — Sorti du sein des tempêtes, nourri dans le berceau d’une révolution, élevé sous la mâle discipline du génie de la guerre, le dix-neuvième siècle ne peut en vérité contempler son image et retrouver ses instincts dans une philosophie née à l’ombre des délices de Versailles, admirablement faite pour la décrépitude d’une monarchie arbitraire, mais non pour la vie laborieuse d’une jeune liberté environnée de périls97.

124. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Platon, et Aristote. » pp. 33-41

Son stile est simple & uni, mais serré & nerveux : celui de Platon est grand & élevé, mais lâche & diffus : celui-ci dit toujours plus qu’il n’en faut dire ; celui-là n’en dit jamais assez, & laisse à penser toujours plus qu’il n’en dit : l’un surprend l’esprit, & l’éblouit par un caractère eclatant & fleuri ; l’autre l’éclaire & l’instruit par une méthode juste & solide….. […] Il tient véritablement d’Homère, dans les sujets élevés qu’il traite : dans ceux où il se déride, où l’amour l’inspire, c’est un autre Anacréon : témoin ces vers passionnés qu’il fit pour Agathon, & que Fontenelle a rendus dans ses dialogues : Lorsqu’Agathis, par un baiser de flamme, Consent à me payer des maux que j’ai sentis, Sur mes lèvres soudain je sens voler mon ame Qui veut passer sur celles d’Agathis.

125. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Joseph Scaliger, et Scioppius. » pp. 139-147

Ce monument, élevé à la gloire de tous les Scaligers passés & futurs, parut à Scioppius un outrage à sa famille. […] Ils publièrent contre tous ses rivaux quantité de libèles, comme autant de trophées élevés en son honneur.

126. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Troisième faculté d’une Université. Faculté de droit. » pp. 506-510

Un père, une mère qui méprise l’instituteur de son fils l’avilit, et l’enfant est mal élevé ; un souverain qui n’honore pas les maîtres de ses sujets les avilit, les réduit à la condition de pédants, et la nation est mal élevée.

127. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

nécessairement du pathos, ma chère maman, si j’entreprenais la description du spectacle que nous eûmes alors sous les yeux (la chute du Niagara).. » Il ne laisse pas cependant de bien raconter ce qu’il voit et de s’en tirer fort convenablement avec sa sincérité d’impressions sans enluminure ; mais il reprend plus sûrement sa supériorité dès qu’intervient l’étude morale : l’esprit sain, juste, délicat, élevé, retrouve ses avantages. […] Un jeune homme, à peu près du même âge qu’avait alors M. de Tocqueville, visite, à trente-trois ans d’intervalle, les mêmes contrées, le même empire transatlantique ; ce jeune homme a été élevé dans des conditions à peu près semblables à celles dans lesquelles l’avait été en son temps M. de Tocqueville, ou du moins il a été nourri dans un milieu fort approchant ; mais quelle manière différente d’aborder son sujet ! […] Royer-Collard obéissait à sa propre loi, à la forme élevée et dominante de son jugement qui agrandissait tout ce qu’il ne déprimait pas. […] Royer-Collard, baissant un peu le ton dans l’une des lettres suivantes, était plus dans le vrai lorsqu’il insistait sur l’action utile et prolongée de l’écrivain, sur cette vocation qui n’avait pas été la sienne, à lui, et qui était de nature moins viagère ; on ne saurait définir d’une manière plus noble toute l’ambition permise à une littérature élevée, toute sa portée dans l’avenir, en même temps que ses difficultés, ses arrêts et ses limites : « … Vous, monsieur, il vous est donné de marquer autrement votre passage sur la terre et d’y tracer votre sillon ; vous l’avez commencé ; vous le suivrez sans l’achever jamais ; car aucun homme n’a jamais rien fini. […] Son esprit n’était satisfait que lorsqu’il avait élevé son observation jusqu’à un degré d’abstraction supérieure ; il atteignait parfois au tableau, mais c’était ce tableau sans personnages et sans figures dont parle M. 

128. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

C’est bien en le lisant qu’on peut sentir ce que dit quelque part Pline le Jeune dans une belle parole : « Quanta potestas, quanta dignitas, quanta majestas, quantum denique numen sit historiæ74… » Le caractère élevé, auguste et, pour ainsi dire, sacré de l’histoire est gravé dans tout ce qu’il écrit. […] Élevé d’abord au collége de sa ville natale, il y terminait sa quatrième, lorsque passèrent des inspecteurs ; le résultat de leur examen fut de faire nommer le jeune élève demi-boursier au lycée d’Avignon, où il alla achever ses études. […] Au point de vue élevé où il se plaçait, et dans le regard sommaire sous lequel il embrassait et resserrait une longue suite d’événements, il arrivait à y saisir les points fixes, les nœuds essentiels, les lois, et déjà il laissait échapper de ces mots, de ces maximes, chez lui familières et fondamentales, qui exprimaient ce qu’on a pu appeler son système. […] Honneur et respect du moins, quand l’esprit supérieur et le grand caractère qui ne recule devant rien fait entrer dans ses inspirations un sentiment élevé, un dévouement profond à la puissance publique dont il est investi, quand il se propose un but d’accord avec l’utilité ou la grandeur de l’ensemble. […] On continuera donc probablement, comme par le passé, de publier des recueils de pièces, traités et correspondances, avec plus ou moins de liaisons et d’éclaircissements : à M.Mignet restera l’honneur d’avoir presque élevé un simple recueil de ce genre jusqu’à la forme et au mouvement de l’histoire80.

129. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Une filiation exacte et continue rattache à nos perceptions les plus simples les sciences les plus compliquées, et, du plus bas degré au plus élevé, on peut poser une échelle ; quand l’écolier s’arrête en chemin, c’est que nous avons laissé trop d’intervalle entre deux échelons ; n’omettons aucun intermédiaire, et il montera jusqu’au sommet  À cette haute idée des facultés de l’homme s’ajoute une idée non moins haute de son cœur. […] Ceux qui l’exercent sont ses employés. « Il peut les établir et les destituer quand il lui plaît. » Vis-à-vis de lui, ils n’ont aucun droit. « Il n’est point question pour eux de contracter, mais d’obéir » ; ils n’ont pas de « conditions » à lui faire ; ils ne peuvent réclamer de lui aucun engagement  Ne dites pas qu’à ce compte aucun homme un peu fier et bien élevé ne voudra de nos charges et que nos chefs devront avoir un caractère de laquais. […] Un enfant, en ouvrant les yeux, doit voir la patrie, et, jusqu’à la mort, ne doit voir qu’elle… On doit l’exercer à ne jamais regarder son individu que dans ses relations avec le corps de l’État. » Telle était la pratique de Sparte et l’unique but du « grand Lycurgue »  « Tous étant égaux par la constitution, ils doivent être élevés ensemble et de la même manière. » — « La loi doit régler la matière, l’ordre et la forme de leurs études. » À tout le moins, ils doivent tous prendre part aux exercices publics, aux courses à cheval, aux jeux de force et d’adresse institués « pour les accoutumer à la règle, à l’égalité, à la fraternité, aux concurrences », pour leur apprendre « à vivre sous les yeux de leurs concitoyens et à désirer l’approbation publique ». […] Dans un couvent, il faut que les novices soient élevés en moines ; sinon, quand ils auront grandi, il n’y aura plus de couvent. […] Morelly, Code de la nature . « À cinq ans, tous les enfants seront enlevés à la famille et élevés en commun aux frais de l’État d’une façon uniforme. » On a trouvé un projet analogue et tout spartiate dans les papiers de Saint-Just.

130. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

Ces inquiétudes étaient justifiées, à quelques égards, par les infirmités qui affligèrent Pierre pendant le petit nombre d’années qu’il fut à la tête du gouvernement de la république ; mais les talents de Laurent dissipèrent bientôt ces nuages d’un moment, et élevèrent sa famille à un degré d’illustration et d’éclat dont il est probable que Côme lui-même avait eu peine à se former l’idée. » VIII Bien qu’il fût âgé de soixante et quinze ans, sa taille élevée, la majesté de ses traits, la grâce de son visage, si conforme au titre de Père de la patrie que les Florentins avaient d’eux-mêmes ajouté à son nom, la bienveillance de son accueil, la cordialité de son amitié le rendaient aussi agréable que dans sa belle jeunesse. […] C’est par là que sa famille d’opulents parvenus, sortie d’un médecin célèbre, s’était insensiblement élevée par le commerce et les arts au premier rang de la république. […] Il appuie son opinion par une telle variété d’exemples, qu’il est aisé d’apercevoir que, bien que le but de Landino, sous le nom d’Alberti, fût d’établir les purs dogmes du platonisme, c’est-à-dire que la contemplation abstraite de la vérité constitue seule l’essence du vrai bonheur, Laurent avait élevé des objections auxquelles l’ingénuité du philosophe, dans la suite de l’entretien, n’ôte presque rien de leur force. […] Cela lui donne occasion de développer les dogmes philosophiques de Platon ; et après avoir soigneusement examiné la valeur réelle de tous les biens d’un ordre inférieur, de tous les avantages purement matériels et temporels, il conclut que ce n’est ni dans la condition brillante et élevée de l’un, ni dans l’état humble et obscur de l’autre, qu’il faut chercher le véritable et solide bonheur ; mais qu’on ne saurait le trouver, en dernière analyse, que dans la connaissance et l’amour de la première cause, de l’Être suprême et infini. […] L’archevêque de Pise, Salviati, élevé à cette dignité en dépit de Laurent, voulait se venger.

131. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

La plupart de nos écrivains ont été élevés dans les lycées, ont renoncé de bonne heure aux pratiques de la religion, ne hantent point les églises ni les presbytères. […] C’était horrible, cet avilissement d’un pauvre petit diable, et chaque fois j’injuriais l’imprésario… Mais, au reste, je suis persuadé que ces fils de paysans qui entrent quelquefois au séminaire par intérêt y prennent peu à peu des sentiments plus élevés. […] Il serait excellent d’avoir été élevé par un curé, d’avoir été enfant de chœur, familier avec les choses d’église et de sacristie. […] Songez donc qu’à moins d’un mensonge sacrilège, qui ne doit guère se rencontrer, tout prêtre, quelles qu’aient pu être ensuite ses faiblesses, a accompli, le jour où il s’est couché tout de son long au pied de l’évêque qui le consacrait, la plus entière immolation de soi que l’on puisse imaginer ; qu’il s’est élevé, à cette heure-là, au plus haut degré de dignité morale, et qu’il a été proprement un héros, ne fût-ce qu’un instant. […] Le prêtre doit à Dieu plus qu’un autre homme et se sent plus qu’un autre sous la main de Dieu ; mais en même temps il est ministre de l’Éternel ; il est élevé par l’onction sacerdotale fort au-dessus des laïques, même au-dessus des grands de l’esprit et des puissants.

132. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

Reynold Bargé, le fils d’un juge de paix de Lausanne, a été élevé avec les Merson. […] C’est envers Fanny surtout que sa faute est grave : une jeune fille n’est pas impunément élevée dans un milieu équivoque, sous la tutelle du séducteur de sa mère. […] Marie Letellier est une jeune fille élevée à l’américaine, pure et fière, sous des allures hardies et rieuses ; le coeur d’une vierge et l’air d’une princesse errante, habituée aux libertés de la flirtation, et sûre de retirer à temps sa vertu du jeu. […] La femme, trop fière pour se disculper, a changé de nom, elle a élevé l’enfant de sa faute, elle en a fait un homme d’honneur et de lutte. […] Emile Augier a élevé son sujet dans une plus haute sphère.

133. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

Quant à la grandeur passive du Prométhée enchaîné, quant à la fiction qui forme l’intérêt de ce drame immobile, nous n’avons rien à conjecturer : « l’œuvre originale est sous nos yeux ; et il nous est donné de sentir, dans cette œuvre extraordinaire, à la fois l’enthousiasme de l’hiérophante et la raison élevée du philosophe. Jamais la hardiesse de la lyre ne s’est élevée plus haut. […] Puissé-je être aux bords où, chargé de forêts, le promontoire battu des flots domine la mer agitée sous la crête élevée de Sunium ! […] tu l’as élevée toi-même à cette gloire, en ayant, pour la première fois, forgé dans ses rues le mors qui dompte les coursiers. […] Malgré le ton moins élevé de la comédie d’Athènes, l’accent lyrique ne pouvait lui manquer, surtout dans son premier âge de liberté sans borne.

134. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

Alors, dans un volume donné, la proportion du gaz vital devient trop élevée, ainsi que l’ont démontré les recherches de M.  […] Puis j’ai élevé l’étuve à 34°, 5 ; alors il arriva un arrêt de la germination. […] Elles résistent moins bien que les rotifères aux températures élevées, et à 70 degrés au-dessus de zéro elles périssent infailliblement. […] Les seuls corps qui entrent dans la constitution matérielle des êtres élevés, de l’homme par exemple, sont au nombre de quatorze. […] On pourrait dire par conséquent que le protoplasma incolore a accompli des synthèses très élevées.

135. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

Le plus grand nombre de mes condisciples était né et avait été élevé dans les villes ; il ne connaissait le printemps que par les livres. […] J’avais été élevé à la campagne, dans l’âpre contrée que je viens de décrire ; je n’avais vu, autour de la maison rustique et nue de mon père, ni les orangers à pommes d’or semant leurs fleurs odorantes sous mes pas, ni les clairs ruisseaux sortant à gros bouillon de l’ombre des forêts de hêtres, pour aller épandre leur écume laiteuse sur les pentes fleuries des vallons, ni les gras troupeaux de génisses lombardes, enfonçant jusqu’aux jarrets leurs flancs d’or ou d’albâtre dans l’épaisseur des herbes, ni les abeilles de l’Hymète bourdonnant parmi les citises jaunes et les lauriers roses. […] XII Mon père, à qui son goût pour la chasse avait fait découvrir ce site élevé et presque inabordable, s’y rendait souvent après le dîner, d’où l’on sortait alors à deux heures ; il y portait avec lui un livre, pour y passer en société d’un grand ou aimable esprit les longues soirées des jours d’été ; il m’y conduisait souvent avec lui, quand, vers l’âge de dix à douze ans, le collège me rendait à la famille. […] Ce n’est pas contre des enfants comme vous que ce mur a été élevé au-dessus de la portée du regard des hommes, et que ces fenêtres et cette porte se sont fermées ; c’est contre les hommes curieux, calomniateurs ou méchants, qui vous persécutent quand vous habitez au milieu d’eux et qui vous haïssent quand vous vous retirez de leur société. […] XXVII Parvenu avec moi sur la galerie, M. de Valmont, au lieu d’ouvrir une des portes de la maison, monta devant moi une échelle de bois appliquée contre la muraille ; cette échelle conduisait dans une espèce de grenier formé par un petit pavillon un peu plus élevé que le reste du toit.

136. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

Tous les individus de la même espèce, et toutes les espèces du même genre ou même les groupes encore plus élevés doivent provenir de parents communs. […] La concurrence vitale est une conséquence nécessaire de la multiplication en raison géométrique plus ou moins élevée de tous les êtres organisés. […] On ne peut tirer une objection valable de ce que la science, en son état actuel, ne jette encore aucune lumière sur le problème bien plus élevé de l’essence ou de l’origine de la vie. […] Mais il est fort présumable que ces espèces, ainsi déterminées par les lois de la nature elles-mêmes sont au moins les genres de nos systématistes actuels, et que les groupes plus élevés sont composés de races dont le développement, après avoir été longtemps parallèle, n’a divergé que plus ou moins récemment. […] Seulement il faut reconnaître, d’un autre côté, qu’à mesure que les variations purement physiologiques diminuent de vitesse et d’intensité, les variations psychologiques, c’est-à-dire les modifications instinctives et mentales, semblent accroître leur mouvement en raison contraire, comme on l’observe chez toutes les espèces sociales que forment généralement les degrés les plus élevés des principales classes du règne animal.

137. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Andrieux »

C’était en général à la diction que se bornait cette surveillance de l’aimable et fin aristarque ; on n’abordait pas dans ce temps les questions plus élevées et plus fondamentales de l’art, comme on dit ; quelques maximes générales, quelques préceptes de tradition suffisaient ; mais on savait alors en diction, en fait de vrai et légitime langage, mille particularités et nuances qui vont se perdant et s’oubliant chaque jour dans une confusion, inévitable peut-être, mais certainement fâcheuse. […] Dans les querelles littéraires qui s’étaient élevées durant les dernières années, l’opinion de M. 

138. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Il fut élevé parmi tous ces réformateurs qui attaquaient les opinions politiques, après avoir ébranlé les opinions religieuses. […] Il s’est élevé avec force contre toutes les mesures oppressives. […] C’est dans le caractère de Satan qu’il s’est élevé au-dessus de lui-même. […] N’est-ce pas déguiser sous des noms mythologiques ce qu’il y a de plus élevé dans la théologie chrétienne ? […] Ses écrits portent à la fois l’empreinte d’une âme fière et d’une imagination élevée.

139. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

Un Palmier traînant de l’archipel Malais grimpe au sommet des arbres les plus élevés à l’aide de crampons admirablement construits qui sont posés autour de l’extrémité de ses branches. […] L’activité de la respiration dans les régions élevées doit accroître la largeur de la poitrine, et encore ici la loi de corrélation jouerait son rôle. […] Car dans une contrée très étendue, où il a pu vivre un plus grand nombre d’individus et des formes plus diversifiées, la concurrence a dû aussi être plus vive, et, par conséquent, le niveau supérieur du perfectionnement organique s’y sera élevé d’autant. […] Plus encore ; il résulte des expériences de Matteucci que les phénomènes électriques manifestés par la fibre musculaire diminuent d’intensité à mesure que l’animal sur lequel on expérimente occupe une place plus élevée dans l’échelle ; des êtres. […] C’est en remontant les fleuves que les Amphibies ont dû conquérir peu à peu le domaine terrestre, et c’est dans les déserts arides, sur les plateaux élevés, sur les montagnes que les premiers mammifères ont pu s’adapter à leur vie toute terrestre sans une concurrence trop vive de la part d’autres organismes.

140. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

Il n’en est rien cependant ; car jamais, à aucun moment de notre histoire, les questions d’ordre le plus élevé n’ont été étudiées, discutées et près de se résoudre dans un sens favorable comme aujourd’hui. […] Vingt ans de corruption impériale n’ont pu changer ni même affaiblir les caractères élevés de notre race. […] Seulement, si par notre constitution organique, nous sommes reliés aux espèces les plus inférieures, nous nous en distinguons par des qualités nobles, des aspirations élevées et des facultés transcendantes. […] Ce qui ressort le plus ostensiblement de la nouvelle école, c’est la prépondérance des caractères bas sur les caractères élevés et la trivialité de la forme. […] Comment la République basée sur la justice, la liberté, la solidarité, c’est-à-dire les sentiments et les principes les plus nobles, ne trouverait pas une expression supérieure de la conscience, alors parvenue au diapason le plus élevé !

141. (1772) Éloge de Racine pp. -

Il conçut que le plus grand besoin qu’apportent les spectateurs au théâtre, le plus grand plaisir qu’ils puissent y goûter, est de se trouver dans ce qu’ils voient ; que si l’homme aime à être élevé, il aime encore mieux être attendri, peut-être parce qu’il est plus sûr de sa faiblesse que de sa vertu ; que le sentiment de l’admiration s’émousse et s’affaiblit aisément ; que les larmes douces qu’elle fait répandre quelquefois sont en un moment séchées, au lieu que la pitié pénètre plus avant dans le coeur, y porte une émotion qui croît sans cesse et que l’on aime à nourrir, fait couler des larmes délicieuses que l’on ne se lasse point de répandre, et dont l’auteur tragique peut sans cesse rouvrir la source, quand une fois il l’a trouvée. […] Il fut créateur à son tour, comme Corneille l’avait été ; avec cette différence, que l’édifice qu’avait élevé l’un frappait les yeux par des beautés irrégulières et une pompe informe, au lieu que l’autre attachait les regards par ces belles proportions et ces formes gracieuses que le goût fait joindre à la majesté du génie. […] Les esprits sages, les ames élevées aiment mieux le quatrième acte de Britannicus que des tragédies passionnées, parce qu’elles préfèrent ce qui élève et agrandit l’homme à ce qui le charme et l’amollit. […] Il ne la vit pas réparée : il vit le plus beau de ses ouvrages en butte au mépris et au ridicule, et il n’a pas vu l’admiration que ce même ouvrage inspire aujourd’hui ; et quand il s’est endormi dans le silence de la tombe, alors s’est élevée l’inutile voix de la vérité qu’il n’entend plus. […] Vous avez élevé un trophée à sa gloire : faites plus, élevez à ses côtés le trophée de Racine.

142. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Les descriptions pittoresques, les marines qui viennent ensuite y gagnent en beauté ; ces conversations élevées en font le ciel. […] J’étais là sous l’impression de la présence de Dieu et dans cet état de l’âme où l’on n’a plus conscience que de Dieu et de soi-même, lorsqu’une voix s’est élevée. […] Je l’ai reconnue aussitôt, c’était la voix de Louise, silver-sweet sounding (la douce voix d’argent). » De tels songes, qui rappellent ceux de Dante adolescent et de la Vita nuova, ne se passaient que dans la partie élevée de l’esprit, et il y avait moyen d’en guérir. […] De crainte que le passage subit de l’air doux et tempéré de la vie religieuse et solitaire à la zone torride du monde n’éprouvât trop mon âme, elle m’a amené, au sortir du saint asile, dans une maison élevée sur les confins des deux régions, où, sans être de la solitude, on n’appartient pas encore au monde ; une maison dont les croisées s’ouvrent d’un côté sur la plaine où s’agite le tumulte des hommes, et de l’autre sur le désert où chantent les serviteurs de Dieu ; d’un côté sur l’océan, et de l’autre sur les bois ; et cette figure est une réalité, car elle est bâtie sur le bord de la mer.

143. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Issu d’une ancienne famille noble, assez peu aisée, qui vivait dans le Midi au château du Cayla, du côté d’Alby ; élevé dans une maison religieuse à Toulouse, puis au collège Stanislas, abrité quelque temps à La Chesnarye en Bretagne, dans le petit monde de M. de Lamennais au moment critique et alors que ce grand et violent esprit couvait déjà « sa séparation » d’avec l’Église, revenu bientôt à Paris et se livrant à la littérature, il mourut avant d’avoir rien publié de remarqué ni d’important. […] Aujourd’hui c’est une seconde édition plus complète qui se publie et qui, se joignant au Journal et aux Lettres de Mme Eugènie de Guérin, sœur aînée du poète et morte elle-même peu de temps après lui, vient montrer quel couple poétique distingué c’était que ce frère et cette sœur : — lui, le noble jeune homme « d’une nature si élevée, rare et exquise, d’un idéal si beau qu’il ne hantait rien que par la poésie » ; — elle la noble fille au cœur pur ; à l’imagination délicate et charmante, à la croyance vaillante et ferme ; toute dévouée à ce frère qu’elle adorait, qu’elle admirait : et que, sans le savoir ; elle surpassait peut-être ; qu’elle craignait sans cesse devoir s’égarer aux idées et aux fausses lumières du monde ; qu’elle fût heureuse de ramener au bercail dans les heures dernières ; qu’elle passa plusieurs années à pleurer, à vouloir rejoindre, et dont elle aurait aimé cependant, avant de partir, à dresser elle-même de ses mains le terrestre monument. […] L’idée de ma personnalité se confondait dans ma tête avec celle de mon bien-être… Tout le jour, je me remplissais de mûres, de raiponces, de salsifis des prés, de pois verts, de graines de pavots, d’épis de maïs grillés, de baies de toutes sortes, prunelles, blessons, alises, merises, églantines, lambrusques, fruits sauvages ; je me gorgeais d’une masse de crudités à faire crever un petit bourgeois élevé gentiment, et qui ne produisaient d’autre effet sur mon estomac que de me donner le soir un formidable appétit. […] Âme innocente, élevée, pure, non pas inexpérimentée, mais droite et simple, elle y cause avec elle-même, avec ses plus hautes et ses plus secrètes pensées, avec Dieu, priant, pleurant, se chantant parfois des vers, se disant « La solitude fait écrire parce qu’elle fait penser.

144. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

Et que le public surtout, le grand juge permanent, n’ait à s’en apercevoir dans la suite qu’au redoublement de mes efforts, à leur application de plus en plus marquée vers les sujets élevés et sérieux, qui sont faits pour remplir la seconde moitié de la vie. […] C’est ainsi qu’en un temps où d’autres talents élevés poursuivaient et atteignaient, ou manquaient la gloire, en d’autres régions plus orageuses de la sphère et sur d’autres confins, lui, il suivait sa belle et large voie, populaire d’une popularité légitime, heureux d’un bonheur possible : en un mot il réalisait dans toute sa vie une sorte d’idéal tempéré et continu, sans aucune tache. […] Un beau talent lyrique, si élevé qu’il soit, et souvent à cause de cette élévation même, devient difficilement populaire. […] Casimir Delavigne avait trente ans : il était arrivé à la maturité de la jeunesse, à la possession de la célébrité la plus flatteuse et la plus pure ; les générations de son âge et celles qui s’étaient élevées depuis, ou qui grandissaient, l’avaient pour première idole.

145. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

Mais la Restauration devait amener dans le monde élevé, et à la surface de la société qu’elle favorisait, d’autres combinaisons moins simples que celles-là. […] Dans ces soins de ménage et de simplicité domestique, alternant avec les emplois d’une pensée élevée, comment ne pas entrevoir un commencement de similitude ? […] En 1820 seulement, ayant un soir raconté avec détail l’anecdote réelle d’une jeune négresse élevée chez la maréchale de Beauvau, ses amis, charmés de ce récit (car elle excellait à raconter), lui dirent : « Mais pourquoi n’écririez-vous pas cette histoire ?  […] Mais, vers le même temps, il se faisait en elle, tout au dedans, un grand travail de soumission religieuse et de piété ; elle n’avait jamais été ce qu’on appelle dévote dans le courant de la vie ; elle arrivait aux sources élevées par réflexion, par refoulement solitaire, en vertu de toutes les puissances douloureuses qui l’oppressaient.

146. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

Il avait été élevé par un Français, homme de mérite, appelé Duhan, qui lui avait inspiré l’amour de notre langue et de notre littérature. […] Jamais on n’a mieux senti que ce jeune prince ce que les lettres pourraient être dans leur plus haute inspiration, ce qu’elles ont en elles d’élevé et d’utile, ce que leur gloire a de durable et d’immortel. […] Je crois être plutôt resté en deçà du vrai, quand j’ai dit que l’attrait de l’esprit entre ces deux hommes survécut même à l’amitié ; car il est évident, à lire de bonne foi toute la suite et la fin de cette correspondance, que l’amitié elle-même n’est pas morte entre eux, qu’elle a repris avec un reste de charme mêlé de raison, et qu’elle se fonde, non pas seulement sur l’amusement, mais sur les côtés sérieux et élevés de leur nature. […] Le malheur de Frédéric fut de n’être entouré de tout temps, et surtout vers la fin, que de gens de lettres secondaires, et dont le caractère peu élevé se prêtait trop à ses jeux de prince.

147. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Giraud sur Étienne Pasquier, et quelques pages aussi élevées que judicieuses de M. le chancelier, accompagnèrent cette publication, qui offre un intérêt sérieux pour ceux même qui ne s’occupent point particulièrement du droit. […] Il avertit Ronsard, dès l’année 1555, de ne pas se prêter comme il fait à cette pente facile par où tout périt, de ne pas courtiser et flatter ses disciples, de ne pas laisser dégénérer enfin une œuvre élevée, en un tumulte et une ovation de coterie. […] Il y avait là-dedans un principe organique qui semblait fait pour donner vie et consistance à une classe moyenne, à cette classe que nous avons vue essayer mainte fois de se constituer et de se reformer depuis sous divers noms, mais qui n’a plus su retrouver solidité en elle, ni moralité élevée. […] Ici encore on le retrouve fidèle à son esprit de voie moyenne et de prudence pratique élevée.

148. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

Berthereau, dans un poème burlesque intitulé Les Rats et les Grenouilles (1854), a imité la Batrachomyomachie attribuée à Homère, et a parodié nos luttes politiques : c’est la fable élevée à une manière d’épopée. […] Dans ce poème, il y a de la composition, du dessin, un ordre sévère, une division habile, une description poétiquement amenée des principaux tableaux du maître ; il y règne, d’un bout à l’autre, un sentiment élevé du sujet. […] Des poètes sérieux, consciencieux, élevés, y travaillent, et, si le public n’est pas familiarisé avec leurs noms, c’est qu’en France ce n’est que par le sentiment et la passion dramatique, et aussi par un coin d’esprit qu’on y mêle, que le public peut accepter, j’ai presque dit, peut pardonner la poésie : à l’état pur, elle n’existe guère que pour les poètes entre eux. […] Bien que dans un ordre également élevé, et venant à rencontrer souvent les mêmes problèmes, ce n’est pas tout à fait à la région pacifique de M. de Laprade que je rattacherai deux poètes, dont l’un est maintenant un politique, MM. 

149. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Or, malgré des qualités indéniables, malgré le bruit qui s’est attaché aux Histoires de Jacques II et de Guillaume III, en Angleterre et en Europe, ce n’est pas l’historien qui, dans l’avenir, aux yeux des connaisseurs, sera le plus élevé des deux. […] II Telle a été, mais achetée au prix de facultés méconnues et perdues, la destinée de Macaulay, et telles furent les raisons, assez vulgaires, qui, après un début aussi éclatant que le sien, firent d’un critique de littérature désintéressée un écrivain d’histoire intéressée ; car Macaulay n’est pas plus élevé que cela : c’est un historien de parti. […] Il vaut mieux renvoyer au livre lui-même, qui ne nous offre pas seulement le dessin d’une forme littéraire qui a élevé la Critique à une puissance nouvelle, mais qui, de plus, nous fait toucher la personnalité vivante de l’écrivain, si souvent intangible dans les traductions ! […] Il sent toujours plus ou moins le collège de la Trinité de Cambridge où il fut si brillamment élevé.

150. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre II. Signes de la prochaine transformation »

Les âmes aussi élevées, aussi désespérées sont rares. […] Cette couleur enflammant un large espace de la voûte céleste allait s’affaiblissant par degrés insensibles jusqu’à ce point de l’orient, où elle était remplacée par la teinte sombre des vapeurs élevées, qui promettaient une rosée bienfaisante609. » Et, la même, de sa petite chambre, écrivait encore : « Alexandre souhaitait d’autres mondes pour les conquérir : j’en souhaiterais d’autres pour les aimer610 ». […] Juliette et son Roméo sont un couple quelconque, des amis d’enfance ; Roméo élevé près de Juliette sous un faux nom : et quand nous le voyons, le doux, le tendre, le poétique enfant de Shakespeare est un « guerrier redoutable », un général vainqueur, enfin l’insipide héros cent fois revu.

151. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Conclusion »

. — Le docteur Maudsley a développé avec beaucoup d’ardeur cette thèse : que les phénomènes ne diffèrent qu’en ce que les plus élevés sont produits par une concentration, les moins élevés par une dispersion de la force : une unité de pensée équivaudrait à plusieurs unités de vie, une unité de vie à plusieurs unités de force purement mécanique. […] Les sensations de ce dernier groupe sont les plus élevées et les plus importantes ; seules avec les sensations de l’ouïe, elles ont un caractère esthétique.

152. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre I : La science politique au xixe  siècle »

Cependant elle n’était pas subjuguée tout entière par ces passions aveugles et exaltées, et les esprits élevés qui la dirigeaient avaient d’autres vues ; mais ils n’osaient pas toujours les dire. […] Très-vif et très-énergique dans la polémique, il était faible dans la théorie ; il se faisait sa politique au jour le jour : situation peu favorable aux idées générales et élevées. […] Mais tandis que les sectes et les écoles se partageaient comme je viens de le dire, quelques esprits élevés et indépendants cherchaient la vérité à leurs risques et périls, dans des voies libres et particulières, auxiliaires plutôt que soldats des différentes opinions que nous venons de résumer.

153. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IV. Des changements survenus dans notre manière d’apprécier et de juger notre littérature nationale » pp. 86-105

Sans cette lyre d’or les peuples de la Thrace seraient restés sauvages, et les murs de Thèbes ne se seraient jamais élevés. […] Cette économie des desseins de la Providence, dévoilée avec la prévision d’un prophète ; cette pensée divine gouvernant les hommes depuis le commencement jusqu’à la fin ; toutes les annales des peuples, renfermées dans le cadre magnifique d’une imposante unité ; ces royaumes de la terre, qui relèvent de Dieu ; ces trônes des rois, qui ne sont que de la poussière ; et ensuite ces grandes vicissitudes dans les rangs les plus élevés de la société ; ces leçons terribles données aux nations, et aux chefs des nations ; ces royales douleurs ; ces gémissements dans les palais des maîtres du monde ; ces derniers soupirs de héros, plus grands sur le lit de mort du chrétien, qu’au milieu des triomphes du champ de bataille ; enfin l’illustre orateur, interprète de tant d’éclatantes misères, osant parler de ses propres amertumes, osant montrer ses cheveux blancs, signe vénérable d’une longue carrière honorée par de si nobles travaux, et laissant tomber du haut de la chaire de vérité des larmes plus éloquentes encore que ses discours : tel est le Bossuet de nos habitudes classiques, de notre admiration traditionnelle. […] Sans doute, dans tous les ouvrages de Bossuet, l’esprit resterait étonné par un style vif, énergique et pittoresque ; par la grandeur des images et la hardiesse des figures ; par ce quelque chose de rude et de heurté d’un fier génie pour qui la faible langue des hommes est une condescendance de la pensée, car le feu de sa pensée, à lui, s’allume dans une sphère plus élevée.

154. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

Nourri dans son sein, élevé dans les principes rigides de la même secte, fanatique de la liberté, passionné pour la patrie, ennemi ardent et irréconciliable de toute espèce d’oppression, l’âme de Caton respirait dans Brutus. […] Tous ceux qui verront ce monument, ceux même qui apprendront que nous l’avons élevé, parleront de vous avec reconnaissance. […] qui pouvait lui faire un crime de parler de ses grandes actions, dans ces moments où l’âme réclamant contre l’injustice des hommes, semble élevée au-dessus d’elle-même par le sentiment et le caractère auguste du malheur ?

155. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [M. de Latena, Étude de l’homme.] » pp. 523-526

Dans ces commencements on reconnaît un esprit droit et sage qui a essayé de se rendre compte par lui-même de ces problèmes les plus élevés, sur lesquels il est bon d’avoir une solution avant d’en venir à l’étude particulière de l’homme en société. […] Notre siècle, après les excès philosophiques qui ont signalé la fin du précédent, est devenu prudent à bon droit dans ces considérations générales ; les cœurs honnêtes ont peur de toute témérité, et il semble même qu’on aime à s’en tenir, dans cette sphère élevée, aux apparences lumineuses, aux traditions générales et aux impressions premières du sentiment, plutôt que de les décomposer et de creuser trop avant, comme si l’on n’était pas sûr de pouvoir recomposer ensuite ce qu’on aurait trop indiscrètement analysé.

156. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Choses d’autrefois »

C’est dans ce couvent qu’étaient élevées les fillettes les plus nobles de France. […] C’est égal, la vaillance et la fierté de ces fillettes me ravissent  À huit ans, Mlle de Montmorency « eut un entêtement très fort vis-à-vis de madame l’abbesse (c’était alors Mme de Richelieu), qui lui dit en colère : « Quand je vous vois comme cela, je vous tuerais. » Mlle de Montmorency répondit : « Ce ne serait pas la première fois que les Richelieu auraient été les bourreaux des Montmorency. » — Six ans après, cette enfant, mourant d’un bras gangrené, disait avec une tranquillité merveilleuse : « Voilà que je commence à mourir. »   Ce qui rend plus intéressant encore, et même hautement dramatique, le tableau que la petite Hélène nous trace de l’Abbaye-au-Bois, c’est que, à l’heure même où elle écrit son journal, l’organisation sociale en vue de laquelle ces jeunes filles sont expressément élevées craque de toutes parts.

157. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’Empereur Néron, et les trois plus grands poëtes de son siècle, Lucain, Perse & Juvénal. » pp. 69-78

Il avoit le génie grand, élevé, mais peu juste. […] Comment concilier cette horreur avec les sentimens élevés dont ses ouvrages sont remplis ?

158. (1818) Essai sur les institutions sociales « Préface » pp. 5-12

Nodier disait plus loin : « Il est évident qu’un genre de considérations si élevé ne sera jamais la théorie d’un parti, parce qu’il est trop supérieur pour cela aux idées ordinaires, aux passions communes des hommes. […] Cette liberté, au reste, n’est que le libre arbitre dans une sphère plus élevée.

159. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « ??? » pp. 175-182

Le père du comte est général au service de l’Autriche ; sa sœur mariée en Angleterre à un grand seigneur ; et lui-même jouit du bien-être et de la dignité d’un grade élevé dans les armées anglaises. […] d’un monde où des caractères si élevés, si purs, si grandioses, ont chance de se heurter et finalement de se briser.

160. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXII. Des éloges des hommes illustres du dix-septième siècle, par Charles Perrault. »

Nous avons vu jusqu’à présent, que dès qu’un homme en place, roi ou prince, cardinal ou évêque, général d’armée ou ministre, enfin quiconque, ou avait fait ou avait dû faire de grandes choses, était mort, tout aussitôt un orateur sacré, nommé par la famille, s’emparait de ce grand homme, et après avoir choisi un texte, fait un exorde ou trivial ou touchant, sur la vanité des grandeurs de ce monde, divisé le mérite du mort en deux ou trois points, et chacun des trois points en quatre ; après avoir parlé longuement de la généalogie, en disant qu’il n’en parlerait pas, faisait ensuite le détail des grandes qualités que le mort avait eues ou qu’il devait avoir, mêlait à ces qualités des réflexions ou fines ou profondes, ou élevées ou communes, sur les vertus, sur les vices, sur la cour, sur la guerre, et finissait enfin par assurer que celui qu’on louait, avait été un très grand homme dans ce monde, et serait probablement un très grand saint dans l’autre. […] L’auteur de ces éloges est ce même Charles Perrault, qui, quelque temps auparavant, avait élevé la fameuse dispute des anciens et des modernes.

161. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

L’observation attentive des symptômes de l’empoisonnement sur les animaux élevés vint me révéler des particularités intéressantes relatives à la sensibilité et à l’intelligence. […] Mais chez des animaux élevés, chez certaines races de chiens par exemple, les moindres excitations des nerfs sensitifs retentissent sur le cœur. […] Dans les organismes élevés, la vie n’est qu’un échange continuel entre le système sanguin et le système nerveux. […] Dès lors les philosophes se tiennent toujours dans les questions en controverse et dans les régions élevées, limites supérieures des sciences. […] Les expériences ont montré que le tissu du cerveau présente la température la plus élevée de tous les organes du corps.

162. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

La langue poétique gagna pourtant à l’effort ; elle y acquit une habitude plus élevée, plus d’images, plus de couleur ; les ardeurs de Ronsard laissaient une belle trace. […] Il fut élevé en gentilhomme, avec un précepteur à lui ; il devait succéder à la charge de son père. […] Aussi ne prenons de cet exemple que ce qui convient au genre littéraire sérieux, à la Poésie lyrique élevée dont je parle. […] On a, dans ces beaux endroits de Malherbe, le bon sens politique élevé à la poésie. […] La religion de Malherbe était courte ; il n’en était pas dénué pourtant dans les parties respectueuses, élevées, de sa verve et de sa pensée.

163. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Dans la troisième phase, le même mouvement est élevé à sa troisième puissance. […] Plein d’un tendre respect, comme Joseph de Maistre, pour sa mère, il avait gardé les croyances religieuses et les convictions monarchiques dans lesquelles il avait été élevé. […] Ce libéralisme bonapartiste, mal à propos confondu avec un libéralisme plus sincère et plus élevé, sera une des pierres d’achoppement de la restauration. […] Lord Byron, en effet, n’est ni un incrédule systématique ni un orthodoxe ; sa tête est comme une auberge sonore où toutes les idées viennent retentir, et ses poëmes sont des palais féeriques élevés au doute. […] L’amour chrétien a quelque chose de plus noble et de plus élevé ; ses élans ne s’arrêtent pas sur la terre, ils montent vers le ciel.

164. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

« Mais la meilleure partie d’elle, qui vit encore et qui vivra toujours là-haut dans la région la plus élevée du ciel, m’enamoure tous les jours davantage de ses immortelles perfections. […] « J’applaudis à vos vers, et je m’unis à vous pour louer ce grand poète, trivial pour le style, mais très élevé pour la pensée… Je lui décerne la palme de l’élocution vulgaire. […] L’engouement de ce siècle a élevé Dante au-dessus de ses œuvres, sublimes par moment, mais souvent barbares ; l’oubli de ce même siècle a négligé Pétrarque, le type de toute beauté de langage et de sentiment depuis Virgile. […] autrefois vivante, maintenant transfigurée et élevée au-dessus de l’immortalité, afin que le monde eût l’occasion de la connaître et de l’aimer ! […] Nous nous retrouvâmes à la fin dans un chemin creux bordé d’un côté de peupliers qui, en frissonnant aux brises d’automne, laissaient pleuvoir déjà sur nos têtes leurs premières feuilles jaunies ; nous étions ombragés de l’autre côté par une rangée de chênes très élevés qui, par l’opacité ténébreuse de leurs branches, faisaient contraste avec le pâle et doux feuillage des peupliers.

165. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Si l’on supposait que ces vérités pussent venir d’ailleurs que de l’étude patiente des choses, la science élevée n’aurait plus aucun sens ; il y aurait érudition, curiosité d’amateur, mais non science dans le noble sens du mot, et les âmes distinguées se garderaient de s’engager dans ces recherches sans horizon ni avenir. […] Quel est l’esprit élevé qui voudrait consacrer sa vie à cet humble et abrutissant labeur ? […] La science vraiment élevée n’a commencé que le jour où la raison s’est prise au sérieux et s’est dit à elle-même : « Tout me fait défaut ; de moi seule viendra mon salut. » C’est alors qu’on se met résolument à l’œuvre ; c’est alors que tout reprend son prix en vue du résultat final. […] Il faut avouer qu’il y avait, dans le supernaturalisme primitif, dans celui qui a créé les systèmes mythologiques de l’Inde et de la Grèce, quelque chose d’admirablement puissant et élevé 33 ; à celui-là, je pardonne bien volontiers, et quelquefois je le regrette ; mais il n’est plus possible ; la réflexion est trop avancée, l’imagination trop refroidie pour permettre ces superbes contre-bons sens. […] Il y aurait une curieuse recherche à faire sur le prix plus ou moins élevé de la vie humaine aux diverses phases du développement de l’humanité.

166. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Les fonctions de reproduction, dans certaines espèces inférieures, entraînent fatalement la mort et, même dans les espèces plus élevées, elles créent des risques. […] Chaque espèce a sa santé, parce qu’elle a son type moyen qui lui est propre, et la santé des espèces les plus basses n’est pas moindre que celle des plus élevées. […] Mais quand il s’agit des sociétés les plus élevées et les plus récentes, cette loi est inconnue par définition, puisqu’elles n’ont pas encore parcouru toute leur histoire. […] Si, du moins, à mesure que les sociétés passent des types inférieurs aux plus élevés, le taux de la criminalité, c’est-à-dire le rapport entre le chiffre annuel des crimes et celui de la population, tendait à baisser, on pourrait croire que, tout en restant un phénomène normal, le crime, cependant, tend à perdre ce caractère. […] Mais alors, dira-t-on, la réalisation du type normal n’est pas l’objectif le plus élevé qu’on puisse se proposer et, pour le dépasser, il faut aussi dépasser la science.

167. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Né à Marseille en 1797, élevé à titre de boursier au lycée de sa ville natale, M. […] A propos de Montaigne, par exemple, il dira : « Montaigne, élevé dans un siècle d’érudition et de disputes, accablé de tout ce qu’il avait lu, et n’y trouvant aucune solution positive, préfère le doute comme plus facile, et peut-être aussi comme plus humain, dans un temps où l’on s’égorgeait par conviction. […] Tandis que l’un burinait déjà jusque dans ses moindres pages les traits d’une pensée grave, élevée et un peu puritaine, l’autre lançait sur tout sujet son esprit prompt, alerte et vigoureux. […] Ce spectacle avait le prestige d’un songe ; mais, un instant après, cette pluie retomba, l’air se retrouva aussi pur, le brouillard aussi épais, mais moins élevé. […] Dès les premières pages, on sent un esprit de modération élevé, supérieur, qui ne vient pas du désir de répondre à certaines objections anticipées, mais qui n’est que l’âme de l’histoire hautement comprise par une intelligence généreuse.

168. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

Il y a des parties plus graves et qui font penser : par exemple, l’histoire de l’évêque Guillaume de Paris, interrogé par ce maître en théologie qui a des doutes sur le sacrement de l’autel et qui en pleure de douleur, et la réponse du prélat pour le consoler, son apologue des deux châteaux, l’un à la frontière et toujours menacé, qui a le mérite de résister, et l’autre, qui est le château de Montlhéry, paisible et en sûreté, mais sans gloire, au centre du royaume, la comparaison de ces deux châteaux avec les cœurs tentés ou tranquilles ; tout cela est spirituel, élevé et de tous les temps. […]   Les compatriotes du sire de Joinville, justement fiers de sa renommée de plus en plus pure et de mieux en mieux dessinée après des siècles, viennent de lui vouer un hommage public, et de décider qu’il lui sera élevé une statue99. […] [1re éd.] sur un chemin élevé : v. [1re éd.] apparaissant sur un tertre élevé w.

169. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

On a ainsi le duc d’Orléans, Mirabeau, La Fayette, Mathieu de Montmorency, le futur consul Lebrun, ce dernier très agréablement dessiné ; car Malouet s’entend mieux à montrer ces caractères moyens qu’à exprimer les personnages extrêmes : « Enfin un homme dont la fortune s’est élevée depuis au niveau de ses talents, dont les opinions s’étaient manifestées pour la conservation des trois Ordres, arrive comme vaincu dans le camp des vainqueurs ; et là, sans se mêler jamais à aucune autre discussion que celle des finances, il abandonne la Constitution à sa triste destinée dans toutes ses conséquences politiques ; mais il la soutient, il la défend dans tout ce qui est relatif aux impôts, aux monnaies, aux assignats, aux recettes et aux dépenses de l’État. […] Né en 1713 dans le Rouergue, élevé chez les Jésuites et engagé lui-même dans la Société, l’abbé Raynal n’en était sorti que vers 1748, à l’âge de trente-cinq ans93. […] Sa conversation, qui pourrait être très agréable, est insupportablement élevée, tranchante et même offensante. […] Necker est encore celui qu’a tracé M. de Montyon dans ses Particularités et Observations sur les Ministres des Finances ; on y lit, entre autres coups de crayon d’après nature : « … Ses mouvements étaient inégaux, brusques, forces ; il portait la tête fort élevée et même renversée, et il y avait de l’affectation dans cette contenance : car le degré de renversement de sa tète était un thermomètre de la situation politique. » 91.

170. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Ponsard (je ne prends qu’un point), on a également applaudi quelque chose de calme et d’élevé avant tout ; on a été jusqu’à oublier, jusqu’à méconnaître (et l’auteur a paru l’oublier lui-même un moment)184 les détails et les procédés d’exécution qui rattachent le plus cette œuvre aux innovations modernes, pour y voir une sorte d’hommage rétrospectif à des formes abolles. […] Dès lors, en un tel état de choses, tout ce qui est et sera un peu naturel et élevé, un peu simple et moral, un peu neuf par là même, a retrouvé de grandes chances de plaire, d’intéresser et presque de saisir. […] Désespérant de la postérité, n’y croyant pas, sentant bien, si jamais ils y pensent, qu’elle ne réserve son attention calme qu’à des efforts constants, élevés, désintéressés, ils convoitent le présent pour y vivre et en jouir, et ils le convoitent si bien, avec tant d’ardeur et de fougue, qu’ils semblent parfois l’avoir conquis tout entier d’un seul bond, d’un seul assaut. […] La critique, en causant de ces choses, ne peut avoir d’autre prétention que de proposer ses doutes et de faire naître dans les esprits élevés de généreux désirs.

171. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Les héros de la science sont ceux qui, capables des vues les plus élevées, ont pu se défendre de toute pensée philosophique anticipée et se résigner à n’être que d’humbles monographes, quand tous les instincts de leur nature les eussent portés à voler aux hauts sommets. […] Les vrais méritants sont ceux qui, tout en comprenant d’une manière élevée le but suprême de la science, tout en ressentant d’énergiques besoins philosophiques et religieux, se dévouent pour le bien de l’avenir au rude métier de manœuvres et se condamnent comme le cheval à ne voir que le sillon qu’il creuse. […] Les esprits superficiels seraient tentés de croire qu’une intelligence élevée ferait œuvre plus méritoire et plus honorable en écrivant une histoire littéraire de l’Inde, par exemple, qu’en se livrant au labeur ingrat de l’édition des textes et de la traduction. […] Chaque savant, développant ainsi sa partie sans égard pour les autres branches de la science, devient étroit, égoïste, et perd le sens élevé de sa mission.

172. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Sous cette première forme, Jasmin, auteur de jolies romances, de poèmes burlesques ou même d’odes assez élevées, de ces pièces diverses recueillies et publiées en 1835 à Agen, sous le titre : Les Papillotes, Jasmin n’était encore qu’un aimable, gracieux et spirituel poète, fait pour honorer sa ville natale, mais il n’avait pas conquis le Midi. […] Cette manière élevée et sobre dont Jasmin conçoit l’art du poète, il l’a exprimée avec bien de la gentillesse et de l’esprit en une occasion singulière. […] Il avait composé pour cette solennité une pièce nouvelle, intitulée Le Prêtre sans église, et inspirée des mêmes sentiments élevés et droits. […] » — C’est après avoir entendu ce poème et tant de pièces inspirées par un même sentiment moral élevé, qu’on a pu dire avec raison : « Si la France possédait dix poètes comme Jasmin, dix poètes de cette influence, elle n’aurait pas à craindre de révolutions. » J’allais oublier de dire que ce troisième volume de Jasmin est dédié à M. 

173. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Parlant de son ami le maréchal de Berwick et le montrant, dès l’adolescence, à la tête d’un régiment et gouverneur d’une province, Montesquieu disait : « Ainsi, à l’âge de dix-sept ans, il se trouva dans cette situation si flatteuse pour un homme qui a l’âme élevée, de voir le chemin de la gloire tout ouvert, et la possibilité de faire de grandes choses. » Sans prétendre rien dire de pareil de cette charge de président à mortier obtenue de bonne heure, Montesquieu du moins fut dès lors sur le pied de tout voir, de juger les hommes à leur niveau, et de n’avoir pas à faire d’effort pour arriver et s’insinuer jusqu’à eux ; il n’eut qu’à choisir entre les relations qui s’offraient. […] Né sans ambition de fortune, il se trouva placé à un rang qui pouvait sembler médiocre entre les rangs élevés, mais qui n’en était que plus propre à son rôle d’observateur politique. […] Le livre sur les Romains est celui où l’auteur se contient le plus ; il est maître de lui d’un bout à l’autre ; il a le ton ferme, élevé, simple, et tout à la hauteur de la majesté du peuple-roi. […] Il avait un divin exemplaire en lui : il a élevé un temple, la foule y a couru.

174. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 518-522

L’effet moral vraiment digne de ce nom, sur une scène élevée, doit sortir du spectacle même de la nature humaine observée et saisie dans le jeu varié de ses passions, dans ses misères et dans ses grandeurs, et jusque dans l’énergique naïveté de ses ridicules. […] En un mot, il est un point élevé où l’art, la nature et la morale ne font qu’un et se confondent, et c’est à cette hauteur que tous les grands maîtres dramatiques que l’humanité aime à reconnaître pour siens se sont rencontrés.

175. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Mlle Pauline de Meulan, née en 1773, à Paris, fut élevée au sein des idées et des habitudes du monde distingué d’alors. […] Un talent si élevé, une franchise de plume si à l’aise en chaque sujet, n’éveillaient pas toujours une bienveillance très-sincère. […] Avec des principes fixes et élevés, tout d’elle tendra désormais à un but pratique. […] Le mordant se fait jour encore par places, par points, comme quand il s’agit de l’oncle de Revey, qui, en se mettant à son whist, prétend qu’on est toujours élevé ; mais le fond est en entier sérieux, ce qui n’empêche pas la finesse de bien des traits de s’y détacher. […] Nous évitons de reproduire diverses particularités qu’on aime à trouver dans la Notice de M. de Rémusat, tracée avec ce talent délié à la fois et élevé qu’on lui connaît, et dont il n’est que trop avare (1836). — Depuis lors M. de Rémusat a appelé du regret que nous exprimions, et il s’est déployé en mille sens avec cette universalité supérieure et fine qui est la sienne.

176. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Il faudrait la force réunie de soixante mille hommes de notre temps pour soulever seulement cette pierre ; et les plates-formes des temples de Balbek en montrent de plus colossales encore, élevées à vingt-cinq ou trente pieds du sol, pour porter des colonnades proportionnées à ces bases ! […] Quelques-uns de ces monuments déserts semblaient intacts et sortis d’hier des mains de l’ouvrier ; d’autres ne présentaient plus que des restes encore debout, des colonnes isolées, des pans de muraille inclinés, et des frontons démantelés ; l’œil se perdait dans les avenues étincelantes des colonnades de ces divers temples, et l’horizon trop élevé nous empêchait de voir où finissait ce peuple de pierre. […] Elle ne sera plus épique ; l’homme a trop vécu, trop réfléchi pour se laisser amuser, intéresser par les longs écrits de l’épopée, et l’expérience a détruit sa foi aux merveilles dont le poème épique enchantait sa crédulité ; elle ne sera plus dramatique ; parce que la scène de la vie réelle a, dans nos temps de liberté et d’action politique, un intérêt plus pressant, plus réel et plus intime que la scène du théâtre ; parce que les classes élevées de la société ne vont plus au théâtre pour être émues, mais pour juger ; parce que la société est devenue critique de naïve qu’elle était. […] Or, le drame populaire, destiné aux classes illettrées, n’aura pas de longtemps une expression assez noble, assez élégante, assez élevée pour attirer la classe lettrée ; la classe lettrée abandonnera donc le drame ; et quand le drame populaire aura élevé son parterre jusqu’à la hauteur de la langue d’élite, cet auditoire le quittera encore et il lui faudra sans cesse redescendre pour être senti. […] La poésie de nos jours a déjà tenté cette forme, et des talents d’un ordre élevé se sont abaissés pour tendre la main au peuple ; la poésie s’est faite chanson, pour courir sur l’aile du refrain dans les camps ou dans les chaumières ; elle y a porté quelques nobles souvenirs, quelques généreuses inspirations, quelques sentiments de morale sociale ; mais cependant il faut le déplorer, elle n’a guère popularisé que des passions, des haines ou des envies.

177. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Les âmes des Grecs s’étaient élevées à cette espèce d’idéal poétique qu’ils portaient dans leurs actions comme dans leurs ouvrages. […] Tibère fut élevé avec soin dans la famille impériale. […] Elle commença sous un prince élevé à l’empire par ses talents, et modéré autant qu’un despote peut l’être. […] Mais la littérature sophistique du Bas-Empire ne s’est point élevée si haut. […] Maintenant je te vois élevé dans l’hémisphère, et devenu pour nous une constellation.

178. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

La musique me semble un art dépravant même dans ce qu’elle a de noble et d’élevé. […] C’est une âme noble et élevée, mais c’est aussi une âme féodale et dure. […] Enfants, nous avons joué ensemble ; ensemble nous avons été élevés dans le même collège, ensemble nous avons passé la saison de l’adolescence. […] Intelligente, sensible, bien élevée, son unique devoir est de distribuer à ses petits frères les tartines beurrées et de compter la lessive. Ce devoir, elle l’accomplit sans dépit et sans croire qu’elle est capable de choses plus élevées.

179. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

Si c’est avec un esprit borné qu’on veut atteindre à une place élevée, est-il un état plus pénible que ces avertissements continuels donnés par l’intérêt à l’amour propre ? […] L’homme qui s’est jugé comme la voix publique, qui conserve au-dedans de lui tous les sentiments élevés qui l’accusent, et peut à peine s’oublier dans l’enivrement du succès, que deviendra-t-il à l’époque du malheur ? […] sans que le succès soit élevé plus haut, le revers vous fait tomber plus bas, vous enfonce plus avant dans le néant de votre destinée.

180. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

Dans les grades plus élevés, on voit de plus loin, plus en grand ; le génie de la guerre, si on l’a, trouve mieux à se déployer. […] Tous ces sentiments élevés et délicats, ces belles qualités, ces vertus sociales inculquées dès l’enfance, transmises par les générations, et qui semblent le noble apanage de l’homme civilisé, l’amour de la patrie, de la gloire, l’honneur, le dévouement aux siens, l’amitié, tout cela peu à peu s’obscurcit et s’affaiblit jusqu’à s’abolir. […] Combien ils sont peu nombreux ceux en qui un sentiment élevé d’honneur, de sympathie, de dévouement, une religion quelconque est inséparable jusqu’au bout du besoin de vivre inhérent à toute nature, et que cette religion n’abandonne qu’avec le dernier soupir !

181. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IV : Sélection naturelle »

La descendance modifiée des branches les plus parfaites, les plus élevées et les plus récentes dans la lignée généalogique, devra sans doute souvent prendre la place des branches plus anciennes et plus imparfaites, et par conséquent les exterminer : c’est ce qui est indiqué sur la figure par celle des branches inférieures qui n’atteignent pas les lignes horizontales supérieures. […] — Mais s’il est vrai que tous les êtres vivants tendent à s’élever dans l’échelle organique, on peut se demander comment il se fait qu’il existe encore sur toute la surface du globe une multitude de formes inférieures et pourquoi, dans chaque grande classe, quelques formes sont beaucoup plus élevées que d’autres. […] Or, quel avantage pourrait-il y avoir pour un animalcule Infusoire, pour un Ver intestinal ou même pour un Ver de terre à être doué d’une organisation élevée ? […] Et, en effet, nous savons, d’après les documents paléontologiques, que plusieurs des formes les moins élevées de la série organique, telles que les Infusoires et les Rhizopodes, sont demeurées, pendant d’immenses périodes, à peu près dans l’état où nous les voyons aujourd’hui. […] Mais la raison principale de la persistance des types inférieurs, c’est qu’une organisation très élevée ne saurait être d’aucune utilité à des êtres destinés à vivre dans des conditions de vie très simples, et pourrait même leur être nuisible, en ce que, d’une structure plus délicate, elle serait exposée à des désordres plus graves et plus fréquents.

182. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Entre son fils, sa belle-fille, ses deux petits-enfants, qui jouent avec lui, il cause sur les sujets les plus élevés. […] L’amitié du grand-duc et de la grande-duchesse Amélie l’avait élevé, par l’affection, au rang de principal conseiller de cette cour athénienne et de directeur du théâtre et du ministère. […] La douce émotion que l’on ressent au soir d’une journée bien employée respirait sur ses traits ; notre conversation roulait sur de grands et nobles sujets ; je voyais alors se montrer tout ce que sa nature renfermait de plus élevé, et mon âme s’enflammait à la sienne. […] Pour être vrai, il devait se montrer avec toute la bienveillance de ses jugements, avec la pleine clarté et la pleine force de son intelligence, avec la dignité naturelle à un caractère élevé. — Ce n’était pas là une petite difficulté. […] D’après M. de Müller, Napoléon, en parlant de la tragédie, aurait encore ajouté : « — La tragédie doit être l’école des rois et des peuples ; c’est là le but le plus élevé que puisse se proposer le poète.

183. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Je ne conçois pas qu’une âme élevée puisse rester indifférente à un tel spectacle et ne souffre pas en voyant la plus grande partie de l’humanité exclue du bien qu’elle possède et qui ne demanderait qu’à se partager. […] De là une affreuse, une horrible situation ; des hommes condamnés à souffrir sans une pensée morale, sans une idée élevée, sans un sen-timent noble, retenus par la force seule comme des brutes en cage. […] Chaque individu, venant au monde, trouvait, outre la famille, qui ne suffit pas pour faire l’homme, la nation, dépositaire d’une autre vie plus élevée. […] Le vrai coupable en tout cela, c’est la société qui n’a pas élevé et ennobli ce misérable. […] Le gouvernement représente la raison, Dieu, si l’on veut, l’humanité dans le sens élevé (c’est-à-dire les hautes tendances de la nature humaine), mais non un chiffre.

184. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

— Et c’est sur cette base-là, ajoute-t-il, qu’a été élevé ensuite tout mon édifice. » Ce fut à la campagne, à la maison d’Athée qui lui venait de sa mère, qu’il éprouva une autre vive impression de lecture ; il vient de parler des jeux de son enfance : J’y ai joui aussi bien vivement, nous dit-il, dans mon adolescence, en lisant un jour dans une prairie à l’âge de dix-huit ans les Principes du droit naturel de Burlamaqui. […] Ce n’était pas, comme l’avait été Vauvenargues, un jeune stoïque croyant fermement aux vérités morales et se fondant sur les points élevés de la conscience pour fuir le mal et pour pratiquer le bien, ce n’était point une âme héroïque condamnée par le sort à la souffrance et à la gêne de l’inaction : c’était une âme tendre, timide, ardente, pleine de désirs pieux et fervents, inhabile au monde et à ces scènes changeantes où elle ne voyait que des échelons et des figures, avide de se fondre dans l’esprit divin qui remplit tout, de frayer sans cesse avec Dieu, de le faire passer et parler en soi, une âme née pour être de la famille des chastes et des saints, de l’ordre des pieux acolytes, et à qui il ne manquait que son grand-prêtre. […] Quand ses pensées viennent bien, c’est élevé, distingué et fin ; ce n’est point au sens commun qu’il vise, c’est au sens distingué ; c’est celui-là seul qui convient à ses inclinations et à la mesure qui lui a été donnée : J’ai vu que les hommes étaient étonnés de mourir et qu’ils n’étaient point étonnés de naître : c’est là cependant ce qui mériterait le plus leur surprise et leur admiration. […] Aimable théosophe du règne de Louis XVI, c’est surtout comme moraliste élevé que nous vous prenons !

185. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Au sortir de ces guerres gigantesques où il n’avait pas même eu la moitié du rôle qu’il ambitionnait, Jomini, malgré le poste élevé qu’il occupait auprès d’un puissant monarque, se disait tout bas que sa carrière était à peu près manquée. […] Le point de vue auquel se place l’auteur pour juger de la Révolution est celui d’un esprit modéré et judicieux qui, né et élevé dans une république, s’est pourtant dégagé avec les années des maximes démocratiques, mais sans cesser pour cela d’être libéral. […] Il a souvent le ton digne, élevé, et par instants la nuance ingénieuse. […] L’une de ses filles, mariée en France à un officier supérieur du génie71, le rattachait à nous, et d’autre part il était fier d’un fils digne de lui dans sa diversité de mérite, et qui remplit depuis plusieurs années un poste élevé au département des affaires étrangères à Saint-Pétersbourg.

186. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Mlle Sibylle de Férias, élevée au milieu des bruyères de Bretagne par un grand-père et une grand’mère qui ressemblent à deux pastels fanés et très anciens, veut, à cinq ans, chevaucher un cygne pour aller sur l’eau, apprivoise un fou, catéchise son vieux curé et l’amène à un sentiment plus élevé de sa profession, vient à Paris et, amoureuse d’un beau jeune homme qui s’appelle Raoul, tombe en syncope le jour où il déclare « qu’il a le malheur de ne pas croire ». […] Si bien que ce qui se dégage des histoires du plus spiritualiste et du mieux élevé de nos romanciers, et surtout de quelques-unes de ses figures de femmes, c’est, qu’il le veuille ou non, une conception purement déterministe de l’animal féminin. […] J’ai peur que ce ne soit simplement celle des classes dirigeantes, le catholicisme des gens « bien élevés » et, peu s’en faut, celui de la Vie Parisienne, celui qui n’interdit ni la paresse, ni les raffinements du luxe, ni les bals, ni les gorges et les bras nus livrés aux regards des hommes.

187. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

On pouvait arriver à la vie la plus noble et la plus élevée, tout en étant pauvre et en travaillant de ses mains ; ou plutôt la moralité de la personne effaçait tellement sa profession, qu’on ne voyait d’abord que la personne, tandis que maintenant on voit d’abord la profession. […] L’homme vraiment élevé a toute sa fierté au-dedans. […] Je me demande même si, un jour, on n’arrivera pas à une conception plus élevée encore. […] Dans ma chambre nue et froide, abstène et vêtu pauvrement, je comprends, ce me semble, la beauté d’une manière assez élevée.

188. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Mais à ce moment, malgré tous les bruits qu’on a fait courir, la location de la salle était très mauvaise (vu, sans doute, le prix ridiculement élevé des places), un insuccès financier était probable, les dernières représentations devant des salles vides et par conséquent une chute artistique ; qu’en outre il y ait eu des menaces contre la personne du chef d’orchestre, cela est possible ; mais la vérité, la vérité sans conteste, absolue, évidente, c’est que M.  […] Et il y avait là un homme qui se sentait en lui la forcé de créer quelque chose d’aussi élevé, d’aussi sublime. […] Élevé à Hohenschwangau, cette légende du cygne, avec son indicible charme poétique, m’avait pénétré dans la chair et le sang. […] Comment ses étonnantes œuvres, le charme de son être me conquirent, comment nous devînmes amis, amis dans le sens le plus élevé, le plus idéal de ce flot dont on a tant abusé, le monde le sait.

189. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

En parlant si librement de Bettina, j’ai presque besoin de m’en excuser, car Bettina Brentano, devenue Mme d’Arnim, veuve aujourd’hui d’Achim d’Arnim, l’un des poètes distingués de l’Allemagne, vit à Berlin, entourée des hommes les plus remarquables, jouissant d’une considération qui n’est pas due seulement aux facultés élevées de l’esprit, mais qui tient aussi aux vertus excellentes de l’âme et du caractère. […] Cette vieille mère de Goethe, Mme la conseillère de Goethe, comme on l’appelait, d’un caractère si élevé, si noble, j’allais dire si auguste, toute pleine de grandes paroles et de conversations mémorables, n’aime rien tant que d’entendre parler de son fils ; elle a, quand on lui parle de lui, de « grands yeux d’enfant » qui se fixent sur vous et dans lesquels brille le plus parfait contentement. […] Vous savez qu’il m’est impossible de rester assise, en personne bien élevée. […] J’aurais voulu pouvoir donner une plus complète et plus juste idée d’un livre qui est si loin de nous, de notre manière de sentir et de sourire, si loin en tout de la race gauloise, d’un livre où il entre tant de fantaisie, de grâce, d’aperçus élevés, de folie, et où le bon sens ne sort que déguisé en espièglerie et en caprice.

190. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Le jeune enfant fut élevé par les soins de sa mère (née de Rosen), qui se remaria à M. d’Argenson, si connu sous la Restauration par la netteté et la précision radicale de son libéralisme26. […] Au milieu de toutes les parties sérieuses et élevées de ce discours, je remarque un exemple d’une des qualités et des formes de l’esprit de M. de Broglie, la raillerie et l’ironie. […] M. de Broglie eut en ces années (1828-1829) un véritable rêve d’homme de bien, de philosophe élevé qui croit à Dieu, à la vérité idéale et suprême, à la vérité et à l’ordre ici-bas, à la perfectibilité de l’esprit humain, à la sagesse et au progrès de son propre temps, au triomphe graduel et ménagé de la raison dans toutes les branches de la société et de la science, dans l’ensemble de la civilisation même : « N’en déplaise aux détracteurs officieux de notre temps et de notre pays, écrivait-il en 1828, tout va bien, chaque jour les saines idées gagnent du terrain ; l’esprit public se forme et se propage à vue d’œil. » Il s’agissait, dans ce cas, d’une simple pétition sur les juges auditeurs ; mais on sent la satisfaction généreuse qui déborde du cœur d’un homme de bien. […] On y reconnaît un esprit grave, élevé, méthodique, précis et net dans ses déductions, et qui se joue parfois dans le détail, non sans agrément.

191. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Ayant perdu sa mère (duchesse de Montpensier) en bas âge, elle fut élevée par une gouvernante estimable et pieuse, mais avec tout le respect qu’inspirait une petite-fille d’Henri IV. […] On dansa sur un grand théâtre éclairé ; au milieu et au fond il y avait un trône élevé de trois marches et surmonté d’un dais : Le roi (Louis XIV) ni le prince de Galles (depuis Charles II) ne se voulurent point mettre sur ce trône ; j’y demeurai seule, de sorte que je vis à mes pieds ces deux princes et ce qu’il y avait de princesses à la Cour. […] Je ne sais ce que c’est que d’être héroïne : je suis d’une naissance à ne jamais rien faire que de grand et d’élevé. […] On disserte des deux côtés là-dessus, et Mademoiselle, dans la discussion, fait preuve d’un esprit romanesque assez fin et distingué, élevé même par moments ; mais en tout, ici comme dans la Fronde, c’est le sentiment de la réalité, c’est le bon sens et la justesse qui lui manquent.

192. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Après avoir montré l’idée sociologique sous l’idée religieuse, Guyau a voulu faire voir qu’elle se retrouve aussi au fond même de l’art ; que l’émotion esthétique la plus complète et la plus élevée est une émotion d’un caractère social ; que l’art, tout en conservant son indépendance, se trouve ainsi relié par son essence même à la vraie religion, à la métaphysique, et à la morale. […] En premier lieu, il faut que les sensations et sentiments dont l’art produit l’identité dans tout un groupe d’individus soient eux-mêmes de la nature la plus élevée ; en d’autres termes, il faut produire la sympathie des sensations et sentiments supérieurs. […] Pour sentir le printemps, il faut avoir au cœur un peu de la légèreté de l’aile des papillons, dont nous respirons la fine poussière répandue en quantité appréciable dans l’air printanier11. » L’art, étant ainsi presque synonyme de sympathie universelle, consiste à saisir et à rendre l’esprit des choses, « c’est-à-dire ce qui relie l’individu au tout et chaque portion du temps à la durée entière ;  » mais ce rapprochement entre la grande vie répandue à l’infini et la vie humaine ne s’opérera qu’en écartant les limites, élevées par l’individualité, au besoin en brisant ce que l’individualité a d’exclusif et d’égoïste. […] Les hommes passent et leurs vies avec eux, le sentiment demeure… Ce qui fait que quelques-uns d’entre nous donnent parfois si facilement leur vie pour un sentiment élevé, c’est que ce sentiment leur apparaît en eux-mêmes plus réel que tous les autres faits secondaires de leur existence individuelle ; c’est avec raison que devant lui tout disparaît, s’anéantit.

193. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Certains poètes sont sujets, dans le dramatique, à de longues suites de vers pompeux, qui semblent forts, élevés, et remplis de grands sentiments ; le peuple écoute avidement, les yeux élevés et la bouche ouverte, croit que cela lui plaît, et à mesure qu’il y comprend moins l’admire davantage, il n’a pas le temps de respirer, il a à peine celui de se récrier et d’applaudir. […] Arsène , du plus haut de son esprit, contemple les hommes, et dans l’éloignement d’où il les voit, il est comme effrayé de leur petitesse : loüé, exalté, et porté jusqu’aux cieux par de certaines gens qui se sont promis de s’admirer réciproquement, il croit avec quelque mérite qu’il a, posséder tout celui qu’on peut avoir, et qu’il n’aura jamais : occupé et rempli de ses sublimes idées, il se donne à peine le loisir de prononcer quelques oracles : élevé par son caractère au-dessus des jugements humains, il abandonne aux âmes communes le mérite d’une vie suivie et uniforme, et il n’est responsable de ses inconstances qu’à ce cercle d’amis qui les idolâtrent ; eux seuls savent juger, savent penser, savent écrire, doivent écrire ; il n’y a point d’autre ouvrage d’esprit si bien reçu dans le monde, et si universellement goûté des honnêtes gens, je ne dis pas qu’il veuille approuver, mais qu’il daigne lire : incapable d’être corrigé par cette peinture qu’il ne lira point. […] Pour le sublime, il n’y a, même entre les grands génies, que les plus élevés qui en soient capables.

194. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

Les anciens avaient des hommes pour amis, et ne voyaient dans leurs femmes que des esclaves élevées pour ce triste sort. […] Si quelques circonstances peuvent faire craindre qu’une condamnation soit injuste, qu’un innocent ait péri par le glaive des lois, les nations entières écoutent avec effroi les plaintes élevées contre un malheur irréparable.

195. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVIII. Pourquoi la nation française était-elle la nation de l’Europe qui avait le plus de grâce, de goût et de gaieté » pp. 366-378

Le point le plus élevé, la source de toutes les faveurs, est l’objet de l’attention générale ; et comme dans les pays libres le gouvernement donne l’impulsion des vertus publiques, dans les monarchies la cour influe sur le genre d’esprit de la nation, parce qu’on veut imiter généralement ce qui distingue la classe la plus élevée.

196. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bayle, et Jurieu. » pp. 349-361

L’orage élevé contre un sceptique dangereux grossissoit de jour en jour, & fondit à la fin sur lui. […] Il est bien glorieux à ces magistrats de s’être ainsi élevés au-dessus des loix, & de n’avoir pas regardé comme étranger un François qui faisoit tant d’honneur à sa patrie.

197. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Première partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées religieuses » pp. 315-325

J’aperçois de ce point de vue si élevé la seule vraie raison pour séparer les institutions politiques des institutions religieuses. […] Il faut bien savoir admirer tout ce qui peut développer dans l’homme des sentiments élevés, tout ce qui peut lui fournir l’occasion de beaux sacrifices ; mais il faut être juste aussi : et il n’est pas moins vrai que cette gloire, acquise en dernier lieu, au prix de tant de sang, n’a servi qu’aux vastes triomphes d’un aventurier.

198. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

Zola, dans sa prétention la plus accusée, qui était d’être de la peinture par les mots élevée à sa plus haute puissance plastique, n’est, au fond, qu’une suite parfois très fatigante de nomenclatures à épithètes violentes. […] le charcutier, qui transporte l’art, des sphères élevées et nobles où il devrait rester, dans les charcuteries, et qui pose l’axiome insolent, barbare et crapuleux, « que c’est là qu’il faut chercher le Beau et sa loi désormais !  […] et la Chloé, une fille, élevée comme une femelle, et qui meurt enceinte de ses œuvres. […] Et déjà, dans une foule de livres que je pourrais nommer, il l’y avait prise… Mais il y était mêlé à des choses plus ou moins élevées, qui en atténuaient l’effet immonde. […] Zola, c’est peut-être là de la saleté élevée à un état sublime.

199. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

Ce génie même, quand il a abordé les grands sujets religieux, philosophiques, patriotiques, est quelquefois élevé, mais jamais complétement sérieux. […] Il en parle quelquefois admirablement, mais sans conviction ; on sent que ce n’est pas sa foi, mais son thème ; c’est un musicien accompli, qui exécute bien la note élevée, mais qui ne l’invente pas ; à ce titre il était incapable de composer des hymnes pour les temples ou des chants populaires pour les légions. […] Il faudra les laisser, et ces richesses, élevées jusqu’au comble de l’opulence, deviendront la proie d’un héritier. […] « Heureux celui qui, loin des affaires publiques et libre de toute cupidité de l’or, laboure les champs de ses pères avec ses bœufs qu’il a élevés ! […] Vous ajouterez que j’ai eu le bonheur d’être aimé, tant dans les camps que dans la ville, de ce que Rome a de plus élevé et de plus aimable.

200. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Ce n’est que dans ce séjour qu’habite la sainteté. » Le héros, descendu dans les bois qui entourent l’asile sacré, aperçoit un enfant (c’est son fils, le fils de Sacountala réfugié et élevé dans cet asile). […] Ainsi, par une analogie aussi morale que physique entre les impressions de l’œil et les impressions de l’esprit, analogie tout à fait conforme à l’harmonie que la nature a établie entre nos différents sens, et entre ces différents sens et notre âme, il y a dans cette littérature une gamme de style, comme une gamme de couleurs, et comme une gamme de sons ; en sorte que les genres de style adoptés par tel ou tel écrivain peuvent se caractériser d’un mot, en style bleu, style rouge, style rose, style jaune, style gris, comme nous caractérisons nous-mêmes, par une analogie d’une autre espèce, nos genres de style, en style élevé, style bas, style brûlant, style tempéré, tant l’esprit humain a besoin d’images pour se faire comprendre. […] Quant à Bavahbouti, majestueux, grand, élevé comme ces forêts du Gondwana, dont l’ombre terrible se balança sur son berceau, vous le diriez sorti des mains de la nature, comme le Moïse de Michel-Ange s’élança de la pensée du sculpteur. […] Seule, au milieu des rameaux les plus élevés, la colombe répète ses doux murmures. […] Au loin, vers le midi, se prolonge la magnifique chaîne de montagnes dont les pics élevés sont couverts d’un diadème de nuages ; de leurs flancs vers le milieu s’élancent les sources du fleuve, avec un bruit terrible que grossissent les cavernes ; à leur pied, la rivière sacrée réunit en un seul et large courant ces ruisseaux impétueux, qui, en mugissant, se rencontrent pour se confondre. » (Ils disparaissent tous les deux sous les arbres.)

201. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

. — Ces hommes, nul ne les a remplacés ; ils sont encore les plus élevés et les plus vigoureux malgré l’âge qui vient et les événements qui les oppriment… Je ne veux pas abuser des citations, mais il est impossible de ne pas montrer tout d’abord à l’auteur combien son appréciation des faits est arbitraire et sa classification des hommes inexacte. […] Cet autre esprit d’un ordre élevé, M. de Vigny, depuis des années aussi, et par une préoccupation de chasteté trop idéale qu’il vaincra enfin, nous l’espérons toujours, se tient à l’écart dans un recueillement mystérieux qui a passé en proverbe. […] Car enfin si j’énumère dans ma pensée les différents écrivains et poètes qui ne sont point sans doute les cinq hommes forts proclamés par lui, mais qui, malgré cela, ont leur place au soleil, je trouve des talents élevés et distingués qui, lorsqu’ils s’expriment en vers, veulent dire chacun quelque chose et s’attachent à rendre de leur mieux des impressions, des sentiments.

202. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Molé provoqua une fort belle réponse de cet homme d’État ; je la citerai ici tout entière, parce qu’en y faisant la part d’une certaine vivacité qui tenait aux circonstances et aussi à la délicatesse chatouilleuse des deux personnes, on y trouve une leçon gravement donnée, et d’un ton fort digne ; il y respire un sentiment fort élevé de la puissance publique que M.  […] Dans quelques rangs que vous vous placiez, vous n’en serez pas moins pour moi un parent que j’aime et honore, l’un des esprits les plus élevés et des talents les plus rares que notre époque ait produits. […] Lisant plus tard les Mémoires de Marmont, il l’appelle « un de ces aventuriers (fort bien élevés d’ailleurs), que la Révolution française a fait percer ». — « Je m’étonne toujours, dit-il, qu’on ait pris part à de si grandes choses, touché à de si grandes affaires et vécu en telle compagnie, et qu’on n’ait que cela à dire ?

203. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Campagnes de la Révolution Française. Dans les Pyrénées-Orientales (1793-1795) »

Tel est le sentiment élevé qui a inspiré M. le commandant Fervel dans la remarquable histoire consacrée par lui aux trois campagnes des armées républicaines dans les Pyrénées-Orientales, jusqu’à la paix de Bâle (juillet 1795). […] Je sais bien que cinq beaux chapitres de l’Histoire militaire de Jomini nous en présentaient un tableau élevé, sommaire et judicieux. […] Sans hésiter, il prend 1400 hommes d’élite, raccourt tout d’une traite de Belver à Mont-Louis, qu’il traverse au coucher du soleil, et se porte jusqu’au plateau des Llancades, poste élevé, où il forme sa troupe en trois colonnes, et lui donne, pour se reposer, le reste de la nuit.

204. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

On peut refaire ainsi des figures de poètes ou de philosophes, des bustes de Platon, de Sophocle ou de Virgile, avec un sentiment d’idéal élevé ; c’est tout ce que permet l’état des connaissances incomplètes, la disette des sources et le manque de moyens d’information et de retour. […] Quoi de plus ordinaire en public que la profession et l’affiche de tous les sentiments nobles, généreux, élevés, désintéressés, chrétiens, philanthropiques ? […] Son Éloge reste à faire, un Éloge littéraire, éloquent, élevé, brillant comme lui-même, animé d’un rayon qui lui a manqué depuis sa tombe, mais un Éloge qui, pour être juste et solide, devra pourtant supposer en dessous ce qui est dorénavant acquis et démontré 3.

205. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Mme de Senfft, je l’ai dit, était le côté tendre, délicat, élevé, mais aussi le côté faible de l’homme excellent. […] Il a failli sans doute, puisqu’il n’est pas permis de commettre le mal, même en vue du bien ; mais au moins ses fautes eurent-elles des motifs élevés. […] M. de Pradt eût pu atteindre son but avec un peu plus de modération et de prudence dans ses discours, et sous un règne moins contraire aux gens d’Église et moins porté à choisir pour les places les plus élevées des instruments aveuglément soumis. » Nous ne saurions admettre un tel portrait flatté du spirituel et loquace abbé, nous qui vivons depuis assez longtemps pour l’avoir rencontré, à notre tour, et pour l’avoir entendu dans sa vieillesse.

206. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Il est bon grec, bon latin ; son français est le plus pur, quelquefois élevé, quelquefois médiocre, et presque toujours rempli de nouveauté. […] Alors il m’ouvrit son cœur et m’expliqua confidemment ses idées sur le mariage et la qualité de l’alliance qu’il cherchait pour sa fille, ajoutant que s’il trouvait de quoi remplir solidement ces idées, comme serait un jeune avocat de bon esprit, bien élevé, formé de bonne main, qui eût eu déjà quelque succès dans des coups d’essais et premiers plaidoyers, avec un bien raisonnable et légitimement acquis, il le préférerait sans hésiter à un plus grand établissement, quoi que lui fissent entrevoir et espérer des gens fort qualifiés et fort accrédités qui voulaient marier sa fille. […] Mais la réflexion que vous faites, monsieur, sur cette belle circonstance de l’histoire de ces anciens enfants des Saints, convient tout à fait à la haute idée qu’une religion aussi éclairée que la vôtre donne de l’image de Dieu qui est dans l’homme, et de l’alliance que Jésus-Christ a élevée à ia dignité de sacrement… » Et il prenait de là occasion pour citer, à son tour, plus d’une parole de l’Écriture se rapportant à l’union mystique du Verbe avec la nature humaine et du Sauveur avec son Église, toutes choses divines dont le mariage humain, en tant que sacrement, n’est que l’ombre et la figure.

207. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Envisagé à ce point de vue, l’Essai de sir Henry Bulwer, sans être complet, est tout à fait digne de l’homme d’État distingué qui l’a écrit, et il est piquant, pour nous Français, autant qu’instructif de voir des événements et des hommes avec lesquels nous sommes familiers, jugés dans un esprit élevé et indépendant par un étranger, qui d’ailleurs connaît si bien la France et qui, de tout temps, en a beaucoup aimé le séjour et la société, sinon les gouvernements et la politique. […] Sir Henry Bulwer a résumé en des termes judicieux et élevés le côté apparent et lumineux du rôle de Talleyrand pendant cette première période de sa carrière publique : « Dans cette Assemblée, dit-il, M. de Talley rand fut le personnage le plus important après Mirabeau, comme il fut plus tard, sous le régime impérial, le personnage le plus remarquable après Napoléon… Toutefois, la réputation qu’il acquit à juste titre dans ces temps violents et agités ne fut pas d’un caractère violent ni marquée de turbulence. […] Son influence vint de ce qu’il proposa des mesures importantes et raisonnables au moment opportun, et cela dans un langage singulièrement clair et élégant ; ce qu’avait d’élevé sa situation sociale ajoutait encore à l’effet de sa conduite et de son intervention.

208. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Je me rappelle encore la position bien dessinée du groupe dès ces premiers jours : Mlle Bertin, l’âme du lieu, préludant à ses hymnes élevés ; son frère Édouard, qui est devenu le paysagiste sévère ; Antony Deschamps, alors en train de passer du dilettantisme de Mozart au commerce de Dante, et qui y portait toutes les nobles ferveurs. […] Une pensée religieuse, élevée, sincère, parfois combattue et finalement triomphante, a inspiré un bon nombre de pièces, qui ne sont pas un indigne pendant ni une contre-partie dérogeante de ces graves rêveries que M. […] Voici comment je les définis ; gracieux et sensibles, mais plus faibles et imitants ; ou habiles, mais de pure forme ; ou assez élevés, et même ambitieux, mais sans art.

209. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Une âme noble, élevée et stoïque jusqu’en ses faiblesses, un esprit ferme et délié s’y marquent en traits nets et fins. […] Enfin j’avois acquis, quoique infiniment petite, tous les défauts des grands : cela m’a servi depuis à les excuser en eux. » Ainsi élevée, ainsi traitée jusqu’à l’âge de vingt-six ans sur le pied d’une perfection et d’une merveille, lorsqu’elle tomba plus tard en servitude, ce fut comme une petite Reine déchue, et elle en garda les sentiments, « persuadée qu’il n’y a que nos propres actions qui puissent nous dégrader », dit-elle ; aucun fait de sa vie n’a démenti cette généreuse parole. […] Nous n’avons personne été élevés au couvent, nous n’avons pas vécu à la petite cour de Sceaux ; mais quiconque a ressenti les vives impressions de la jeunesse, pour voir presque aussitôt ce premier charme se défleurir et la fraîcheur s’en aller au souffle de l’expérience, puis la vie se faire aride en même temps que turbulente et passionnée, jusqu’à ce qu’enfin cette aridité ne soit plus que de l’ennui, celui-là, en lisant ces Mémoires, s’y reconnaît et dit à chaque page : C’est vrai.

210. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

La psychologie aussi a le sien, d’autant plus élevé qu’elle remonte à l’origine de nos connaissances et dépasse tout de suite le point de vue ordinaire, qui est bon seulement pour l’usage et la pratique. — Au sortir de ce point de vue, on s’aperçoit qu’il n’y a rien de réel dans le moi, sauf la file de ses événements ; que ces événements, divers d’aspect, sont les mêmes en nature et se ramènent tous à la sensation ; que la sensation elle-même, considérée du dehors et par ce moyen indirect qu’on appelle la perception extérieure, se réduit à un groupe de mouvements moléculaires. […] Obscur ou visible, ce moi lui-même n’est qu’un chef de file, un centre supérieur au-dessous duquel s’échelonnent, dans les segments de la moelle et dans les ganglions nerveux, quantité d’autres centres subordonnés, théâtres de sensations et d’impulsions analogues mais rudimentaires, en sorte que l’homme total se présente comme une hiérarchie de centres de sensation et d’impulsion, ayant chacun leur initiative, leurs fonctions et leur domaine, sous le gouvernement d’un centre plus parfait qui reçoit d’eux les nouvelles locales, leur envoie les injonctions générales, et ne diffère d’eux que par son organisation plus complexe, son action plus étendue et son rang plus élevé. […] Au reste, la pure spéculation philosophique n’occupe guère ici que cinq ou six pages ; elle est une contemplation de voyageur, que l’on s’accorde pour quelques minutes lorsqu’on atteint un lieu élevé.

211. (1890) L’avenir de la science « XII »

C’est le caractère et la gloire de la science moderne d’arriver aux plus hauts résultats par la plus scrupuleuse expérimentation et d’atteindre les lois les plus élevées de la nature, la main posée sur ses appareils. […] Les lois les plus élevées des sciences physiques ont été constatées par des manipulations fort peu différentes de celles de l’artisan. […] Je servais alors le Dieu de mon enfance, et un regard élevé vers la croix de pierre, sur les marches de laquelle nous étions assis, et sur le tabernacle, qu’on voyait à travers les vitraux de l’église, m’expliquait tout cela.

212. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

Après tout, ôtez le ciel d’Italie et le costume de Procida, ce n’est qu’une aventure de grisette, embellie et idéalisée par l’artiste, élevée après coup aux proportions de la beauté, mais une de ces aventures qui ne laissent que trop peu de traces dans la vie, et qui ne se retrouvent que plus tard dans les lointains de la pensée, quand le poète ou le peintre sent le besoin d’y chercher des sujets d’élégie ou de tableau. […] Cette vague figure, que l’on n’avait entrevue qu’à la clarté des étoiles, en devenant plus précise, resterait-elle aussi élevée et aussi pure ? […] Elle est créole de Saint-Domingue ; orpheline, élevée avec les filles de la Légion d’honneur, mariée à dix-sept ans de son plein gré à un vieillard, savant illustre, qui n’est pour elle et ne veut être qu’un père (elle insiste très nettement sur ce point), Julie est atteinte d’un mal singulier qui la consume, et qui lui interdit, même au prix d’une faiblesse, de donner ni de recevoir le bonheur.

213. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

Quelle profondeur de raisonnemens, quelle rapidité de pensées, quel langage élevé, pur, élégant & pittoresque dans le grand saint Basile, qu’Érasme osoit préférer à Démosthène ! […] L’archevêque de Cambrai, Fénélon, s’est élevé plus fortement que personne contre l’usage de ces divisions. […] La Rue est élevé, sublime, éloquent, unique même dans quelques sermons, comme dans celui des calamités publiques : il anime tout ; mais son imagination le rend quelquefois plus poëte que prédicateur.

214. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Mais si l’observateur qui est au sommet de la montagne est bien placé pour étendre au loin ses regards sur toute une contrée, dans un horizon d’autant plus vaste que la montagne est plus élevée, ne peut-il pas arriver aussi qu’un rideau de nuages lui dérobe quelquefois plusieurs objets importants ? […] Aussi avons-nous vu de nos jours l’infortuné Louis XVI, digne héritier d’un instinct si élevé, se mettre le premier à la tête de son siècle, pour le diriger. […] Les plus beaux dévouements qui puissent honorer la nature humaine venaient consoler l’âme ; les pensées nobles et généreuses trouvaient un asile dans de grands caractères ; la religion et les croyances sociales recevaient d’illustres témoignages jusque sur les échafauds de la terreur ; de magnanimes protestations éclataient même dans les tribunes élevées par les crimes et les factions.

215. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Les haines des partis l’épargnent ; dans la défaite universelle des whigs, il est réélu au Parlement ; dans la guerre furieuse des whigs et des tories, whigs et tories s’assemblent pour applaudir sa tragédie de Caton ; les plus cruels pamphlétaires le respectent ; son honnêteté, son talent, semblent élevés d’un commun accord au-dessus des contestations. […] Au bout d’un peu de temps on se sentait meilleur car on reconnaissait en lui dès l’abord une âme singulièrement élevée, très-pure, préoccupée de l’honnête jusqu’à en faire son souci constant et son plus cher plaisir. […] C’est là que, selon l’Écriture, les hiérarchies célestes et les légions innombrables des anges entourent perpétuellement le trône de Dieu de leurs alleluias et de leurs hymnes de gloire… Avec quel art doit être élevé le trône de Dieu ! […] Quelle doit être cette architecture élevée par la puissance infinie, sous la direction de la sagesse infinie920 !  […] C’est de l’urbanité de moraliste ; il a beau être bien élevé, il n’est point tout à fait aimable, et, si nous devons aller prendre de lui des leçons de pédagogie et de conduite, il pourra venir chercher près de nous des modèles de savoir-vivre et de conversation.

216. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « La poésie »

Villemain (ne l’oublions pas) a donné à son heure un autre grand signal de littérature élevée et tout historique, du haut de cette chaire de la Sorbonne qu’il fondait avec éclat, aujourd’hui, dans un cadre plus modeste, plus humble en apparence, quelque chose d’essentiellement neuf et utile, de particulièrement fécond et fructueux, s’inaugure aussi : le livre de M. Paul Albert est une date ; c’est le premier d’une série, le premier jalon d’une route, d’une œuvre collective nouvelle que je définirai ainsi : la vulgarisation élégante et élevée des notions acquises par la critique littéraire la plus saine et la plus avancée ; le renversement ou plutôt l’annulation des vieilles rhétoriques ; une méthode vivante et naturelle substituée aux formules didactiques, — je dis une méthode et non pas de simples séances d’Athénée agréables et décousues, mais tout un mode d’enseignement suivi, et cela à l’usage spécial d’un sexe qu’on avait trop accoutumé jusqu’ici au décousu et à l’amusant.

217. (1890) L’avenir de la science « XI »

Pour nous, il nous semble que l’on place la philologie dans une sphère beaucoup plus élevée et plus sûre en lui donnant une valeur scientifique et philosophique pour l’histoire de l’esprit humain, qu’en la réduisant à n’être qu’un moyen d’éducation et de culture littéraire. […] Or, les procédés par lesquels la langue vulgaire s’est élevée à la dignité de langue littéraire sont ceux-là mêmes par lesquels on peut en acquérir la parfaite intelligence.

218. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Samuel Bailey »

Il n’est point cependant si épris d’algèbre qu’il ne cède aux entraînements de l’éloquence, quand c’est le lieu : et il a revendiqué les droits de la science, dans un langage si ferme et si élevé, qu’il faut traduire : « Quoi ! […] Soyez sûr qu’ici l’investigation infatigable, la minutieuse analyse, la recherche exacte, la distinction attentive des choses qu’on peut confondre, le soin scrupuleux dans l’étude des procédés, la précision à enregistrer les résultats, sont aussi bien placés, aussi fructueux, aussi importants, aussi indispensables, aussi élevés en dignité, si vous voulez, qu’ils le sont (je le dis sans vouloir les déprécier) quand il s’agit de rechercher d’invisibles étoiles, de calculer les millions d’ondulations imperceptibles d’un rayon de soleil, de peser les atomes des éléments chimiques, d’observer les cellules des corps organiques, d’étudier l’anatomie des cousins et des mites, et même de rechercher les caractères spécifiques et les habitudes particulières de mollusques et d’animalcules273. » M. 

219. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXV » pp. 402-412

Comment le croire aussi éclairé et aussi élevé qu’il était piquant, lorsqu’on la voit confondre les empressements du roi voluptueux, au moment d’un retour après une longue absence, avec un de ces retours de tendresse et d’affection qui attestent les douces et vives sympathies des âmes délicates et des intelligences élevées ?

220. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racine, et Pradon. » pp. 334-348

Deux ou trois voix, élevées dans le parterre, procurent aisément la gloire de se donner en spectacle sur le théâtre, la tête ombragée de faux lauriers, & qui sont bientôt flétris. […] En vain, au plus fort de l’orage, élevé contre Racine, son ami Despréaux fit tout ce qu’il put, en général habile & désespéré, pour ramener la multitude & faire entendre raison.

221. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

mais se fût-il élevé à ces pensées, s’il n’eût connu la religion de Jésus-Christ ? […] La philosophie ne peut demander un genre de beautés plus élevées et plus graves.

222. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Seconde faculté d’une Université. Faculté de médecine. » pp. 497-505

Cette petite provision, suffisante pour l’homme bien élevé, serait trop légère pour le médecin, dont la profession suppose une connaissance approfondie des substances de la nature et de leurs analyses, ses deux arsenaux. […] Ici, ces enfants sont élevés ; il ne s’agit plus de connaissances primitives, mais d’études de convenance.

223. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « J.-K. Huysmans »

Assurément, je conçois très bien que les vulgarités de la vie répugnent à un esprit élevé et fier, mais, pour les fuir et pour les remplacer, il ne faut pas tomber dans l’infiniment petit des choses nabotes… Or, le Des Esseintes de M.  […] Le misérable château de cartes — cette petite Babel de carton — élevé contre le monde de Dieu, s’est écroulé et lui est retombé sur les mains.

224. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIII. Éloges donnés aux empereurs, depuis Auguste jusqu’à Trajan. »

Dans les églogues, déjà l’assassin est un dieu ; dans les Géorgiques, les astres se rangent humblement pour lui faire place, et lui demandent quelle est celle qu’il voudra bien occuper parmi eux ; et l’Énéide, comme on sait, n’est, d’un bout à l’autre, qu’un monument que la servitude éleva, par la main du génie, à la famille des Césars ; Virgile avait l’âme plus tendre qu’élevée, et plus douce que forte. […] On croirait qu’il est impossible d’être plus vil ; Martial a trouvé l’art de l’être encore plus ; c’est de répéter les mêmes éloges pour Trajan, et de blâmer alors les crimes de Domitien, qu’il avait élevé jusqu’au ciel quand il régnait.

225. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVII. De l’éloquence au temps de Dioclétien. Des orateurs des Gaules. Panégyriques en l’honneur de Maximien et de Constance Chlore. »

Je ne parle pas de vingt autres causes qui la préparèrent ; mais je remarque que dès le premier siècle, la grandeur de l’empire, une puissance qui n’était limitée par rien, des fantaisies qui n’avaient de bornes que la puissance, des trésors qu’on ne pouvait parvenir à épuiser, même en abusant de tout, firent naître dans les princes je ne sais quel désir de l’extraordinaire qui fut une maladie de l’esprit autant que de l’âme, et qui voulait franchir en tout les bornes de la nature ; de là cette foule de figures colossales consacrées aux empereurs, la manie de Caligula de faire enlever de toutes les statues des dieux leur tête, pour y placer la sienne ; le palais d’or de Néron, où il avait englouti un quart de Rome, une partie des richesses du monde, et des campagnes, des forêts et des lacs ; la statue d’Adrien élevée sur un char attelé de quatre chevaux, et qui faite pour être placée au sommet d’un édifice, était d’une grandeur que nous avons peine à concevoir ; sa maison de campagne, dont les ruines seules aujourd’hui occupent dans leur circonférence plus de dix milles d’Italie, et où il avait fait imiter les situations, les bâtiments et les lieux les plus célèbres de l’univers ; enfin le palais de Dioclétien à Spalatro en Illyrie, édifice immense partagé par quatre rues, et dont chaque côté avait sept cents pieds de long. […] Ajoutez la douceur du climat, et tous les monuments élevés dans ce pays par la grandeur romaine.

226. (1864) Études sur Shakespeare

Maintenant ce n’est plus de la gloire ni du génie de Shakespeare qu’il s’agit ; personne ne les conteste ; une plus grande question s’est élevée. […] Elle a mille aspects, elle amène une foule d’impressions et de rapports qu’ignorent les classes élevées si rien ne les contraint à rentrer fréquemment dans l’atmosphère publique. […] Mais partout où se sont rencontrés leurs principaux caractères, le théâtre s’est élevé ; et ni les hommes de génie n’ont manqué au public, ni le public aux hommes de génie. […] Mais, en France, le clergé, après avoir élevé les théâtres, ne tarda pas à les foudroyer ; il en avait réclamé le privilège dans l’espoir d’entretenir ou d’échauffer ainsi la foi ; bientôt il en redouta l’effet et en abandonna l’usage. […] Une même, tâche est imposée aujourd’hui au gouvernement et à la poésie ; l’un et l’autre doivent exister pour tous, suffire à la fois aux besoins des masses et à ceux des esprits les plus élevés.

227. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Il a plus écrit, mais il ne s’est jamais élevé dans de grandes œuvres à la hauteur de Goethe, et surtout il n’a jamais creusé à la même profondeur mystérieuse de sens. […] « Villemain a aussi comme critique, dit-il, un rang très élevé. […] Qu’est-ce qui est authentique, sinon ce qui est tout à fait excellent, ce qui est en harmonie avec ce qu’il y a de plus pur dans la nature et dans la raison, ce qui sert encore aujourd’hui à notre développement le plus élevé ? […] Dans les longs intervalles de ce travail sans fin, il se livre par délassement à son souffle lyrique ; il écrit des odes, des ballades, des poésies symboliques de forme, très élevées de sens, très mélodieuses de rythme, que les femmes et les enfants comprennent, et qui sont, comme le chœur antique, destinées à reposer à la fois et à soutenir l’attention de l’Allemagne devant ses drames. […] De ce plateau élevé, on découvre une grande partie de la forêt de Thuringe, qui s’étend jusqu’à l’horizon le plus lointain et forme un immense et sombre océan de verdure ; Goethe resta longtemps immobile, et dit seulement : “Hélas !

228. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

Indépendamment du comte de Virieu, du marquis de Barral, du marquis Alfieri et de son fils, avec lequel j’avais été élevé, je connaissais d’enfance presque toutes les illustres familles du Piémont : les Sambuy, les Ghilini, les Costa, pour avoir reçu avec eux une éducation commune chez les jésuites de Belley, dans ce collège soutenu par eux. […] Je l’ai toujours admiré, surtout comme puissance politique ; mais il m’éloigna toujours de lui, même quand il fut mon ministre et qu’un mot de lui pouvait me placer sans faveur à un poste plus élevé dans ma carrière. […] Cette villa n’avait pour tout édifice qu’une tour monumentale élevée à une hauteur pyramidale au-dessus des sapins les plus sylvestres et les plus sombres. […] Un sonnet de Pétrarque contenait-il plus de larmes que ce marbre colossal élevé dans les cieux pour entrevoir un souvenir ? […] Possédé alors, comme tous les jeunes gens, et sentant, comme les jeunes Italiens avec lesquels j’avais été élevé, la forte haine de la tyrannie, j’adorais ce parodiste de Sénèque le tragique, et je me croyais d’autant plus initié à la vertu civique que j’avais plus d’enthousiasme pour lui.

229. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

Ce spectacle délicieux, nous, nous le donnerons un jour plus longtemps ; car nous reviendrons très certainement au grand ouvrage sur lequel Crétineau-Joly a élevé son nom. […] L’examen vint de nouveau, mais l’examen élevé à, la hauteur d’un devoir, prêter son appui à tous les instincts de la désobéissance. […] Les Théatins remplacèrent le clergé paroissial dans les paroisses où il manquait. » Ce fut là la réforme vraie en face de la réforme menteuse, mais quelle que fût l’énergie du mouvement qui éclata dans l’Église pour échapper aux dangers qui avaient surgi, il n’eût pas été suffisant si Dieu n’avait envoyé son esprit à l’un des plus grands hommes qui se soient élevés jusqu’à la sainteté. […] Ni Choiseul, cet autre obligé des Philosophes, ce ministre d’État d’une prostituée dont les Jésuites, accusés de tant de facilité, n’avaient pas voulu servir les intérêts ; ni Manuel de Roda lui-même, le parricide d’une société qui l’avait élevé et comblé de bienfaits, n’approchèrent seulement de Pombal. […] Le schisme aurait élevé de telles complications en Europe pour les gouvernements qui avaient l’insolence d’en parler, que très probablement c’était une menace vaine, mais elle troubla ces vieillards, qui doutaient de Rome éternelle, et on attendit les cardinaux étrangers.

230. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Élevée pendant les années de la Révolution, dans un intérieur modeste et pauvre, près d’une église en ruine, en face d’un cimetière agreste où l’on allait jouer et prier, toute flamande dans ses croyances du berceau et ses crédulités charmantes, elle confondait dans un même amour domestique Dieu et son père, la Vierge et sa mère et ses sœurs. […] Petite de taille, d’un visage régulier avec de beaux yeux bleus, elle avait quelque chose d’angélique et de puritain, un caractère sérieux et ferme, une sensibilité pure et élevée. […] Devrez, architecte, élevé par la ville de Douai. […] Claude Turpault, esprit très élevé, mathématique et philosophique : « Le 7 mai (1869)… Je tiens à vous dire avec quelle vive satisfaction j’ai lu, dans les articles de Sainte-Beuve sur Mme Desbordes-Valmore, la touchante lettre par elle à vous adresser qu’il y cite, et qu’il contresigne en quelque sorte : c’est un bien précieux témoignage, et vous l’avez mérité !

231. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

Est-ce au milieu d’une crise dévorante qui atteint toutes les destinées, lorsque la foudre se précipite dans le fond des vallées, comme sur les lieux élevés ? […] Montesquieu, dans son sublime ouvrage sur les causes de la grandeur et de la décadence des Romains, a traité, tout ensemble, les causes diverses qui ont influé sur le sort de cet Empire ; il faudrait apprendre dans son livre, et démêler dans l’histoire de tous les autres peuples, les événements qui sont la suite immédiate des constitutions, et peut-être trouverait-on que tous les événements dérivent de cette cause : les nations sont élevées par leur gouvernement, comme les enfants par l’autorité paternelle. […] Les hommes, privés d’occupations fortes, se resserrent tous les jours plus dans le cercle des idées domestiques, et la pensée, le talent, le génie, tout ce qui semble des dons de la nature, ne se développe cependant que par la combinaison des sociétés ; le même nombre d’hommes divisé, séparé, sans mobile et sans but, n’offre pas un génie supérieur, une âme ardente, un caractère énergique ; tandis que dans d’autres pays, parmi les mêmes êtres, plusieurs se seraient élevés au-dessus de la classe commune, si le but avait fait naître l’intérêt, et l’intérêt l’étude, et la recherche des grands moyens et des grandes pensées. […] Dans cet ouvrage donc que je ferai, ou que je voudrais qu’on fit, il faudrait mettre absolument de côté tout ce qui tient à l’esprit de parti ou aux circonstances actuelles, la superstition de la royauté, la juste horreur qu’inspirent les crimes dont nous avons été les témoins, l’enthousiasme même de la république, ce sentiment qui dans sa pureté est le plus élevé que l’homme puisse concevoir.

232. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Que Pascal en cela obéit à ses habitudes et à ses inclinations de génie, et qu’il se souvînt qu’il était lui-même géomètre, je ne le crois pas : il ne faisait qu’assigner les rangs selon ce qu’il estimait être la capacité la plus forte et la plus élevée. […] Rodriguez sur sa station élevée, dans sa cabane montée tout exprès et avec ses miroirs et réverbères, revint trouver son compatriote ; mais d’abord les signaux désirés ne s’apercevaient pas mieux qu’auparavant. […] Arago a été, dans quelques-uns de ses premiers travaux élevés, l’un de ceux qui purent réclamer sans crainte le suffrage de ces huit ou dix juges, et il l’a obtenu : mais ce suffrage lent, froid et grave, émané des seuls êtres pensants, ne pouvait lui suffire dans l’habitude, et les qualités de l’expositeur habile, puissant, infatigable, toujours écouté et souvent applaudi, se substituèrent insensiblement en lui à celles de l’inventeur, de celui qui gravit seul les sommets encore inexplorés.

233. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

Amenée jeune en France par ses parents pendant les troubles civils de son pays, elle avait été élevée au monastère de Port-Royal et y avait toujours conservé des attaches. […] Fénelon se méfie aussi avec elle d’un autre écueil : « Vous avez plus de besoin d’être mortifiée, lui dit-il, que de recevoir des lumières. » Ces lumières de religion, il sait bien que la comtesse les a reçues dès l’enfance dans le monastère où elle a été élevée ; elle a plutôt besoin, en revenant du monde à la religion, de ne point passer d’un amour-propre à un autre, de ne point chercher à exceller ni à être merveilleuse dans un autre sens : Ce que je vous souhaite le plus est la petitesse et la simplicité d’esprit. […] On comprendra qu’entre ces deux natures si déliées, si fines, si élevées, je n’aie pas à exprimer même une préférence, et je ne puis que parler en général de la diversité de ton et de nuance qui caractérise leur manière.

234. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Bossuet, né à Dijon le 27 septembre 1627, d’une bonne et ancienne famille bourgeoise de magistrats et de parlementaires, y fut élevé au milieu des livres et dans la bibliothèque domestique. […] Sa taille, qui devait grandir beaucoup encore, était élevée pour son âge ; elle avait la délicatesse et la souplesse de l’homme qui n’est pas destiné à porter d’autre fardeau que la pensée ; qui se glisse avec recueillement, à pas muets, entre les colonnes des basiliques, et que la génuflexion et le prosternement habituel assouplissent sous la majesté de Dieu. […] Son front élevé et plan laissait voir à travers une peau fine les veines entrelacées des tempes.

235. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

À beaucoup de pénétration il joignait une grande justesse de jugement, une mémoire excellente, des vues élevées et de vastes conceptions. […] L’un, élevé au faîte de la gloire, ne voit que du repos dans l’enseignement ; son langage est froid et sérieux ; pourquoi s’agiterait-il ? […] Tendresse d’un professeur, réputation élevée à l’ombre de la sienne, oubli, morsures cruelles.

236. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Dans son trajet de l’abbaye d’Engelberg au Dittlisberg, Ramond rencontre bien des difficultés, des dangers, mais aussi de ces jouissances sans nom qu’il décrit de la sorte : Du haut de notre rocher, nous avions une de ces vues dont on ne jouit que dans les Alpes les plus élevées : devant nous fuyait une longue et profonde vallée, couverte dans toutes ses parties d’une neige dont la blancheur était sans tache ; çà et là perçaient quelques roches de granit, qui semblaient autant d’îles jetées sur la face d’un océan ; les sommets épouvantables qui bordaient cette vallée, couverts comme elle de neiges et de glaciers, réfléchissaient les rayons du soleil sous toutes les nuances qui sont entre le blanc et l’azur ; ces sommets descendaient par degrés en s’éloignant de nous, et formaient un longue suite d’échelons dont les derniers étaient de la couleur du ciel, dans lequel ils se perdaient. […] Par un de ces accidents de chaleur qui ont lieu quelquefois jusqu’au milieu des glaces et des neiges les plus élevées, tout d’un coup les voyageurs sont surpris d’arriver à un endroit entièrement découvert de neiges : Rien de plus délicieux dans la nature que le gazon que nous foulions ; à peine abandonné par les neiges, il était déjà émaillé d’une innombrable quantité de fleurs dont les couleurs étaient d’une vivacité que les fleurs de la plaine n’atteignent jamais, et qui répandaient l’odeur la plus suave. […] Revenant ailleurs sur cette idée d’une transformation qu’éprouvent à de certaines hauteurs les organes du corps et les facultés de l’esprit, il fait appel à tous ceux qui en ont, un jour ou l’autre, ressenti les effets dans l’ascension vers les hauts lieux : Quelque merveilleux que soit ce que j’avance, je ne manquerai point de garants, et je ne trouverai d’incrédules que dans le nombre de ceux qui ne se sont jamais élevés au-dessus de la plaine.

237. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Il s’aperçut tout à la fois de combien on était en arrière dans la maison de ses parents sur la marche qu’avaient suivie les arts depuis dix ans, et pressentit tout ce qu’il fallait qu’il connût et qu’il étudiât pour rattraper le gros de l’armée dans laquelle il se trouvait enrégimenté tout à coup. » La remarque est juste, et l’expression aussi : voilà Étienne enrégimenté et enrôlé dans l’armée de David ; c’est là son premier groupe et son premier milieu ; c’est ce qu’il va entendre, embrasser, admirer et puis commenter à merveille : mais que les années s’écoulent, que de nouveaux courants s’élèvent dans l’air, que l’École de David, en se prolongeant, se fige comme toutes les écoles, qu’elle ait besoin d’être secouée, refondue, renouvelée, traversée d’influences rafraîchissantes et de rayons plus lumineux, lui, il ne voudra jamais en convenir ; il y est, il y a été élevé, nourri ; il y a pris son pli, le premier pli et le dernier ; il n’en sortira pas. […] Il n’a ni élévation de style, ni gravité de ton, ni noblesse ou élégance de formes, ni rien de ce dont il parle sans cesse en des termes qui jurent souvent avec le fond ; mais il a dans quelques parties une vérité naïve, un peu gauche, un peu distraite ou inexpérimentée, la sincérité non pas du pinceau (il n’a pas de pinceau), mais du crayon, de la plume ; il a le croquis véridique pour les choses, qu’il sait et qu’il a vues en son bon temps et de ses bons yeux ; il copie honnêtement, simplement, et un sentiment moral, touchant ou élevé, comme on le verra, peut sortir quelquefois de cette suite de détails minutieux dont pas un ne tranche ni ne brille. […] Mais il est galant, il est bien élevé, et cette nuance de familiarité décente et de demi-intimité est touché avec beaucoup : de finesse.

238. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Mais aucun monarque et souverain ne s’était rencontré encore dans la situation extraordinaire de Napoléon, à la fois abdiquant et captif, — prisonnier sans avoir été pris et en quelque sorte de son propre choix, pour s’être allé asseoir au foyer de la nation son implacable ennemie ; détenu non dans une prison, mais sur le rocher le plus perdu de l’Océan ; non par la vengeance d’un seul adversaire, mais par la terreur de l’Europe entière conjurée ; et désormais élevé (seule élévation dernière qui lui manquât) à l’état de victime ; — ayant abdiqué pour la seconde fois et toujours forcément sans doute,, mais enfin de cœur comme de fait, et résigné ; ne nourrissant plus aucun espoir de retour, mais conservant jusqu’à la fin toute la sérénité de son coup d’œil, toute sa plénitude d’intelligence politique ; sevré de presque toute information actuelle, et se reportant avec d’autant plus d’impétuosité et d’ardeur aux grands événements récents ou passés, à l’histoire d’hier ou à l’histoire des siècles ; perçant de plus dans l’avenir et plongeant sur les horizons lointains avec la haute impartialité du conquérant apaisé, avec la vue épurée du civilisateur. […] II J’ai pu à peine donner idée de ce chapitre élevé et pathétique qui couronne dignement la plus sérieuse histoire. […] … Ce sont là des pages élevées, fermes, vigoureuses de ton, philosophiques de fond, irréprochables, à offrir aux amis comme aux ennemis ; je n’en sais pas en français de plus belles.

239. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

Salammbô, en ces moments, envoie chercher le grand-prêtre de Tanit, Schahabarim, celui qui l’a élevée et qui est comme son directeur. […] On est au cœur d’une œuvre sérieuse ; on est, si l’on se rend bien compte de la composition et de la construction du livre, à ce point central, intérieur et élevé, qui, dans tout monument d’art, fait clef de voûte ; pourquoi un semblant de gaudriole s’y est-il glissé ? […] Et enfin, fût-elle en pure perte, cette insistance de la critique, même lorsqu’elle n’approuve pas, est encore une manière d’hommage rendu à un livre d’un ordre élevé, et dont il restera des fragments.

240. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

C’est l’ingénuité toute pure de deux jeunes êtres élevés ensemble au sein d’une belle et riche nature rustique, et sans que rien les avertisse d’un danger. […] Une peinture plus vive que touchante des premières émotions, des premiers sentiments de deux jeunes amants élevés dans la simplicité d’une vie champêtre et protégés contre eux-mêmes par la soûle ignorance. […] Tout le poème trahit l’art et la culture les plus élevés..

241. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

Les hommes d’une âme élevée se proposent, dans la vie, d’être les défenseurs des faibles, l’appui des opprimés, les champions de la justice et de l’innocence. […] Mais le même caractère, qui est admirable pris d’un point de vue élevé, est risible, considéré de la terre… L’on sent déjà pourquoi quelques personnes ont considéré Don Quichotte comme le livre le plus triste qui ait jamais été écrit ; l’idée, fondamentale, la morale du livre, est en effet profondément triste… » Il n’est, on le voit, que manière de prendre les choses. […] Reconnaissons enfin, après plus de deux siècles d’injustice et d’erreur, dans toutes les proportions de sa gloire un grand homme qui fut un martyr ; qui tout le temps qu’il traversa cette terre resta étranger au bonheur ; dont le cœur fut pur de toute tache, à l’abri de ces petitesses dont souvent ne sont point exempts les grands écrivains ; dont le chef-d’œuvre porte à un si haut degré l’empreinte d’une nature si noble, si élevée et si humaine, et qui de tous les hommes est celui dont l’âme se montrerait le plus sensible à une réparation pour l’outrage fait à la portée de son génie. » Et moi je dis : Ainsi est fait l’esprit humain ; il a soif d’une légende morale ; il a un besoin perpétuel de refonte et de remaniement pour toutes ses figures.

242. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Gœthe elle prit sur-le-champ un vol plus élevé. […] Armand Lefebvre, sollicité de rentrer dans les affaires, aurait pu viser à des postes élevés : il préféra un rôle plus modeste et qui avait son utilité ; il accepta le poste de ministre de la République à Carlsruhe. […] Ce qu’il faut ajouter aussitôt et ce que m’attestent des confidents de ses plus secrètes pensées, c’est que les déceptions, si vives qu’elles aient dû être, n’ont jamais fait entrer l’amertume dans cette nature aussi élevée que modeste, dans cette âme où la distinction s’unissait à la bonté.

243. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Né à Grésy-sur-Isère le 1er juillet 1810, élevé au petit séminaire de Saint-Pierre d’Albigny, dont le supérieur, l’abbé Gex, existe encore, il termina ses études chez les Jésuites à Chambéry. […] « Si les natures viles achèvent de se perdre et de se dégrader dans l’infortune, elle est la trempe la plus résistante des natures élevées. » On aimerait pourtant une confession un peu plus simple, plus circonstanciée, plus naïve : quoi qu’il en soit, dans le récit tout moral qu’il a donné, je distingue quelques degrés et des acheminements. […] Quelques-uns diront qu’il n’avait fait que changer de lieux communs : il les choisit du moins, cette fois, plus élevés et plus nobles.

244. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

Si elle ne comprend pas tout à fait Napoléon, c’est qu’il est mal élevé, qu’il n’y a pas moyen de « causer » avec lui. […] Je ne sais si ce n’est pas un mauvais tour que lui a joué son trop sociable esprit : elle n’admet à partager les bénéfices de la Révolution que les gens bien élevés, les « messieurs » qu’on peut recevoir dans un salon. […] Cela aboutit à rendre suspect au peuple l’homme bien élevé autant que le propriétaire et le capitaliste : il sent peut-être plus le mépris qui le tient à distante, que la richesse dont il est exclu.

245. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Le genre humain peut être considéré comme un seul tout, ainsi que nous l’avons déjà remarqué ; et c’est dans cette considération élevée que l’on rencontre une des bornes assignées par la Providence à notre liberté. […] Cependant, s’il m’est permis de m’arrêter un instant sur les parties moins élevées du sujet qui nous occupe, nous n’aurons pas besoin du vaste regard de l’aigle de Meaux. […] Ces tristes allusions, auxquelles un esprit si élevé daigna trop souvent descendre, font gémir sur lui et sur le siècle qui l’encouragea par ses applaudissements.

246. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

Il n’est pas plus élevé dans la sphère des êtres, il est hors de cette sphère. […] Enfin il ne trouve que là les douceurs de l’étude, le goût pour les sciences, les pensées généreuses, les sentiments élevés, la gloire, noble et immense instinct de l’immortalité ; car l’immortalité elle-même n’est qu’au sein de la société, comme la société seule est conservatrice des traditions religieuses. […] Les hommes de talent qui emploient le don le plus élevé du Créateur à favoriser cet instinct antisocial, sont sûrs d’obtenir d’abord une très grande renommée, mais leur tombeau sera maudit.

247. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Gustave Droz ne pouvait avoir une conception plus élevée du sentiment paternel qu’il ne l’a eue dans ces pages émues, dont j’ai partagé l’émotion, et que je juge après l’avoir partagée ; mais cette conception qu’il ne pouvait avoir, la Critique ne devait pas moins la lui montrer… Je vais finir par une chose triste. Cette conception trop élevée de l’amour paternel, par ce temps de morbides et mignardes tendresses où l’enfant n’est plus qu’un Bébé, la poupée des parents et la marionnette de leurs vanités conjugales, aurait bien moins de chances de réussir que la conception de l’amour de l’enfant telle que Gustave Droz l’a exprimée, et telle qu’elle est, à cette heure, dans des cœurs qui n’ont plus rien de mâle et dans des esprits affadis. […] Le comte de Manteigney est cet ange exterminateur pour sa femme, comme elle, à son tour, est l’ange exterminateur pour l’abbé Roque, curé de Grand-Fort, — l’intérêt tragique et le plus élevé du roman.

248. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. LOUIS DE CARNÉ. Vues sur l’histoire contemporaine. » pp. 262-272

Elle ne s’adressait pas au gros du siècle, à la masse de la jeunesse et de la population, que des affections et des croyances contraires entraînaient bien au delà ; mais, au sein du parti religieux et royaliste, elle cherchait à convaincre quelques esprits moins immobiles, moins irrémissiblement voués à l’entière tradition du passé, quelques âmes élevées et judicieuses, pures d’ambition, amoureuses de la vérité, et ne désespérant pas de la Providence, même dans des voies un peu nouvelles. […] Cet ordre de considérations générales, sur lequel la critique a peu de prise, parce qu’à cette hauteur, du moment qu’elle n’accepte pas l’élément mystérieux qui dirige, elle n’a plus qu’à tenir terre et à se déclarer incompétente ; cette réduction du problème politique de la société au problème religieux et moral, cet effort et ce retour vers un même but par un côté réputé supérieur, sont devenus assez familiers dans ces derniers temps à beaucoup d’esprits ardents, élevés ; et, pourvu que l’indifférence politique et une sorte de quiétisme transcendant n’en résultent pas dans la pratique et les luttes du citoyen, il n’y a rien à redire à cette manière de coordonner et d’étager les questions.

249. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre V. Des trois ordres de causes qui peuvent agir sur un auteur » pp. 69-75

A-t-il été, au contraire, élevé dans le brouillard, sous un ciel gris et terne, sur les bords d’un Océan toujours sombre et agité, au milieu de sapins qui bruissent et se plaignent incessamment comme les vagues ; il est probable qu’un reflet de cette nature mélancolique passera dans son humeur et dans ses œuvres. […] Est-ce de Port-Royal, où il a été élevé ?

250. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — L’orthographe, et la prononciation. » pp. 110-124

Si des contestations élevées au sujet de l’orthographe, nous passons à celles qu’à suscitées la prononciation, nous verrons encore les grammairiens divisés. […] Il est encore moins permis à un homme du monde de l’ignorer : une belle prononciation annonce une personne bien élevée ; elle prévient en faveur d’une femme, autant & même plus que la figure & les habillemens.

251. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 9, de la difference qui étoit entre la déclamation des tragedies et la déclamation des comedies. Des compositeurs de déclamation, reflexions concernant l’art de l’écrire en notes » pp. 136-153

Je me contenterai donc d’ajoûter à ce que j’ai déja dit, que les acteurs qui joüoient la comedie n’avoient d’autre chaussure qu’une espece de sandale qu’ils appelloient socque, au lieu que ceux qui déclamoient la tragedie montoient sur le cothurne, espece de brodequin dont la semele étoit de bois, ce qui les faisoit paroître d’une taille fort élevée au-dessus de celle des hommes ordinaires au rapport de Lucien, de Philostrate et de plusieurs autres écrivains qui les voïoient tous les jours. […] Un endroit devoit quelquefois se prononcer suivant la note plus bas que le sens ne paroissoit le demander, mais c’étoit afin que le ton élevé où l’acteur devoit sauter à deux vers de là frappât davantage.

252. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Swift »

Jonathan Swift est né à Dublin, mais ses parents étaient du comté d’York ; il était donc Anglais de race, et on est bien aise de le savoir, quand on croit que la race est encore pour les hommes quelque chose… Mal élevé et malheureux dans les premiers temps de sa vie, Swift, né avec un esprit violent, fut de bonne heure misanthrope dans une société qui blessait son orgueil par toutes ses institutions, et quand le bonheur, la célébrité et l’influence sur les hommes lui vinrent, l’étoffe avait son pli et le vase était imbibé de liqueur amère. […] Cette instruction, divisée par chapitres et où nul n’est oublié du personnel de la valetaille : le butler (sommelier), la cuisinière, le laquais, le cocher, le groom, l’intendant, le portier, la femme de chambre, la fille de service, la fille de laiterie, la bonne d’enfants, la nourrice, la femme de charge et la gouvernante ; ce mandement d’un doyen que Mascarille, après boire, refuserait de signer, ne peut être évidemment qu’une mystification immense et même une mystification à commencer par l’auteur lui-même, — car rien ne doit équivaloir, non seulement pour un esprit élevé, mais pour un esprit quelconque, au dégoût d’écrire, dans quelque but de raillerie que ce soit, ces conseils de friponnerie et de bassesse où tout le sens est dans la grosseur de l’ironie et dans une impudence égale entre l’idée et le langage… Et ce n’est pas tout.

253. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lessing »

Son esprit était élevé, son idéal grandiose, l’horizon de ses idées très vaste ; mais sa qualité première entre toutes, c’était une puissance de souplesse encore plus étonnante que la force elle-même. […] C’est le théâtre dans sa notion la plus pure, la plus élevée, la plus profonde.

254. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VIII. De Platon considéré comme panégyriste de Socrate. »

Il avait pu embrasser dans Athènes la statue de Socrate, élevée par ordre de l’État, et peut-être érigée sur la même place où on l’avait chargé de chaînes pour le conduire à la mort. […] Je voudrais que sur la pierre noire et brute on eût gravé : « Ici il prit la coupe ; là, il bénit l’esclave qui la lui portait ; voici le lieu où il expira. » On irait en foule visiter ce monument sacré ; on n’y entrerait pas sans une sorte de respect religieux, et toute âme courageuse et forte, à ce spectacle se sentirait encore plus élevée.

255. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

C’est une circonstance notable dans la vie d’un homme de génie, que la tradition au sein de laquelle il a été élevé. […] Un but beaucoup plus élevé qu’une reproduction du pittoresque antique inspirait le génie de Fénelon. […] Dans les ordres inférieurs de la science ou des arts mécaniques, le génie ne suppose pas d’autres aptitudes plus élevées. […] pourquoi ces mots, une âme prosaïque, indiquent-ils le contraire d’une âme élevée ? […] Elle y réussit auprès de la foule, qui croit s’exalter elle-même en abaissant tout ce qui est élevé ; mais les bons esprits ont jugé la science actuelle.

256. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Letalle, Abel (1870-19..) »

Philippe Gille Un recueil intéressant, fait d’idées élevées, énoncées en une forme irréprochable.

257. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — François, Pierre-A. »

Il a l’âme élevée et le cœur compatissant, mais son lyrisme est surtout élégiaque.

258. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article »

Chastelet, [Gabrielle-Emilie de Breteuil, Marquise du] née en 1706, morte en 1749, s’est élevée au dessus de son sexe, par des qualités qui ne lui sont pas ordinaires, l’amour de l’étude & la profondeur des Sciences.

259. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Ajoutez à cela une profonde démoralisation du peuple ; le protestantisme, qui l’eût élevé, avait été expulsé ; le catholicisme n’avait pas fait son éducation. […] La France du moyen âge est une construction germanique, élevée par une aristocratie militaire germanique avec des matériaux gallo-romains. […] Le peuple est bien moins capable que les classes élevées ou éclairées de résister à la séduction des plaisirs faciles, qui ne sont sans inconvénients que quand on est blasé sur leur compte. […] Notre plus grande erreur est de croire que l’homme naît tout élevé ; l’Allemand, il est vrai, croit trop à l’éducation ; il en devient pédant ; mais nous y croyons trop peu. […] Des jeunes gens élevés dans le sentiment de leur supériorité se révolteront de ne compter que pour un comme le premier venu.

260. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Carrara, Jules »

Adolphe Ribaux La Lyre, œuvre originale, d’un souffle puissant, d’une inspiration élevée, à laquelle tous les sincères amoureux de la poésie, tous les vrais lettrés ont fait un accueil sympathique.

261. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guaïta, Stanislas de (1861-1897) »

Rodolphe Darzens La Muse noire, recueil comprenant des poèmes d’un rythme sur qui révèlent déjà, à travers l’admiration de l’auteur pour Baudelaire, une originalité curieuse, dont le caractère fut bientôt affirmé dans un livre ayant pour titre : Rosa mystica, où des pensées d’un ordre élevé sont exprimées en fort beaux vers.

262. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Ce morceau de papier moisi, voilà pourtant la colonne élevée à ma gloire ! […] Il a été élevé dans cette étude et dans ce respect ! […] Si le jaloux don Pèdre est beaucoup mieux élevé que Bartholo, la belle fille grecque est cent fois plus modeste, plus retenue et plus gracieuse, que mademoiselle Rosine. […] Cet homme qui paraît avoir du vin, comme dit Bartholo, emploie un triste moyen pour être le bienvenu auprès d’une fille bien élevée. […] C’est même un des plus grands tours de force de l’inimitable comédienne, non pas d’être descendue, mais de s’être élevée, comme elle l’a fait, de Molière à Marivaux.

263. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — I »

Quant à lui, ses prétentions ne sont pas si élevées : il veut chercher, voilà tout ; il cherche ; et cependant il nous l’a dit : l’humanité souffre, l’anarchie est dans la société, le désordre moral et intellectuel dans les classes supérieures ; les plus grands malheurs éclateraient si ce désordre pénétrait plus avant dans les classes inférieures. […] En vérité, après le démenti donné le 29 juillet à tous ces prophètes du passé, nous concevons leur peu de foi en eux-mêmes et dans leurs recherches futures, et nous avons droit de leur demander pourquoi ils passent outre à la recherche timide de ce problème social, lorsque déjà se sont élevés des hommes qui proclament l’avoir résolu.

264. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alexandre Dumas. Mademoiselle de Belle-Isle. »

Quoi qu’il en soit, ce genre en vogue, qui contribue à défrayer bien des théâtres, ne s’était pas élevé jusqu’ici à une certaine hauteur, et on n’avait souvenir d’aucune pièce saillante. […] Ce que celle-ci ne prend guère la peine de dissimuler en air cru, dur et matériel, peut bien n’être pas très élevé et très idéal, mais ne sort pas de la comédie et rentre tout à fait dans la vérité.

265. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVIII » pp. 305-318

Un travers de ce genre, qui ne peut exister que dans des conditions élevées, n’est d’aucune importance pour ces pères de famille que la médiocrité de fortune autorise à blâmer toute occupation qui distrait leur femme du soin de leur ménage : ajoutons qu’attaquer simplement les femmes savantes, c’eut été s’exposer à de dangereuses inimitiés. […] Ces nouvelles précieuses sont d’un esprit un peu plus élevé que Cathos et Madelon, et portent plus loin leurs prétentions.

266. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

De même, pour tomber d’une très grande chose à une très petite, ce drame, dont nous venons d’indiquer le sens historique, offrirait une tout autre figure, si on le considérait d’un point de vue beaucoup plus élevé encore, du point de vue purement humain. […] Le sujet philosophique de Ruy Blas, c’est le peuple aspirant aux régions élevées ; le sujet humain, c’est un homme qui aime une femme ; le sujet dramatique, c’est un laquais qui aime une reine.

267. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 12, des siecles illustres et de la part que les causes morales ont au progrès des arts » pp. 128-144

Une loi du droit des gens de ce temps-là portoit, qu’on ne pouvoit point abbatre le trophée que l’ennemi avoit élevé pour éterniser sa gloire et notre honte. […] La societé étoit alors partagée en maîtres et en esclaves, qui la servoient bien mieux qu’elle ne peut être servie par un menu peuple mal élevé, qui ne travaille que par necessité, et qui se trouve encore dépourvû des choses dont il auroit besoin pour travailler avec utilité, lorsqu’il est réduit à travailler.

268. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet »

Entrepris dans un but de propagande religieuse, — l’auteur était lazariste, — ces voyages, dont nous avons rendu compte avec une sympathie presque enthousiaste, car, à part de leur but, le plus grand que puisse atteindre l’homme, ils prouvaient autant de caractère, de décision, de persévérance que de curiosité élevée ; ces voyages, qu’il faudra désormais citer quand on parlera de l’Asie, ont mis pour la première fois dans la circulation des notions certaines sur ces mystérieuses populations qui vivent et meurent depuis tant de siècles comme des fourmilières d’insectes dans des boîtes fermées, sous le couvercle semé d’hiéroglyphes de leurs impénétrables civilisations. […] En un clin d’œil ces chrétientés, pour parler comme les missionnaires, établies à Macao, à Canton, et même à Péking, ces espèces d’édifices élevés dans le sang des martyrs et dans l’effort d’un prosélytisme divin, se sont écroulées comme des châteaux de cartes, au contact du plus misérable événement.

269. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « W.-H. Prescott » pp. 135-148

lui, Prescott, le protestant de vue et le nihiliste religieux d’opinion, convient, avec une bonne foi impartiale des plus élevées, que le Concile de Trente a beaucoup influé sur la moralité du clergé catholique, et que ce fut la vraie, la seule nécessaire Réformation… Ici, je défie de dire mieux. […] Après la décapitation de d’Egmont, ce Ney de l’histoire hispano-flamande, — car Graveline et Saint-Quentin valent bien la Moscowa, — et pour qui, comme pour Ney, il y eut autant de raisons de pardonner que de condamner, Prescott rapporte toute entière cette lettre du duc d’Albe à Philippe II, que tant d’autres historiens auraient oubliée : « Votre Majesté comprendra le regret que j’ai eu de voir finir ainsi ce pauvre seigneur et de lui faire subir ce sort ; mais je n’ai pas reculé devant le devoir de servir mon souverain… Le sort de la comtesse m’inspire aussi une très grande compassion quand je la vois chargée de onze enfants dont aucun n’est assez âgé pour se suffire, et quand on pense à son rang élevé de sœur de comte palatin et à sa vie si vertueuse et si exemplaire, je ne puis que la recommander aux bonnes grâces de Votre Majesté. » Les bonnes grâces de Philippe II furent chiches.

270. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Camille Desmoulins » pp. 31-44

Sybarite littéraire, élevé littérairement, il n’avait, pour résister aux dures épreuves des révolutions, dans la tête et dans le cœur que de la littérature. […] Et il ajoutait : « J’ai abaissé et élevé tous les personnages de la Révolution1. » Plaisante distraction d’une girouette qui se croyait le vent !

271. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Henri Murger. Œuvres complètes. »

Le bruit qui s’est élevé autour de sa tombe, trop tôt ouverte, ne fut donc point l’expiation ou la réparation d’une injustice, mais la continuation d’une faveur qui, comme bien des faveurs, fut une erreur aussi, par-dessus le marché. […] Henri Mürger imita de Musset dans ce qu’il a de moins pur et de moins élevé.

272. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

Charles Didier devait publier ses récits d’aujourd’hui sans les lier entre eux et sans leur demander l’effet d’ensemble qui est le but le plus élevé de l’art, ou, les liant et voulant les ployer et les embrasser dans une unité qui les contienne et les concentre, il était tenu, de rigueur, à nous donner un livre bien autrement construit que celui qu’il nous a donné. […] Conviction parfois vaut génie, et ici le génie lui-même n’eût pas mieux fait, ni plus élevé, ni plus droit, ni plus pathétique que cette magnifique histoire où toute l’âme d’un homme a pesé et qui s’appelle : Une Conversion !

273. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre V. Des Grecs, et de leurs éloges funèbres en l’honneur des guerriers morts dans les combats. »

En arrivant, ils visitent le bois sacré, où ils contemplent plus de six cents statues en bronze ou en marbre, élevées à ceux qui avaient remporté les prix. […] En donnant leur vie pour l’État, ils ont mérité la plus honorable des sépultures : je ne parle pas de celle où reposent leurs ossements, la gloire des grands hommes n’est pas renfermée sous le marbre qui les couvre : la terre entière est leur mausolée ; leur nom vit dans toutes les âmes : c’est là que leur mémoire habite éternellement, au lieu que les tombeaux élevés de la main des hommes sont détruits par le temps.

274. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXV. Des éloges des gens de lettres et des savants. De quelques auteurs du seizième siècle qui en ont écrit parmi nous. »

La salle était tendue de noir, et son buste était placé dans un lieu élevé. […] La cendre de Descartes fut privée de cet honneur ; mais il resta à ce Français célèbre le mausolée qui fut élevé à Stockholm ; il lui resta son nom, sa gloire, l’admiration de l’Europe, et ce qui dans la suite l’honora encore plus, le silence de Newton, qui jamais ne prononça son nom dans un ouvrage.

275. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article »

Nicoleau s’est dévoué depuis quelques années à l’éducation de la jeune Noblesse ; & la Pension qu’il a élevée à Paris, & à laquelle il préside lui-même, est une des mieux composées, soit pour le choix des Maîtres, soit pour celui des Eleves.

276. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lapointe, Savinien (1812-1893) »

Savinien Lapointe était un enfant chéri de notre grand poète ; aussi retrouve-t-on parfois dans l’élève, et très certainement à sa gloire, la manière naturelle, simple ou élevée quand il le faut, mais toujours populairement philosophique, qui distingue les œuvres du grand maître de la chanson de nos jours.

277. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

La vue élevée et anticipée qu’eurent de ces choses, dans l’Antiquité même, les Sénèque, les Lucrèce, les Aristote, les Empédocle, M.  […] On m’a parlé d’une ode sur la Lumière, dans laquelle, pénétré de toutes les théories optiques modernes et imbu des grandes paroles pittoresques des maîtres primitifs, il s’est élevé à une belle inspiration de science et de poésie. […] La fille qui lui naquit et qui est aujourd’hui si digne de son père, une aide intelligente dans ses travaux, fut élevée de même selon la foi de sa mère, chrétiennement. C’est ainsi que ce philosophe, au cœur doux autant qu’à l’esprit élevé, comprend la tolérance et l’exerce autour de lui. […] Nisard, Pline l’Ancien : bonne traduction, bonne notice, point de vue juste, élevé, mais général, et d’où les mille difficultés de détail qui se rattachent au livre ne sont pas abordées.

278. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Les uns ont été plus poètes, les autres aussi éloquents, quelques-uns aussi politiques, ceux-ci aussi philosophes, ceux-là aussi écrivains ; mais nul, sans en excepter Voltaire, n’a été, dans tous les exercices de la pensée, de la parole ou de la plume, aussi vaste, aussi divers, aussi élevé, aussi universel, aussi complet que Cicéron. […] X Rome était alors à une de ces crises tragiques et suprêmes qui agitent les empires ou les républiques, au moment où leurs institutions les ont élevés au sommet de vertu, de gloire et de liberté auquel la Providence permet à un peuple de parvenir. […] Sylla, patricien de Rome, d’abord lieutenant, puis rival de Marius, lui avait à son tour enlevé sa gloire et ses légions, les avait ramenées contre sa patrie, avait proscrit les proscripteurs, égorgé les égorgeurs, assassiné en masse le peuple, asservi le sénat en le rétablissant, élevé les esclaves au rang de citoyens romains, partagé les terres des proscrits entre ses cent vingt mille légionnaires, puis abdiqué sous le prestige de la terreur qu’il avait inspirée au peuple, et remis en jeu les ressorts de l’antique constitution, faussés, subjugués, ensanglantés par lui. […] XVIII De charge en charge, par la protection de Pompée, chef de l’aristocratie conservatrice de Rome, Cicéron fut élevé à la charge suprême de la république, le consulat. […] Catilina était encore préteur : il avait élevé son ambition jusqu’au consulat.

279. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Les cuisines ouvraient, par un perron élevé de quelques marches, sur ce vaste cloaque ; quelques sureaux et quelques houx, dont la forte racine ne craint pas le sol des bergeries, croissaient dans les angles des murs. […] Au-delà de la salle à manger, on montait par un escalier tournant de quelques marches dans la chambre qui servait de salon à la famille, et dont une grande fenêtre cintrée ouvrait sur les jardins, en plein midi, un peu plus élevée que le côté des cuisines. […] « Un ormeau qui s’est élevé avec un oiseau chantant dessus m’a détournée de la frayeur. […] Elle l’avait élevé, elle avait été témoin de ses progrès dans ses premières études ; elle avait conçu de lui une de ces grandes idées qui montrent un grand homme dans un enfant à des parents trop prévenus en faveur de leur sang. […] « D’où me peuvent venir, en effet, que d’en haut tant de choses tendres, élevées, douces, vraies, pures, dont mon cœur s’emplit quand je te parle !

280. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

Les côtés excessifs et disparates du caractère de Madame sont déjà assez visibles et assez connus : je voudrais ne pas négliger de faire apercevoir les parties fermes et élevées de son âme. […] Là même où elle ne s’enflammait pas, il y avait des détails qui la faisaient sourire de pitié : « Il n’est que trop vrai que des femmes se font peindre des veines bleues, afin de faire croire qu’elles ont la peau si fine qu’on distingue leurs veines à travers. » Elle n’avait de consolation que dans sa fille la duchesse de Lorraine, qu’elle avait élevée selon son cœur et mariée un peu à l’allemande. […] Décidément elle avait été un peu élevée selon la méthode de Ponocrates dans Rabelais : « Se eveilloit donc Gargantua environ quatre heures du matin… » : et ce qui suit.

281. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Si ces mêmes choses avaient été dites pour la première fois par quelqu’un en français, on ne les remarquerait guère ; Goethe parle de Buffon en termes élevés, mais vagues, et en passant : ce passage, il est vrai, se lie à une défense de la doctrine de M.  […] Un autre écueil, qui est celui d’esprits sérieux et élevés, ce serait de faire un Buffon plus penseur et plus prophète de l’avenir qu’il ne l’a été, de lui supposer dans l’idée nos systèmes, et de lui mettre sur le front un nuage. […] Le front élevé n’a surtout rien de bombé, de proéminent ni d’olympien, comme nos statuaires ne manquent pas de le faire à toutes les têtes encyclopédiques.

282. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Le souvenir de mes égarements répandit sur ses derniers jours une grande amertume ; elle chargea, en mourant, une de mes sœurs (Mme de Farcy) de me rappeler à cette religion dans laquelle j’avais été élevé. […] Ses yeux sont âpres, ses tempes chauves, sa taille élevée, il est maigre, pâle, et, quand il récite son Exegi monumentum, on croirait entendre Pindare aux jeux Olympiques… » Il n’est pas malaisé d’y surprendre des particularités qui convainquent les Mémoires d’outre-tombe de légère inexactitude. […] Une part de factice peut se mêler bientôt et s’introduire dans l’exécution des longues œuvres, cela se voit trop souvent ; mais si elles sont élevées et si elles ont été puissamment émouvantes, il faut que l’inspiration première du moins ait été vive, et qu’il y ait eu un foyer.

283. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Voulant donner idée de la félicité et de la gloire des saints en l’autre vie, voulant développer les desseins de Dieu dans l’accomplissement de ses élus et comment il les prend, les manie, les prépare et n’arrive que tout à la fin à leur donner le coup de maître, l’orateur, qui cherche à se rendre compte à lui-même, établit une dissertation élevée autant et plus qu’il ne prêche un sermon ; il dut peu agir cette fois sur les esprits de son auditoire et en être médiocrement suivi. […] Bossuet, en parlant en sa présence, sentit, pour un certain goût élevé, qu’il avait en face de soi un régulateur. […] Bossuet a besoin de sujets amples et élevés ; en attendant qu’il lui en vienne, il agrandit et rehausse ceux qu’il traite ; mais il y paraît quelque disproportion.

284. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Je raconte ces bagatelles, remarque-t-il, parce qu’elles servent à prouver que les circonstances m’ont porté où j’ai été élevé, et que je n’y ai contribué en rien. […] Une altercation assez vive cependant s’étant élevée à l’occasion de l’éligibilité de l’abbé Sieyès, qui était de l’ordre du clergé, et que les Communes voulaient élire, le président Camus, apostrophé personnellement, se retira avec mauvaise humeur ; la désunion allait s’introduire : la cause ou le prétexte venait d’une lacune du procès-verbal dont Bailly était l’auteur involontaire ; il s’empressa d’intervenir avec chaleur et pathétique, en prenant sur lui la faute : « Il n’y avait dans tout cela, dit-il, que vivacité mutuelle, l’esprit de tous était au fond excellent. […]  » Et il y a des gens qui lui disputent ce mot, dans le sens élevé où il est si naturel qu’il l’ait proféré.

285. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Dans un de ses voyages, Ramond est monté au pic d’Espingo, au cœur des plus âpres Pyrénées ; menacés, poursuivis dès le matin par un ouragan, lui et son guide en sont assaillis à midi sur une crête élevée et ne trouvent à se tapir qu’à l’abri d’un gros bloc de granit suspendu sur un lac qui est entièrement gelé. […] Il n’avait que dédain pour ceux qui rapportaient l’origine d’une si grande secousse à tel objet particulier de leur dépit ou de leur aversion : L’heure des révolutions sonne, messieurs, disait-il (et c’est dans un discours qu’il eut à prononcer comme préfet à l’ouverture du lycée de Clermont sous l’Empire), — l’heure des révolutions sonne quand la succession des temps a changé la valeur des forces qui concourent au maintien de l’ordre social, quand les modifications que ces forces ont subies sont de telle nature qu’elles portent atteinte à l’équilibre des pouvoirs ; quand les changements, imperceptiblement survenus dans les mœurs des peuples et la direction des esprits, sont arrivés à tel point qu’il y a contradiction inconciliable et manifeste entre le but et les moyens de la société, entre les institutions et les habitudes, entre la loi et l’opinion, entre les intérêts de chacun et les intérêts de tous ; quand enfin tous les éléments sont parvenus à un tel état de discorde qu’il n’y a plus qu’un conflit général qui, en les soumettant à une nouvelle épreuve, puisse assigner à chaque force sa mesure, à chaque puissance sa place, à chaque prétention ses bornes… Cette manière élevée de considérer les choses contemporaines comme si elles étaient déjà de l’histoire, dispense de bien des regrets dans le passé et de bien des récriminations en arrière. […] J’ai vu les hautes Alpes, je les ai vues dans ma première jeunesse, à cet âge où l’on voit tout plus beau et plus grand que nature ; mais ce que je n’y ai pas vu, c’est la livrée des sommets les plus élevés revêtue par une montagne secondaire.

286. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — I » pp. 57-75

M. de Lamartine avait du premier coup fait jaillir une source de sentiments élevée, abondante, et qui s’épanchait en une large et facile harmonie. […] Et, en effet, à ce grand moment de la Renaissance, lorsqu’au sortir de l’étude fervente des belles œuvres de l’Antiquité on s’était retrouvé en présence d’une poésie française naturelle, élégante, mais peu élevée, on avait eu conscience à cet égard de la pauvreté domestique ; on avait fait effort pour en triompher, et pour monter une lyre au ton des plus graves et des plus héroïques desseins. […] Ici j’entends des érudits de nos jours qui en parlent bien à leur aise, et qui disent (MM. de Schlegel en tête) : Cette poésie française élevée existait au moyen-âge, elle était dans les romans de chevalerie, dans ces chansons de geste qu’on exhume chaque jour, dans ces traditions vraiment modernes où il fallait l’aller chercher comme à sa source naturelle, et non chez les Grecs et les Latins.

287. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

On avait vu, à propos du Béranger des Familles, descendre des hauteurs où il se tient d’ordinaire, et se lancer dans l’arène, un esprit fin, délicat, élevé, un peu dédaigneux, une intelligence aristocratique, et qui a gardé des abords du sanctuaire et du commerce des Prophètes l’habitude du respect et une sorte de démarche religieuse jusque dans la suprême philosophie. […] Jouvin au Figaro dansdes articles de véritable critique, reprirent et poussèrent l’attaque : George Sand, dans le Siècle, sans répondre à personne en particulier, évoqua un Béranger noble, élevé, sérieux, fier, idéalisé et encore ressemblant, plusgrand que nature, une figure d’au-delà, telle qu’elle sort de la tombe à l’heure du réveil, en dépouillant toutes les petitesses humaines et les chétives misères. […] » La poésie sérieusement l’occupe : « Elle est pour moi maintenant une occupation douce, qui ne me nourrit point d’idées chimériques, mais qui n’en charme pas moins tous mes instants. » Cette poésie, comme il l’entendait, était pourtant alors à ses yeux très distincte encore de ses chansons ; il rêvait un succès par quelque poëme d’un genre élevé et régulier, tel que le lui avait conseillé Lucien Bonaparte, son protecteur, tel que la littérature impériale classique le prescrivait à tout jeune auteur qui briguait la palme.

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