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53. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

Jouffroy et Damiron, elle est merveilleuse à décrire jusque dans leurs moindres nuances les idées, les sentiments, les habitudes logiques de l’individu de nos jours, tel que le christianisme moins la foi, tel que le christianisme devenu philosophie l’a élaboré ; elle analyse avec beaucoup de sagacité le dernier produit intellectuel de la civilisation chrétienne, mais sans portée pour nous expliquer la formation antérieure de ce produit, sans puissance pour le féconder et le transformer. […] Selon les temps, cette inspiration diffère ; la voir invariablement sous certaines formes déjà produites, c’est ne pas aller au fond et en prendre une pauvre idée. […] Ce sont là des symptômes variables, des accidents nerveux qui doivent se produire beaucoup moins fréquemment aujourd’hui que la nature en est mieux connue ; car, on le sait, une des conditions principales pour que ces accidents se produisent, c’est qu’on en ignore la nature. […] Une religion n’est donc pas un simple système de visionnaire sur l’avenir ou le passé métaphysique de l’homme, sur son avenir ou son passé dans une autre vie ; le fait essentiel de toute religion est de produire un nouveau rapport plus parfait entre l’homme et ce qui l’entoure, entre l’homme et Dieu. […] La conception du révélateur est alors soumise par les disciples qui la recueillent, à un travail d’élaboration et de réalisation plus éclairé que dans les temps passés où l’instrument divin se sentait confirment sans se comprendre ; mais dans aucun cas une religion ne se fait toute seule ; un homme la conçoit et la produit ; la conception primitive ainsi produite se crée d’autres hommes qui la transforment encore et la réalisent ; les religions font les hommes et les hommes les font.

54. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre I : Sensations et idées. »

C’est de là que résultent toutes ces combinaisons dont les variétés sont innombrables : elles se produisent par l’association des idées. […] Mais comment se produit l’idée qui fait partie de la mémoire ? […] Mais la même chose se produit dans l’imagination où il y a aussi des idées liées entre elles par l’association. […] Ainsi l’idée de tout fait éveille l’idée d’un antécédent constant (qui le produit) et l’idée de conséquents constants (qu’il produit). Cette grande loi de notre nature nous montre immédiatement de quelle manière notre idée du futur est produite.

55. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre premier. Les sensations totales de l’ouïe et leurs éléments » pp. 165-188

Parfois même, une seconde opération surajoutée la place plus loin ; les sons et les couleurs, qui ne sont que des sensations, nous semblent aujourd’hui situés, non dans nos organes, mais au loin, dans l’air ou à la surface des objets extérieurs ; le lecteur verra, dans l’examen de la perception extérieure, comment l’éducation des sens produit ce recul apparent. […] Qu’on me définisse le mouvement moléculaire produit dans les glossopharyngiens et cet autre mouvement moléculaire qui, par contrecoup, se développe dans les centres nerveux lorsqu’une dissolution de sucre ou de coloquinte passe sur ma langue et dans mon arrière-bouche ; je n’en serai pas plus instruit sur la nature de la sensation du doux et de l’amer. […] La chose est bien plus visible encore si l’on compare entre elles, non plus deux sensations différentes du même sens, mais les sensations de deux sens différents, même lorsqu’elles sont produites par la même cause extérieure, par exemple le chatouillement de la peau et le son produit par les mêmes vibrations de l’air, la sensation de douleur et le cercle lumineux produit par la même compression de l’œil, les sensations de lumière éclatante, de son sifflant, de choc ou de picotement, produites par la même électricité appliquée aux différents sens. […] En outre, les mathématiques montrent que, dans les deux séries d’ondes produites par deux sons chantés à l’unisson, les condensations s’ajoutent et deviennent deux fois plus fortes ; ce qui explique pourquoi, dans les sensations de son ainsi produites, les intensités s’ajoutent et deviennent deux fois plus grandes. […] Mais, tandis que la sensation de son musical correspond à une suite de vibrations égales en longueur et en vitesse, celle du bruit correspond à une suite de vibrations inégales en vitesse et en longueur ; d’où l’on conclut que dans le premier cas les sensations élémentaires sont semblables, et dans le second dissemblables ; ce qui explique le nombre infini des sensations de bruit, et l’impossibilité de les grouper, comme celles de son musical, en une seule série ; il n’y a pas de limites aux combinaisons des dissemblables ; n’ayant pas de rapport fixe entre eux, ils ne produisent que le chaos.

56. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

Si on leur fournit l’humidité qui leur manque, bientôt la germination se produit. […] Les premiers consomment de l’oxygène ; les seconds produisent de l’oxygène. Les premiers brûlent du carbone, les seconds produisent du carbone. […] Le type de ces actions est la fermentation alcoolique produite par la levure de bière. […] Prat étudie en ce moment, serait due à un produit de la putréfaction mal connu.

57. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

Ici encore nous croyons que, si l’élément psychique de l’attention n’était que du superflu, il ne se serait pas produit. […] L’attention produit de même ce que les physiologistes appellent un effet suspensif et inhibitoire sur les centres affectés par la douleur, quand elle se porte vers un autre objet, tout comme je puis, par ma volonté, produire pendant quelques instants un effet suspensif sur ma respiration. […] Une fois les idées produites, elles peuvent servir de base à leur tour pour de nouveaux jugements et raisonnements. […] Il se produit alors dans le cerveau un courant éminemment inducteur et non une sorte d’électricité statique. […] En d’autres termes, tout changement a une cause empirique et les mêmes causes produisent les mêmes effets.

58. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

On connaît des exemples frappants de cette reconnaissance, qui se produit parfois après de longues années. […] C’est la réaction volontaire et motrice plus ou moins énergique produite par les idées ou images qui nous les fait projeter à des rangs divers. […] mais que faut-il donc ajouter pour produire la conscience ? […] Il ne suffit pas de mouvoir un kaléidoscope pour produire la conscience du mouvement et du changement, même si ses dessins reviennent à intervalles réguliers. […] Parfois enfin le sentiment de familiarité et de reconnaissance produit par une impression nouvelle vient de ce que nous avons rêvé des choses analogues.

59. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Tous ces dehors ne sont que des avenues qui se réunissent en un centre, et vous ne vous y engagez que pour arriver à ce centre ; là est l’homme véritable, j’entends le groupe de facultés et de sentiments que produit le reste. […] Il n’y a ici comme partout qu’un problème de mécanique : l’effet total est un composé déterminé tout entier par la grandeur et la direction des forces qui le produisent. […] Tout ce qui dans un de ces couples produit, altère, ou supprime le premier terme, produit, altère ou supprime le second par contre-coup. […] La question posée en ce moment est celle-ci : Étant donné une littérature, une philosophie, une société, un art, telle classe d’arts, quel est l’état moral qui la produit ? et quelles sont les conditions de race, de moment et de milieu les plus propres à produire cet état moral ?

60. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre III : Sentiments et Volonté »

Une sensation agréable ou l’idée de cette sensation, jointe à l’idée de la cause qui la produit, engendre pour cette cause de l’affection ou amour. […] Toutes les fois qu’un homme est placé dans des circonstances qui produisent ces associations, il ressent l’affection paternelle, lors même que la parenté n’existe pas. […] Des sons d’une autre nature produisent le sentiment du beau : une chute d’eau, le murmure d’un ruisseau, la clochette des troupeaux54. […] Ainsi, nous appelons prudence ce qui produit un bien ou évite un mal ; le courage est l’acte de braver le danger pour un bien prépondérant, etc. […] Se plaçant ensuite au point de vue des conséquences pratiques, il demande que l’éducation s’attache à produire des associations d’idées, telles qu’il en résulte une vertu parfaite, et que la sanction populaire attache toujours le blâme et la louange aux actes qui les méritent.

61. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre troisième. L’idée-force du moi et son influence »

Chaque sensation, on s’en souvient, s’associe et s’agrège avec sa classe, son ordre et sa variété, grâce à l’irradiation des mouvements cérébraux dans les parties similaires qui produisent des impressions similaires. […] Ce n’est pas seulement, comme on l’a dit parfois, l’association des idées qui produit le moi : c’est la permanence du même organisme, du même système cérébral, avec les affections obscures qui en résultent continuellement. […] — L’idée de la simplicité du moi, en se concevant, tend à produire une approximation de cette simplicité, une concentration progressive de toutes nos sensations et appétitions dispersées vers le dehors. […] Par cela même, chez un être sensible, la plus parfaite unité de forces vitales produit un sentiment de vie plus intense, c’est-à-dire un plaisir et, comme conséquence, une tendance croissante à la concentration des forces, un accroissement de gravitation intérieure. […] Que l’image de la dent subsiste avec celle de la douleur, le mouvement de fuite se produira et, l’identité se projetant du passé à l’avenir, l’être deviendra capable de prévision par le souvenir même.

62. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Pareillement, quand on parle de l’expérience ancestrale, on ne peut proprement désigner que l’adaptation directe de l’espèce au milieu, produite par l’habitude et par l’association des idées, non l’adaptation indirecte, produite par un accident de la période embryonnaire fixé dans la race. […] Dans toute perception et dans tout acte intellectuel, la relation de sujet à objet demeure et produit un certain mode d’unité spécifique, propre à la pensée. […] Un changement pénible se produit chez ranimai, par exemple la douleur d’un choc ; ce changement entraîne à sa suite une réaction pour écarter la peine. […] La conscience est comme une enceinte sonore où chaque son a nécessairement son écho, où jamais un son isolé ne peut se produire. […] Donc, tout changement actuel éveille l’idée d’un changement précédent, toute différence qui se produit implique pour nous une autre différence.

63. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

N’est-il pas vrai que vous vous apercevez d’une passion profonde, une fois contractée, à ce que les mêmes objets ne produisent plus sur vous la même impression ? […] Si le plaisir et la douleur se produisent chez quelques privilégiés, c’est vraisemblablement pour autoriser de leur part une résistance à la réaction automatique qui se produirait ; ou la sensation n’a pas de raison d’être, ou c’est un commencement de liberté. […] Dans le monde moral, comme dans le monde physique, l’attraction sert à expliquer le mouvement plutôt qu’à le produire. […] Mais le son resterait qualité pure, si nous n’y introduisions l’effort musculaire qui le produirait, ou la vibration qui l’explique. […] Supposons deux de ces teintes grises simultanément produites sur deux anneaux, et maintenues invariables ; nous les appellerons A et B par exemple.

64. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Samuel Bailey »

Quoique l’ensemble de ses arguments ne paraisse pas de nature à produire la conviction, il faut reconnaître qu’il a produit des faits difficiles à expliquer dans l’opinion contraire à la sienne. […] Or, c’est là une question de fait : et les exemples abondent pour montrer que, dans beaucoup de cas, les circonstances étant déterminées, nos actes peuvent être prédits ; et qu’il y a des causes régulières qui nous déterminent à vouloir, comme il y a des causes physiques qui produisent les divers faits matériels. […] Mais, après tout, peut-on objecter, quand nous prédisons ou calculons ainsi les actions volontaires de nos semblables, nous ne regardons leur production que comme vraisemblable ; il n’y a point de nécessité dans ce cas ; elles peuvent se produire ou ne pas se produire. […] Je produis en vous le désir de faire une chose, — ce qui implique naturellement que je prévois votre action : — ce n’est pas vous forcer à la faire.

65. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre quatrième. L’aperception et son influence sur la liaison des idées »

Produit-elle des associations d’idées non réductibles à l’association par contiguïté et similarité ? […] L’attention est un état spécial de l’appétition, qui produit en effet l’entrée de l’objet au point de fixation ; mais c’est l’intelligence qui distingue ensuite et sépare les détails auparavant perdus ou confondus dans la masse grâce à leur insuffisante intensité. […] Cette réaction intellectuelle est d’ailleurs produite par un intérêt quelconque que le sujet sentant et agissant prend à ses sensations, en vertu de leur rapport à son état total ; l’intérêt sensible produit une concentration de l’activité intellectuelle dans la direction de tel objet, avec conscience plus ou moins claire de la réaction du sujet sur l’objet. […] II La réaction appétitive qui produit d’abord l’attention ou réaction volontaire, puis la réaction intellectuelle ou aperception, est-elle indéterminée de sa nature, ou, comme toute réaction, est-elle en rapport nécessaire avec l’action subie ? […] En effet, il attribue à « l’acte d’aperception » le pouvoir mystérieux de produire spontanément des liaisons d’idées irréductibles aux lois de l’association par ressemblance et contiguïté.

66. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Hartley »

L’animal ne peut donc ni sentir ni se mouvoir, s’il ne se produit des vibrations dans ses nerfs, sa corde spinale et son cerveau. […] Ce n’est pas tout ; la vibration, c’est-à-dire le fait purement physiologique, en se répétant laisse dans le cerveau une tendance à se reproduire sous forme de vibrations beaucoup plus faibles que Hartley appelle des vibrationcules, et qui sont à ses yeux « des miniatures de la vibration. » Ainsi, en résumé, la vibration produit d’abord la sensation, puis la vibrationcule qui, à son tour, produit les images. […] Mais les vibrations motrices, tout comme les vibrations sensorielles, produisent par la répétition des vibrationcules, qui sont la source des mouvements « semi-volontaires » et des mouvements volontaires. […] En rapprochant, sur la foi d’une hypothèse d’ailleurs, la vibration nerveuse de la sensation, il pose les premières bases d’une explication nouvelle du rapport physique et du moral, qui consiste à tout réduire, en dernière analyse, à l’association d’un état de conscience et d’un mouvement ; nous la verrons se produire dans la deuxième période de notre Ecole.

67. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Comment le froid amour d’un scélérat pourrait-il produire quelque intérêt ? […] On répond qu’il doit être terrible ou pitoyable, c’est-à-dire, produire la terreur ou la pitié. […] On est fâché que l’amitié d’Antiochus et de Séleucus, dans Rodogune, ne produise pas plus d’effet. […] c’est qu’elle n’excite que l’admiration sans intérêt, et que ce sentiment cesse avec la surprise qui l’a produit. […] Mais quelque effet que produisent sur les sens l’appareil pompeux et la diversité des décorations, le poète doit encore plus s’attacher à produire, dans les spectateurs, l’intérêt du sentiment.

68. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

Enfin, certaines associations d’idées ne peuvent s’expliquer que par des associations intermédiaires qui se produisent sans conscience. […] Mais ce qui rend sa tâche très difficile, c’est que l’action réunie des diverses causes produit quelquefois des combinaisons où il est difficile de retrouver les éléments constitutifs. […] Au contraire, la combinaison chimique de deux substances en produit une troisième dont les propriétés sont complètement différentes de chacune des deux autres, soit séparément, soit prises ensemble. […] L’amour de l’argent est donc un sentiment secondaire produit par une association d’idées entre lui et ce qu’il donne. […] De même, la vertu est bonne primitivement parce qu’elle tend à produire le bonheur.

69. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

Les mouvements lents amènent le sommeil ; ils produisent le calme après une agitation morbide ; ils inspirent la gravité et la tristesse. […] La circulation et la respiration avec les sensations de faim, soif, suffocation qui s’y rattachent, le plaisir de respirer un air pur, le malaise produit par une atmosphère confinée influe beaucoup sur notre état. […] Bain qui le cite : « La chaîne des états de conscience de A à Z produite par le mouvement d’une jambe ou de quelque chose sur la peau, ou de l’œil le long des contours d’un objet, peut être parcourue de Z à A avec une égale facilité. […] Les sensations complexes de la vue résultent de la combinaison des effets optiques et des sensations de mouvement, produites par les muscles du globe de l’œil. […] Ce physiologiste fait remarquer que le fœtus produit des mouvements qui ne peuvent évidemment dépendre des circonstances complexes d’où ils naissent chez l’adulte ; s’il meut ses membres, c’est donc parce qu’il peut les mouvoir.

70. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre premier. L’ubiquité de la conscience et l’apparente inconscience »

Par l’énergie même du travail dont il se trouve ainsi chargé, le cerveau produit un effet inhibiteur sur les autres centres nerveux, c’est-à-dire qu’il les empêche de manifester ouvertement tout ce dont ils seraient capables. […] Elles éprouvent un bien-être ou un malaise rudimentaire, une émotion infinitésimale qui suffit à produire des impulsions infinitésimales ; et celles-ci, en s’accumulant, en s’intégrant, aboutissent à une impulsion visible comme résultante. […] Outre une certaine intensité, une certaine durée est nécessaire pour produire la sensation d’une couleur déterminée : le spectre solaire, vu instantanément, n’apparaît pas de sept couleurs, mais seulement de deux, faiblement rouge du côté gauche et bleu du côté droit. […] Et cette association est un phénomène qui se produit sans cesse dans la vie normale. […] Il peut aussi se produire des cas de corrélation défectueuse entre l’énergie du cerveau droit et celle du cerveau gauche : les deux exécutants ne s’accordent pas toujours entre eux.

71. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 2, du génie qui fait les peintres et les poëtes » pp. 14-24

J’ai supposé que le sang de celui qui compose s’échauffât ; car les peintres et les poëtes ne peuvent inventer de sang froid : on sçait bien qu’ils entrent en une espece d’entousiasme, lorsqu’ils produisent leurs idées. […] Mais la fermentation du sang la plus heureuse ne produira que des chimeres bizarres dans un cerveau composé d’organes, ou vicieux ou mal disposez, et par consequent incapables de représenter au poëte la nature, telle qu’elle paroît aux autres hommes. […] Nous avons vû de même des hommes d’esprit, qui avoient copié plusieurs fois ce que la peinture a produit de plus sublime, vieillir le pinceau et la palette à la main, sans s’élever au-dessus du rang de coloristes médiocres et de serviles dessinateurs d’après les figures d’autrui. […] Mais les hommes nez pour être de grands peintres ou de grands poëtes, ne sont point de ceux, s’il est permis de parler ainsi, qui ne sçauroient se produire que sous le bon plaisir de la fortune. […] La qualité du fruit que les graines produisent, dépend principalement de la qualité de la terre où elles sont semées.

72. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 3, de la musique organique ou instrumentale » pp. 42-53

Aristides Quintilianus, en parlant de plusieurs divisions que les anciens faisoient de la musique considerée sous differens égards, dit que le chant, que la musique par rapport à l’esprit dans lequel elle a été composée, et à l’effet qu’on a voulu lui faire produire, se peut partager en musique qui nous porte à l’affliction, en musique qui nous rend gais, et nous anime, et en musique qui nous calme en appaisant nos agitations. […] N’est-il pas évident que ces symphonies ne produisent des effets si differens, que parce qu’elles sont d’un caractere opposé. Les unes ont été composées pour être propres à produire un certain effet, et les autres pour être propres à produire un effet contraire. à la guerre, lorsqu’il faut faire marcher les troupes en avant, les instrumens ne jouent pas un air du même caractere que celui qu’ils jouent, lorsqu’il faut qu’elles se retirent. […] Puisqu’on ne sçauroit produire les symphonies des anciens, perduës par l’injure des temps, nous ne sçaurions juger du merite de ces symphonies, que sur le rapport de ceux qui les entendoient tous les jours, qui voïoient l’effet qu’elles produisoient, et qui sçavoient encore dans quel esprit elles avoient été composées.

73. (1890) L’avenir de la science « XX »

L’art grec produisait pour la patrie, pour la pensée nationale, l’art au XVIIe siècle produisait pour le roi, ce qui était aussi, en un sens, produire pour la nation. L’art, de nos jours, ne produit guère que sur la commande expresse ou supposée des individus. […] Voilà pourquoi un fabricant de romans-feuilletons peut faire une brillante fortune et arriver à ce qu’on appelle une position dans le monde, tandis qu’un savant sérieux, eût-il fait d’aussi beaux travaux que Bopp ou Lassen, ne pourrait en aucune manière vivre du produit vénal de ses œuvres.

74. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

Ce qui constitue le génie, ce n’est pas l’enthousiasme (car l’enthousiasme peut se produire dans les esprits les plus médiocres et les plus vides) ; c’est la supériorité de la raison. […] Tantôt c’est l’imagination qui s’exalte, qui a besoin de chants et de musique, et croit entendre des concerts divins : elle va même quelquefois jusqu’à produire des vers avec facilité et avec verve, ce dont elle était incapable dans l’état sain. […] Or, s’il y a quelque chose de certain, c’est l’impuissance des fous à produire rien qui vaille par imagination. […] Car, s’il n’y a qu’une différence du plus au moins entre le génie et la folie, comment n’arrive-t-il pas souvent que la folie, dans ses moments de rémittence, dans ses intervalles de lucidité, rencontre précisément le degré de vibration nécessaire pour produire de grandes choses ? […] Moreau (de Tours) produit, comme un fait acquis à l’histoire, la singulière fantaisie qu’eut, dit-on, Charles-Quint d’assister à ses propres funérailles avant sa mort, cérémonie qui lui aurait fait une telle impression qu’il en mourut pour de bon.

75. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IV. Des changements survenus dans notre manière d’apprécier et de juger notre littérature nationale » pp. 86-105

Les conceptions littéraires, pour produire le même effet qu’elles auraient produit autrefois, pour jouir de la même estime, pour exercer une influence semblable, doivent être essentiellement différentes ; et si nos chefs-d’œuvre n’étaient pas consacrés par une admiration traditionnelle, par une renommée continue, je pense que nous les apprécierions fort peu. […] Rousseau, et dont madame de Staël fut le dernier comme le plus brillant produit. […] Alors aussi, et par suite du mouvement général de l’Europe, cette Italie, si une d’esprit et de mœurs, produira un troisième siècle littéraire dont il n’est pas facile d’apercevoir encore les éléments épars. Je dis que la même langue n’a jamais eu deux siècles littéraires ; car, sans vouloir déprécier les services qu’a rendus l’école d’Alexandrie, on peut remarquer qu’elle a produit seulement une imitation servile de la littérature des anciens âges de la Grèce, lorsqu’elle ne s’est pas bornée à les expliquer et à les commenter. […] Ne faudrait-il pas même connaître la forme matérielle des théâtres anciens, les fonctions du chœur, enfin tout cet ensemble qui fut imaginé pour produire l’effet qu’il devait produire ?

76. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre III. Du récit des faits. — Antécédents et conséquents. — Causes et effets »

Rien que de minces circonstances minutieusement rapportées, en termes clairs et journaliers : et l’enchaînement de toutes ces particularités presque insignifiantes a l’énergie de la réalité et en produit l’impression. […] Dans Corneille, des faits de conscience produisent des actes, qui donnent naissance à de nouveaux faits de conscience, jusqu’à ce qu’on atteigne par ces actions et réactions successives à l’événement final Dans Racine, des faits de conscience engendrent d’autres faits de conscience, pour n’aboutir en général qu’à un seul acte physique, qui est le dénouement. […] Le roman suit dans la vie d’un homme la trace de causes multiples, extérieures ou intimes, immédiates ou lointaines, et fait voir dans les passions, les vices et les misères de l’individu les effets que doit donner, dans un certain milieu, un tempérament préparé de longue date par des ancêtres, qui furent eux-mêmes le produit fatal de la combinaison d’autres tempéraments avec d’autres milieux. […] Parce qu’elle est détestable. — La philosophie de Descartes a-t-elle produit, comme on l’a soutenu, la littérature classique ? N’est-ce point plutôt un produit parallèle de la même cause ?

77. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

En premier lieu, il faut que les sensations et sentiments dont l’art produit l’identité dans tout un groupe d’individus soient eux-mêmes de la nature la plus élevée ; en d’autres termes, il faut produire la sympathie des sensations et sentiments supérieurs. […] C’est dans la négation de l’égoïsme négation compatible avec la vie même, que l’esthétique, comme la morale, doit chercher ce qui ne périra pas3. » En second lieu, l’identité des sensations et des sentiments supérieurs, c’est-à-dire la sympathie sociale que l’art produit, doit s’étendre au groupe d’hommes le plus vaste possible. […] Il se produit, en effet, une certaine antinomie entre l’élargissement trop rapide de la sociabilité et le maintien en leur pureté de tous les instincts sociaux. […] Zola, avec Balzac, voit avec raison dans le roman une épopée sociale : « Les œuvres écrites sont des expressions sociales, pas davantage ; la Grèce héroïque écrit des épopées ; la France du dix-neuvième siècle écrit des romans. » Le roman, dit Guyau, raconte et analyse des actions dans leurs rapports avec le caractère qui les a produites et avec le milieu social ou naturel où elles se manifestent. […] Il insiste surtout sur l’évolution par laquelle la prose devient de plus en plus « poétique », non au vieux sens de ce mot, qui désignait la recherche des ornements et les fleurs du style, mais au sens vrai, qui désigne « l’effet significatif et surtout suggestif » produit, par l’entière adoption de la forme au fond, du rythme et des images à la pensée émue.

78. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VIII. La mécanique cérébrale »

Non, sans doute ; le bon mécanicien est celui qui sait décomposer la machine, en démonter tous les ressorts, en démontrer les mouvements, et qui nous fait comprendre comment ces mouvements sont appropriés au genre d’action qu’elle doit produire. […] Supposons qu’une nouvelle impression se produise, la cellule est de nouveau excitée et modifiée ; mais cette modification portant sur une chose déjà modifiée, ne sera pas exactement la même qu’elle eût été si la cellule était absolument vierge. […] Par exemple, un éclair ou un coup de tonnerre produira en moi un ébranlement très-vif qui, je l’accorde, ne cessera pas tout d’un coup, et je puis passer très-rapidement et à mon insu par des alternatives de bruit et de silence, de lumière et de nuit, avant de m’arrêter au silence complet et à la nuit complète ; mais il n’y a rien là qui m’oblige à repasser par une série de phénomènes antérieurs. […] Non-seulement nous ne comprenons pas et nous ne comprendrons jamais comment des traces quelconques imprimées dans notre cervelle peuvent être perçues de notre esprit ou y produire des images, mais, quelque délicates que soient nos recherches, ces traces ne se montrent en aucune façon à nos yeux, et nous ignorons entièrement quelle est leur nature. » Le savant et profond physiologiste allemand Müller s’exprime en termes non moins significatifs. « Il est bien vrai, dit-il, que les changements organiques du cerveau font quelquefois disparaître la mémoire des faits qui se rapportent à certaines périodes ou à certaines classes de mots, tels que les substantifs, les adjectifs ; mais cette perte ne pourrait être expliquée au point de vue matériel qu’en admettant que les impressions se fixent d’une manière successive dans des portions stratifiées du cerveau, ce à quoi il n’est pas permis de s’arrêter un seul instant… La faculté de conserver ou de reproduire les images ou les idées des objets qui ont frappé les sens ne permet pas d’admettre que les séries d’idées soient fixées dans telles ou telles parties du cerveau, par exemple, dans les corpuscules ganglionnaires de la substance grise, car les idées accumulées dans l’âme s’unissent entre elles de manières très-variées, telles que les relations de succession, de simultanéité, d’analogie, de dissemblance, et ces relations varient à chaque instant. » Müller ajoute : « D’ailleurs, si l’on voulait attribuer la perception et la pensée aux corpuscules ganglionnaires et considérer le travail de l’esprit, — quand il s’élève des notions particulières aux notions générales, ou redescend de celles-ci à celle-là, — comme l’effet d’une exaltation de la partie périphérique des corpuscules ganglionnaires relativement à celle de leurs parties centrales ou de leur noyau relativement à leur périphérie, si l’on prétendait que la réunion des conceptions en une pensée ou en un jugement qui exige à la fois l’idée de l’objet, celle des attributs et celle de la copule, dépend du conflit de ces corpuscules et d’une action des prolongements qui les unissent ensemble ; si l’on prétendait que l’association des idées dépend de l’action soit simultanée, soit successive, de ces corpuscules, — on ne ferait que se perdre au milieu d’hypothèses vagues et dépourvues de tout fondement72. » De tout ce qui précède, je ne crois pas qu’il soit bien téméraire de conclure que nous ne savons rien, absolument rien, des opérations du cerveau, rien des phénomènes dont il est le théâtre lorsque la pensée se produit dans l’esprit.

79. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

Il suit de là que la condition immédiate de la sensation se trouve dans les centres nerveux ; il s’y produit un mouvement moléculaire inconnu sans lequel la sensation ne peut naître et qui suffit à la faire naître. […] Une action se produit dans les centres sensitifs proprement dits, protubérance ou tubercules quadrijumeaux ; elle y éveille la sensation primaire ou brute. […] Mais le même élément cortical ne peut pas être à la fois dans deux états différents, ni partant produire à la fois deux actions différentes. […] Ce mouvement se produit dans le filament central du nerf, appelé cylindre d’axe. […] Si je fais du bruit auprès de la première, parfois elle se retourne pour regarder d’où vient le bruit, parfois elle s’enfuit plus loin; chez la deuxième, il se produit un léger soubresaut, mais elle ne bouge pas.

80. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Mais, en Italie, cette subdivision n’a point produit son effet naturel ; le despotisme des prêtres, pesant sur toutes les parties du pays, a détruit la plupart des heureux résultats que doit avoir le gouvernement fédéral, ou la séparation et l’existence des petits états. […] Les souvenirs d’une grandeur passée, sans aucun sentiment de grandeur présente, produisent le gigantesque. […] Il écrit comme pour lui seul ; l’effet qu’il doit produire ne l’a jamais occupé. […] Cependant, en examinant le sens de ces paroles, on n’y trouve rien de sublime : c’est comme grand musicien que le Tasse vous fait trembler dans cette strophe ; et les beaux airs de Iomelli produiraient sur vous un effet à peu près semblable. […] L’émulation philosophique peut se communiquer des pays étrangers en Italie, et produire quelques écrits supérieurs ; mais la nature des gouvernements et des préjugés qui les dirigent, s’oppose à ce que cette émulation soit nationale ; elle ne peut avoir son mobile dans les institutions du pays.

81. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VII : Théorie de la raison par M. Cousin »

Cousin appelle raison la faculté ou pouvoir qu’a l’esprit de produire les axiomes et les idées des objets infinis. […] Universellement et nécessairement, le quatrième nombre inconnu égale le produit du deuxième par le troisième, divisé par le premier. […] Il suffira donc, pour produire un axiome, d’employer l’expérience et l’abstraction. […] Récapitulez, et vous trouverez que les seules facultés qui l’ont produit sont l’expérience et l’abstraction. […] Ici encore l’abstraction forme une idée générale, en tire une loi générale, et par cette loi produit en nous l’idée d’un infini.

82. (1757) Réflexions sur le goût

Il en est de frappantes et de sublimes, qui saisissent également tous les esprits, que la nature produit sans effort dans tous les siècles et chez tous les peuples, et dont par conséquent tous les esprits, tous les siècles et tous les peuples sont juges. […] Les beautés de cette espèce ne sont que du second ordre, car ce qui est grand est préférable à ce qui n’est que fin ; elles sont néanmoins celles qui demandent le plus de sagacité pour être produites, et de délicatesse pour être senties ; aussi sont-elles plus fréquentes parmi les nations chez lesquelles les agréments de la société ont perfectionné l’art de vivre et de jouir. […] Quelque harmonieuse que soit sa prose, l’harmonie poétique était sans charmes pour lui, soit qu’en effet la sensibilité de son oreille fut bornée à l’harmonie de la prose, soit qu’un talent naturel lui fit produire de la prose harmonieuse sans qu’il s’en aperçût, comme son imagination le servait sans qu’il s’en doutât, ou comme un instrument rend des accords sans le savoir. […] Le plaisir que nous fait éprouver un ouvrage de l’art, vient ou peut venir de plusieurs sources différentes ; l’analyse philosophique consiste donc à savoir les distinguer et les séparer toutes, afin de rapporter à chacune ce qui lui appartient, et de ne pas attribuer notre plaisir à une cause qui ne l’ait point produit. […] Le philosophe sait que dans le moment de la production le génie ne veut aucune contrainte ; qu’il aime à courir sans frein et sans règle, à produire le monstrueux à côté du sublime, à rouler impétueusement l’or et le limon tout ensemble.

83. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Quand il a produit son œuvre, il demande au public : Est-ce bien ou mal ? […] Or, véritablement, les actes que nous faisons pour modifier la vie du monde extérieur doivent avoir un caractère tout autre que les actes qui se produisent dans notre propre vie. […] Il n’a donc pas d’autre moyen de réaliser le produit de sa vie intérieure que de l’incarner dans ce qui existe déjà. […] Quel sera mon criterium pour juger un produit de l’art, un tableau, une statue, un poèmed ? […] C’est l’Amérique, c’est l’Écosse qui ont produit Cooper et Walter Scott.

84. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Mais la pensée du déterminisme physique, telle qu’elle se produit de notre temps, est loin d’offrir la même clarté, la même rigueur géométrique. […] Mais aussi, au moment où l’acte va s’accomplir, il n’est pas rare qu’une révolte se produise. […] Pour le physicien, la même cause produit toujours le même effet ; pour un psychologue qui ne se laisse point égarer par d’apparentes analogies, une cause interne profonde donne son effet une fois, et ne le produira jamais plus. […] Mais les choses, considérées en dehors de notre perception, ne nous paraissent pas durer ; et plus nous approfondissons cette idée, plus il nous semble absurde de supposer que la même cause ne produise pas aujourd’hui le même effet qu’elle produisait hier. […] Or l’acte libre se produit dans le temps qui s’écoule, et non pas dans le temps écoulé.

85. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 8-23

Car l’âge où Racine produisit Athalie, répond précisément à l’âge où Corneille produisit Œdipe ; & par conséquent la vigueur d’esprit subsistoit encore toute entiere dans Racine, quand l’activité du génie commençoit à decliner dans Corneille. […] Evremont, en relevant les fautes qui lui étoient échappées dans la Thébaïde & dans Alexandre, contribua encore aux vraies beautés qu’il produisit dans la suite. […] C’est ainsi que les vrais Grands Hommes ont la gloire de se former des successeurs, au lieu que tant de louanges prodiguées si mal à propos aux jeunes gens qui commencent, & dont on veut se faire des Panégyristes, ne sont propres qu’à produire des hommes vains & médiocres. […] Ces deux Poëtes étoient contemporains, comme Corneille & Racine l’ont été parmi nous ; mais Sophocle avoit fait représenter le plus grand nombre de ses Pieces, avant qu’Euripide se produisît sur la Scene.

86. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre II. Principale cause de la misère : l’impôt. »

C’est seulement après l’avoir remboursée qu’on peut toucher au reste, qui est le bénéfice véritable, le produit net. Or, dans l’état où est l’agriculture, le décimateur et le roi prennent la moitié de ce produit net si la terre est grande, et ils le prennent tout entier si la terre est petite657. […] Il y a telle élection, celle de Tulle, où il prélève 56 1/2 pour 100 du produit ; il n’en reste à l’autre que 43 1/2 ; par suite « une multitude de domaines y sont abandonnés »  Et ne croyez pas qu’avec le temps la charge devienne moins pesante, ou que dans les autres provinces le cultivateur soit mieux traité. […] Archives nationales, H, 1312 (Lettres de M. d’Antheman, avocat général à la Cour des Comptes d’Aix (19 mai 1783) et de l’archevêque d’Aix (15 juin 1783). — La Provence ne produisait de blé que pour sa consommation pendant sept mois et demi. […] La moyenne est, à mon avis, du quatorzième, et, comme il faut défalquer moitié du produit brut pour les frais de culture, elle est du septième.

87. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Voltaire n’a pu produire en ce genre aucun effet théâtral, quelque piquante que soit la tournure habituelle de son esprit. […] Ce ne sont pas des maximes de morale, c’est le développement des caractères et la combinaison des événements naturels qui produisent un semblable effet au théâtre ; et c’est en prenant cette opinion pour guide, qu’on pourrait juger quelles sont les pièces étrangères dont nous pouvons nous enrichir. […] La mesure, l’harmonie, la rime, interdisent des expressions qui, dans telle situation donnée, pourraient produire un grand effet. […] Ces formes poétiques, empruntées du paganisme, ne sont pour nous que l’imitation de l’imitation ; c’est peindre la nature à travers l’effet qu’elle a produit sur d’autres hommes. […] De nos jours, l’imagination doit être aussi détrompée de l’espérance que la raison : c’est ainsi que cette imagination philosophe peut encore produire de grands effets.

88. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

Le but dernier de l’art est de produire la sympathie pour des êtres vivants. — A quelles conditions un être est-il sympathique. […] Si l’art était ramené à ce seul but, produire des sensations agréables, son domaine serait relativement limité et ses lois beaucoup plus fixes. […] Eh bien, je me demande si un livre, indépendamment de ce qu’il dit, — des matières qu’il traite, — ne peut pas produire le même effet. […] Toutes les règles concernant ce nouvel objet de l’art aboutissent à déterminer dans quelles conditions se produit l’émotion sympathique ou antipathique. […] Pourtant, ce qui ne serait qu’individuel et n’exprimerait rien de typique ne saurait produire un intérêt durable.

89. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre III : Théorie psychologique de la matière et de l’esprit. »

Les associations produites par la contiguïté deviennent plus certaines et plus rapides par la répétition ; et ainsi se produit l’association inséparable ou indissoluble. […] Ces postulats posés, « la théorie psychologique maintient qu’il y a des associations naturellement et même nécessairement produites par l’ordre de nos sensations et de nos réminiscences de sensations, lesquelles, en supposant qu’il n’existât dans la conscience aucune intuition d’un monde extérieur, en produiraient inévitablement la croyance et le feraient regarder comme une intuition. » Et d’abord, que voulons-nous dire par ces mots : un monde extérieur, une substance externe ? […] « Qu’il y ait quelque chose de réel dans ce lien, dit-il en concluant, réel comme les sensations elles-mêmes, et que ce ne soit pas un simple produit des lois de la pensée, sans rien qui y corresponde, c’est ce que je tiens pour indubitable. […] L’habitude est le principe qui a produit cette correspondance125. » Ce même philosophe a dit quelque part que « la physique, dans sa plus haute perfection, ne fait que reculer un peu notre ignorance. » Ne pourrait-on pas dire qu’une pareille métaphysique ne fait que la redoubler ?

90. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme et l’Enfant » pp. 11-26

Selon lui, produire, — et nous dirons plus tard comment il entend la production, du moins pour notre pays, — produire encore, produire toujours, voilà la fin de la misère. […] Dans le mouvement d’idées qui s’est produit depuis quelque temps, cette grande question a été posée, au milieu des économistes ébahis. […] L’homme est le produit de sa force. […] Modifier ingénieusement le cadre dans lequel on pose aujourd’hui la question de la misère, la traiter au point de vue du double intérêt de l’enfant et de la femme, ne change rien à la solution connue et au mot d’ordre de l’école : produire dans l’ordre matériel.

91. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Elle peut bien nous dire comment les causes produisent leurs effets, non quelles fins doivent être poursuivies. […] Seulement elle n’est pas seule a produire ce résultat. […] Il y a surtout un ordre de variations dont il importe de tenir compte parce qu’elles se produisent régulièrement dans toutes les espèces, ce sont celles qui tiennent à l’âge. […] C’est ce que les anciens philosophes exprimaient en disant qu’elle ne dérive pas de la nature des choses, qu’elle est le produit d’une sorte de contingence immanente aux organismes. […] Pour les socialistes, c’est l’organisation capitaliste, malgré sa généralité, qui constitue une déviation de l’état normal, produite par la violence et l’artifice.

92. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

Pour bien comprendre cette tendance, il faut songer que dans ces cerveaux affaiblis, où les réactions sont lentes à se produire, une image forte se fixe aisément et devient facilement obsédante. […] L’essentiel, c’est qu’une société produise des génies ; ils pourront paraître décadents sur certains points, ils seront des rénovateurs sur d’autres. […] Cet état dure jusqu’à ce que la bonne et saine vie, prenant le dessus, réagisse contre les influences stérilisantes ; de vrais poètes se produisent, entraînant avec eux toute leur génération. […] La vieillesse a pour trait saillant, au point de vue biologique, le déclin de l’activité vitale produit par le ralentissement des échanges et de la circulation. […] Un Silius Italicus, un Stace, un Fronton sont de véritables impuissants, s’évertuant pour ne rien produire, incapables d’aucune invention, d’aucune création personnelle.

93. (1886) De la littérature comparée

Ainsi comprise, la critique a produit, en France surtout, toute une littérature, dans laquelle des écrivains plus ou moins remarquables ont pu faire briller leur talent : Théophile Gautier et de M. de Banville l’ont quelquefois prise pour prétexte à leur éblouissante fantaisie ; M.  […] Et l’œuvre littéraire ou l’œuvre d’art cessa d’apparaître comme le produit spontané d’un homme de génie, renfermant en soi toutes ses causes, mesurable avec une règle commune. […] Taine peut dire : « La question posée en ce moment est celle-ci : étant donné une littérature, une philosophie, une société, un art, telle classe d’arts, quel est l’état moral qui le produit ? et quelles sont les conditions de race, de moment et de milieu les plus propres à produire cet état moral ? […] Ce mouvement, créé par la patience des humanistes, quoiqu’il vînt du dehors et ne fût point un produit spontané, naturel de la société moderne, devait durer trois siècles, produire un nombre énorme de chefs-d’œuvre, et finir par s’épuiser en stériles imitations.

94. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 301-304

Ils ont beau dire, que le choc des Esprits produit la lumiere, il est certaines matieres sur lesquelles le choc des Esprits produit l’embrasement. […] L’intolérance, à cet égard, peut-elle jamais produire la millieme partie des maux qu’une indulgence funeste entraîneroit à sa suite ?

95. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

Le talent d’écrire est une propriété ; un livre est un produit, qu’on peut acheter et vendre. […] L’intelligence n’est point une machine ; elle n’est pas faite pour produire sans relâche : ses œuvres se pèsent et ne se mesurent pas. […] C’est un pur rayon de miel ; mais que de fleurs de toute espèce employées pour le produire ! […] Il leur demande non d’être justes, mais d’être frappantes ; non d’exprimer une vérité, mais de produire une belle page. […] Il attendrait, pour produire, ce que Buffon appelle « le point de maturité de la pensée ».

96. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

Débarrassée de toute contrainte, et bravant quelquefois les règles mêmes, la nature produit alors ses plus grands miracles ; on éprouve alors la vérité de ce passage de Quintilien : C’est l’âme seule qui nous rend éloquents, et les ignorants même, quand une violente passion les agite, ne cherchent point ce qu’ils ont à dire. […] L’éloquence, on ne saurait trop le redire, n’est jamais que dans le sujet ; et le caractère du sujet, ou plutôt du sentiment qu’il produit, passe de lui-même au discours. […] On ne saurait croire, et je ne crains point là-dessus d’être démenti par les bons juges, combien un mot plus ou moins long à la fin d’une phrase, une chute masculine ou féminine, et quelquefois une syllabe de plus ou de moins dans le corps de la phrase, produisent de différence dans l’harmonie. […] L’habitude et l’usage d’écrire en vers produit souvent dans la prose cette empreinte d’affectation et de travail que l’orateur doit avoir tant de soin d’éviter. […] Ces missionnaires semblent du moins pénétrés de ce qu’ils annoncent ; et leur élocution brusque et grossière produit son effet sur l’espèce d’hommes à qui elle est destinée4.

97. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1826 »

Il ne faut pas croire pourtant que cette liberté doive produire le désordre ; bien au contraire. […] Les gouttes d’eau suivent leur pente et font des fleuves, qui feront des mers ; les semences choisissent leur terrain et produisent une forêt. Chaque plante, chaque arbuste, chaque arbre naît dans sa saison, croît en son lieu, produit son fruit, meurt à son temps. […] Les pédantesques enseignements, les préjugés scholastiques, la contagion de la routine, la manie d’imitation, produisent le même effet.

98. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

A cette étude des rapports, voulez-vous voir un autre exemple des effets que produit la misère ? […]Produis vite et beaucoup, ordonne le Métier. […] Dans le roman, il s’est produit une profusion d’œuvres malsaines, flattant les appétits les plus grossiers, parce que la gaillardise était une denrée fort demandée sur le marché. […] Pourquoi, dans la répartition des biens de la terre, une part si petite à ceux qui les produisent, une part si grosse aux autres ? […] L’auteur apporte son travail ; l’éditeur fournit le capital pour la publication de l’ouvrage ; et le produit de la vente est partagé entre eux, bien souvent de façon fort inégale.

99. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

Il n’y a pas besoin pour cela d’être préalablement en possession de la forme pure du temps ; au contraire, c’est par la succession du besoin satisfait, du besoin contrarié, puis satisfait, etc., que la perspective du temps se produit dans la conscience. […] Combinaison des deux états de conscience, en vertu de leur simultanéité dans la cœnesthésie et des courants simultanés qu’ils produisent dans le cerveau. […] Joint à tous les autres éléments que nous avons déjà indiqués, ce phénomène de mécanique et de logique tout ensemble contribuera à produire l’alignement des images sur une ligne idéale, qui est celle de la succession. […] De nouveaux genres d’adaptation se produisent : adaptation à l’avenir, adaptation au passé. […] Cette notion du temps est un produit raffiné de la réflexion humaine, comme les notions de l’infini, de l’immensité, de la causalité universelle, etc.

100. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VIII. La crise actuelle de la Physique mathématique. »

Tous les phénomènes qui se produiront en A par exemple seront en retard, mais tous le seront également, et l’observateur ne s’en apercevra pas puisque sa montre retarde ; ainsi, comme le veut le principe de relativité, il n’aura aucun moyen de savoir s’il est en repos ou en mouvement absolu. […] Les mouvements de ces électrons produisent des perturbations dans l’éther avoisinant ; ces perturbations se propagent dans tous les sens avec la vitesse de la lumière, et à leur tour d’autres électrons, primitivement en repos, se trouvent ébranlés quand la perturbation atteint les parties de l’éther qui les touchent. […] Il envoie de l’énergie dans tous les sens ; mais nous pouvons le munir d’un miroir parabolique, comme l’a fait Hertz avec ses plus petits excitateurs, afin de renvoyer toute l’énergie produite dans une seule direction. […] Quelle est la force qui doit produire ce recul ? […] La transformation du radium produirait alors un million de fois plus de chaleur que toutes les transformations connues ; le radium s’épuiserait en 1250 ans ; c’est bien court, mais vous voyez que nous sommes du moins certain d’être fixés sur ce point d’ici quelques centaines d’années.

101. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Conclusion »

Si j’ouvre Carpenter279 je vois qu’il parle à beaucoup d’égards, comme Herbert Spencer ou Bain : « L’objet de la psychologie, c’est de rassembler sous une forme systématique les phénomènes qui se produisent naturellement dans les esprits pensants, de les classer et de les comparer, de façon à en déduire les lois générales suivant lesquels ils se produisent et leurs causes assignables. » Il compare la querelle des spiritualistes et des matérialistes aux deux chevaliers qui se battaient pour la couleur d’un écu qu’aucun deux n’avait jamais pu voir ; et il ajoute : « L’esprit a été étudié par les métaphysiciens, sans s’occuper en rien de ses instruments matériels ; tandis que le cerveau a été disséqué par les anatomistes et analysé par les chimistes, comme s’ils espéraient dessiner le cours de la pensée, peser ou mesurer l’intensité des émotions ». […] On ignore généralement en France que depuis environ quinze ans, il s’est produit en Allemagne des travaux remarquables sur la psychologie, considérée als Naturwissenschaft285. […] L’association produit soit des successions, soit des simultanéités. […] La perception est un produit qui diffère de ses deux facteurs (sujet. objet), comme l’eau diffère de l’oxygène et de l’hydrogène. […] D’ailleurs si ces idées sont primitives et toutes faites dans l’intelligence, pourquoi se produisent-elles si tard, au lieu d’être les premières dans l’ordre chronologique ?

102. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 9, des obstacles qui retardent le progrès des jeunes artisans » pp. 93-109

Nous ne sçaurions faire rien de bien, dit Du Fresnoi, dans son poëme de la peinture, si notre main n’est pas capable de mettre sur la toile les beautez que notre esprit produit. […] Tout le monde sera de mon avis, quand j’avancerai que Moliere n’auroit jamais pris la peine necessaire pour se rendre capable de produire les femmes sçavantes, ni celle de composer ensuite cette comédie, après s’être rendu capable de le faire, s’il se fût trouvé un homme de condition, en possession de cent mille livres de rente dès l’âge de vingt ans. […] Virgile encouragé par l’attention qu’Auguste donnoit à ses vers : Virgile excité par l’émulation a produit l’éneïde : il a emploïé une infinité de veilles à composer un poëme de longue haleine, qui malgré le goût que son génie devoit lui donner pour ce travail, doit l’avoir fatigué souvent jusques à la lassitude. […] L’ame livrée toute entiere aux idées qui s’excitent dans l’imagination échauffée, ne sent pas les efforts qu’elle fait pour les produire : elle ne s’apperçoit de sa peine que par cette lassitude et par cet épuisement qui suivent la composition. Ceux qui composent des vers sans être poëtes, sont contens de ce qu’ils ont produit, plûtôt dans un délire que dans un véritable enthousiasme.

103. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Auguste Nicolas »

Le mal tient à des causes trop nombreuses, trop invétérées, pour qu’un mieux se produise si vite, en supposant toutefois qu’il puisse se produire. […] La philosophie a cette honte, bien méritée du reste, que personne ne l’invoque plus et que les professeurs qui la professaient hier encore, au lieu de créer et d’organiser des systèmes, c’est-à-dire de nous donner, après tout, la chose philosophique, le véritable produit philosophique, en sont descendus à ne plus professer que l’histoire et même les historiettes de la philosophie. […] Il a beaucoup produit, et son dernier enfant, c’est précisément le socialisme de nos jours, contre lequel il s’insurge par pusillanimité de logique et méconnaissance de vieillard aveugle.

104. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

Sa voix, sans doute, n’a pas la puissance souhaitable, mais il n’en arrive pas moins à produire des impressions saisissantes : le monologue du premier acte, le chant du Printemps, l’arrachement de l’épée ont remué tout le public. […] Or, il faut savoir ce qu’on entend généralement par un « artiste » : c’est un être créé uniquement pour produire et non pour penser ; quand il a le malheur de réfléchir avant d’agir, il lui arrive ce qui est arrivé, d’après M.  […] Si l’on admet donc que Wagner est un penseur en même temps qu’un artiste, il faut, avant d’étudier une de ses œuvres, rechercher la genèse des idées qui l’ont amené à la produire. […] Comment se produit cette illusion sur la distance ? […] Néanmoins, de partout l’effet est produit.

105. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Charles Baudelaire. Les Fleurs du mal. »

On sait l’impression qu’elles produisirent alors. […] Et elles n’en feront pas, non seulement parce que nous sommes les Mithridates des affreuses drogues que nous avons avalées depuis vingt-cinq ans, mais aussi par une raison beaucoup plus sûre, tirée de l’accent, — de la profondeur d’accent d’un livre qui, selon nous, doit produire l’effet absolument contraire à celui que l’on affecte de redouter. […] Or, la torture que doit produire un tel poison sauve des dangers de son ivresse. […] Son livre actuel est un drame anonyme dont il est l’auteur universel, et voilà pourquoi il ne chicane ni avec l’horreur, ni avec le dégoût, ni avec rien de ce que peut produire de hideux la nature humaine corrompue. […] La littérature satanique, qui date d’assez loin déjà, mais qui avait un côté romanesque et faux, n’a produit que des contes pour faire frémir ou des bégaiements d’enfançon, en comparaison de ces réalités effrayantes et de ces poésies nettement articulées où l’érudition du mal en toutes choses se mêle à la science du mot et du rythme.

106. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Il n’existe pas de race ayant ces caractères de pureté et d’homogénéité, ou du moins il n’en existe pas qui soit devenue une nation, qui ait fondé un Etat civilisé, produit un art et une littérature. […] Mais ces mêmes milieux et ces mêmes époques n’ont-ils pas produit Rembrandt en Hollande, Pascal et Saint-Simon à Paris ? […] Car une même cause ne peut produire des effets opposés. […] Il faut s’adresser non plus à l’artiste, mais à son produit, considérer non plus son entourage, mais les admirateurs de ses œuvres. […] En d’autres termes, la série des œuvres populaires d’un groupe donné, écrit l’histoire intellectuelle de ce groupe, une littérature exprime une nation, non parce que celle-ci l’a produite, mais parce que celle-ci l’a adoptée et admirée, s’y est complue et reconnue.

107. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

C’est un concours de circonstances parfois très complexes qui détermine jusqu’à quel point la sélection naturelle se saisira des variations survenues par hasard pour les accumuler, les conserver et produire ainsi une somme plus ou moins considérable de modifications définitives dans l’espèce variable. […] Et comme les nouvelles espèces ainsi formées héritent des qualités qui ont assuré la domination à leurs souches mères, et que de plus elles ont déjà remporté quelque avantage sur leurs parents ou sur les autres espèces, elles peuvent à leur tour s’étendre, varier et produire des espèces nouvelles. […] Une forme très ancienne peut, de temps à autre, durer beaucoup plus longtemps qu’une forme produite autre part plus récemment, surtout dans le cas d’espèces terrestres habitant des districts séparés. […] Nul ne saurait prétendre non plus que ce soit en vertu d’une loi immuable que l’Australie a produit principalement et exclusivement des Marsupiaux, ou que l’Amérique de Sud a seule produit des Édentés et quelques autres types qui lui sont propres ; car nous savons qu’anciennement l’Europe a été peuplée de nombreux Marsupiaux, et j’ai déjà montré dans d’autres ouvrages que la distribution des mammifères terrestres a été très différente de ce qu’elle est aujourd’hui. […] Et, d’autre part, toutes les lois principales de la paléontologie proclament hautement, à ce qu’il me semble, que les espèces se sont produites successivement par une génération régulière, et que les formes anciennes ont été supplantées par des formes vivantes nouvelles et plus parfaites, produites en vertu des lois de variations, qui continuent d’agir journellement autour de nous, et conservées par sélection naturelle.

108. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

Tous les païs sont-ils propres à produire de grands poëtes et de grands peintres ? N’est-il point des siecles stériles dans les païs capables d’en produire ? […] Cependant cinquante années de soin et de dépenses ont à peine produit trois ou quatre peintres, dont les ouvrages soient bien marquez au coin de l’immortalité. […] Elle n’a pas voulu produire dans son siecle la quantité d’habiles peintres qu’elle produisit d’elle-même dans le siecle de Leon X. […] Combien ce siecle fecond en génies a-t-il produit de grands magistrats ?

109. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

Un maître écrivain tel que Tolstoï ne pouvait produire une chose absolument banale. […] L’artiste produit de la musique, de la peinture, des vers, de la prose, absolument comme la plante produit la fleur et son fruit, par une nécessité organique. […] Et ainsi les écoles peuvent bien enseigner ce qui est nécessaire pour produire quelque chose d’analogue à l’art, mais jamais ce qui est nécessaire pour produire l’art lui-même. […] Dans ce sens, on peut dire que l’art musical est un produit tardif de chaque civilisation. […] Elle n’est pas une suivante, elle n’est pas le produit tardif d’une culture : il faudrait dire plutôt qu’elle est un produit anticipé d’une civilisation future.

110. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

Économisez vos idées, et faites votre récit, votre peinture, votre preuve avec le strict nécessaire : soyez sûr que si tout l’effet cherché, l’effet le plus grand que le sujet comporte, est produit par un certain nombre de détails, en ajouter encore n’augmentera pas, mais diminuera l’effet. […] Enfin il faut prendre garde que l’esprit, dans l’activité de l’invention, ne se rend pas toujours un compte exact de ce qu’il crée : il produit plus de formes que d’idées, et ne s’aperçoit pas que des images, des tours qui lui plaisent ne sont en somme que les enveloppes différentes de la même chose. […] Ce sera ce qu’on peut appeler la loi d’économie : on mettra chaque idée là où elle devra prendre le plus de force et produire le plus d’effet, là aussi où elle pourra le mieux s’acquitter de toutes les fonctions qui lui appartiennent, de façon qu’il n’y ait pas besoin de la rappeler dans le cours de l’ouvrage. Étudiez l’agencement des scènes et la distribution du dialogue dans les tragédies de Corneille et de Racine : vous verrez ce que peut produire cette habile économie. […] Ce n’est pas qu’il n’y ait des répétitions qu’on n’a pas le droit de blâmer : mais pour être tolérables, il faut qu’elles soient indispensables ; et cette nécessité ne doit pas être le produit de la maladresse, qui ne peut sortir autrement d’embarras, elle doit venir du fond des choses et de la constitution naturelle du sujet.

111. (1861) La Fontaine et ses fables « Conclusion »

Il a fallu la finesse, la sobriété, la gaieté, la malice gauloise, l’élégance, l’art et l’éducation du dix-septième siècle pour produire un La Fontaine. Il a fallu la vue intérieure des caractères, la précision, l’énergie, la tristesse anglaise, la fougue, l’imagination, le paganisme de la Renaissance pour produire un Shakspeare. Il a fallu la profondeur, la philosophie, la science, l’universalité, la critique, le panthéisme de l’Allemagne et du dix-neuvième siècle pour produire un Goethe.

112. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

Nous la situons à tort à la circonférence de notre appareil nerveux, elle est au centre ; ce qui se produit dans le pied, ce n’est pas elle, mais le commencement de l’ébranlement nerveux dont elle est la fin. […] Peu importe ; le jugement se produit aussi bien dans le second cas que dans le premier ; la sensation, à elle seule, suffit pour le provoquer, et, par ce jugement, elle acquiert une situation apparente. […] Dans ce cas, deux sensations se produisent à la fois, l’une qui nous semble située au bout de nos doigts, l’autre au bout du bâton. […] Peu importe que cette excitation soit produite par un jet de rayons lumineux, ou autrement. […] Or cette convergence plus ou moins grande est produite par la contraction plus ou moins grande des muscles moteurs de l’œil.

113. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre II. Des tragédies grecques » pp. 95-112

La religion des Grecs était singulièrement théâtrale ; on raconte qu’une tragédie d’Eschyle, les Euménides, produisit une fois une impression si prodigieuse, que les femmes enceintes ne purent en supporter le spectacle ; les terreurs de l’enfer, la puissance de la superstition, bien plus que la beauté de la pièce, agissaient ainsi sur les âmes. […] L’image de la mort produisait un effet moins sombre sur les Grecs que sur les modernes. […] Les tragiques grecs, fondant la plupart de leurs pièces sur l’action continuelle de la volonté des dieux, étaient dispensés d’un certain genre de vraisemblance, qui est la gradation des événements naturels ; ils produisaient de grands effets, sans les avoir amenés par des nuances progressives ; l’esprit étant toujours préparé à la crainte par la religion, à l’extraordinaire par la foi, les Grecs n’étaient point astreints aux plus grandes difficultés, de l’art dramatique ; ils ne dessinaient point les caractères avec cette vérité philosophique exigée dans les temps modernes. […] Les seuls noms d’Ajax, d’Achille, d’Agamemnon, produisaient d’abord une émotion de souvenir. […] Enfin, il existe dans la nature morale, comme dans la lumière du soleil, un certain nombre de rayons qui produisent des couleurs tranchantes ou distinctes : vous variez ces couleurs par leur mélange, mais vous n’en pouvez créer une entièrement nouvelle.

114. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 45, de la musique proprement dite » pp. 444-463

En second lieu, il y a plusieurs bruits dans la nature capables de produire un grand effet sur nous, quand on nous les fait entendre à propos dans les scénes d’une piece dramatique. […] Peut-être que les bruits de guerre de Thesée, les sourdines d’Armide, et plusieurs autres symphonies du même auteur auroient produit de ces effets qui nous paroissoient fabuleux dans le récit des auteurs anciens, si l’on les avoit fait entendre à des hommes d’un naturel aussi vif que des atheniens, et cela dans des spectacles où ils eussent été émus déja par l’action d’une tragédie. Nous-mêmes ne sentons-nous pas que ces airs font sur nous l’impression que le musicien a eu l’intention de leur faire produire ? […] Il est vrai-semblable qu’elle puisse produire l’effet pour lequel la poësie du musicien la destine. […] La symphonie par laquelle Monsieur Des Touches fait préceder l’oracle que rendent les chênes de Dodone produit un effet semblable.

115. (1889) La critique scientifique. Revue philosophique pp. 83-89

« L’esthopsychologie, nous dit-il (p. 21), n’a pas pour but de fixer le mérite des œuvres d’art et des moyens généraux par lesquels elles sont produites ; c’est la tâche de l’esthétique pure et de la critique littéraire. […] L’analyse esthétique, par laquelle il convient de commencer, portera sur les moyens employés et les émotions produites. […] Lui pourtant, qui accepte avec Spencer, contre Guyau, la théorie de l’art fin en soi, désintéressé, il sent bien que l’art doit avoir sa marque propre, que l’émotion esthétique se distingue en quelque chose des émotions ordinaires, et il recourt, pour se tirer d’embarras, à une hypothèse ingénieuse : « Nous croyons, écrit-il (p. 36), qu’il faudra à l’avenir distinguer dans l’émotion ordinaire (non plus esthétique) : d’une part, l’excitation, l’exaltation neutre qui la constitue, qui est son caractère propre et constant ; de l’autre, un phénomène cérébral additionnel, qui est l’éveil d’un certain nombre d’images de plaisir ou de douleur, venant s’associer au fond originel, le colorer ou le timbrer, pour ainsi dire, et produire la peine ou la joie proprement dites, quand elles comprennent le moi comme sujet souffrant et joyeux. » L’émotion esthétique aurait alors ceci de particulier, que, « tout en conservant intact l’élément excitation », elle « laisse à son minimum d’intensité l’élément éveil des images, etc. ». […] C’est un excellent moyen de l’analyse psychologique, celle qui étudie l’œuvre, je le répète avec lui, « en tant que signe de l’homme qui l’a produite ». […] Les âmes qui retrouvent en cette œuvre leur âme, l’admirent, se groupent autour d’elle et se séparent des hommes d’âme diverse… En d’autres termes (remarquons la fin de ce paragraphe), la série des œuvres populaires d’un groupe donné écrit l’histoire intellectuelle de ce groupe, une littérature exprime une nation, non parce que celle-ci l’a produite, mais parce que celle-ci l’a adoptée et admirée, s’y est complue et reconnue. » En ces quelques lignes se trouvent exprimées une doctrine et une méthode, qui ne marchent pas nécessairement ensemble.

116. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Il ne semble pas que Poe se résigne jamais à produire les effets qu’il prémédite par la copie de la réalité, ni qu’il consente à ne pas s’en éloigner Sans cesse il en dérange et recombine les éléments. […] Ce sont ces causes que nous allons déterminer, cherchées dans la configuration cérébrale de celui qui a produit ses manifestations. […] Edgar Poe a limité son effort à produire parfaitement des émotions de curiosité et d’horreur. […] De ces deux effets le premier est facile à produire. […] Ayant choisi un effet premièrement nouveau, secondement vif, je considère si on peut le produire le mieux par des incidents ordinaires et un ton particulier, ou par des incidents et un ton particuliers, regardant ensuite autour de moi ou plutôt en moi pour trouver cette combinaison de ton et d’événements qui m’aideront le mieux à produire l’effet.

117. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Tout ce que j’ai compris de ma vie du clair-obscur » pp. 26-33

S’il nous arrive de nous promener aux Tuileries, au bois de Boulogne, ou dans quelque endroit écarté des Champs Elysées sous quelques-uns de ces vieux arbres épargnés parmi tant d’autres qu’on a sacrifiés au parterre et à la vue de l’hôtel de Pompadour, sur la fin d’un beau jour, au moment où le soleil plonge ses rayons obliques à travers la masse touffue de ces arbres dont les branches entremêlées les arrêtent, les renvoient, les brisent, les rompent, les dispersent sur les troncs, sur la terre, entre les feuilles, et produisent autour de nous une variété infinie d’ombres fortes, d’ombres moins fortes, de parties obscures, moins obscures, éclairées, plus éclairées, tout à fait éclatantes ; alors les passages de l’obscurité à l’ombre, de l’ombre à la lumière, de la lumière au grand éclat, sont si doux, si touchants, si merveilleux, que l’aspect d’une branche, d’une feuille arrête l’œil, et suspend la conversation au moment même le plus intéressant. […] Autour de moi les objets gardent toute la force et toute la variété de leurs couleurs, ils se ressentent moins de la teinte de l’atmosphère et du ciel ; au loin ils s’effacent, ils s’éteignent, toutes leurs couleurs se confondent ; et la distance qui produit cette confusion, cette monotonie, les montre tous gris, grisâtres, d’un blanc mat ou plus ou moins éclairé, selon le lieu de la lumière et l’effet du soleil. […] Lorsque cet effet est produit (mais où et quand l’est-il ?) […] Quel homme, s’il sait se passer du grand agent, et produire sans son secours un grand effet !

118. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

Qu’une hallucination empêche mes centres sensitifs de recevoir l’impression produite sur ma rétine par les rayons émanés de la table, tant que durera l’hallucination, je ne pourrai plus percevoir la table par la vue. — Par contre, guérissez l’hallucination, la paralysie, et fortifiez les muscles appauvris, les possibilités et, avec elles, les facultés suspendues renaîtront telles qu’auparavant. […] Et comme, visiblement, tous mes événements passés, futurs ou possibles sont plus ou moins analogues aux événements quotidiens que je puis saisir au moment ou presque au moment où ils se produisent, ce sont ceux-ci, les plus nets et les plus prochains de tous, que je vais étudier pour savoir ce qui constitue le moi. […] Nous nous trompons toujours en prenant l’image actuelle pour une sensation distante ; mais, d’ordinaire, la sensation distante s’est produite. […] Ayant démêlé en nous les précédents et les suites de la peur, de la douleur, de la joie et en général, de tel ou tel état interne, nous reproduisons pour lui ces précédents ou nous constatons chez lui ces suites, et nous concluons que l’état interne et intermédiaire, qui, visible chez nous, est invisible chez lui, a dû se produire chez lui comme chez nous. […] Nous ne faisons pas une action sans compter au préalable sur un effet, et cet effet ne manque presque jamais de se produire.

119. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

À quoi bon recouvrir des meubles d’une étoffe coûteuse, si une étoffe plus grossière produit un effet analogue ? […] Pour produire un effet d’une puissance égale, il est nécessaire que le costume change suivant l’apparence de l’acteur. Le point fixe, immuable, c’est l’effet à produire ; ce qui est mobile et changeant, c’est le moyen de produire cet effet. […] L’acteur doit produire l’apparence de la mort, et son art consiste à atteindre un degré frappant de ressemblance. […] Produit de l’analyse, elle pousse les artistes dans la voie de l’analyse.

120. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LI » pp. 198-202

La presse en a bien besoin : il ne s’y produit aucun talent remarquable depuis longtemps. […] — Le carême produit cette année son courant ordinaire ; il y a foule de retraites, de conférences ; l’abbé de Ravignan à Notre-Dame, ailleurs l’abbé Bautain et d’autres attirent la jeunesse et les fidèles. […] Faute d’autre, la question des jésuites s’est offerte et on s’y est jeté avec activité, on l’a cultivée, on l’a réchauffée, et elle a produit.

121. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

On voit là tout ce que le génie de Goethea pouvait produire quand il était passionné. […] après avoir produit et répandu sur l’Europe la philosophie du doute, la poésie du doute lui était bien due, quelque douloureuse qu’elle fût. […] La vérité, c’est que Goethe s’est formé entre la France et l’Allemagne, participant des deux, et recevant ainsi une double impulsion ; et c’est cette double impulsion qui a produit Werther. […] L’une produisit à la fin Voltaire ; l’autre, après Milton, enfanta Klopstock. […] Quand la philosophie du Dix-Huitième Siècle produisit la Révolution Française, que fit Goethe, le disciple à demi de cette philosophie ?

122. (1760) Réflexions sur la poésie

Il n’appartient qu’à un géomètre de la faire, et d’ignorer qu’un des objets de la poésie étant de flatter l’oreille, elle doit produire moins d’effet sur des fibres usées, et des organes endurcis. […] Le même dégoût pour les peintures et les idées communes produit ces deux effets contraires. […] Mais les pensées sublimes sont rares, et ne peuvent être suppléées, ni par la magnificence des mots, cette magnificence si pauvre quand celle des choses n’y répond pas, ni par ce beau désordre qu’on n’a pu jusqu’ici bien définir, ni par des invocations triviales qui ne sont point exaucées, ni par un enthousiasme de commande qui semble annoncer une foule d’idées et qui n’en produit pas une seule. […] Il me semble entendre déjà l’anathème lancé contre lui de toutes parts, et surtout par cette espèce de connaisseurs qu’on appelle gens de goût par excellence, gens de goût tout court, qui jugent de tout sans rien produire, et qui en matière de plaisir protègent les anciens usages. […] Mais l’excellent gagne à cette comparaison ; moins on peut lire de vers, plus on goûte ceux que le vrai talent fait produire.

123. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

« Un troisième signe de forme inquiétante fut le grand épuisement et le caractère de la maladie que de petits refroidissements produisaient en lui. […] La matière, c’est ce vil composé de fange durcie ou liquéfiée, terre, argile, sable, feu, fer, soufre, dont les astres sont pétris, petit nombre d’éléments abjects qui se combinent ou se combattent dans leur juxtaposition pour produire ces phénomènes de la voûte céleste. […] Si cet état de choses a existé dès l’origine, ou s’il s’est produit plus tard, c’est ce qu’on ne saurait décider par l’histoire. […] On sent que les accidents météorologiques qui se produisent dans la région des nuages, les vapeurs qui se condensent ou se dissipent, suivant la direction des vents, les jeux bizarres de la lumière, la formation de la grêle et du tonnerre, avaient été observés avant d’être décrits. […] Chez tous les peuples qui possèdent une traduction du livre de Job, ces tableaux de la nature orientale ont produit une impression profonde.

124. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

« Ceux qui ont dit « qu’une fatalité aveugle a produit tous les effets que nous voyons dans le monde » ont dit une grande absurdité ; car quelle plus grande absurdité qu’une fatalité aveugle qui aurait produit des êtres intelligents ? […] « Chaque société particulière vient à sentir sa force, ce qui produit un état de guerre de nation à nation. […] Comme, malgré les expositions d’enfants, le peuple augmente toujours à la Chine, il faut un travail infatigable pour faire produire aux terres de quoi le nourrir. […] Voilà ce qui a produit les règlements dont on parle tant. […] — L’industrie et le commerce par la navigation produisent mille fois plus de richesses et de luxe (qui est l’abus des richesses) que la vie pastorale et agricole.

125. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

Si l’on examine avec quelque attention le sens divers qu’on donne au mot philosophie dans le langage courant, les discussions ou les livres, on sera frappé de la diversité des acceptions auxquelles il se prête, et de la confusion qu’il peut produire. […] Dans cette espèce de phraséologie, l’esprit apparaît souvent comme une sorte de champ dans lequel la perception, la mémoire, l’imagination, la raison, la volonté, la conscience, les passions produisent leurs opérations, comme autant de puissances alliées entre elles ou en hostilité. […] Dire que les sens voient et entendent c’est en faire des entités, tandis que dans la réalité il y a simplement des affections mentales produites. […] Elle recherche comment les lois générales des faits psychologiques, par leurs combinaisons, leurs croisements, produisent telle variété de caractère individuel ou national. […] De nos jours, il s’y est produit deux courants de doctrines : d’une part, l’Ecole a priori représentée par sir W.

126. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

De sorte que la tâche principale de la psychologie ne serait pas d’expliquer ici comment tels ou tels phénomènes se produisent chez le malade, mais pourquoi on ne les constate pas chez l’homme sain. […] La question importante n’est donc pas de savoir pourquoi elle surgit à certains moments, chez certaines personnes, mais pourquoi elle ne se produit pas chez tous à tout instant. […] Elle peut se produire de deux manières, soit par un sentiment de familiarité qui accompagne la perception présente, soit par l’évocation d’une perception passée que la perception présente semble répéter. […] En réalité il s’agit d’un phénomène unique en son genre, celui-là même que produirait le « souvenir du présent » s’il surgissait tout à coup de l’inconscient où il doit rester. […] Dès que l’arrêt se produit, la fausse reconnaissance arrive sur la conscience, la recouvre pendant quelques instants et retombe aussitôt, comme une vague.

127. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « LES FLEURS, APOLOGUE » pp. 534-537

Je ne vois rien dans ce qui forme l’écorce ou la tige ou les racines, — les viles racines, s’il est permis de les nommer, — je ne vois rien dans cette enveloppe de nous-mêmes qui soit en rapport avec le parfum : c’est chose à part, légère, sacrée, et quels effets ne produit-il pas ? […] Non, le parfum, s’il n’était chose céleste, ne produirait pas de ces effets-là. […] » — C’était moi invisible et cachée, dont le parfum, dont l’âme produisait à distance de ces merveilles.

128. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Théodore Leclercq, dans de charmants Proverbes où il produit ces tartuffes d’une nouvelle sorte, n’a rien exagéré. […] Toutes les fois qu’il y aura dépravation ou exagération (comme on le voudra) de l’esprit ecclésiastique dans un certain sens, dans le sens le plus antipathique au brave et malin esprit français, un résultat analogue se produira. […] L’hypocrisie de 1827 a produit, par revanche, ses types à son tour, et qui sont encore debout. […] Des renaissances d’Ordres religieux savants produisirent des travailleurs, un peu novices d’abord et aventureux, bientôt expérimentés et capables. […] C’est à croire que la Nature, après avoir produit l’auteur des Maximes, c’est-à-dire le moins dupe des hommes, s’est fait un malin plaisir de lui opposer le plus parfait contraste dans un de ses rejetons et qu’elle a voulu prendre sa revanche dans la même famille.

129. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XI. L’antinomie sociologique » pp. 223-252

L’individualisme serait ainsi un produit et un bienfait social. […] Bouglé qui consiste à faire de la libération de l’individu un produit social et un effet nécessaire du jeu même des lois sociologiques, cet individualisme méconnaît un fait psycho-physiologique capital. […] Elle n’est pas un produit des conditions sociales, mais une expression de l’intime physiologie des individus. […] Toute institution, toute croyance est un produit naturel des conditions d’existence sociales à un moment donné, dans un milieu donné. Étant un produit naturel et spontané du milieu social, une croyance collective est forcément sincère et véridique.

130. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

Partout le même état de l’imagination a produit la même doctrine. […] Selon qu’il peut produire des groupes complets ou seulement certaines de leurs parties, il est complet ou partiel. […] C’est là leur faculté dominante ; c’est par cette force qu’ils ont produit tout ce qu’ils ont fait. […] Un poëte avec tout son charme, qu’est-il, sinon le produit et l’achèvement définitif de la Réforme ou de la Prophétie avec son âpreté ? […] Parce que les Kalmoucks mettent des prières dans une calebasse que le vent fait tourner, ce qui produit, à leur avis, une adoration perpétuelle.

131. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

A cet égard, cet Ouvrage l'emporte sur tout ce que les Muses Françoises ont pu produire jusqu'à ce jour de plus brillant. […] Par-là, malgré les graces de son élocution, le Poëte tombe dans une monotonie insipide, & cette monotonie produit un ennui invincible, comme on l'a déjà* remarqué. […] Stace & Lucain n'en ont produit que des étincelles, mais ces étincelles donnent au moins par intervalles de la chaleur & de la clarté. […]   Qu'a produit, dans sa raison, cette inquiétude turbulente ? […] Qu'ont-ils produit en effet ?

132. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Il proclame l’existence nécessaire d’un premier moteur sans lequel le mouvement ne pourrait se produire ni durer sous aucune forme dans l’univers, et il sonde l’abîme avec une sagacité et une énergie dignes d’en découvrir le fond. […] Le mouvement étant éternel selon Aristote, le premier moteur doit être éternel comme le mouvement même qu’il produit éternellement. […] S’il avait une grandeur quelle qu’elle fût, il serait fini ; et une grandeur finie ne peut jamais produire un mouvement infini et éternel, pas plus qu’elle ne peut avoir une puissance infinie. […] Les pieds et les ailes de l’embryon de l’abeille se produisent pendant qu’il est enfermé : lorsqu’il a acquis sa perfection, il rompt la membrane qui l’enfermait et s’envole. […] En morale, c’est une méthode fausse, parce que, dans le domaine de la liberté, les faits ne sont que ce que nous voulons qu’ils soient, et qu’ils importent beaucoup moins que les principes et les intentions qui les produisent.

133. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

L’industrie recherche tout ce qui peut surprendre l’acheteur, attirer son attention, fût-ce par un produit insolite. […] la pensée est le produit du corps entier Faites donc penser un cerveau tout seul ! […] Et les écrivains de génie qui se produisent alors ne peuvent être dépassés. […] Zola est un produit, une résultante d’un certain état d’esprit d’une certaine fermentation cérébrale. […] On sourit quand on se reporte par la pensée à l’époque pourrie où des protestations de conscience se produisirent.

134. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVI. Des Livres nécessaires pour connoître sa Religion. » pp. 346-352

Le dernier siécle a produit un très grand nombre d’écrivains ascétiques ; nous en avons eu aussi beaucoup dans celui-ci qui méritent d’être distingués. […] Les Œuvres spirituelles de Fénelon, sont le fruit d’une belle ame & d’un cœur sensible qui aime & qui fait aimer la vertu ; mais il y a une petite teinture de quiétisme, qui pourroit produire de mauvais effets sur les esprits foibles. […] Ils en ont produit d’excellens qui leur survivent.

135. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Est-il tel qu’il était lorsqu’il a été produit ? […] Chacun de ces faits peut, il est vrai, se produire sans l’autre ; la certitude que l’un s’est produit ne permettrait pas d’affirmer l’autre. […] Cette image, produite par une analogie superficielle, est d’ordinaire grossièrement fausse. […] L’évolution se produit dans toutes les habitudes humaines. […] Quand certain fait se produit, un autre se produit aussi, ou parce que le premier est la cause du second, ou parce qu’il en est l’effet, ou parce que tous deux sont les effets d’une même cause.

136. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

Ils empêchent que l’analogie des situations ne produise l’analogie des conduites. […] Jamais rien de pareil ne s’était produit. […] Ainsi, des exigences nouvelles étaient sur le point de se produire. […] Au contraire, elle apprendra un peu mieux ce qu’elle ne sait pas assez : c’est que si la France produit le poison, elle produit aussi l’antidote. […] Nous avons montré ce qu’il produisit dans la sphère de l’action, voyons aussi ce qu’il produisit dans la sphère de l’intelligence.

137. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Il y a quelques rapports entre l’impression qu’elle produit sur nous et le sentiment que fait éprouver tout ce qui est sublime, soit dans les beaux-arts, soit dans la nature physique. […] Les chefs-d’œuvre de la littérature, indépendamment des exemples qu’ils présentent, produisent une sorte d’ébranlement moral et physique, un tressaillement d’admiration qui nous dispose aux actions généreuses. Les législateurs grecs attachaient une haute importance à l’effet que pouvait produire une musique guerrière ou voluptueuse. […] Une certaine connaissance des hommes peut produire un tel effet ; une connaissance plus approfondie conduit au résultat contraire. […] Sans doute de tels écrits pourraient nuire à la morale, s’ils produisaient une profonde impression ; mais ils ne laissent jamais qu’une trace légère, et les sentiments véritables l’effacent bien aisément.

138. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Et toujours un produit spontané, inattendu, de la vitalité universelle venait donner un démenti à ma science enfantine et vieillotte, fille déplorable de l’utopie. […] Si un artiste produit cette année une œuvre qui témoigne de plus de savoir ou de force imaginative qu’il n’en a montré l’année dernière, il est certain qu’il a progressé. […] Comme la jeunesse et la maturité, elles produisent des œuvres sages et hardies. […] La politique, la littérature produisent, elles aussi, de ces vigoureux tempéraments, de ces protestants, de ces anti-surnaturalistes, dont la seule légitimation est un esprit de réaction quelquefois salutaire. […] D’abord il faut remarquer, et c’est très-important, que, vu à une distance trop grande pour analyser ou même comprendre le sujet, un tableau de Delacroix a déjà produit sur l’âme une impression riche, heureuse ou mélancolique.

139. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

Ils se produisent ensemble, mais nous ne savons pas pourquoi. […] Nous saurions donc que, quand nous aimons, le mouvement se produit dans une direction, et que, quand nous haïssons, il se produit dans une autre ; mais le pourquoi resterait encore sans réponse. » Ainsi l’expérience la plus vulgaire nous montre les deux faits comme inséparablement liés l’un à l’autre, et leurs représentations les montrent comme absolument irréductibles l’un à l’autre. — D’un côté, on éprouve que la pensée dépend du mouvement moléculaire cérébral ; de l’autre côté, on ne conçoit pas qu’elle en dépende. — Là-dessus, les physiologistes oublient volontiers la seconde vérité et disent : « Les événements mentaux sont une fonction des centres nerveux, comme la, contraction musculaire est une fonction des muscles, comme la sécrétion de la bile est une fonction du foie. » — De leur côté, les philosophes oublient volontiers la première vérité et disent : « Les événements moraux n’ont rien de commun avec les mouvements moléculaires des centres nerveux et appartiennent à un être de nature différente. » Sur quoi les observateurs prudents interviennent et concluent : « Il est vrai que les événements mentaux et les mouvements moléculaires des centres nerveux sont inséparablement liés entre, eux ; il est vrai que pour notre esprit et dans notre conception ils sont absolument irréductibles entre eux. […] Supposez la physiologie adulte et la théorie des mouvements cellulaires aussi avancée que la physique des ondulations éthérées ; supposez que l’on sache le mécanisme du mouvement qui, pendant une sensation, se produit dans la substance grise, son circuit de cellule à cellule, ses différences selon qu’il éveille une sensation de son ou une sensation d’odeur, le lien qui le joint aux mouvements calorifiques ou électriques, bien plus encore, la formule mécanique qui représente la masse, la vitesse, et la position de tous les éléments des fibres et des cellules à un moment quelconque de leur mouvement. […] On a vu que la sensation proprement dite est un composé d’événements successifs et simultanés de même qualité, eux-mêmes composés de même ; qu’au terme de l’analyse, l’expérience indirecte et les analogies montrent encore des événements de même qualité, successifs et simultanés, tous soustraits à la conscience et à la fin infinitésimaux ; que les actions réflexes indiquent des événements rudimentaires analogues et qu’on les suit jusqu’au bas de la série animale, même en des animaux159, comme le polype d’eau douce, en qui l’on ne découvre aucune trace du système nerveux. — Mais on peut les suivre plus loin encore ; car chez plusieurs plantes comme la sensitive et le sainfoin oscillant du Bengale, chez les anthérozoïdes des cryptogames et chez les zoospores des algues, on rencontre des actions réflexes tout à fait semblables à celle que produit le tronçon d’une grenouille décapitée. […] V La nature a donc deux faces, et les événements successifs et simultanés qui la constituent peuvent être conçus et connus de deux façons, par le dedans et en eux-mêmes, par le dehors et l’impression qu’ils produisent sur nos sens.

140. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

De plus, il est capable d’éprouver les unes et de produire les autres ; et à ce titre il possède des puissances ou facultés. Or ces facultés résident en lui d’une façon stable ; par elles, il sent, il se souvient, il perçoit, il conçoit, il combine des images et des idées, il est donc une cause efficiente et productrice. » — On arrive ainsi à considérer le moi comme un sujet ou substance ayant pour qualités distinctives certaines facultés, et, au-dessous de nos événements, on pose deux sortes d’êtres explicatifs, d’abord les puissances ou facultés qui les éprouvent ou les produisent, en suite le sujet, substance ou âme qui possède les facultés162. […] En somme, les entités verbales ne subsistent plus qu’aux deux extrémités de la science, dans la psychologie par la notion du moi et de ses facultés, dans les préliminaires de la physique par la notion de la matière et de ses forces primitives. — Jusqu’ici, cette illusion a tenu la psychologie enrayée, surtout en France ; on s’est appliqué à observer le moi pur ; on a voulu voir dans les facultés « les causes qui produisent les phénomènes de l’âme168 » ; on a étudié la raison, faculté qui produit les idées de l’infini et découvre les vérités nécessaires ; la volonté, faculté qui produit les résolutions libres. […] Comme on l’a montré, cette trame peut être considérée à deux points de vue, soit directement, en elle-même et par la conscience, soit indirectement, par la perception extérieure et d’après les impressions qu’elle produit sur nos sens. — À côté des idées, images et sensations, événements fort composés dont nous avons conscience et que cette particularité distingue des autres événements analogues, sont d’autres événements rudimentaires et élémentaires du même genre, dont nous n’avons pas conscience, et que dénote l’action réflexe : tel est le premier point de vue. — À côté des mouvements moléculaires fort composés qui se passent dans la substance grise des lobes cérébraux et des centres dits sensitifs, sont d’autres mouvements moléculaires analogues et moins composés qui se passent dans la substance grise de la moelle et dans les ganglions du système nerveux sympathique170 ; tel est le second point de vue. — Le premier est le point de vue psychologique ; le second est le point de vue physiologique. — D’après le second, il y a dans l’animal plusieurs centres d’action nerveuse, les ganglions du grand sympathique, les divers segments de la moelle, les divers départements de l’encéphale, plus ou moins subordonnés ou dominateurs, plus ou moins simples ou compliqués, mais tous distincts, mutuellement excitables, et doués des mêmes propriétés fondamentales. — D’après le premier, il y a dans l’animal plusieurs groupes d’événements moraux, idées, images, sensations proprement dites, sensations rudimentaires et élémentaires, tous plus ou moins subordonnés ou dominateurs, plus ou moins simples ou compliqués, mais tous distincts, mutuellement excitables, et plus ou moins voisins de la sensation. — En forçant les termes, on pourrait considérer la moelle comme une file d’encéphales rudimentaires, et les ganglions du système sympathique comme un réseau d’encéphales plus rudimentaires encore171.

141. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre I : De la méthode en psychologie »

L’expérience, au lieu d’être la source et le prototype de nos idées, est elle-même un produit des forces propres de l’esprit, élaborant les impressions que nous recevons du dehors : elle contient un élément mental ainsi qu’un élément externe. […] La psychologie à posteriori, au contraire, tout en reconnaissant l’existence d’un élément mental dans nos idées, tout en admettant que nos notions d’étendue, solidité, temps, espace, vertu, ne sont pas des copies exactes d’impressions faites sur nos sens, mais un produit du travail de l’esprit, ne considère pas cette production comme le résultat de lois particulières et impénétrables, dont on ne peut rendre aucun compte. […] Nous ne saurons probablement jamais si l’organisation seule peut produire la pensée et la vie ; mais nous savons, à n’en pas douter, que l’esprit emploie un organe matériel. […] « Le nom de psychologie, dit l’auteur, désignant la science des lois fondamentales de l’esprit, le nom d’éthologie sera celui de la science ultérieure, qui détermine le genre de caractère, produit conformément à ces lois générales par un ensemble quelconque de circonstances physiques ou morales. […] Et puisque ce sont ces lois combinées avec les circonstances qui produisent la conduite de chaque être humain, c’est de ces lois que doit partir toute tentative rationnelle de construction d’une science concrète et pratique de la nature humaine80. » « L’éthologie est encore à créer, mais sa création est devenue enfin possible, bien qu’on n’ait encore fait systématiquement que très peu de chose pour la créer. » Le progrès de cette science importante dépendra de l’emploi d’un double procédé.

142. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre I : Qu’est-ce qu’un fait social ? »

Si je ne me soumets pas aux conventions du monde, si, en m’habillant, je ne tiens aucun compte des usages suivis dans mon pays et dans ma classe, le rire que je provoque, l’éloignement ou l’on me tient, produisent, quoique d’une manière plus atténuée, les mêmes effets qu’une peine proprement dite. […] Ainsi, dans une assemblée, les grands mouvements d’enthousiasme, d’indignation, de pitié qui se produisent, n’ont pour lieu d’origine aucune conscience particulière. […] Or, ce que nous disons de ces explosions passagères s’applique identiquement à ces mouvements d’opinion, plus durables, qui se produisent sans cesse autour de nous, soit dans toute l’étendue de la société, soit dans des cercles plus restreints, sur les matières religieuses, politiques, littéraires, artistiques, etc. […] Il est une résultante de la vie commune, un produit des actions et des réactions qui s’engagent entre les consciences individuelles ; et s’il retentit dans chacune d’elles, c’est en vertu de l’énergie spéciale qu’il doit précisément à son origine collective. […] Si encore les faits sociaux étaient seuls à produire cette conséquence, l’imitation pourrait servir, sinon à les expliquer, du moins à les définir.

143. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Appendice. [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 497-502

Celle-ci sans doute se flatte de corriger en riant les mœurs, et pour cela elle ne craint jamais d’étaler les ridicules ; elle se prend même quelquefois aux vices, et elle les produit vivement au grand jour pour leur faire honte. […] Ce résultat négatif qui se produit pour la seconde fois, bien qu’à la première plusieurs des auteurs de pièces représentées sur la scène française eussent songé à concourir, n’a rien de si défavorable ni de si désespérant qu’on le pourrait croire, mais il exige pourtant quelque explication. […] Mais à cette hauteur, la nature vraie, mâle ou tendre, fortement ou ingénument passionnée, la nature humaine encore vertueusement malade, si je puis dire, produit le plus souvent, grâce au génie et à un art tout plein d’elle, une impression morale qui ennoblit, qui élève, et qui surtout jamais ne corrompt. […] C’est assez en dire pour montrer dans quel sens et par quelles raisons la Commission, considérant le drame, comme il convient, dans son ensemble et par l’effet général qu’il produit, heureuse d’être en cela d’accord avec le public, propose de décerner à M. 

144. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre V. Des trois ordres de causes qui peuvent agir sur un auteur » pp. 69-75

A côté des changements soudains ou tout au moins rapides que produit une de ces terribles perturbations accidentelles, viennent se placer les modifications lentes qu’apportent l’alimentation, le régime quotidien. […] Voici l’argument mis en forme : Des hommes ayant vécu dans le même milieu social ont produit des œuvres différentes. Or une même cause ne peut produire des effets différents. […] D’abord la même cause produit souvent des effets différents et même contraires.

145. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Certains puissants artistes savent évoquer en nous des images assez fortes pour produire, elles aussi, la conviction, et pour paraître réelles malgré leurs dissemblances avec toutes les images réelles jusqu’alors connues de nous. […] Or, les points où cet équilibre se produit varient sans cesse, et c’est même ce qui fait que, sous l’impulsion du génie, l’art fait des progrès incessants. […] Le but de tout écrivain est de produire chez le lecteur la totalité de l’émotion qu’il décrit, et cela, en décrivant le plus petit nombre possible des symptômes extérieurs ou intérieurs de cette, émotion. […] la pensée est le produit du corps entier… Et nous continuerions à dévider les cheveux emmêlés de la raison pure ! […] Il se produit dans notre pensée une sorte de lutte pour la vie entre toutes nos impressions ; celles qui ne nous ont pas frappés assez fortement s’effacent, et il ne subsiste à la longue que les impressions fortes.

146. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Le théâtre est une sorte de tribunal où l’on est tenu de produire des preuves visibles et tangibles pour être cru. […] » Un événement très simple se produit, le retour d’Albert, fiancé de Charlotte. […] La vie doit produire sur chacun d’eux une action particulière, mais non isolée, qui retentisse ensuite sur l’autre. […] Quand Claude Bernard a supposé qu’une piqûre à telle partie de l’encéphale devait produire le diabète, il a réellement piqué le cerveau d’un animal et vérifié le diabète consécutif. […] Un premier événement psychologique se produit : c’est sa visite à la famille des Gaos, — visite qui tire toute son importance de la station que la jeune fille fait chemin faisant à l’église des Naufragés.

147. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

Le supplice que l’imagination des poëtes a inventé se trouve produit dans la nature par l’action du poison américain. […] C’est ce qui produit le soulèvement observé dans toutes les artères, et qu’on appelle le pouls. […] Le système musculaire, qui ne produit qu’un travail mécanique, est dans le même cas que les glandes, qui agissent chimiquement. […] Les idées de Bichat produisirent en physiologie et en médecine une révolution profonde et universelle. […] Lorsqu’un acte est accompli, la parcelle de matière vivante qui a servi à le produire n’est plus.

148. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — Q. — article » pp. 572-580

Le merveilleux y produit sur-tout un effet qui étonne & flatte l’imagination, sans la contraindre & la fatiguer, parce que le Poëte a su le tirer du fond du sujet, & en faire usage avec discernement & sobriété. […] Le naturel, il est vrai, s’énonce sans effort, quand l’esprit & le cœur, qui le produisent par leur accord, sont profondément pénétrés ; mais il n’exclut ni la noblesse, ni l’élévation, ni le choix des expressions, ni la finesse, ni l’élégance des tours. Tout dépend des vrais talens qui le produisent, & de l’art qui sait l’embellir.

149. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XI. De la littérature du Nord » pp. 256-269

On y voit plus d’intérêts divers, mais moins d’intensité dans une même pensée ; or c’est la fixité qui produit les miracles de la passion et de la volonté. […] Le frémissement que produisent dans tout notre être de certaines beautés de la nature, est une sensation toujours la même ; l’émotion que nous causent les vers qui nous retracent cette sensation, a beaucoup d’analogie avec l’effet de l’harmonica. […] C’est, comme je l’ai déjà dit, des opinions religieuses que dépend, en grande partie, l’effet que produit sur l’homme l’idée de la mort. […] Les tragiques du Nord ne se sont pas toujours contentés des effets naturels qui naissent du tableau des affections de l’âme, ils se sont aidés des apparitions, des spectres, d’une sorte de superstition analogue à leur sombre imagination ; mais quelque profonde que soit la terreur qu’on peut produire une fois avec de tels moyens, c’est plutôt un défaut qu’une beauté.

150. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Quatrième faculté d’une Université. Faculté de théologie » pp. 511-518

Il suffit de savoir ce que l’Écriture sainte, les conciles et les Pères ont prononcé sur chaque dogme en particulier ; s’interdire les recherches curieuses, les systèmes qui ne produisent que des erreurs et des partis. […] On ne manque pas d’excellents ouvrages sur cette matière ; l’Angleterre et la France en ont produit sans nombre d’après lesquels il serait aisé de composer un bon livre classique. […] Il traiterait de la nature des lois, de leur origine, de l’obligation qu’elles produisent, des causes qui la suspendent ou la font cesser ; du serment, des contrats, etc. […] Or qui sait ce que cette souche abandonnée à sa libre végétation peut produire de monstrueux ?

151. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

Les hommes qui ne croient pas que le progrès puisse se produire autrement que dans un sens unique, répondront peut-être par la phrase courante qui dispense, en France, d’une raison : qu’avec de telles idées on veut recommencer le passé. […] D’ailleurs, rien ne donne plus d’aplomb à la pensée d’un homme que les certificats de l’histoire ; l’aplomb de la pensée donne à son tour la justesse du coup d’œil, comme la solidité du corps produit la justesse de la main, et c’est ce qui est arrivé à F.  […] Qu’on le sache et qu’on le nie, avec l’hypocrisie des partis qui ont leur chemin à faire et qui veulent tourner pacifiquement les résistances, ou qu’on l’avoue, au contraire, avec cette foi exaltée aux idées fausses qui a ses racines dans l’orgueil, de tels systèmes, si on les acceptait comme on les donne, ne seraient pas seulement avec le passé une rupture haineuse et profonde, ils mèneraient droit à l’effacement radical de tout ce qui a produit pendant dix-huit siècles la gloire, la force et les vertus de la société européenne. […] Aujourd’hui que les assemblées commerciales n’existent pas, du moins à l’état d’organisation, l’effrayant phénomène des associations politiques se produit avec l’énergie d’une tempête.

152. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

Par-là on peut expliquer la raison pourquoi nous avons du plaisir lorsque nous voyons un jardin bien régulier, & que nous en avons encore lorsque nous voyons un lieu brut & champêtre : c’est la même cause qui produit ces effets. […] La surprise peut être produite par la chose ou par la maniere de l’appercevoir ; car nous voyons une chose plus grande ou plus petite qu’elle n’est en effet, ou différente de ce qu’elle est, ou bien nous voyons la chose même, mais avec une idée accessoire qui nous surprend. […] Des diverses causes qui peuvent produire un sentiment. Il faut bien remarquer qu’un sentiment n’a pas ordinairement dans notre ame une cause unique ; c’est, si j’ose me servir de ce terme, une certaine dose qui en produit la force & la variété. […] Presque toûjours les choses nous plaisent & déplaisent à différens égards : par exemple les virtuosi d’Italie nous doivent faire peu de plaisir ; 1°. parce qu’il n’est pas étonnant qu’accommodés comme ils sont, ils chantent bien ; ils sont comme un instrument dont l’ouvrier a retranché du bois pour lui faire produire des sons. 2°.

153. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

En novembre dernier s’est produit entre M.  […] Oui, celui qui — en vue de tels bas intérêts de succès ou d’argent, — essaie de grimacer, en un prétendu ouvrage d’Art, une foi fictive, se trahit lui-même et ne produit qu’une œuvre morte. […] Ce qui manquait pour parfaire le charme, ces magnifiques accents le produisirent. […] Vous pensez en tremblant à l’influence de Wagner sur moi et plus encore à l’effet que me produisait la fin de notre amitié. […] Lamoureux, soit, enfin, en donnant aux motifs toute leur valeur significative, ce qui ne peut être produit que par une étude approfondie de l’œuvre et une compréhension du sens des motifs-conducteurs ; cette dernière manière est celle des orchestres de Leipzig et de Bayreuth.

154. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

La pureté n’est pas le produit de l’absorption en soi : la réelle pureté jaillit du mélange et de l’étreinte. […] Il est absolument impossible pour moi qu’un homme sans vie produise de la beauté ; d’un être farouchement clos ne peut sortir aucune vivace mélodie, pas plus que du sol d’une cave ne peut naître une tige colorée. […] Que l’excitation sexuelle produise sur le cerveau une action féconde, ceci non seulement je ne cherche pas à le nier, mais je l’affirme avec l’auteur et avec tout homme de bon sens, qui aura pu observer ce phénomène d’après les autres ou d’après lui-même. […] Tout effort physique produit un engourdissement de la vie générale, et la dépense d’énergie qu’implique l’acte sexuel suffit à expliquer l’affaiblissement momentané qui en résulte. […] Qu’y a-t-il entre hier et aujourd’hui, pour produire ce changement ?

155. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

Il faut donc admettre « que les objets imaginaires, lorsqu’ils absorbent l’attention, produisent, pendant ce temps-là, la persuasion de leur existence réelle ». […] Ses différentes couleurs subissent des changements constants qui s’étendent progressivement du centre à la circonférence, exactement comme les changements du kaléidoscope moderne. » — Enfin, non seulement en pleine santé, mais encore avec l’exercice complet et par l’exercice même de la volonté, des hallucinations, c’est-à-dire des projections dans le dehors de la simple image mentale, ont été produites. […] Ce qui le produit d’ordinaire, c’est la présence d’une sensation contradictoire. […] Les sensations produites en nous par le monde extérieur s’effacent alors par degrés ; à la fin, elles semblent suspendues, et les images, n’étant plus distinguées des sensations, deviennent des hallucinations complètes. […] Chez d’autres, au contraire, la seule arrivée du médecin dans la salle suffit pour produire une assez longue suspension ». — Quand M. 

156. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Il y a trente-trois ans environ de cela : les messieurs Bertin, très attentifs à tout ce qui se produisait et s’annonçait, même de hasardé et de contesté, avaient l’œil sur la jeune école dite romantique. […] À peine si quelques esprits réfléchis songeaient à s’étonner du changement complet de décoration et de rôles. « Tout arrive en France », avait dit un jour La Rochefoucauld à Mazarin ; et Henri IV disait : « En France, on s’accoutume à tout. » On eut, dès ce temps de la Fronde, à y bien regarder, des échantillons de tous les genres de personnages qu’on a vus se produire depuis dans des révolutions plus grandioses et plus sérieuses : Retz, un Mirabeau-Talleyrand ; — un duc d’Orléans spirituel et lâche. […] Est-ce que Bossuet lui-même, qu’on ne récusera certes pas comme exprimant dans un haut exemple la moyenne des lumières du grand règne, avait profité de l’expérience produite sous ses yeux aux années de sa jeunesse, lorsque dans l’Oraison funèbre du prince de Condé il ne craignait pas de dire en une phrase magnifique et souvent citée : « Loin de nous les héros sans humanité ! […] Après cela, il est bien vrai que ce n’est pas sous forme et figure.de moraliste que se produit le plus essentiellement l’étude et la connaissance de l’homme au xviiie  siècle, avant et après 89. […] La Révolution n’a donc pas produit de moralistes proprement dits, écrivant en dehors des considérations de l’histoire.

157. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

Ce que Lycurgue avait produit par ses lois en faveur de l’esprit républicain, la monarchie française l’avait opéré par l’empire de ses préjugés en faveur de la vanité des rangs. […] Les paroles tout à la fois vulgaires et féroces produisent, à quelques égards, le même effet que la vue du sang : lorsqu’on s’habitue à les prononcer, les idées qu’elles retracent deviennent plus familières. […] Un autre genre d’impolitesse peut caractériser encore les hommes en pouvoir : ce n’est pas la grossièreté, c’est, si je puis m’exprimer ainsi, la fatuité politique, l’importance qu’on met à sa place, l’effet que cette place produit sur soi-même, et qu’on veut faire partager aux autres ; on a dû nécessairement en voir beaucoup d’exemples depuis la révolution. […] Mais ce sentiment pénible qu’il vous inspire ne produit rien d’utile ni rien de fécond. […] Il ne faut pas se tromper sur les signes extérieurs du respect : étouffer de nobles sentiments, tarir la source des pensées, c’est produire l’effet de la crainte ; mais élever les âmes jusqu’à soi, donner à l’esprit toute sa valeur, faire naître cette confiance qu’éprouvent les uns pour les autres tous les caractères généreux, tel est l’art d’inspirer un respect durable.

158. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre II : Variations des espèces à l’état de nature »

On connaît beaucoup de plantes qui produisent régulièrement des fleurs de différentes formes, soit sur leurs différentes branches, soit au centre ou à la circonférence de leurs ombelles, etc. ; et si la plante cessait de produire des fleurs de l’une ou de l’autre forme, son caractère spécifique pourrait en être soudainement et considérablement altéré ; mais nous ignorons, du moins quant à présent, par quels degrés de modification et pour quelle fin une plante produit deux sortes de fleurs. […] — Il est encore des différences légères, qu’on peut appeler différences individuelles, et qu’on voit souvent se produire dans la postérité des mêmes parents, ou entre des individus auxquels on peut supposer une souche identique, comme représentants de la même espèce dans une même localité fermée. […] Ce sont donc les espèces les plus florissantes ou, comme on pourrait les appeler, les espèces dominantes, c’est-à-dire celles qui ont une grande extension géographique, qui sont les plus répandues dans les contrées qu’elles habitent, ou qui sont les plus nombreuses en individus, qui produisent aussi le plus souvent ces variétés bien marquées que je considère comme des espèces naissantes. […] D’autre part, si l’on considère chaque espèce comme le produit d’un acte spécial de création, il n’y a aucune apparence de raison pour qu’il se trouve un plus grand nombre de variétés en un groupe renfermant beaucoup d’espèces, qu’en un groupe qui en renferme peu.

159. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

Les opérations par lesquelles l’aliment est mâché, humecté, avalé, digéré, charrié dans les artères et dans les veines, porté dans les organes qu’il doit réparer, décomposé pour fournira chaque organe l’espèce de matière utile, les innombrables détails de tous ces changements, le jeu ménagé des lois chimiques, physiques, mécaniques, et d’autres encore peut-être, la structure infiniment compliquée et parfaitement appropriée des organes mis en œuvre, toutes les parties et tous les mouvements d’un grand système concourent par leurs rapports et par leur nature à produire la nutrition finale. […] Nous avons ainsi transformé la multitude disséminée des faits en une hiérarchie de propositions, dont la première, créatrice universelle, engendre un groupe de propositions subordonnées, qui, à leur tour, produisent chacune un nouveau groupe, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’apparaissent les détails multipliés et les faits particuliers de l’observation sensible, comme on voit dans un jet d’eau la gerbe du sommet s’étaler sur le premier plateau, tomber sur les assises par des flots chaque fois plus nombreux, et descendre d’étage en étage, jusqu’à ce qu’enfin ses eaux s’amassent dans le dernier bassin, où nos doigts les touchent. […] Un esprit sec et net, qui est probablement l’effet de la structure primitive du cerveau, une circonstance persévérante et puissante, qui fut la nécessité de songer à son intérêt et d’agir en corps, ont produit chez ce peuple et fortifié outre mesure la faculté égoïste et politique. […] Présente dans toutes les actions, elle les règle toutes, multiplie et accroît les unes, diminue et subordonne les autres, produit la faiblesse et la force, les vertus et les vices, la puissance et la ruine, et explique tout, parce qu’elle fait tout. […] Nous découvrons l’unité de l’univers et nous comprenons ce qui la produit.

160. (1887) Discours et conférences « Appendice à la précédente conférence »

Peu de personnes ont produit sur moi une plus vive impression. […] Tout ce qui s’est écrit en latin n’est pas la gloire de Rome ; tout ce qui s’est écrit en grec n’est pas œuvre hellénique ; tout ce qui s’est écrit en arabe n’est pas un produit arabe ; tout ce qui s’est fait en pays chrétien n’est pas l’effet du christianisme ; tout ce qui s’est fait en pays musulman n’est pas un fruit de l’islam. […] Le cheik Gemmal-Eddin me paraît avoir apporté des arguments considérables à mes deux thèses fondamentales : — Pendant la première moitié de son existence, l’islamisme n’empêcha pas le mouvement scientifique de se produire en terre musulmane ; — pendant la seconde moitié de son existence, il étouffa dans son sein le mouvement scientifique, et cela pour son malheur !

161. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Première partie. Les idées anciennes devenues inintelligibles » pp. 106-113

Les idées qui cessent d’être populaires, ou parce qu’elles ont été usées par le temps, ou parce qu’elles ont reçu tout le développement dont elles étaient susceptibles, ou enfin parce que le bien qu’elles devaient produire est consommé, ces idées meurent aussi, mais dans une longue et terrible agonie, car tout est souffrance pour le genre humain. […] Tous ces artifices de la parole, toutes ces ruses des affections et des souvenirs, ne produisaient aucune illusion, aucun entraînement. […] L’orateur enfin ne peut être animé, ne peut être entraîné hors de lui-même, et ramener ainsi son auditoire à un centre commun, que par la conscience de l’impression qu’il produit, de l’ascendant qu’il exerce.

162. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Le beau, comme le vrai et le bien, n’est plus le produit d’une sensation individuelle et variable. […] L’art produit le perfectionnement de l’âme, mais il le produit indirectement. […] Ce que vous devez y tracer, ce n’est pas la nature elle-même, c’est l’impression vive, profonde, originale, poétique en un mot, que cette nature a dû produire en vous. […] D’abord le mal lui-même a produit quelque bien : l’indifférence a fait naître l’impartialité, au moins pour les doctrines littéraires. […] Kant n’avait étudié que la faculté de juger : elle s’occupa de la faculté de produire.

163. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

Néanmoins, ce haut rang a l’inconvénient de toutes les positions officielles ; il produit un jargon, des préjugés, une intolérance et des courtisans. […] Nous ne voyons pas un fait qui en engendre un autre, mais un fait qui en accompagne un autre. « Notre volonté, dit Mill, produit nos actions corporelles, comme le froid produit la glace, ou comme une étincelle produit une explosion de poudre à canon. » Il y a là un antécédent comme ailleurs, la résolution ou état de l’esprit, et un conséquent comme ailleurs, l’effort ou sensation physique. […] En beaucoup de cas les procédés d’isolement sont impuissants, et ces cas sont ceux où l’effet, étant produit par un concours de causes, ne peut être divisé en ses éléments. […] Nulle nécessité intérieure ne produirait leur liaison ni leur existence. […] Lorsque je découvre par induction que le froid cause la rosée, ou que le passage de l’état liquide à l’état solide produit la cristallisation, j’établis un rapport entre deux abstraits.

164. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Néanmoins ce haut rang a l’inconvénient de toutes les positions officielles ; il produit un jargon, des préjugés, une intolérance et des courtisans. […] Il ne s’occupe pas de la force intime et de la vertu génératrice que certaines philosophies insèrent entre le producteur et le produit. […] « Notre volonté, dit Mill, produit nos actions corporelles, comme le froid produit la glace, ou comme une étincelle produit une explosion de poudre à canon. » Il y a là un antécédent comme ailleurs, la résolution ou état de l’esprit, et un conséquent comme ailleurs, l’effort ou sensation physique. […] Sans doute ces procédés d’isolement en beaucoup de cas sont impuissants, et ces cas sont ceux où l’effet, étant produit par un concours de causes, ne peut être divisé en ses éléments. […] Nulle nécessité intérieure ne produirait leur liaison ni leur existence.

165. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

Les deux ensemble forment alors une représentation complexe, à deux temps : dans ce composé, la seconde nie la première, sur un point ou sur un autre ; et l’altération ainsi produite varie en grandeur et diffère en nature, suivant l’espèce des deux représentations qui sont unies et en conflit. […] Les personnages de Nicolaï défilaient toujours dans sa chambre, et les petites taches grises ne cessent pas de s’appliquer sur le papier placé sous les yeux du micrographe. — En effet, la sensation contradictoire ne se produit plus. […] Elle n’a d’effet que sur les suites des hallucinations ainsi produites. […] En cet état intermédiaire, partiellement avortée et partiellement achevée, demi-rectifiée et demi-hallucinatoire, l’image est comme tel organe19 arrêté au milieu de son développement, un produit spécial, utilisé pour des fonctions spéciales, pour des fonctions de premier ordre. […] Mais ils se font contraste par leurs précédents et par leurs suites, le premier étant le produit harmonieux de toutes les tendances réunies de la plante humaine, le second étant le grossissement exagéré d’un élément désaccordé, qui, comme un organe hypertrophié et soustrait à la vie générale, se développe à part et monstrueusement, en dépit des autres dont il trouble le jeu concordant.

166. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Berthelot me fit connaître son père, un de ces caractères de médecins accomplis comme Paris sait les produire. […] L’arbre produit de beaux fruits dès qu’il est en espalier, c’est-à-dire dès qu’il n’est plus un arbre. […] Voici ce que produit une différence de quarante ans dans les choses humaines. […] Je n’avais jamais imaginé que le produit de ma pensée pût avoir une valeur vénale. […] Le plaisir de vivre et de produire me suffit.

167. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Sans doute, par cela même qu’il était aussi un protestantisme, un détachement violent de Home, une révolte contre l’autorité souveraine et infaillible, il avait à produire les maux que doivent produire toutes les espèces de protestantisme. […] Elles commencèrent à se produire, disent les écrits les plus renseignés, sous le règne de Charles Ier. […] Un simple fellow du collège d’Oriel semblait seul contrebalancer, à force de génie et de caractère, l’impression de respect que produisait dans ce monde si officiel d’une université anglaise, le savant professeur d’hébreu. […] Avec la force intime qui les vivifie, elles ont produit de nombreuses conversions8. […] Quand nous avons vu récemment se produire, au sein des Chambres britanniques, une si bonne et si enthousiaste disposition vers le Saint-Père, les hommes d’État, les hommes à vue longue, avaient-ils l’instinct de la situation que leur créerait immédiatement une entente profonde avec Rome ?

168. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

La vérité ressemble à ces personnes qu’on estime & qu’on néglige ; elle n’ose guere se produire que sous les auspices de la fiction. […] Elle ne paroît même en avoir produit que depuis le regne d’Alexandre. […] Leurs fabliaux étoient des Romans en vers rimés, écrits en langue Romance, langue bien défectueuse, & qui pourtant a produit la nôtre, comme la terre produit l’or, & l’épine la rose. […] Quelques Ecrivains de nos jours, la plupart même encore jeunes, ont produit des Romans très bien accueillis du Public. […] Tout ce qu’il produit est son ouvrage.

169. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre II. Les couples de caractères généraux et les propositions générales » pp. 297-385

. — Ou bien le premier caractère provoque par sa présence la naissance du second, et, à son tour, le second, pour se produire, exige au préalable la présence du premier. […] Dans ce cas, l’attache des deux caractères est bilatérale ou double. — Ou bien le premier provoque par sa présence la naissance du second, sans que le second, pour se produire, exige au préalable la présence du premier. […] Par son escorte plus ou moins ample, chacun d’eux résume ainsi notre expérience plus ou moins ample, et il en donne la mesure, parce qu’il en est le produit. […] Par exemple, étant donné le son continu produit par un diapason vibrant, on touche légèrement les petites lames, ce qui arrête leur vibration ; aussitôt le son cesse. […] Nulle nécessité intérieure ne produirait leur liaison ni leur existence.

170. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Caro. Le Pessimisme au XIXe siècle » pp. 297-311

Ribot publia, comme on vient de le voir, une espèce de traduction du système de l’allemand Schopenhauer, non seulement j’ai dit sur ce système les quelques mots de mépris qu’il méritait, mais je crus que ce ne serait là qu’un système de plus à mettre au tas de tous ceux que produit l’Allemagne et qui font l’effet, dans sa littérature, des amoncellements du sable, au désert. […] Lorsque les temps sont arrivés à ce point de produire, avec toutes les prétentions à la science et à la vérité absolue (il faut bien dire le mot, quoiqu’il répugne), de ces gigantesques sottises que M.  […] Il est en Russie, où il a produit la secte sanglante des Mutilés, des Skoptzy, et enfanté le Nihilisme, qui est l’anéantissement social en attendant l’anéantissement total du genre humain. […] de quelques prosélytes, va jusqu’au degré de folie devant lequel la plume et la pensée s’arrêtent… Quand la théorie d’une chasteté de ce genre, toute négative (je retiens le mot), se produit dans les esprits et dans les cœurs qui ne sont pas chastes, en vue de desseins chimériques comme la destruction du monde, elle aboutit dans la pratique à un système de compensations qui ne sont autre chose que des dérèglements sans nom… » Enfin, en France, le voilà qui perce, le Pessimisme, dans les idées !

171. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Eugène Sue » pp. 16-26

Eugène Sue, qui a produit une grande quantité d’ouvrages, serait un des plus puissants esprits du xixe  siècle. […] Nous, de notre côté, en regardant dans quelles mains sont tombées les guides qui menaient naguères, comme un quadrige, trois ou quatre feuilletons à la fois, nous avons eu la preuve de cette vérité qu’il importe de répéter aux hommes d’une époque, dupe des choses physiques : c’est qu’il est plus aisé de produire beaucoup de volumes que d’en écrire un seul avec éclat, délicatesse et profondeur. […] Ces facultés, en effet, ont le double caractère qui atteste la médiocrité foncière d’un esprit destiné à périr ; elles manquent de sincérité, et elles ont produit des choses trop vite populaires. […] Comme beaucoup de nous, il a été, ainsi que l’a dit un moraliste énergique5, « le propagateur des vices dont il fut le produit. » Il les a si bien propagés, les vices sociaux du dix-neuvième siècle, que l’histoire littéraire ne se souviendra de lui que pour le condamner et le flétrir… Après cela, qu’on dise, si l’on veut, qu’il fut bon, sensible et cordial dans l’intérieur de sa vie, qu’importe !

172. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — S’il est plus aisé, de faire une belle action, qu’une belle page. » pp. 539-539

On n’écrit point une belle page sans goût et sans un goût pur et grand, et le goût est chez toutes les nations le produit d’un long intervalle de temps. […] Le tremblement de Lisbonne, qui n’a duré que quelques minutes, a produit plus d’actions fortes que toute la durée des siècles n’a produit de belles pages ; voilà Lisbonne renversée, et la nation entière est restée stupide et muette sur ses décombres.

173. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Tant il est vrai que la force et le temps dépensés en vain, pour l’agrément, pour l’art, font accomplir les plus réels travaux et empêchent la fatigue de se produire trop tôt. […] L’éloquence est rythmée par le débit même, de façon à produire ainsi la vibration sympathique et à faire partager tous les sentiments de l’orateur. […] C’est ainsi que la nature produit des nains aux membres grêles et à la tête énorme. […] Mais il est une sorte de ponctuation intérieure, non représentée par des signes, et que produit, dans chaque membre de phrase un peu long, la division même du sens. […] Le poétique de la prose, encore une fois, ne consiste pas dans l’imitation des vers, mais dans l’effet significatif ou suggestif produit par l’entière adaptation de la forme au fond.

174. (1861) La Fontaine et ses fables « Préface »

Préface On peut considérer l’homme comme un animal d’espèce supérieure, qui produit des philosophies et des poëmes à peu près comme les vers à soie font leurs cocons, et comme les abeilles font leurs ruches. […] Nous voulons savoir comment, étant donnés un jardin et des abeilles, une ruche se produit, quels sont tous les pas de l’opération intermédiaire, et quelles forces générales agissent à chacun des pas de l’opération.

175. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 228-229

d’Arnaud le louable désir de ressusciter parmi nous les heureuses étincelles de cet enthousiasme d’honneur qui produisit tant de Héros & tant de Sages, dans des Siecles si amérement taxés d’ignorance & de barbarie. Une de ses dernieres Nouvelles [Sargines] seroit capable de produire cet effet, par l’adresse, la sensibilité, & le pathétique avec lequel elle est écrite.

176. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Cela renouvelle d’ailleurs, de s’occuper de ceux qui arrivent, même quand ces jeunes gens n’ont de la jeunesse que la force et se produisent déjà très faits et très mûrs. […] Qu’on veuille bien se représenter ce que doivent produire de pensée intense et active, de pensée accumulée, trois ou quatre années de séminaire philosophique intellectuel chez de jeunes esprits ardents et fermes, lisant tout, jugeant tout. […] Le tout va au plus grand honneur de La Fontaine, et l’impression reçue est antipathique à celle que produit La Fontaine. […] Et ailleurs : « Le climat façonne et produit les bêtes aussi bien que les plantes. […] Le raisonneur prétend assigner des règles à la beauté du paysage : « pour qu’un paysage soit beau, il faut que toutes ses parties impriment une idée commune et concourent à produire une même sensation. » Il y a des paysages où, avec de grandes parties, l’impression totale est manquée ; il y en a où, avec les circonstances les plus vulgaires, les plus triviales, l’effet est produit.

177. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Baudelaire  »

On sait l’impression qu’elles produisirent alors. […] Et elles n’en feront pas, non seulement parce que nous sommes les Mithridates des affreuses drogues que nous avons avalées depuis vingt-cinq ans, mais aussi par une raison beaucoup plus sûre, tirée de l’accent — de la profondeur d’accent — d’un livre qui, selon nous, doit produire l’effet absolument contraire à celui que l’on affecte de redouter. […] Or, la torture que doit produire un tel poison sauve des dangers de son ivresse ! […] Son livre est un drame anonyme dont il est l’auteur universel, et voilà pourquoi il ne chicane ni avec l’horreur, ni avec le dégoût, ni avec rien de ce que peut produire de plus hideux la nature humaine corrompue. […] La littérature satanique, qui date d’assez loin déjà, mais qui avait un côté romanesque et faux, n’a produit que des contes pour faire frémir ou des bégaiements d’enfançon, en comparaison de ces réalités effrayantes et de ces poésies nettement articulées où l’érudition du mal en toute chose se mêle à la science du mot et du rhythme.

178. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VI. De l’envie et de la vengeance. »

Il y a tant de maux sur la terre, cependant, qu’il semblerait que tout ce qui arrive dans le monde, doit être une jouissance pour l’envie ; mais elle est si difficile en malheurs, que s’il reste de la considération à côté des revers, un sentiment à travers mille infortunes, une qualité parmi des torts ; si le souvenir de la prospérité relève dans la misère, l’envieux souffre et déteste encore : il démêle, pour haïr, des avantages inconnus à celui qui les possède ; il faudrait, pour qu’il cessât de s’agiter, qu’il crut tout ce qui existe inférieur à sa fortune, à ses talents, à son bonheur même ; et il a la conscience, au contraire, que nul tourment ne peut égaler l’impression aride et desséchante, que sa passion dominatrice produit sur lui. […] L’opposition de votre peine, et de la félicité de votre ennemi, produit dans le sang un véritable soulèvement. […] On dit qu’il faut contraindre, humilier, punir, et l’on sait néanmoins que de pareils moyens ne produiraient dans notre âme qu’une exaspération irréparable ; on voit ses ennemis comme une chose physique qu’on peut abattre, et soi-même, comme un être moral que sa propre volonté seule doit diriger.

179. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 7, que les genies sont limitez » pp. 67-77

On appelle communément des pastiches les tableaux que fait un peintre imposteur, en imitant la main, la maniere de composer et le coloris d’un autre peintre, sous le nom duquel il veut produire son ouvrage. […] Ainsi le travail et l’experience font bien faire aux peintres, comme aux poëtes, des ouvrages plus corrects, mais ils ne sçauroient leur en faire produire de plus sublimes. […] S’il arrive quelque alteration physique dans ces organes, elle n’y est pas produite par un effort de notre volonté ; mais par un changement physique qui survient dans notre constitution.

180. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

Il n’a rien découvert, mais il a tout enflammé ; et le sentiment de l’égalité, qui produit bien plus d’orages que l’amour de la liberté, et qui fait naître des questions d’un tout autre ordre et des événements d’une plus terrible nature, le sentiment de l’égalité, dans sa grandeur comme dans sa petitesse, se peint à chaque ligne des écrits de Rousseau, et s’empare de l’homme tout entier par les vertus comme par les vices de sa nature. […] L’émotion produite par les tragédies de Voltaire est donc plus forte, quoiqu’on admire davantage celles de Racine. […] La scène déchirante du dénouement produit une sorte de soulagement. […] On aperçoit déjà les premières nuances du grand changement que la liberté politique doit produire dans la littérature, en comparant les écrivains du siècle de Louis XIV et ceux du dix-huitième siècle : mais quelle force le talent n’acquerrait-il pas dans un gouvernement où l’esprit serait une véritable puissance ?

181. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Armand Pommier » pp. 267-279

Rien n’est facile comme de produire des effets, très-grands, je le veux bien, d’admiration ou de terreur, en cassant toutes les cordes de l’organisation humaine, cette lyre divinement accordée… Byron les produisit un jour dans son Vampire ; mais, on doit en convenir, même à part les vers, Conrad et Lara ont coûté plus de génie à lord Byron que lord Ruthwen, et l’émotion qu’ils produisent est d’un tout autre pouvoir sur l’imagination et sur le souvenir… Et c’est cette facilité d’invention dans l’anormal à outrance, dans le phénomène physiologique, devenu pathologique, et devant lequel la Science elle-même se tait comme devant une question insoluble, c’est cette grossièreté dans l’étonnement ou dans la terreur que produit toute monstruosité, ardemment ou puissamment décrite, qui a perdu aujourd’hui M. 

182. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

Elle ne produit que des critiques impressionnistes, disant leur sensation, évitant les arrêts, faisant tout pour garder un ton courtois et léger. […] Les producteurs manquent de recul pour juger ce qu’ils font et l’effet que leur volonté produira sur l’époque. […] Puisque l’un consent à produire et l’autre à se laisser améliorer, qu’au moins cette double volonté ne soit pas vaine : utilisez votre effort mutuel, estimez-vous l’un l’autre. […] Gustave Geffroy, outre sa série de belles appréciations sur la peinture, a écrit avec l’Enfermé une monographie critique et historique de haute valeur, constituant un des plus beaux essais que la littérature française ait produit depuis trente ans. […] Le symbolisme n’a produit aucun critique sauf M. 

183. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

Tant qu’on ne nous aura pas montré comment le métissage impose aux cerveaux certains arrangements de molécules tels qu’ils produisent fatalement, en vertu de lois plus générales antérieurement connues, la combinaison d’idées qui aboutit a l’égalitarisme, l’égalitarisme ne saurait être légitimement tenu pour la conséquence du métissage. […] Déjà il lui est difficile de montrer entre telle forme anatomique et le mouvement égalitaire, une relation constante ; a fortiori d’expliquer comment l’un peut produire l’autre. […] — Oui, mais cause indirecte ; et si nous voulons comprendre comment elle agit sur l’opinion publique, nous sommes obligés de considérer d’abord l’effet qu’elle produit sur les éléments sociaux, qu’elle assimile, puis l’effet que produit, sur les idées régnantes, cette assimilation même. […] Pour qu’il se produise forcément, d’autres doivent être données en même temps qu’elle.

184. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

N’est-ce pas là précisément ce qui a produit les grandes séditions du dix-huitième siècle ? […] Ce n’est pas dans le temps où il vivait, ce n’est pas avec son caractère qu’on produit un tel ouvrage. […] Ce sont de telles circonstances qui produisent Homère et le Tasse. […] L’imagination poétique a rarement produit quelque chose de plus noble. […] Il n’y a que le génie qui, écrivant par la nécessité de produire, sache porter ses propres fruits.

185. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre I »

La Sologne, jadis florissante633, est devenue un marécage et une forêt ; cent ans plus tôt, elle produisait trois fois autant de grains ; les deux tiers de ses moulins ont disparu ; il n’y a plus vestige de ses vignobles ; « les bruyères ont pris la place des raisins ». […] Arthur Young calcule que, de son temps, l’acre anglaise produit vingt-huit boisseaux de grain, l’acre française dix-huit, que le produit total de la même terre pendant le même laps de temps est de trente-six livres sterling en Angleterre, et seulement de vingt-cinq en France. — Comme les chemins vicinaux sont affreux et que les transports sont souvent impraticables, il est clair que, dans les cantons écartés, dans les mauvais sols qui rendent à peine trois fois la semence, il n’y a pas toujours de quoi manger. […] De son côté, ce métayer ne songe qu’à vivre avec le moins de travail possible, à mettre le plus de terrain qu’il peut en dépaître ou pacages, attendu que le produit provenant du croît du bétail ne lui coûte aucun travail. […] En vain il a travaillé avec une âpreté nouvelle, ses mains restent aussi vides, et, au bout de l’année, il découvre que son champ n’a rien produit pour lui. Plus il acquiert et produit, plus ses charges deviennent lourdes.

186. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Encore une fois, Descartes a sans doute un système ; mais sa gloire principale, comme celle de Socrate, est d’avoir mis dans le monde moderne l’esprit philosophique, qui a produit et produira mille et mille systèmes. […] Cette abstraction est une lumière immense sur tout le siècle qui a pu la produire. […] Ces trois idées ne sont pas un produit arbitraire de la raison humaine ; loin de là, elles constituent cette raison. […] non, et cela est si vrai, qu’après avoir fait tel acte, j’en produis un nouveau, je le modifie, je le change. […] Le clergé français, après avoir produit l’Église de France au dix-septième siècle, était dégénéré en un clergé mondain, où l’impiété était presque en honneur, et qui a produit les adversaires les plus acharnés du christianisme.

187. (1909) De la poésie scientifique

J’ai osé écrire aussi, vers 1889, en pleine lutte : « J’ai le temps, et mon temps viendra »2  Je crois que le créateur doit être un avec son œuvre, car cette œuvre doit être le produit de son unité réalisée. […] Catulle Mendès de s’écrier : « Quelle admirable France qui ne cesse de produire des poètes, encore des poètes !  […] L’émotion a produit l’expression phonétique, elle-même imitative, en graphisme et en coloration (consonnes et voyelles), des phénomènes extérieurs. […] L’Idée en son évolution s’exprime en créant elle-même son Rythme-évoluant : Rythme qui est essentiellement de l’émotion extériorisée et remettant en vibration les causes sensitives qui l’ont produite. […] Son but a été de produire dans une expression poétique adéquate les plus récents résultats obtenus par la science, et, en particulier, par la science biologique.

188. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

Quand les oscillations régulières du balancier nous invitent au sommeil, est-ce le dernier son entendu, le dernier mouvement perçu qui produit cet effet ? […] Mais ici encore un phénomène d’endosmose se produit, un mélange entre la sensation purement intensive de mobilité et la représentation extensive d’espace parcouru. […] Annoncer qu’un phénomène se produira au bout d’un temps t, c’est dire que la conscience notera d’ici là un nombre t de simultanéités d’un certain genre. […] La conscience aurait une impression indéfinissable et en quelque sorte qualitative de ce changement, mais il n’y paraîtrait pas en dehors d’elle, puisque le même nombre de simultanéités se produirait encore dans l’espace. […] Quand je me promène pour la première fois, par exemple, dans une ville où je séjournerai, les choses qui m’entourent produisent en même temps sur moi une impression qui est destinée à durer, et une impression qui se modifiera sans cesse.

189. (1904) En méthode à l’œuvre

Et en la perpétuelle diversité de sa manière de se produire qui est mouvement, d’éternité et pour éternité et dans l’illimité, — elle devient. […] Et en la perpétuelle diversité de sa manière de se produire qui est mouvement, d’éternité et pour éternité et dans l’illimité, — elle devient. […] Mais la voix, il est su du même temps, est un instrument essentiel et multiple : essentiel et multiple par les diverses Voyelles produites, ainsi qu’instruments divers, de groupements divers d’harmoniques. […] L’émotion a produit l’expression phonétique, et le souvenir l’a gardée et reproduite en la nuançant. […]   Selon l’idée de métrique d’hier, l’on dirait que le plus de divisions du vers produira le plus de rapidité du mouvement.

190. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

En effet, les choses sociales ne se réalisent que par les hommes ; elles sont un produit de l’activité humaine. […] Non seulement elles sont en nous, mais, comme elles sont un produit d’expériences répétées, elles tiennent de la répétition, et de l’habitude qui en résulte, une sorte d’ascendant et d’autorité. […] Bien loin qu’ils soient un produit de notre volonté, ils la déterminent du dehors ; ils consistent comme en des moules en lesquels nous sommes nécessités à couler nos actions. […] Ils se sont, eux aussi, formés historiquement ; ils sont un produit de l’expérience humaine, mais d’une expérience confuse et inorganisée. […] C’est ainsi que le physicien substitue aux vagues impressions que produisent la température ou l’électricité la représentation visuelle des oscillations du thermomètre ou de l’électromètre.

191. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Des questions sociales, si nous passons aux politiques, à proprement parler, lesquelles ne sont pas tant à dédaigner que certains esprits soi-disant avancés se le figurent ; ces derniers jours ont produit une manifestation des sentiments publics bien imposante et qui doit donner à réfléchir. […] La manifestation cordiale, spontanée, sincère, qui s’est produite dans la population (ce n’est pas trop dire) à la nouvelle de sa blessure, a fait voir quel gré on lui savait d’avoir relevé, au nom de tous, le gant que nul adversaire ne se fût avisé de lui jeter, à lui, en face. […] quel effet produiront de loin pour la postérité ces efforts inouïs et ces œuvres altières qui s’accumulent ? […] Lacordaire au calomnieux factum du sieur Douville a produit son effet.

192. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

Votre langue se déliera en face du particulier : vous aurez un jugement à porter, une raison à produire, une émotion à noter. […] De courtes aurores, des midis plus longs, plus pesants qu’ailleurs, presque pas de crépuscule ; quelquefois une expansion soudaine de lumière et de chaleur, des vents brûlants qui donnent momentanément au paysage une physionomie menaçante et qui peuvent produire alors des sensations accablantes ; mais, plus ordinairement, une immobilité radieuse, la fixité un peu morne du beau temps, enfin une sorte d’impassibilité qui du ciel semble être descendue dans les choses, et des choses avoir passé dans les visages. […] Tout cela réuni produisit sur Levine une impression si vive qu’il se prit à rire et à pleurer de joie. […] Tout cela veut dire : Levine était joyeux ; mais, à cette sèche indication, l’écrivain substitue une riche analyse, qui montre la révolution produite par la joie dans tout le domaine de l’intelligence et de la sensation.

193. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le colonel Ardant du Picq »

Et tout de même que les disciplines de guerre les plus dures sont les mieux entendues et produisent toujours les résultats les plus grands, tout de même les autres disciplines, qui produisent, dans les sociétés comme dans les armées, la solidarité, la cohésion, l’efficacité du commandement et l’ascendant moral, — la seule raison véritable qu’on puisse donner de ce mystère de la victoire, — font les peuples les plus forts et les plus glorieux. […] Calculateur et de sang-froid, qui raisonne de la guerre comme de l’âme de l’homme, parce que c’est cette âme qui fait la guerre, l’auteur des Études sur le Combat voit sûrement, comme tout le monde et mieux que tout le monde, un changement profond dans les conditions extérieures de la guerre avec lesquelles il faut compter ; mais les conditions spirituelles dans lequel elle se produit n’ont pas changé, elles ! […] Et devrait-il n’y avoir pas d’autre effet produit par ce livre de tendance sublime, que ce serait comme cela assez utile et assez beau !

194. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 518-522

Mais la Commission, en rendant toute justice et à ces talents et à ces efforts, a dû se demander si l’objet principal du programme, aux termes duquel elle était convoquée, si le but moral entrait le moins du monde dans l’inspiration de ces pièces, ou s’il ressortait de l’effet qu’elles produisent ; et il lui a été impossible de l’y reconnaître, et par conséquent de le couronner. Sans doute, monsieur le ministre, la pensée de l’arrêté du 12 octobre 1851 n’a pas été de provoquer sur la première scène française la création d’un genre exclusivement moral, qui ne s’attacherait à présenter que des exemples vertueux, et à en tirer directement des leçons : un tel genre a été tenté en d’autres temps et n’a produit bien vite que monotonie, emphase et déclamation suivie de beaucoup d’ennui. […] Cette honnêteté, qui se produit sans emphase, qui brille dans le caractère des personnages et dans toutes leurs paroles, semble couler naturellement de l’âme de l’auteur ; une versification nette, correcte, élégante, y sert d’ornement ; quelques personnages assez gais et plus actifs, jetés dans ce monde d’honnêtes gens, relèvent la douceur des tableaux.

195. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIV. De la plaisanterie anglaise » pp. 296-306

La gaieté, qu’on doit pour ainsi dire à l’inspiration du goût et du génie, la gaieté produite par les combinaisons de l’esprit, et la gaieté que les Anglais appellent humour, n’ont presque aucun rapport l’une avec l’autre ; et dans aucune de ces dénominations la gaieté du caractère n’est comprise, parce qu’il est prouvé, par une foule d’exemples, qu’elle n’est de rien dans le talent qui fait écrire des ouvrages gais. […] Mais comme les antithèses ne composent pas seules l’éloquence, les contrastes ne sont pas les seuls secrets de la gaieté ; et il y a, dans la gaieté de quelques auteurs français, quelque chose de plus naturel et de plus inexplicable : la pensée peut l’analyser, mais la pensée seule ne la produit pas ; c’est une sorte d’électricité communiquée par l’esprit général de la nation. […] Les allusions, les allégories, toutes les fictions de l’esprit, tous les déguisements qu’il emprunte, sont des combinaisons avec lesquelles on produit de la gaieté ; et, dans tous les genres, les efforts de la pensée vont très loin, quoiqu’ils ne puissent jamais atteindre à la souplesse, à la facilité des habitudes, au bonheur inattendu des impressions spontanées.

196. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VI. De l’emploi des figures et de la condition qui les rend légitimes : la nécessité »

Mais lorsqu’il s’agit de parler à l’intelligence, de lui découvrir une vérité théorique ou pratique, il faut se défier de ce langage figuré, qu’une certaine chaleur de sentiment, uni à une certaine paresse d’esprit, produit. […] Il est plus facile à un orateur politique d’écraser ses ennemis, de conjurer des spectres, de contenir des torrents, de figurer vivement le mal que fera le parti contraire, et le bien que son parti fera, que d’indiquer en termes propres un seul moyen d’écarter le moindre des dangers et de produire le plus léger des biens : on manque d’ordinaire à la transformation des métaphores en idées. […] La conclusion de tout ceci, c’est qu’il faut se proposer de parler proprement et justement ; qu’il ne suffit pas même que les figures soient le produit spontané de l’esprit ; qu’il faut encore exercer sur ce que l’on écrit un contrôle sévère, et ne recevoir aucune métaphore, aucune figure d’aucune sorte, que lorsqu’on sent qu’elle est dans la circonstance l’expression propre, adéquate de la pensée, lorsqu’elle apparaît comme véritablement et rigoureusement nécessaire.

197. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 312-324

Dans le Systême de la Nature, tout s’altere, se brouille, s’éteint ; la Nature, en désordre, n’a plus rien qui rappelle à elle-même ; tout ce qu’elle produit dans l’humanité, devient sa honte & son ennemi. […] La fausse clarté de ceux-ci n’est que le produit de la corruption, s’éteint avec elle : l’autre est une clarté, dont l’éclat soutenu ne permet pas de méconnoître le vrai Guide destiné à nous conduire. […] Qu’on examine ce qu’ont produit, en faveur de l’Humanité, tant de déclamations vagues, qui ont enrichi la Presse en la déshonorant ; ou plutôt, quels maux n’ont-elles pas déjà enfantés ?

198. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Sand ; Octave Feuillet »

Elle n’a produit que des œuvres faibles, plus ou moins avortées ou plus ou moins mortes à quatre minutes de leur naissance. […] Madame Sand a fait le sien comme Feuillet ; seulement ce bruit, qui ne vient pas du mérite intrinsèque des œuvres, s’est promptement dissipé, et quoique nous ne soyons pas très loin du moment où il s’est produit, il semble qu’il y ait longtemps déjà qu’on ne l’entend plus ! […] Et que sont, en comparaison, même les autres livres, à quelque catégorie de la pensée qu’ils appartiennent, d’une année qui, en fait d’œuvres en prose, n’a produit que la Madelon d’About, la Thérèse d’Erckmann-Chatrian, la Madame de Warens d’Arsène Houssaye, la Fior d’Aliza de Lamartine, les Tristesses de madame de Gasparin, et, en fait d’œuvres en vers, ne nous a donné que la Diane au bois de Théodore de Banville et les Satires de Veuillot, — de Veuillot qui n’est pas encore un poète aujourd’hui, mais qui le sera peut-être demain, s’il peut s’arracher aux difficultés contre lesquelles il lutte et se débat, comme le lion de Milton contre les dernières fanges du chaos !

199. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre III. Trois espèces de jurisprudences, d’autorités, de raisons ; corollaires relatifs à la politique et au droit des Romains » pp. 299-308

Joignez à cela les causes naturelles qui produisent les gouvernements humains, et qui sont toutes contraires à celles qui avaient produit l’héroïsme, puisqu’elles ne sont autres que désir du repos, amour paternel et conjugal, attachement à la vie. […] Bien loin que ces pratiques aient eu aucun but d’imposture, c’étaient des usages sortis de la nature même des hommes de l’époque ; une telle nature devait produire de tels usages, et de tels usages devaient entraîner nécessairement de telles pratiques.

200. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Selon moi, les variétés ou espèces naissantes, ainsi produites, sont plus tard converties en espèces nouvelles bien distinctes, qui, en vertu du principe d’hérédité, tendent à devenir à leur tour autant d’espèces dominantes. […] Les lettres depuis A jusqu’à L peuvent représenter onze genres de l’époque silurienne, dont quelques-uns ont produit des groupes nombreux de descendants modifiés. […] Comment se fait-il enfin que parfois l’embryon paraisse avoir une organisation plus élevée que l’animal adulte qu’il doit finalement produire ? […] J’ai déjà fait observer, dans le premier chapitre, qu’il est fort probable que toute variation tend à se manifester dans la postérité de parents variables, au même âge où elle s’est produite chez ces derniers. […] En l’un ou l’autre cas, le jeune individu ou l’embryon devra ressembler parfaitement à l’adulte qui le produit : c’est ce que nous avons vu chez le Culbutant à courte face.

201. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre III. Les immoralités de la morale » pp. 81-134

Mais un illogisme intense est de règle, et dans bien des cas l’unification serait dangereuse et c’est pour cela, sans doute, qu’elle ne se produit pas. […] Avec un peu plus d’organisation, la personnalité est trop serrée pour qu’une lutte ouverte s’y produise. […] Sans doute, elle a, comme tout, ses causes, et de vagues analogies l’ont produite. […] Mais il ne faudrait pas confondre ce qui montre une vertu avec ce qui la produit, pas plus qu’il ne faut croire qu’il n’y aurait point de chaleur sans thermomètre. […] La grande excuse de l’idée que l’effort produit le mérite est dans la misérable condition de l’humanité.

202. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

C’est aux auteurs allemands qu’il appartient de constater l’influence produite sur leur littérature par la littérature française. […] Mais cette tendance historique produisit des œuvres plus sérieuses et plus durables. […] L’important pour l’auteur américain c’est de produire un effet inattendu et puissant, et de nous y amener par la surprise. […] Ces premières imitations du drame anglais ne produisirent même sous la plume d’un homme de talent, que de mauvaises tragédies. […] L’imitation étrangère devait produire en France un nouveau genre dramatique.

203. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

Voici que le moment est proche où ils devront cesser de produire, sous peine de mort intellectuelle. […] D’un autre côté, le mouvement formidable de la Révolution française, trop foudroyant et trop promptement enrayé, n’a rien produit dans l’Art. […] L’amour de la patrie, le dévouement à la liberté, ont produit des actes héroïques dans toutes les races et dans tous les siècles ; qui en doute et qui ne s’en émeut ? […] Ne suffit-il pas, pour s’en convaincre, de remarquer que ces deux cents années n’ont produit aucun poète lyrique digne de ce nom ? […] Cela est ainsi et s’est toujours produit.

204. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 207-209

L'ironie y regne d'un bout à l'autre ; la plaisanterie y est maniée avec autant de sel que de jugement, & produit des effets que l'éloquence directe n'auroit pas été capable de produire.

205. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

La cérébralité, chez les animaux supérieurs et chez l’homme, est un produit du milieu social. […] C’est donc qu’il n’est pas le produit exclusif du milieu social. […] Chacun des générateurs, résumant en lui une infinité d’influences ethniques indéterminables lègue à son produit un nombre infini de dispositions singulières. Sous l’influence des métissages, les différences physiologiques se sont multipliées à l’infini et ont produit des différences intellectuelles natives que M.  […] L’antinomie résulte de ce fait que l’individu n’étant pas un simple produit social, mais impliquant d’autres éléments (physiologie, hérédité, race) capables d’influer sur son intelligence, on conçoit qu’il puisse se produire une désharmonie plus ou moins profonde entre la pensée individuelle et la pensée du groupe.

206. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Ayant en effet changé les mœurs et l’état social, elle a produit par là même un changement correspondant dans les œuvres qui en sont l’expression. […] La disparition sans doute n’est pas immédiate ; il faut quelques années au contrecoup pour se produire ; il y a des essais désespérés pour conserver ou faire revivre les formes, la langue, les genres, le style même du xviie  siècle. […] Mais il se produit des rajeunissements plus profonds ; Diderot les avait pressentis. […] Les détracteurs de la démocratie n’hésitent pas à clamer que c’est la seule littérature que ce régime puisse produire. […] Ainsi, il n’est pas inutile de rechercher les effets qu’a pu produire la centralisation croissante.

207. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française à l’étranger pendant le xviiie  siècle, par M. A. Sayous » pp. 130-145

Regardez-y bien : tous ces Génevois de la vieille souche ont finesse, modération, une certaine tempérance, l’analyse exacte, patiente, plus de savoir que d’effet, plus de fond que d’étalage ; et quand ils se produisent, ils ont du dessin plutôt que de la couleur, le trait du poinçon plus que du pinceau ; ils excellent à observer, à décrire les mécanismes organiques, physiques, psychologiques, dans un parfait détail ; ils regardent chaque pièce à la loupe et longtemps ; ils poussent la patience jusqu’à la monotonie ; ils sont ingénieux, mais sans une grande portée. […] On en était resté, avec lui, sous le coup de la fameuse note de la cinquième partie de La Nouvelle Héloïse : « Non, ce siècle de la philosophie ne passera point sans avoir produit un vrai philosophe. […] C’est ainsi que la biographie de Georges Le Sage, esprit plus singulier encore qu’original, et qui d’ailleurs n’a rien produit, me paraît tenir trop de place, venant après les études sur Charles Bonnet et sur l’illustre Saussure, les deux noms qui forment le véritable couronnement de ce beau siècle littéraire et scientifique de Genève. […] Tout a changé dans Genève, tout s’est transformé ; après un âge brillant, qui a recommencé et même surpassé en mouvements d’idées les beaux jours du xviiie  siècle, une autre révolution s’est produite ; la face des choses a été renouvelée ; là comme ailleurs, le flot du grand nombre débordant, ce qui était relativement l’aristocratie a perdu son petit empire. […] Elle en produit, et elle en adopte.

208. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

Parmi les hommes d’État qui ont paru en première ligne dans nos affaires depuis dix ans, il en est plusieurs qui se sont fait bien des titres de gravité, de vertu, d’éloquence : il en est deux que j’ai toujours involontairement rapprochés par le contraste et aussi par de certaines ressemblances dans l’effet produit. […] l’un et l’autre pourtant, à l’aide ou des saillies ou des nuances de cette parole, l’un et l’autre de plus ou moins loin et tous les deux de près, arrivent à produire un effet analogue de persuasion facile, de séduction aisée. […] Ceux qui vous ont précédés dans la carrière y ont dirigé vos premiers pas… Vous ne sentez peut-être pas assez vous-mêmes tout le prix de ces biens que vous avez reçus ; croyez-en celui qui les regrettera jusque dans sa vieillesse, et dont l’enfance sans protection, sans guide, n’eut de leçons que celles du malheur. » — On s’étonnait un jour devant M. d’Andilly que son très-jeune frère, le docteur Arnauld, au sortir des écoles, eût pu produire en français un livre aussi bien écrit que celui de la Fréquente Communion. […] Il ignora cette sorte de rêverie des derniers jours que produisent les illusions détruites, et qui console de tout ce qui échappe par le plaisir d’en être détrompé. […] On a fort applaudi et l’on goûte de nouveau à la lecture cette parole de moraliste sur l’indulgence : « Pour moi, je le confesse, le résultat d’une longue suite de jours qui ne sont pas sans souvenirs, n’aura pas été uniquement de rendre mes convictions d’autant plus inébranlables, mais aussi, mais surtout de m’apprendre que l’indulgence, dont on se vante, a encore des rigueurs que n’aurait pas une complète justice105. » De simples mots ont produit un effet au passage : « Voilà, me dit-il un jour (en parlant de l’abbé Émery), voilà la première fois que je rencontre un homme doué d’un véritable pouvoir sur les hommes, et auquel je ne demande aucun compte de l’usage qu’il en fera. » Ce me dit-il un jour a fait mouvement ; il s’agissait de Napoléon.

209. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Notes sur l’Ancien-Régime »

Il faudrait « écurer le bié du moulin et la rivière dont les débordements gâtent la grande prairie, réparer les chaussées des deux étangs, réparer l’église qui est à la charge du seigneur, et dont les couvertures notamment sont dans un état affreux, les eaux pénétrant à travers la voûte », réparer les chemins qui sont aussi à la charge du seigneur, et qui pendant l’hiver sont dans un état déplorable. « Il paraît qu’on ne s’est jamais occupé du rétablissement et réparation de ces chemins. » Le sol de la terre de Blet est excellent, mais il faudrait des saignées et fossés pour l’écoulement des eaux, sans quoi les bas-fonds continueront à ne produire que des mauvaises herbes. […] Le château de Blet n’a pas été habité depuis 1748 ; aussi presque tous les meubles sont pourris et hors d’usage ; ils valaient 7 612 livres en 1748 ; ils ne sont plus estimés qu’à 1 000 livres. « Le moulin à eau occasionne presque autant de dépense qu’il produit de revenu. » — « On ne connaît point l’usage de la chaux pour l’engrais des terres labourables », et pourtant « dans le pays la chaux est à vil prix ». La terre, humide et très bonne, produirait à volonté des haies vives ; pourtant on clôt les champs avec des haies sèches contre les bestiaux « et cette charge, suivant le rapport des fermiers, est évaluée au tiers du produit des fonds »  Ce domaine, tel qu’on vient de le décrire, est évalué comme il suit : 1. […] Enfin, dans la généralité d’Auch, l’assemblée provinciale estime que la taille et les accessoires prélèvent les trois dixièmes du produit net, d’où l’on peut voir, en prenant les chiffres du budget de la province, que la taille seule prélève 18 fr. 10 c. sur 100 fr. de revenu.

210. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Car comment les mouvements vitaux pourraient-ils se produire au sein d’éléments non vivants ? […] Si, comme on nous l’accorde, cette synthèse sui generis qui constitue toute société dégage des phénomènes nouveaux, différents de ceux qui se passent dans les consciences solitaires, il faut bien admettre que ces faits spécifiques résident dans la société même qui les produit, et non dans ses parties, c’est-à-dire dans ses membres. […] Nous les faisons consister en des manières de faire ou de penser, reconnaissables à cette particularité qu’elles sont susceptibles d’exercer sur les consciences particulières une influence coercitive. — Une confusion s’est produite à ce sujet qui mérite d’être notée. […] On a dit, par exemple, que le fait social, c’est « tout ce qui se produit dans et par la société », ou encore « ce qui intéresse et affecte le groupe en quelque façon ». […] Mais pour qu’il y ait fait social, il faut que plusieurs individus tout au moins aient mêlé leur action et que cette combinaison ait dégagé quelque produit nouveau.

211. (1903) Considérations sur quelques écoles poétiques contemporaines pp. 3-31

Elle a produit de belles œuvres. Elle peut parfaitement en produire de nouvelles encore. […] Cet inconvénient ne se produirait pas si le poème entier était composé dans ce même rythme de 3 + 5 + 4. […] Le balancement syllabique, trois fois répété, produit une sorte de cadence douce rappelant celle du décasyllabe, bâti sur le modèle de l’endécasyllabe italien ou espagnol. Mêlé à l’alexandrin bicésuré, il peut produire des effets variés par sa cadence capable de rompre la monotonie des tirades trop régulièrement hexamétrées.

212. (1881) Le naturalisme au théatre

Il est simplement permis de deviner ce qui va se produire. […] Des faits se produisent, et je les signale. […] Balzac s’est produit dans le roman, et le roman est fondé. […] Demain peut se produire une nouvelle formule qui bouleversera la formule actuelle. […] Remarquez que j’appelle situation tout fait produit par les personnages.

213. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Il s’y trouvait en prison, et sentait que pour produire il avait besoin de la clef des champs. […] Vous trouverez dans les Espagnols des sujets qui, traités dans notre goût par des mains comme les vôtres, produiraient de grands effets. […] Aveugle et rapide en son instinct, il porte du premier coup la main au sublime, au glorieux, au pathétique, comme à des choses familières, et les produit en un langage superbe et simple que tout le monde comprend, et qui n’appartient qu’à lui16. […] L’effet que produisit sur le poëte ce déchaînement de la critique fut tel qu’on peut le conclure d’après le caractère de son talent et de son esprit. […] Une autre fois, il disait à Chevreau : « J’ai pris congé du théâtre, et ma poésie s’en est allée avec mes dents. » Corneille avait perdu deux de ses enfants, deux fils, et sa pauvreté avait peine à produire les autres.

214. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

Quand je dis : il fait noir, cela exprime bien les impressions que j’éprouve en assistant à une éclipse ; mais dans l’obscurité même, on pourrait imaginer une foule de nuances, et si au lieu de celle qui s’est réalisée effectivement, c’eût été une nuance peu différente qui se fût produite, j’aurais cependant encore énoncé cet autre fait en disant : il fait noir. […] C’est parce que j’admets une loi d’après laquelle toutes les fois que tel effet mécanique se produira, tel effet chimique se produira de son côté. […] je pourrai comprendre que cela veut dire : tel effet mécanique va-t-il se produire ? mais je pourrai comprendre aussi : tel effet chimique va-t-il se produire ? […] Il ne me servirait à rien d’avoir donné le nom de chute libre aux chutes qui se produisent conformément à la loi de Galilée, si je ne savais d’autre part que, dans telles circonstances, la chute sera probablement libre ou à peu près libre.

215. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Mais il est à remarquer que l’âme d’un héros, quand elle se partage et se brise en quelque sorte entre ses descendants, produit quelquefois de singulières formes, ou même des monstres étranges. […] L’admiration, l’enthousiasme dont il était saisi, lui inspirait des expressions qui répondaient à la mâle et harmonieuse énergie des vers grecs, autant qu’il est possible d’en approcher dans la prose d’une langue à peine tirée de la barbarie… Cependant M. de Malezieu, par des efforts que produisait un enthousiasme subit, et par un récit véhément, semblait suppléer à la pauvreté de la langue, et mettre dans sa déclamation toute l’âme des grands hommes d’Athènes. […] Or, il arriva que Mlle de Launay et Mme de Lambert lurent à ce mardi des lettres qu’elles avaient reçues de la duchesse du Maine, laquelle, informée de cet honneur qu’on avait fait à ses lettres, eut l’air de s’effrayer qu’on les eût produites en si docte et si redoutable compagnie. […] En regard de ces gens nés demi-dieux et qui étaient le produit monstrueux de l’Ancien Régime, plaçons en idée les parvenus, qui sont le produit si habituel du régime nouveau. […] L’homme a beau retourner et renverser les situations, il ne change pas ses défauts ni ses travers ; on les voit bientôt reparaître tous ; seulement ils se produisent, selon les temps, sous une forme plus ou moins noble, polie et agréable ; et cette forme-là, qui combinait l’excès de l’égoïsme avec la délicatesse d’esprit et la politesse, est plutôt celle du passé.

216. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 35, de la mécanique de la poësie qui ne regarde les mots que comme de simples sons. Avantages des poetes qui ont composé en latin sur ceux qui composent en françois » pp. 296-339

Leurs réflexions sur les vers dont le nombre et l’harmonie plaisoient, et sur ceux dont la cadence étoit désagréable, ont produit les loix de la versification. […] Les regles de la poësie latine ne sont autre chose que les observations et la pratique des meilleurs poëtes latins sur l’arrangement des syllabes necessaires pour produire le rithme, réduites en préceptes et puis en methode. […] C’étoit à l’oreille du poëte à chercher quel étoit le mélange de ces sons le plus propre à produire une harmonie agréable et convenable au sens des vers. […] Je vais montrer que l’observation des regles de la poësie françoise ne produit ni l’un ni l’autre effet. […] C’est l’effet que produit la lenteur avec laquelle se prononcent les expressions simples et en apparence sans art, que Ciceron repête pour parler de l’action contre laquelle il veut soulever l’imagination de l’auditeur.

217. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre V : Rapports du physique et du moral. »

Il est contraire à tout ce que nous savons de l’action du cerveau de supposer que la chaîne matérielle des actions nerveuses se termine brusquement à un vide occupé par une substance immatérielle ; que là cette substance agisse seule, puis communique les résultats de cette action à la substance matérielle : « il y aurait ainsi deux rivages matériels séparés par un océan immatériel. » — En fait, les choses ne se passent pas ainsi et lorsque nous parlons d’une action de l’esprit, nous avons toujours une cause à deux faces ; l’effet est produit non par l’esprit seul, mais par l’esprit associé au corps. […] Est-ce le fait purement psychologique et abstrait de la peur qui produit cet effet ? […] C’est une transition qu’on ne rend pas exactement en parlant d’un passage de l’extérieur à l’intérieur ; car c’est encore là un changement qui ne se produit que dans la sphère de l’étendue.

218. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mon mot sur l’architecture » pp. 70-76

Il semble qu’il eût mieux valu s’en écarter, et qu’il y aurait eu plus d’habileté à produire l’effet contraire, et à donner de la grandeur à une chose ordinaire et commune. On répond qu’à la vérité l’édifice aurait paru plus grand au premier coup d’œil, si l’on eût sacrifié avec art les proportions ; mais on demande lequel était préférable, ou de produire une admiration grande et subite, ou d’en créer une qui commençât faible, s’accrût peu à peu et devînt enfin grande et permanente par un examen réfléchi et détaillé. […] On nie que la comparaison du spectateur avec une des parties de l’édifice produise l’effet qu’on en attend, et répare l’illusion défavorable du premier coup d’œil.

219. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Connaissance et respect de la langue, pureté, correction, éviter les tours vicieux, les termes impropres, ne jamais s’accorder un barbarisme ou un solécisme même en vue d’un effet à produire : on ne doit pas s’étonner que Boileau impose ces lois à un écrivain ; cela équivaut à exiger d’un peintre la connaissance du dessin. […] N’oublions point surtout que Boileau n’a pas vu dans le vers un ingénieux mécanisme, où l’on assemble les difficultés pour les vaincre, ni l’agréable instrument d’un jeu d’esprit littéraire ; jamais il n’en a perdu de vue la valeur artistique, et toutes les lois auxquelles il l’a soumis ne sont pas à elles-mêmes leur fin, mais sont les moyens de produire la cadence expressive, qui procure à l’oreille un plaisir conforme au sentiment dont les mots saisissent l’âme. […] Pour la vérité et pour l’agrément, il faut que l’ouvrage soit composé : et tout le développement, ses dimensions, ses proportions, le rapport des parties sont nécessités par le sujet que l’on traite et par l’impression qu’on veut produire. […] C’est le vers, c’est le style, c’est la beauté des rimes et des rythmes, la propriété et l’énergie des expressions, le bel ordre et la juste proportion des parties, c’est le choix des objets et des signes aptes à produire le plaisir essentiel à chaque genre, c’est tout cela, et rien que cela, qui constitue ces ornements nécessaires, dont la poésie ne saurait se passer. […] Il est incontestable aussi que de dire à un Français qu’Eumée est un porcher, et qu’Ulysse inquiet se tourne dans son lit comme un boudin sur le gril, cela ne lui fait pas du tout l’effet que les vers correspondants du texte produisaient sur les Grecs.

220. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Détachez un instant Madame Bovary du milieu où elle s’est produite, détachez-la de cette littérature d’imagination où, à part quelques exceptions éclatantes, on voit la nullité prétentieuse occupée à se battre les flancs, vous verrez quelles défaillances dans cette prétendue force et quelles taches dans ce soleil. […] Après l’impression produite par Madame Bovary, M.  […] Parce que l’écrivain s’est donné une tâche impossible, et que l’impuissance unie aux prétentions orgueilleuses de l’esprit de système produit infailliblement ce double résultat : ou bien le lutteur, vaincu d’avance, cherche à se faire illusion lui-même par des affirmations intrépides, ou bien il s’irrite contre un sujet qui l’écrase. […] L’étude mal comprise a produit l’archéologie équivoque, et de l’érudition fantasque est née la fausse poésie. […] Ces traits empruntés à des écrivains que sépare un long intervalle de siècles, ces traits disséminés, sans lien, sans cohésion vivante, qui se rencontrent celui-ci chez Hérodote, celui-là chez Pline, l’un chez Sanchoniaton, l’autre chez Ammien Marcellin, pense-t-on qu’on puisse les réunir violemment sans produire autre chose qu’un monstre ?

221. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre premier. De la stérilité d’esprit et de ses causes »

C’est là vraiment l’état de paralysie volontaire où l’on se met par le désir de laisser parler en soi la nature, et, loin de s’inquiéter de produire si peu, il faudrait plutôt s’émerveiller de produire encore quelque chose.

222. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre II. Pourquoi il faut préférer la méthode inductive » pp. 13-14

Si nous connaissions tous les facteurs dont une œuvre littéraire est le produit et toutes les conséquences qu’elle produit à son tour, nous pourrions, pour dérouler la série des phénomènes qui nous occupent, recourir à la méthode déductive.

223. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Qu’elle tende bien ainsi, tout naturellement, à prendre aux yeux de l’homme une forme humaine, cela n’est pas douteux ; mais, si la mythologie est un produit de la nature, c’en est le produit tardif, comme la plante à fleurs, et les débuts de la religion ont été plus modestes. […] L’événement a beau devoir se produire : comme on constate à chaque instant qu’il ne se produit pas, l’expérience négative continuellement répétée se condense en un doute à peine conscient qui atténue les effets de la certitude réfléchie. […] Tel de ces éléments a pu ne jamais se produire dehors à l’état pur. […] Elles font le geste qui n’irait pas jusqu’à produire l’effet désiré, mais qui l’obtiendra si l’homme sait forcer la complaisance des choses. […] Elle procède d’abord, nous dit-on, de ce que « le semblable produit le semblable ».

224. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

C’est en ce sens que la force est définie le produit de la masse par l’accélération. […] On croit communément que l’homme peut produire des mouvements en conformité avec ses volontés. […] « La force vitale, dit-il, dirige des phénomènes qu’elle ne produit pas ; les agents physiques produisent des phénomènes qu’ils ne dirigent pas. » M.  […] Sabatier, produit la vie, c’est qu’elle n’est pas purement matière. […] Comment cette extension se produit-elle ?

225. (1772) Éloge de Racine pp. -

Tel est celui du grand Racine, de l’écrivain le plus parfait qu’aient produit tous les siècles dans le plus difficile et le plus beau de tous les arts. ô Racine ! […] Peu content de ce qu’il avait produit jusqu’alors (car le talent sait juger ce qu’il a fait, parce qu’il sent ce qu’il peut faire), ne trouvant pas dans ses premiers ouvrages l’aliment que cherchait son ame, Racine s’interrogea dans le silence de la réflexion. […] le cid, la seule de ses pièces où l’amour produise quelque effet, bien plus par la situation que par les détails, le cid, qui fut le premier fondement de sa réputation, il l’avait pris aux espagnols. […] Osons cependant l’avouer (car la vérité, qui est toujours sacrée, doit l’être surtout dans l’éloge d’un grand homme ; elle tient de si près à sa gloire, qu’on ne peut altérer l’une sans blesser l’autre), avouons-le ; soit que le succès des ouvrages de théâtre dépende essentiellement du choix des sujets ; soit que le premier élan du génie soit quelquefois si rapide et si élevé, que lui-même ait ensuite beaucoup de peine, de la hauteur où il est parvenu d’abord, à prendre encore un vol plus haut et plus hardi ; quoi qu’il en soit, depuis Andromaque , Racine, offrant dans chacun de ses drames une création nouvelle et de nouvelles beautés, n’avait encore rien produit qui fût dans son ensemble supérieur à cet heureux coup d’essai. […] Neuf ans lui avaient suffi pour produire tant de chefs-d’oeuvre.

226. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Les poètes satiriques, les historiens, les dramaturges ont-ils jamais été accusés de tresser des couronnes pour les forfaits qu’ils peignent, qu’ils racontent, qu’ils produisent sur la scène ? […] On sait l’impression qu’elles produisirent alors. […] Or, la torture que doit produire un tel poison sauve des dangers de son ivresse ! […] Il est difficile que quelque chose de beau ou de bon se produise sans que cette société, qu’on dit si matérielle et si endormie, n’en reçoive quelque agitation. […] Ce qui chez l’un découle d’un amour savant et puissant de la forme est produit chez l’autre par l’intensité et par la spontanéité de la passion.

227. (1886) Le naturalisme

Ils préfèrent les œuvres que ils ont produites. […] Ce qui tend uniquement à produire une impression de réalité, Victor Hugo ne sait ou ne veut pas l’observer. […] Pour qu’ils produisent de l’illusion, il faut maintenant les regarder avec la lumière artificielle. […] Avec le produit, l’auteur achète un navire et en fait présent à un évêque missionnaire. […] Quel en sera le produit !

228. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

Elle aussi, à son tour, elle put produire ses merveilles. […] Viennent les crises, viennent les occasions, un conflit, l’apparition imprévue de quelque œuvre qui vous mette en demeure de choisir, de dire oui ou non sans hésiter (et il s’en est produit une en ces derniers temps)13, une œuvre qui fasse office de pierre de touche, et vous verrez, chez ceux même qui s’étaient fait des concessions et qui avaient presque l’air d’être tombés d’accord dans les intervalles, le vieil homme aussitôt se ranimer. […] C’est le même rythme dont on a dit : « Ce petit vers masculin de quatre syllabes, qui tombe à la fin de chaque stance, produit à la longue une impression mélancolique ; c’est comme un son de cloche funèbre. » Chez M. de Banville, l’impression de cette mélancolie ne va pas jusqu’au funèbre, et elle s’arrête à la douceur regrettée des pures et premières amours ; elle n’est, en quelque sorte, que le son de la cloche du village natal, et elle va rejoindre dans ma pensée l’écho de la romance de M. de Chateaubriand. […] Et c’est ainsi qu’au déclin d’une école et quand dès longtemps on a pu la croire finissante, quand de ce côté la prairie des muses semble tout entière fauchée et moissonnée, des talents inégaux, mais distingués et vaillants, trouvent encore moyen d’en tirer des regains heureux et de produire quelques pièces presque parfaites qui iraient s’ajouter à tant d’autres dans la corbeille, si un jour on s’avisait de la dresser, — dans la couronne, si l’on s’avisait de la tresser —, d’une anthologie française de ce siècle.

229. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIII. Des tragédies de Shakespeare » pp. 276-294

Il faut un talent infini, pour transporter ce sentiment, de la vie au théâtre, en lui conservant toute sa force ; mais quand on y est parvenu, l’effet qu’il produit est d’une plus grande vérité que tout autre : ce n’est pas au grand homme, c’est à l’homme que l’on s’intéresse ; l’on n’est point alors ému par des sentiments qui sont quelquefois de convention tragique, mais par une impression tellement rapprochée des impressions de la vie, que l’illusion en est plus grande. […] Le contraste de ce qui est noble avec ce qui ne l’est pas, produit néanmoins toujours, comme je l’ai déjà dit, une désagréable impression sur les hommes de goût. […] D’abord il est démontré que de certaines situations, seulement effrayantes, que les mauvais imitateurs de Shakespeare ont voulu représenter, ne produisent qu’une sensation physique désagréable, et aucun des plaisirs que la tragédie doit donner ; mais, de plus, il y a beaucoup de situations touchantes en elles-mêmes, et qui néanmoins exigent un jeu de théâtre, fait pour distraire l’attention, et par conséquent l’intérêt. […] Philoctète est le seul exemple d’un effet théâtral produit par elle ; et ce sont les causes héroïques de sa blessure qui permettent de fixer l’intérêt des spectateurs sur ses maux.

230. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

On peut admettre que des causes permanentes ou presque insensiblement changeantes ont dû produire en tout temps sur les corps et les humeurs des effets à peu près identiques. […] » — La raison, dit-il encore42, produit des hommes d’esprit ; le sentiment fait les hommes de génie. […] § 2. — Les modifications qui se produisent dans l’état physiologique d’un peuple ne sont pas seulement corrélatives de celles que subit sa littérature ; il est parfois possible de dire lesquelles sont effet, lesquelles sont cause des autres. […] N’a-t-on jamais vu se produire, à la suite de quelque œuvre désespérément pessimiste, un étrange appétit de suicide, et, comme dit Victor Hugo : Une facilité sinistre de mourir ?

231. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

La question touchant le plaisir ou le déplaisir que causait ou méritait de causer telle œuvre, demeurait posée ; mais on s’astreignait à savoir, en outre, quelle était la personne c’est-à-dire l’intelligence qui l’avait produite, et encore quel était l’ensemble des circonstances historiques c’est-à-dire sociales, dont sa production avait été entourée ; pour ces deux sortes de renseignements le critique avait à se doubler d’un historien ou d’un biographe et devait pénétrer dans le domaine des sciences morales. […] Taine explique que sa méthode est une sorte de dialectique qui consiste à remonter de l’œuvre littéraire à l’homme physique qui l’a produite, de cet homme physique à l’homme intérieur, à son âme ; puis aux causes même de cette constitution psychologique. […] Depuis, la publication de l’Histoire de la littérature anglaise, il ne s’est guère produit dans le domaine de cette méthode de tentatives dignes de mention. […] En termes plus brefs, l’esthopsychologie n’a pas pour but de fixer le mérite des œuvres d’art et des moyens généraux par lesquels elles sont produites ; c’est là la tâche de l’esthétique pure et de la critique littéraire.

232. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

La rencontre de ce grand fleuve produisit en lui ce qu’aucun incident de son voyage ne lui avait inspiré jusqu’à ce moment, une volonté de voir et d’observer dans un but déterminé ; fixa la marche errante de ses idées, imprima une signification presque précise à son excursion d’abord capricieuse, donna un centre à ses études, en un mot le fit passer de la rêverie à la pensée. […] N’est-ce pas un devoir pour l’écrivain, quel qu’il soit, d’être toujours adhérent avec lui-même, et sibi constet, et de ne pas se produire autrement qu’on ne le connaît, et de ne pas arriver autrement qu’il n’est attendu ? […] Il importe peu au public, par exemple, que toutes les fins de lettres, consacrées à des détails de famille, aient été supprimées ; il importe peu que le lieu où s’est produit un accident quelconque, une roue cassée, un incendie d’auberge, etc., ait été changé ou non. […] S’ils ne se dérobaient par leur peu de valeur à l’honneur des assimilations et des comparaisons, l’auteur ne pourrait s’empêcher de faire remarquer que cet ouvrage, qui a un fleuve pour sujet, s’est, par une coïncidence bizarre, produit lui-même tout spontanément et tout naturellement à l’image d’un fleuve.

233. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

Un peuple est produit par la réunion de deux ou plusieurs peuples qui l’ont précédé. […] On devra, par conséquent, rechercher si, à un moment quelconque, il se produit une coalescence complète de ces segments. […] Au surplus, nous n’avons pas à entrer dans ces détails, il nous suffit d’avoir posé le principe de la classification qui peut être énoncé ainsi : On commencera par classer les sociétés d’après le degré de composition qu’elles présentent, en prenant pour base la société parfaitement simple ou à segment unique ; à l’intérieur de ces classes, on distinguera des variétés différentes suivant qu’il se produit ou non une coalescence complète des segments initiaux. […] Il reste, d’ailleurs, possible que certaines de ces combinaisons ne se produisent qu’une seule fois.

234. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

Mme de Staël qui commence le siècle, Mme de Staël qui avait pour Napoléon une haine de femme dédaignée, et qui, naïvement, se croyait, en femme, ce que l’Empereur était, en homme, Mme de Staël avait devancé et deviné Saint-Simon avec son pape et sa papesse égalitaires… Quoique mort sans papesse, en effet, le saint-simonisme en marqua la place dans sa hiérarchie ; et par cela seul qu’il la marqua, il fut tout de suite et il est resté une des causes les plus actives du remue-ménage qui s’est produit dans l’esprit et la vanité des femmes de ce temps, enragé de tous les genres d’émancipation. […] Le phénomène de la servante-maîtresse, si commun chez les vieux galants ; chez les dons Juans les plus superbes, les plus durs à la femme dans leur jeunesse, lorsque l’âge les a suffisamment attendris, peut se produire aussi chez les nations, et il semble que nous y touchions, à ce phénomène. […] Il est, dans l’histoire de l’humanité, des époques de véritable hermaphrodisme social, où l’homme s’effémine et la femme s’hommasse, et quand ces fusions contre nature se produisent, c’est toujours, pour que l’ordre soit troublé davantage, la femelle qui absorbe le mâle jusqu’à ce qu’il n’y ait plus là ni mâle ni femelle, mais on ne sait plus quelle substance neutre, pâtée à vainqueur pour le premier peuple qui voudra se l’assimiler ! […] Physiologiquement, métaphysiquement, socialement, a-t-il le droit, de se produire et d’exister ?

235. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

L’effet qu’il produit sur notre imagination est un effet voulu. […] L’illusion tend alors à se produire. […] — Chacun fait ce qu’il peut et produit selon ses aptitudes. […] Elle peut produire un effet grandiose. […] Pourquoi l’effet produit est-il déconcertant ?

236. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

. —  Quelles forces ont produit la civilisation présente et élaborent la civilisation future. […] C’est la houille qui a fait pousser tout cela : l’Angleterre en produit deux fois autant que le reste du monde. […] Une prairie avec une haie, puis une autre prairie avec une autre haie, et ainsi de suite ; parfois d’immenses carrés de raves ; tout cela aligné, nettoyé, lisse ; point de forêts, çà et là seulement un bouquet d’arbres : la campagne est un large potager, une fabrique d’herbe et de viande ; rien n’est laissé à la nature et au hasard ; tout est calculé, aménagé, tourné vers le produit et le profit. […] Sous cet effort universel1327, la production agricole a doublé en cinquante ans, l’hectare anglais a reçu huit ou dix fois plus d’engrais que l’hectare français ; quoique de qualité inférieure, on lui a fait produire le double ; trente personnes ont suffi à cette œuvre, quand il fallait en France quarante personnes pour obtenir la moitié de cette œuvre. […] Ainsi fixé et exprimé, il est désormais le moteur du reste ; c’est lui qui explique le présent, c’est de lui que dépend l’avenir ; sa force et sa direction produisent la civilisation présente ; sa force et sa direction produiront la civilisation future.

237. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LIX » pp. 227-230

— Une impression morale très-pénible, ç'a été celle qu’a produite la note insérée au Moniteur et dans laquelle le roi Louis-Philippe, non content de ses millions, en redemande d’autres et raconte ses secrets de ménage, ses gênes domestiques. L'impression qu’une pareille absence de dignité et d’élévation produit en France, même sur les amis du trône, est au-delà de tout ; il y a là une méconnaissance complète de l’esprit national, un oubli singulier du dégoût que l’on cause.

238. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 555-559

Son cœur infiniment sensible lui fournissoit sans doute ces traits qui donnent tant de vigueur à ses divers Personnages, & produisent ce pathétique dont l’effet est toujours assuré. […] On peut assurer néanmoins que les Mémoires d’un Homme de qualité, l’Histoire de Cléveland, le Doyen de Killerine, seront toujours regardés, par les Connoisseurs, comme les fruits d’une imagination étonnante par la diversité des tableaux qu’elle y présente, par les contrastes qu’elle y ménage, par la chaleur qu’elle y souffle, par les passions qu’elle y remue, & par les mouvemens que ces passions produisent.

239. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Le discours fut prononcé, très-bien entendu de la population, et produisit son effet. […] L’École des Chartes, de laquelle sont sortis plus d’un de ceux que je viens de nommer, produisait de savants élèves qui, devenus maîtres à leur tour, ont porté dans ces questions de linguistique nationale un genre de critique bien essentielle pour contrebalancer les théories absolues des Allemands. […] Diez, de Bonn, qui s’est dès l’origine occupé des troubadours, a produit surtout de beaux et consciencieux travaux sur l’étymologie des idiomes modernes néo-latins. […] Littré), on considère toutes les modifications qu’a subies la langue latine pour devenir langue romane comme un produit régulier de la loi de changement. […] Je ne dois pas vous dissimuler que ces résultats assez imprévus, et plus précis qu’on n’était accoutumé à les obtenir et à les attendre en pareille matière, n’ont pas commencé à se produire sans soulever des objections parmi nos érudits.

240. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

La sensation étant donnée, le fantôme se produit ; donc il se produit, que la sensation soit normale ou anormale ; donc il se produit dans la perception où rien ne le distingue de l’objet réel, comme dans la maladie où tout le distingue de l’objet réel. […] Mais lorsque la perception était exempte d’erreur, notre opération était exactement la même ; partant, quand notre perception était exempte d’erreur, nous produisions et nous projetions de même à l’endroit indiqué un objet apparent, un simulacre interne et passager qui faisait partie de nous, et qui pourtant semblait un corps extérieur à nous, indépendant et stable. […] « Un mouvement lent pendant un temps long est la même chose qu’un mouvement plus rapide pendant un temps moins long ; nous nous en convainquons aisément en remarquant qu’ils produisent tous les deux le même effet, puisqu’ils épuisent tous les deux toute l’amplitude de parcours dont le membre est capable. […] Partant, pour que cette pierre soit, non pas la simple possibilité permanente de certaines sensations d’un sujet sentant, possibilité vaine et de nul effet si tous les êtres sentants étaient supprimés34, il faut qu’elle soit en outre une série distincte de faits ou d’événements réels ou possibles, événements qui se produiraient encore si tous les êtres sentants faisaient défaut. […] Par cette translation, de simple possibilité qu’il était, il devient chose effective au même titre que nous-mêmes, et nous lui reconnaissons une existence distincte, indépendante de la nôtre, puisque les événements qui la constituent, quoique constatés par nous, n’ont pas besoin de nos événements pour se produire et se succéder.

241. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

C’est un fait indéniable ; mais il faut comprendre ce fait et les circonstances dans lesquelles il se produisit. […] Cette Saint-Barthélemy de fantaisie fut donc entraînée et perdue dans le torrent des livres dangereux qui circulaient à cette époque, et ne produisit pas tout le mal qu’elle eût pu produire. […] Il était évident que le livre d’Audin devait y produire un bien déterminé dans les classes élevées, — or c’est par elles que commencent toujours les révolutions ; — mais il en aurait produit un plus grand, si le missionnaire historique l’avait emporté davantage sur l’historien proprement dit. […] Il aurait produit une œuvre plus louable encore s’il avait opposé l’esprit du catholicisme, taillé sur les proportions de l’esprit humain, à la sécheresse indigente de l’esprit protestant. […] S’il avait continué et poussé dans cette voie, il eût pu, les visites aidant, entrer comme un autre à l’Académie française ; mais il aima mieux produire dix volumes de travaux immenses, où le talent égale l’abondance des notions.

242. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Il est bien vrai que ces poèmes sont le produit d’un état moral et primitif dans lequel, avant tout, il est besoin de se replacer pour bien se rendre compte, sinon de leur charme qui se sent de lui-même, dit moins de leur mérite ; autrement on est sujet à leur prêter, après coup, quantité d’intentions et de beautés réfléchies qui ne sont, à vrai dire, que des reflets de notre propre esprit, des projections de nous-mêmes, de pures illusions de perspective. […] Il ne craint pas même d’y découvrir et d’y voir une sorte de perfection morale naturelle qui ne s’est plus rencontrée depuis ; il y admire une morale primitive et populaire « qui ne se traduisait pas par des préceptes et des sentences, mais qui produisait de si grandes actions et de si grands peuples », — petits en nombre, grands par le cœur. […] Mais, pour avoir raisonné d’Homère tout au long avec Wolf, l’œuvre homérique n’en demeure pas moins à nos yeux le plus admirable produit de la poésie humaine ; Théocrite, pour avoir eu des précurseurs dans son genre, et pour n’être pas un inventeur et un créateur, absolument parlant, n’en reste pas moins la plus charmante et la plus fraîche des flûtes pastorales. […] Les cartons de Raphaël à Hampton-Court, les fresques du même grand peintre dans les galeries du Vatican, les fameuses statues du Laocoon et de l’Apollon du Belvédère, et l’église de Saint-Pierre à Rome, le plus magnifique édifice qui soit peut-être au monde, produisent également cet effet le plus ordinaire de désappointer le spectateur à première vue. […] Des formes nouvelles de talents se produisent chaque jour ; toutes les règles, d’après lesquelles on s’était accoutumé à juger les choses mêmes de l’esprit, sont déjouées ; l’étonnement est devenu une habitude ; nous marchons de monstres en monstres.

243. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Nous ne nous livrerons point, sur ce sujet, à un examen étendu et approfondi ; nous tâcherons seulement de faire sentir ce que produirait cette partie de la discussion, si nous pouvions l’embrasser tout entière ; mais le peu que j’en dirai servira du moins à compléter le tableau de cette lutte des idées anciennes contre les idées nouvelles, et à me faire ainsi mieux comprendre. […] Pour apprécier au juste ce qu’une telle cause a pu jusqu’à présent produire de modifications, il faudrait remonter aux époques et aux modes des différentes réunions à la couronne de France, ce qui nous mènerait beaucoup trop loin. […] Un peuple léger, frondeur, impatient, sans prévoyance de ce que peut produire une démarche inconsidérée ; un peuple passionné, toujours disposé à vivre dans le présent, et à ne pas tenir compte des circonstances antérieures qui ont pu influer sur la conduite des hommes soumis à son éloge ou à sa critique ; un peuple enfin qui, avec un sentiment très vif de la justice, peut être si souvent entraîné à l’injustice par la violence et la spontanéité de ses passions, ou même par l’ascendant de ses caprices ; qui, avec le tact le plus exquis de la mesure et des convenances, est trop souvent jeté hors de toute mesure et de toute convenance par je ne sais quel besoin de plaisanterie, je ne sais quel attrait de frivolité : un tel peuple devrait plus qu’aucun autre être contenu dans les voies de la décence et de la modération, car il est toujours près d’en sortir. […] Or, ce sont les seules révolutions que les hommes fassent ; celles qui doivent fonder la liberté sont faites par le temps : aussi avons-nous vu la révolution française produire l’abolition des dettes par les assignats, et un nouveau partage des propriétés par la vente à vil prix des biens nationaux, et par la suppression du droit d’aînesse. […] Je n’ignore point qu’il y a une véritable appréciation à faire du système de l’égalité ; et que même cette appréciation a été faite par de fort bons esprits ; mais il n’en est pas moins vrai que ce système, proclamé sans précaution, a jeté dans bien des erreurs, et que les conséquences rigoureuses qu’on en a tirées ont produit bien des crimes.

244. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Ne nous hâtons pas de condamner la réflexion : si elle produit souvent l’égoïsme, elle produit aussi le dévouement. […] Une machine produit d’excellents effets, économie de temps, de travail, etc. ; elle est donc utile. […] Ainsi deux choses caractérisent le génie ; d’abord la vivacité du besoin qu’il a de produire, ensuite la puissance de produire ; car le besoin sans la puissance n’est qu’une maladie qui simule le génie, mais qui n’est pas lui. […] L’art produit donc le perfectionnement de l’âme, mais il le produit indirectement. […] Elle peut produire aussi cet effet, mais sans l’avoir cherché.

245. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

Puis le théâtre même fut impuissant à produire l’illusion de la vie : ces acteurs, hommes d’une réalité, jouant les rôles d’une réalité différente, c’était encore un intermédiaire trop dense, empêchant l’entière vie. […] Mais la littérature, art des notions, comme la peinture, art des sensations, ont, sous le développement et la liaison des idées, produit des arts nouveaux, spécialement émotionnels. La peinture a produit les œuvres symphoniques des Vinci et des Rubens, évoquant l’émotion par l’agencement des couleurs et des ligues ; la littérature a produit un art symphonique, la Poésie, évoquant l’émotion par l’agencement musical des rythmes et des syllabes. […] Mais ni les chanteurs homériques, ni les tragiques grecs n’étaient soucieux de produire une musique purement verbale. […] Il adopta volontiers pour sujet l’émotion produite, dans une âme étrangement pensive, par la création et la contemplation de rêves philosophiques.

246. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre I. De la sélection des images, pour la représentation. Le rôle du corps »

Examinons donc de plus près ce qui vient de se produire. […] Dans le cas d’un organisme rudimentaire, il faudra, il est vrai, un contact immédiat de l’objet intéressant pour que l’ébranlement se produise, et alors la réaction ne peut guère se faire attendre. […] Alors se produit la réflexion totale. […] Mon activité est donc bien réellement diminuée, en ce sens que si je peux produire les mêmes mouvements, les objets m’en fournissent moins l’occasion. […] En elle se produit l’affection, c’est-à-dire son effort actuel sur elle-même.

247. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

C’est à cette époque mémorable, que la lumière succéda pour toujours aux ténèbres, & que l’étude des Lettres produisit enfin des hommes. […] Quand on réfléchit sur l’honnêteté de ce procédé, & sur le bien qu’il a produit, on voudroit oublier, que l’honnête Chapelain étoit un mauvais Poëte. […] Cette impulsion une fois donnée, l’imagination s’allume à son tour, & produit sans peine & sans efforts les images les plus grandes & les plus frappantes. […] Une terre, quelque fertile qu’elle soit, a besoin de culture : elle ne produit d’elle-même que des herbes sauvages. […] A peine la critique ose-t-elle élever la voix, qu’elle irrite la bile des Auteurs, arme la calomnie, produit les haines & les inimitiés les plus cruelles.

248. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

S’emparant de l’idée d’unité qui lui est commune avec son contradicteur, il lui explique à quelles conditions l’unité est produite, bien qu’incomplètement, dans le passé catholique, et il en conclut à quelles conditions elle devra se constituer pleinement dans l’avenir saint-simonien. […] Bref, la religion de Moïse, en sa sphère plus restreinte, religion conservatrice et non expansive, a sur celle du Christ l’avantage d’être une, et d’avoir produit une loi, une institution politique qui comprenait le fidèle tout entier, et l’enveloppait dans toutes les directions. […] L’institution politique qu’il produisit depuis Grégoire VII jusqu’à Léon X fut perpétuellement battue en brèche et manqua d’un ciment durable : ce qu’il réussit à jeter dans le monde, ce fut le réseau invincible entre les âmes.

249. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Poésie — I. Hymnes sacrées par Édouard Turquety. »

Mais un talent étranger, si habile qu’il soit, peut-il arriver à posséder un idiome comme le nôtre et à le parler en des vers (soit classiques, soit romantiques) assez librement et naturellement pour s’y produire en pleine originalité ? […] Que le poétique traducteur étende le cercle des auteurs et des morceaux qu’il juge bons à produire, qu’il resserre à la fois de plus en plus sa correction élégante et, s’il se peut, sa littérale exactitude ; nous lui devrons accès en une littérature jusqu’ici close, et qui, probablement, ne nous ouvrirait pas cette porte sans lui. […] Il n’y a qu’une croyance profondément spiritualiste, on le sent, qui puisse produire, au printemps, cette manière d’aubépine.

250. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Seconde faculté d’une Université. Faculté de médecine. » pp. 497-505

Il indiquera les différentes préparations, manipulations qu’on lui fait subir avant de l’employer aux usages médicinaux ; les effets sensibles qu’elle a coutume de produire ; les cas particuliers où elle produit les effets les plus salutaires ; enfin les différentes préparations pharmaceutiques, officinales dans lesquelles on la fait entrer. […] De ces préparations, le pharmacien abandonne les unes à la négligence de ses garçons, et celles-ci, mal faites, ne produisent plus l’effet qu’on en attend et tombent en désuétude.

251. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre V. Du gouvernement de la famille, ou économie, dans les âges poétiques » pp. 174-185

Des familles composées de serviteurs, antérieures à l’existence des cités, et sans lesquelles cette existence était impossible Au bout d’un laps de temps considérable, plusieurs des géants impies qui étaient restés dans la communauté des femmes et des biens, et dans les querelles qu’elle produisait, les hommes simples et débonnaires, dans le langage de Grotius, les abandonnés de Dieu dans celui de Pufendorf, furent contraints, pour échapper aux violents de Hobbes, de se réfugier aux autels des forts. […] Les premiers hommes qui fondèrent la civilisation avaient été conduits à la société par la religion et par l’instinct naturel de propager la race humaine, causes honorables qui produisirent le mariage, la première et la plus noble amitié du monde. […] Le droit des nations civilisées, humanarum, comme dit Ulpien, ayant succédé au droit des nations héroïques, il se fit une telle révolution, que le contrat de vente, qui anciennement ne produisait point d’action de garantie, si on n’avait point stipulé en cas d’éviction la cause pénale appelée stipulatio duplæ, est aujourd’hui le plus favorable de tous les contrats appelés de bonne foi, parce que naturellement elle doit y être observée sans qu’elle ait été promise.

252. (1904) Zangwill pp. 7-90

L’effort divin qui est en tout se produit par les justes, les savants, les artistes. […] « La sensation cesse avec l’organe qui la produit, l’effet disparaît avec la cause. […] Il a fallu la finesse, la sobriété, la gaieté, la malice gauloise, l’élégance, l’art et l’éducation du dix-septième siècle pour produire un La Fontaine. Il a fallu la vue intérieure des caractères, la précision, l’énergie, la tristesse anglaise, la fougue, l’imagination, le paganisme de la Renaissance pour produire un Shakespeare. Il a fallu la profondeur, la philosophie, la science, l’universalité, la critique, le panthéisme de l’Allemagne et du dix-neuvième siècle pour produire un Goethe.

253. (1908) Après le naturalisme

C’est ce qui se produisit voilà bientôt dix ans. […] Des polémiques d’auteurs, très limitées, voilà tout ce qu’elles ont produit. […] Un phénomène d’ordre spécial se produit parmi l’animé. […] La généralité qu’on a cru lui voir n’est qu’une illusion produite par l’absence d’un milieu concret. […] Ainsi doit se produire pour la Littérature.

254. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La doctrine symboliste » pp. 115-119

« Les formes esthétiques seront évoquées par des sons (les mots) choisis, associés et rythmés (vers, strophes), en vue d’une émotion esthétique à produire. […] « Le poème destiné à produire une émotion esthétique sera symbolique.

255. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Nous ne voulons pas convenir qu’un homme ait pu produire ce que nous-mêmes ne pourrions produire : et de cet homme nous faisons un dieu, pour sauvegarder notre amour-propre. […] On sait qu’une réaction analogue, s’est récemment produite chez nous, comme elle ne peut manquer, j’imagine, de se produire tôt ou tard dans l’Europe entière. […] Elles produisent les fonctionnaires, qui sont une espèce fâcheuse. […] Romancier, dramaturge, aussi longtemps qu’il produit des œuvres originales, M.  […] de mon impuissance à rien trouver et à rien produire.

256. (1881) Le roman expérimental

Il s’est produit, il se produit encore par la force des choses, et il ne s’arrêtera que lorsque l’évolution sera complète. […] L’évolution se produit, cela est certain. […] Cela s’est produit peu à peu, invinciblement. […] Aujourd’hui, il nous faut produire et produire encore. […] Plus ils produiront même, et plus le tas moisira.

257. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Préface »

L’idée n’en a été produite qu’à l’état fragmentaire. […] Pour cela, ils n’ont qu’à produire un livre nouveau ou à réimprimer un livre ancien… S’ils sont morts, par exemple comme le P.

258. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Au fond des Apparences est l’Esprit, qui les connaît, et qui pour les connaître, les produit. […] Il est cependant avéré qu’ils y ont produit une sensation assez profonde pour que des milliers de personnes, n’ayant pu assister à l’une des seize représentations, données à une fin de saison, attendent la reprise de l’œuvre, l’année prochaine. […] Si, au contraire, cet effet de scène produit un bruissement désagréable, ce qui a lieu dans Sigurd, l’impression est « saisissante. » Qu’importe, après tout ! […] Ainsi Shakespeare restait unique dans l’Art, et à tous autres incomparable, jusque ce que le génie allemand produisit, en Beethoven, un être qui ne pouvait être compris que, précisément, dans une comparaison avec Shakespeare. […] Réunissons nos souvenirs sur l’impression que nous a produite ce personnage de Coriolan dans le Drame de Shakespeare ; et pour cela, dans tout le détail de l’action si complexe, prenons d’abord, seulement, ce qui nous a fait impression par rapport à ce personnage principal.

259. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Il créa un être revêtu d’un corps ; il le vit ; et la bouche de cet être s’ouvrit comme un œuf brisé ; de sa bouche sortit la parole, de la parole sortit le feu ; les narines s’ouvrirent, et des narines sortit le souffle, et du souffle sortit l’air qui se dilate et se répand partout ; les yeux s’ouvrirent, et des yeux jaillit la lumière, et de cette lumière fut produit le soleil ; les oreilles se sculptèrent, et des oreilles naquit le son qui donne le sentiment du loin et du près (des distances) ; la peau s’étendit, et de cet épiderme étendu naquit la chevelure, de cette chevelure de l’homme naquit la chevelure de la terre, les arbres et les plantes ! […] « Les deux plus fortes impressions littéraires de ce genre furent produites en moi par la lecture de ces pages mystérieuses de l’Inde, vraisemblablement déchirées de quelques livres surhumains, et emportées par le vent des siècles du sommet de l’Himalaya jusqu’à nous. […] Tout être qui a vie est produit par le pain qu’il mange ; le pain est produit par la pluie ; la pluie est produite par la prière qui l’implore ; la prière est produite par les bonnes œuvres ; les bonnes œuvres sont produites et données à l’homme par Brahma (nom de Dieu). […] Il est le dedans et le dehors, le mobile et l’immobile de la nature ; par l’imperceptibilité de ses parties dans ce que nous appelons l’infiniment petit, il échappe à la vue ; il est loin, et cependant il est présent ; il est indivisible, et cependant il est divisé en toutes choses ; il est ce qui détruit et ce qui produit ; il est la lumière, mais il n’est pas les ténèbres » (nette protestation contre le panthéisme dont ces doctrines sont accusées) » ; il est la sagesse, l’objet et la fin de toute sagesse ! […] « Toutes choses animées ou inanimées sont produites par l’union des deux principes, la matière et l’esprit.

260. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

Ces idées ne nous sont point données par les sens ; les sens, étant matière, ne peuvent pas penser, ni par conséquent produire les idées. […] « Pour moi, Socrate, je crois qu’ils ne connaissent pas la vraie cause de ces maux ; car, si c’était la vieillesse, elle produirait les mêmes effets sur moi et sur tous ceux qui arrivent à mon âge ; or j’ai trouvé des vieillards dans une disposition d’esprit bien différente. […] Mais, si c’est le propre de l’injustice d’engendrer des haines et des dissensions partout où elle se trouve, elle produira sans doute le même effet parmi les hommes libres ou esclaves, et les mettra dans l’impossibilité de rien entreprendre en commun ? […] « — Oui. « — Ne se trouvât-elle que dans un seul homme, elle produira les mêmes effets : elle le mettra d’abord dans l’impossibilité de rien faire, par les séditions qu’elle excitera dans son âme, et par l’opposition continuelle où il sera avec lui-même ; ensuite elle le rendra son propre ennemi et celui de tous les justes ; n’est-ce pas ? […] société sans ancêtres, société sans postérité, société sans propriété, société où la terre, qui a besoin elle-même de l’amour de son propriétaire pour être féconde, ne serait cultivée que par ordre des magistrats pour produire juste ce qui est nécessaire à la consommation du chiffre des hommes vivants, et dont les fruits mercenaires seraient distribués par rations égales à des râteliers du troupeau humain !

261. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

Elle est seulement plus récente, étant un art d’émotions affinées ; et elle a produit des œuvres d’une beauté moins parfaite. […] Depuis lors, il n’a pas acquis le sentiment de la lumière et de la vie ; et il a exagéré ses procédés, déformé ses visions, pour l’effet à produire. […] Et alors ce n’est pas la musique qui le fait tressaillir mais le frisson physique toujours produit par le cri ou le chant d’une immense foule. […] J’étais présent au premier cycle, et je pus constater l’effet extraordinaire produit par cette œuvre, surtout quand on se rappelle que ce public n’était pas initié aux mystères Wagnériens. […] Deux ans plus tard seulement, elle se produisit à Londres, au Covent Garden dans La Somnambule de Bellini.

262. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

Wagner est toujours pour moi le plus grand musicien qui se soit produit depuis Beethoven ; mais je ne saurais admettre son système dans toute sa rigueur. […] Je crois aussi que cet opéra est destiné à la scène, j’ignore s’il fera de l’effet : cela dépendra de l’effet qu’il produira sur le public. […] Je n’ai pas à qualifier les manifestations qui se produisent, après l’accueil fait par la presse et le public à l’œuvre que, dans l’intérêt de l’art, j’ai fait représenter à mes risques et périls sur une scène française. […] Des instructions ont été données au préfet de police pour empêcher le renouvellement des manifestations qui se sont produites hier soir. […] Selon les rapports de police concernant cette «  affaire Lohengrin  », les manifestations se sont produites à l’extérieur et rien à l’intérieur de la salle n’a dérangé le spectacle.

263. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

C’est pour la seconde fois, dans l’histoire des lettres françaises, que se produit cette tentative d’une poésie scientifique. […] André Chénier s’y pousse plus avant qu’aucun, et, par la vigueur des idées comme par celle du pinceau, il était bien digne de produire un vrai poème didactique dans le grand sens. […] — Sur ce point se produisent des opinions contradictoires. […] Enfin, — et c’est là peut-être la source la plus féconde, — sous l’action de certaines théories scientifiques, il se produit une agitation prodigieuse d’idées, un conflit dramatique des consciences qui semble s’accroître tous les jours. […] Ainsi, même dans les interrègnes du génie, le travail qui s’est fait dans la poésie française n’a pas été perdu pour elle : il en a étendu et varié le vocabulaire ; s’il n’a pas produit beaucoup d’idées, s’il a été stérile en grandes œuvres, il aura préparé des ressources utiles aux poètes qui viendront plus tard et que tenteront les sujets nouveaux.

264. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre IV. L’espace et ses trois dimensions. »

Parmi les changements qui se produisent dans nos impressions, nous distinguons d’abord les changements internes volontaires et accompagnés de sensations musculaires et les changements externes, dont les caractères sont opposés. […] Doit-on supposer, pour prendre par exemple les sensations visuelles, que A produit deux sensations simultanées, une sensation purement lumineuse a et une sensation colorée a′, que B produit de même simultanément une sensation lumineuse b et une sensation colorée b′, que si ces diverses sensations me sont transmises par une même fibre rétinienne, a est identique à b, mais qu’en général les sensations colorées a′ et b′ produites par des corps différents sont différentes. […] Comment savons-nous que les impressions produites par l’objet rouge A à l’instant α, et par l’objet bleu B à l’instant β, si ces deux objets ont formé leur image au même point de la rétine, comment savons-nous, dis-je, que ces impressions ont quelque chose de commun ? […] Les organes des sens sont destinés à nous avertir des changements qui se produisent dans le monde extérieur.

265. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

Les ouvrages, de genres si différents, qu’il produisit avec une verve intarissable pendant l’espace de quarante-trois ans, forment à peu près soixante volumes : on les a réduits à six sous le titre de Chrestomathie de Jean Paul, et ce livre est regardé comme le vade mecum de tous les penseurs de la Germanie. […] * * * Un homme qui nourrit en lui une grande idée qu’il veut produire et rendre vivante, est par cela même à l’abri des poisons et des peines de la vie ; de même que les femmes grosses, que leur fruit préserve des maladies contagieuses. […] Nous espérons démontrer tout à l’heure qu’il y a de ce changement des causes bien plus puissantes, et que ce n’est pas seulement l’exemple et l’imitation qui l’ont produit. […] L’étude solitaire et passionnée de la nature dans un philosophe moral devait en effet produire presque nécessairement une association d’idées qui menait tout droit au style symbolique : car quand ce philosophe veut exprimer une pensée morale, voilà qu’une image physique s’offre en même temps à son esprit, donne un corps à son idée abstraite, en devient la formule et l’emblème. […] Toutes les parties de l’objet spirituel que l’artiste contemple maintenant se produisent, non pas abstraites, mais sous la forme même des parties similaires de l’image, comme autant d’emblèmes harmonieux qui se répondent entre eux et au tout.

266. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

À la voir au-dehors, et telle qu’elle se produit au premier aspect depuis quelques années, la poésie offre beaucoup de hasard, de dispersion et de mélange. […] Un des plus vieux genres restaurés par l’école moderne, le sonnet, a produit récemment des recueils dont on s’est occupé. […] Il y a quelques années, à Lyon, on a vu se produire un poète éminent, noble, harmonieux, solitaire, sentant et aimant profondément la nature, et agitant avec sincérité en lui les problèmes de la destinée humaine et l’énigme du siècle, cette lutte, qui est celle de toutes les âmes supérieures, entre la science et les croyances, entre les anciennes illusions perdues et les idées nouvelles encore flottantes. […] Cette seule nouveauté de situation produit dans l’expression des sentiments naturels et simples un véritable rajeunissement. […] Le jour où il plaira à Dieu et à la nature de produire un talent complet doué de cette puissance d’action et de sympathie, il trouvera pour ses créations un rythme, des images, un style propre aux tons les plus divers, en un mot des éléments tout préparés.

267. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

L’homme ordinaire, apercevant un objet beau, remarquera en lui-même une sensation de plaisir, et rien de plus ; le psychologue démêlera que ce plaisir est désintéressé, qu’il est produit par la sympathie, qu’il a pour cause la notion d’une force invisible70, qu’en cette force nous nous reconnaissons nous-mêmes ; que la matière n’est qu’un symbole ou moyen d’expression ; que notre plaisir est augmenté par la nouveauté de l’objet, ou par son ancienneté, ou par les idées associées. […] Ceci peut s’appeler la métaphysique des métaphores ; des fautes de style font ici des fautes de science ; le langage faux produit la pensée fausse ; en comparant des qualités et des pouvoirs à des êtres, on les change en êtres ; l’expression pervertie pervertit la vérité. […] — L’essentiel, ce n’est pas telle idée, telle sensation, telle résolution, qui passera tout à l’heure, qui aurait pu ne pas être, qui ne s’est pas produite d’elle-même. […] Les forces prennent la matière, la conforment et s’annoncent en se peignant à la surface par leurs effets, se signifient et s’interprètent par les qualités qu’elles imposent à la matière. » Par exemple, la circulation du sang est produite par une cause. « Mais est-elle l’acte même de cette cause ? […] Elle n’est que le résultat matériel de cet acte, lequel nous échappe, parce qu’il s’accomplit dans le sein de la cause qui le produit. » — « La véritable cause qui meut le cœur, l’estomac, les organes, est extérieure et supérieure à ces organes79. » Il y a donc un monde spirituel distinct du monde matériel, et dont nous apercevons un individu dans la cause qui est nous-mêmes ; tout l’effort de la psychologie est d’étudier cette cause, plus importante que ses effets.

268. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Voyez-le au moment où il sort et où il paraît : il n’a rien à renverser, à bouleverser autour de lui, comme quand on se produit après coup ; il n’éclate point à tort et à travers ; il ne rompt pas, il se détache avant tout engagement. […] Sa gravité, sa dignité, et, si je puis dire, sa démarche d’intelligence n’eurent en rien à souffrir ni à se déranger d’un changement sincère, naturel, produit en la saison voulue, selon le cours des choses, en vertu d’une crise nécessaire et généreuse, et avant que rien de contraire ni d’irrévocable eût sonné. […] Après avoir donné à la revue qui paraissait sous le titre de La liberté de penser un morceau très-remarqué entre autres, De l’Origine du langage (1848), il signala bien tôt son entrée à la Revue des Deux Mondes (1851), et presque en même temps au Journal des Débats (1852), par une suite d’essais ou d’articles, parfaits, excellents, où se produisait sur maint sujet d’histoire, de littérature ou d’art, et sous une forme également grave et piquante, cet esprit savant, profond, délicat, fin, fier et un peu dédaigneux. […] Un tel enseignement n’est bon qu’en tant qu’il produit des contradicteurs : et encore vaudrait-il bien mieux se passer de certaines questions que de les poser.

269. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

Mais, quoi qu’elle en dise, et malgré l’effort douloureux pour elle, l’accord nous arrive en mainte rencontre bien vibrant et bien pénétrant, et comme il n’est donné qu’à un vrai poëte de le produire. […] Mais en suivant la destinée poétique de Mme Tastu, en la voyant cheminer si pure, si attentive et discrète, si comprimée parfois dans sa ligne tracée ; en lui entendant opposer d’autres talents de femmes, plus brûlants, plus passionnés en apparence, et non pas soutenus d’âmes plus profondes, je me suis dit que bien des bonnes et essentielles qualités interdisent souvent à des qualités plus spécieuses ou à de brillants défauts de se produire avec avantage. […] Il a été fait à cette préface craintive une réponse en vers que nous donnons ici, malgré tout ce qu’il y a de périlleux à rien produire sur un sujet touché par M. de Lamartine ; mais il sera le premier à nous pardonner en faveur du sentiment commun qui nous attire vers la même noble douleur. […] Peau-d’Ane, en un mot, est un mythe social, dont la pensée se produit dans les chants qui terminent chaque journée.

270. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

Vous produisez de nouveaux effets par les mêmes moyens, en les adaptant à des langues différentes. […] La description du printemps, de l’orage, de la nuit, de la beauté, des combats, peut se varier dans ses détails ; mais la plus forte impression a dû être produite par le premier poète qui a su les peindre. […] Ils réunissaient le double avantage des petits états et des grands théâtres : l’émulation qui naît de la certitude de se faire connaître au milieu des siens, et celle que doit produire la possibilité d’une gloire sans bornes. […] La monotonie des hymnes pindariques, cette monotonie si fatigante pour nous, ne l’était point dans les fêtes grecques ; de certains airs, qui ont produit de grands effets sur les habitants des pays de montagnes, sont composés d’un très petit nombre de notes.

271. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Si tout est permis, rien ne peut produire un grand effet. […] Quel effet pouvaient produire cette violence monotone, ces termes si forts, qui laissaient l’âme si froide ? […] Ces objections pourraient décourager pendant quelque temps mon espérance ; néanmoins il me paraît impossible que tout ce qui est bien en soi n’acquière pas à la fin un grand ascendant, et je crois toujours que ce sont les orateurs ou les écrivains qu’il faut accuser, lorsque des discours prononcés au milieu d’un très grand nombre d’hommes, ou des livres qui ont le public entier pour juge, ne produisent aucun effet. […] Mais si la méthode et la précision du raisonnement, le style, les idées accessoires sont susceptibles de perfectionnement, les discours des modernes peuvent acquérir, par leur ensemble, une grande supériorité sur les modèles de l’antiquité ; et ce qui appartient à l’imagination même produirait nécessairement plus d’effet, si rien n’affaiblissait cet effet, si tout servait au contraire à l’accroître.

272. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

Sur qui produit-il l’effet qu’il souhaite ? […] En concentrant sa vie, on concentre aussi sa douleur, et qui n’existe que pour soi, diminue ses moyens de jouir, en se rendant d’autant plus accessible à l’impression de la souffrance : on voit cependant à l’extérieur de certains hommes, de tels symptômes de contentement et de sécurité, qu’on serait tenté d’ambitionner leur vanité comme la seule jouissance véritable, puisque c’est la plus parfaite des illusions ; mais une réflexion détruit toute l’autorité de ces signes apparents, c’est que de tels hommes, n’ayant pour objet dans la vie que l’effet qu’ils produisent sur les autres, sont capables, pour dérober à tous les regards les tourments secrets que des revers ou des dégoûts leur causent, d’un genre d’effort dont aucun autre motif ne donnerait le pouvoir. […] On a besoin de ce qu’on méprise, on ne peut s’y soumettre, on ne peut s’en affranchir, c’est à ses propres yeux que l’on rougit, c’est à ses propres yeux que l’on produit l’effet que le spectacle de la vanité fait éprouver à un esprit éclairé et à une âme élevée. […] Je ne dirai pas même que la résistance de la noblesse à la révolution ait été produite par la vanité ; le règne de la terreur a fait porter sur cette classe des persécutions et des malheurs qui ne permettent plus de rappeler le passé.

273. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre III. Des idées générales et de la substitution à plusieurs degrés » pp. 55-71

Certains caractères généraux ne produisent pas en nous une impression distincte. — Ils sont donc incapables de provoquer en nous une tendance distincte et un nom. — Procédé indirect par lequel nous parvenons à les penser. — Exemple dans les nombres. […] Telles sont les petites sensations musculaires produites par l’adaptation de l’œil aux différentes distances ; elles sont les signes de ces distances ; c’est par elles que nous imaginons la proximité ou l’éloignement plus ou moins grand des objets. […] Nous jugeons, par l’échelonnement de nos découvertes, que nous avons agi, que nous avons produit une série d’actions, que cette série correspond à une série de qualités ou caractères des choses, que notre action est efficace, et partant réelle. […] Rien, sinon qu’elle est une action ; par l’évanouissement des mots, nous l’avons vidée de ce qui la constitue ; nous la posons à part, pure et simple, ou, comme nous disons, spirituelle ; l’ayant dépouillée, nous la croyons nue ; et, remarquant plus tard que pour la produire nous avons lu des signes, nous croyons que le signe n’est pour elle qu’un aide préalable et un excitateur séparé.

274. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VI. Les localisations cérébrales »

Pour ce qui est du matérialisme, Gall lui-même s’expliquait en ces termes : « Quand je dis que l’exercice de nos facultés morales et intellectuelles dépend des conditions matérielles, je n’entends pas que nos facultés soient un produit de l’organisation ; ce serait confondre les conditions avec les causes efficientes. » Cette distinction est précisément celle que font les spiritualistes quand on leur objecte l’influence du physique sur le moral, et elle est très à sa place ici. […] Lélut, à savoir, que cette partie du cerveau est égale chez les idiots à ce qu’elle est chez les autres hommes ; ce sont enfin de nombreux cas pathologiques d’où il résulte que les mêmes troubles intellectuels peuvent se produire, dans quelque partie du cerveau qu’ait eu lieu la lésion soit en avant, soit en arrière, soit sur les côtés. Les phrénologues expliquent ces faits en disant que lorsque la blessure ou le mal se produit par derrière, les parties antérieures sont sympathiquement malades ; mais on pourrait faire le raisonnement inverse avec la même autorité, et par là toutes les indications de l’anatomie pathologique sont entachées d’incertitude et d’obscurité46. […] On a toutefois répondu à cette objection que ces faits sont absolument analogues à ceux qui se produisent dans l’ordre de nos sensations, sans que l’on soit pour cela obligé de conclure à la diversité des sièges organiques.

275. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

Devant tant de grandeur et de prospérité, je me suis surpris à faire, malgré moi, de douloureuses comparaisons…54 » L’aveu est net, bien que plus loin, pour pallier sans doute le mauvais effet produit sur le lecteur par son aveu naïf de mélancolie. […] Ce qui est douloureux à constater, c’est le peu d’effet produit par les avertissements sur la conscience française. […] Quelques « bons esprits » penseront sans doute que l’optimisme, lorsqu’il atteint ce degré, prend un autre nom, et que le brusque éveil de la conscience française, somnolente et souriante, pourrait se produire un jour, lorsque toute possibilité de conjurer le péril aura disparu. […] Les voyages à travers les livres ne produisent que des résultats restreints sans les voyages à travers les peuples.

276. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

du sentiment que produisent en lui la régularité des lois de la nature et la marche calculée des astres, à l’idée d’un ordonnateur suprême ? […] Laromiguière croit que l’impression ou sentiment confus et involontaire qu’on éprouve lorsqu’on voit un objet, diffère de l’idée ou sentiment distinct et volontaire qu’on produit lorsqu’on regarde cet objet1. […] Outre les sensations qui sont déterminées par les impressions des organes et qu’avait décrites Condillac, il nota les modifications ou sentiments que nous éprouvons à l’occasion de l’action de nos facultés2, à l’occasion de deux idées présentes à la fois et comparables3, à l’occasion d’une action qui nous paraît produite par un agent libre4. […] Ils nous montrent comment des collections d’idées se rassemblent en une seule idée en se résumant sous un seul signe, comment la langue et la pensée marchent ainsi peu à peu vers des expressions plus abrégées et plus claires, comment la série immense de nos idées n’est qu’un système de transformations analogues à celles de l’algèbre, dans lequel quelques éléments très-simples, diversement combinés, suffisent pour produire tout le reste, et où l’esprit peut se mouvoir avec une facilité et une sûreté entières, dès qu’il a pris l’habitude de considérer les jugements comme des équations, et de substituer aux termes obscurs les valeurs qu’ils doivent représenter.

277. (1874) Premiers lundis. Tome II « Loève-Veimars. Le Népenthès, contes, nouvelles et critiques »

C’est un peu là l’histoire de notre littérature et de l’effet qu’elle nous produit, à nous citadins et casaniers, et de l’effet, certainement différent, bien qu’impossible à déterminer, qu’elle produira sur nos neveux, voyageurs hâtés qui retourneront un moment vers nous leurs regards du haut de leurs collines. […] Sachant bien plusieurs langues, rompu aux littératures étrangères dont, le premier, il a produit parmi nous de fantastiques chefs-d’œuvre, habile à se souvenir et à démasquer les larcins, s’inspirant lui-même de ses lectures et l’avouant, laborieux au logis, ingénieux et facile à tout dire, propre à tout, ne se faisant guère d’illusion, croyant peu, capable d’admirer le passé, quoique d’une érudition trop spirituelle pour être constamment révérente, et avec cela toujours maître de sa plume, l’arrêtant, la dirigeant à volonté, un peu recherché et joli par endroits, comme quand l’esprit domine, il a gardé quelque chose de très français à travers son premier bagage d’outre-Rhin et a aiguisé sa finesse au milieu des génies allemands qui avaient ou n’avaient pas de fil : qu’on se souvienne en effet qu’il a passé par Vandervelde avant de donner la main à M. 

278. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Note sur les éléments et la formation de l’idée du moi » pp. 465-474

Krishaber, le trait essentiel de la maladie est probablement une contracture des vaisseaux qui nourrissent la région sensitive cérébrale où se produisent les sensations brutes128 ; et probablement il n’y a d’autre contracture que celle-là ; les vaisseaux sanguins des hémisphères restent à l’état normal. […] Ainsi le moi, la personne morale, est un produit dont les sensations sont les premiers facteurs ; et ce produit considéré à différents moments n’est le même et ne s’apparaît comme le même que parce que ses sensations constituantes demeurent toujours les mêmes.

279. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre IV. Moyens de déterminer les limites d’une période littéraire » pp. 19-25

C’est l’instant où va se produire un schisme parmi les philosophes, où Rousseau va disputer à Voltaire la royauté des intelligences, où la sensibilité va s’opposer à la raison, où le courant négatif en matière religieuse va entrer en lutte avec un courant positif qui ramène les esprits vers le christianisme et les doctrines spiritualistes. […] D’abord les changements littéraires et les changements politiques, quoique liés entre eux de façon étroite, sont souvent loin de se produire ensemble. […] Pour toutes ces raisons, il serait chimérique de chercher dans les divisions de l’histoire une symétrie parfaite qui risquerait de produire la même impression que de fausses fenêtres sur la façade d’une maison.

280. (1856) Cours familier de littérature. I « IIe entretien » pp. 81-97

La parole contenue dans la première langue a dû être révélée divinement à l’homme le jour où l’âme a pensé, c’est-à-dire le jour où elle a été créée avec la faculté d’avoir des sensations, de produire et de combiner des idées, d’avoir conscience de son existence et des choses existantes en elle et hors d’elle. […] IV Quant à la parole écrite qui a produit la lecture, et par la lecture la littérature, on conçoit très-bien que cet art d’écrire les signes et les sons ait été inventé par l’homme. […] Considérez sa structure, vous reconnaîtrez que chacun de ses organes corporels, autrement dit ses sens, n’a pas d’autre objet que de mettre son intelligence ou son âme en communication avec le monde extérieur qui l’enveloppe, de lui donner une sensation, de produire en lui une idée, de lui faire comparer en lui-même ces sensations et ces idées, et enfin de les exprimer pour lui-même ou pour les autres, ou, ce qui est plus beau, pour Dieu par la parole ; la parole qui dit Je vis, la parole qui dit Je pense, la parole qui dit J’adore, mot sublime et final où se résume toute la création.

281. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 8, des plagiaires. En quoi ils different de ceux qui mettent leurs études à profit » pp. 78-92

Mais l’impatience de nous produire nous aiguillonne. […] Il seroit inutile cependant de vouloir engager de jeunes gens, pressez par l’émulation, excitez par l’activité de l’âge, et entraînez par un génie impatient de s’annoncer au public, d’attendre à se produire qu’ils eussent connu l’espece dont est leur talent, et qu’ils l’eussent perfectionné. […] Le plan d’un long ouvrage, dont la disposition pour être bonne, veut être faite dans la tête de l’inventeur, ne peut être produit sans le secours de la mémoire ; ainsi ce plan doit se sentir de l’affoiblissement de cette faculté : suite trop ordinaire de la vieillesse.

282. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Troisième partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées politiques. » pp. 350-362

Si nous descendions aux détails, nous aurions à examiner ici les sources de la mendicité, les causes qui l’ont produite et consacrée en quelque sorte chez les peuples modernes, les raisons qui doivent la faire disparaître à présent : nous aurions encore à jeter un coup d’œil sur le régime de hôpitaux, sur la nécessité ou nous sommes peut-être, dans l’état actuel de la civilisation, d’introduire de grands changements dans l’administration générale des secours aux indigents ; nous aurions enfin à pénétrer dans l’intérieur de nos manufactures pour voir comment il serait possible de conserver la santé de nos ouvriers, de relever en eux l’intelligence et le sentiment moral affaiblis par un travail trop mécanique, de les rendre à l’intensité des affections de famille, de leur donner la prévoyance de l’avenir : mais ce ne serait point véritablement de mon sujet, puisque je dois m’abstenir d’appliquer mes observations à aucun objet en particulier. Le système de patronage et de clientèle, qui fut la base des premières institutions romaines, et qui fut un des éléments du régime féodal, à cette différence près que le régime féodal, au lieu d’avoir pour lien de simples relations civiles, et de produire des effets uniformes, reposait sur des bénéfices militaires, et sur une hiérarchie dans la vassalité, le système de patronage et de clientèle, disons-nous, est hors de toutes les convenances sociales actuelles. […] Ainsi l’émancipation de la pensée a dû produire l’extension des limites de la liberté dans les institutions sociales.

283. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

L’étrange rage qui a produit les Néron et les Héliogabale le mord au coeur. […] La Société romaine produisait peu d’enfants. […] Pareillement le dilettantisme est un produit logique de notre société contemporaine. […] C’est l’idée produite et propagée par ce peuple que l’écrivain choisit comme critérium. […] Mais quelles causes produisent cet isolement ?

284. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Depuis, un renversement s’est produit. […] Mais l’explication n’a lieu qu’une fois les œuvres produites. […] Cela produit la littérature de manifeste. […] Voyez le curieux phénomène de refoulement qui s’est produit chez Taine lui-même. […] La critique créatrice ne se contente pas de jouir de la beauté littéraire, elle produit, en cette beauté, elle produit ces beaux discours dont parle Platon, elle les produit par l’amour.

285. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Des processus psychiques agissaient donc en elle, processus dont l’action obsessionnelle était le produit. […] Paul Desjardins, et qui est un produit par contrecoup de la Société. […] Elle est le produit naturel de sa considération, où qu’il la promène. […] Cela existe, cela se produit souvent. […] Ce sont des sensations, des impressions, des émotions massées en quantités incalculables sur chaque centimètre carré de la page, qui la produisent.

286. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

D’étranges abominations se produisirent. […] Un bon tableau, fidèle et égal au rêve qui l’a enfanté, doit être produit comme un monde. […] Et jamais les prosodies et les rhétoriques n’ont empêché l’originalité de se produire distinctement. […] Mais d’où vient qu’il produit la sensation de nouveauté ? […] Autrement elle ne produira que l’objet étonnant dont peuvent s’ébahir le singe et le sauvage.

287. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Est-ce qu’un chimiste s’indigne qu’un produit soit meurtrier, si ce produit est meurtrier d’après des lois fixes ? […] Elle arrive à sentir son œuvre par le dedans, comme elle a été produite. […] Chez la femme, des causes analogues produisent un effet semblable. […] La personne n’a pas produit cet équilibre. […] L’effet total est produit, et il faut avouer qu’il est désespérant.

288. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Au fond des apparences est l’Esprit, qui les connaît, et qui, pour les connaître, les produit. […] Et puis le théâtre même fut impuissant à produire l’illusion de la vie. […] La peinture a produit les œuvres des Vinci et des Rubens, évoquant l’émotion par l’agencement des couleurs et des lignes : la littérature a produit un art symphonique, la Poésie, évoquant l’émotion par l’agencement musical des rythmes et des syllabes. […] Mallarmé demeure aujourd’hui le meilleur modèle de ce que peut produire la musique des mots. […] Un phénomène mystérieux se produit en nous, incontestable.

289. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXII » pp. 286-290

Un ouvrage, à présent, c’est l’enfant de Ninon, Equivoque produit que chacun a pu faire, Dont, à la courte paille, il faut tirer le père. […] — Ces mots-là des chefs indiquent l’effet produit sur bien des esprits et sont d’un bon augure : il y aura avant peu réaction vers le bien.

290. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « de la littérature de ce temps-ci, a propos du « népenthès » de m. loève-veimars (1833). » pp. 506-509

C’est un peu là l’histoire de notre littérature et de l’effet qu’elle nous produit, à nous citadins et casaniers, et de l’effet, certainement différent, bien qu’impossible à déterminer, qu’elle produira sur nos neveux, voyageurs hâtés qui retourneront un moment vers nous leurs regards du haut de leurs collines.

291. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 296-302

Trop de penchant à mettre de l’esprit dans ses pensées, trop d’affectation dans la symétrie du style, trop de goût pour les antithèses, ne pourroient produire & n’ont peut-être déjà que trop produit de mauvaises copies, parce qu’il est plus facile d’imiter l’esprit des grands Orateurs, que leur génie.

292. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 109-114

Aucune vertu, même momentanée, qui, selon lui, ne soit produite par un orgueil sensible ou déguisé ; & c'est sur ce faux principe qu'il établit ses réflexions chagrines contre la Nature humaine. […] Qu'on le lise attentivement, & l'on verra que l'expression n'est pas produite par la conviction du grief, mais le grief établi pour employer l'expression.

293. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la comédie chez les Anciens. » pp. 25-29

Cette sorte d’intrigue est celle qui produit un plus grand effet, parce que le spectateur, indépendamment de ses réflexions sur l’art du poète, est bien plus flatté d’imputer les obstacles qui surviennent, au caprice du hasard, qu’à la malignité des maîtres ou des valets. […] Le déguisement de Jupiter produit une brouillerie entre Amphytrion et Alcmène : l’action est toujours conduite ainsi, jusqu’au moment où la présence des deux Amphytrions amène le dénouement et oblige Jupiter à se déclarer.

294. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XI : Distribution géographique »

D’après ma théorie, cette loi n’est autre que celle de l’hérédité, qui seule, autant que nous en puissions juger jusqu’ici, produit dans les cas les plus fréquents des organismes tout à fait semblables entre eux, ou du moins presque semblables, comme on le voit dans le cas des variétés. […] Il en résulte qu’elles gagnent de nouvelles victoires et produisent des groupes de plus en plus nombreux de descendants modifiés. […] Mais en beaucoup d’autres cas, où nous avons des raisons de penser que les espèces d’un genre se sont produites à des époques comparativement récentes, cette question présente de grandes difficultés. […] Néanmoins cela semble si simple que chaque espèce se soit produite d’abord dans une contrée unique, que cette hypothèse captive aisément l’esprit. […] Mais si les mêmes espèces peuvent être produites en deux points séparés, pourquoi ne trouvons-nous pas un seul mammifère qui soit commun à l’Europe et à l’Australie ou à l’Amérique du Sud ?

295. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Virgile et Constantin le Grand par M. J.-P. Rossignol. »

Or il existe, parmi les œuvres de l’historien ecclésiastique Eusèbe, un discours grec qui passe pour la traduction d’un discours latin attribué à Constantin, et dans ce discours, qui n’est qu’une démonstration du Christianisme, l’Empereur s’appuie sur le témoignage des Sibylles, et particulièrement sur la IVe églogue qu’il produit et commente. […] Je ne suis pas un si fervent adorateur de Théocrite que l’était Huet, qui nous apprend lui-même que, dans sa jeunesse, chaque année au printemps, il relisait le poëte de Sicile ; j’ai pourtant fait plus d’une fois le charmant pèlerinage, et chaque fois, après avoir admiré la vivacité spirituelle et ingénue des personnages, la grâce piquante et naïve du dialogue, la vérité des peintures, je me suis préoccupé de la construction du vers, de ces ressorts cachés que le poëte met en jeu pour produire plusieurs de ses effets. » Le résultat de ces observations multipliées et patientes, c’est que le dactyle peut s’appeler l’âme de la poésie bucolique , et que, sans parler du cinquième pied où il est de rigueur, les deux autres places qu’il affectionne dans le vers pastoral sont le troisième pied et le quatrième, avec cette circonstance que le dactyle du quatrième pied termine ordinairement un mot, comme pour être plus saillant et pour mieux détacher sa cadence. […] Mais on prend, en quelque sorte, ce travestissement sur le fait, dans la traduction grecque produite par Eusèbe.

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