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49. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Appendice sur La Fontaine »

Il est fort facile et fort vrai de dire que La Fontaine se pénétra du style de Marot, de Rabelais, et le reproduisit avec originalité ; mais de Marot et de Rabelais à La Fontaine il n’y a pas moins de cent ans d’intervalle ; et, quelque vive sympathie de talent et de goût qu’on suppose entre eux et lui, une si parfaite et si naturelle analogie de manière, à cette longue distance, a besoin d’explication, bien loin d’en pouvoir servir. […] Ou bien s’était-il préparé, par une longue et laborieuse éducation, à cette facilité merveilleuse qu’il garda jusqu’aux derniers jours de sa vieillesse, et doit-on admettre ainsi que les fables et les contes du bonhomme ne coûtèrent pas moins à enfanter que les odes de Malherbe ? […] En vérité, autant vaudrait dire qu’amoureux de dormir, comme il était, il dormit d’un long somme jusqu’à cet âge, et se trouva poëte au réveil. […] Un long parallèle entre eux serait superflu. […] Molière et Racine avaient de bonne heure cessé de se voir ; Chapelle, adonné à des goûts crapuleux, était perdu pour ses amis, et La Fontaine aussi les affligeait par de longs désordres qui souillèrent à la fois son génie et sa vieillesse.

50. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

De la tragédie romantique, entremêlée de longues descriptions. […] Comment pourriez-vous savoir que les heures, qui paraissent si longues à un homme qui s’ennuie, semblent voler pour celui qui s’amuse, si l’expérience ne vous l’enseignait ? […] Le Romantique. — Pardonnez-moi, mon ami ; mais ce que vous me dites là est la défaite d’un homme qu’une longue habitude de se payer de phrases élégantes a rendu incapable de raisonner d’une manière serrée. […] Ces instants charmants ne se rencontrent ni au moment d’un changement de scène, ni au moment précis où le poète fait sauter douze ou quinze jours au spectateur, ni au moment où le poète est obligé de placer un long récit dans la bouche d’un de ses personnages, uniquement pour informer le spectateur d’un fait antérieur, et dont la connaissance lui est nécessaire, ni au moment où arrivent trois ou quatre vers admirables, et remarquables comme vers. […] Mais aussi voilà un entr’acte un peu long qui va finir, la toile se relève.

51. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La Plume » pp. 129-149

., et cette admiration des nouveaux venus s’exagérait encore du sentiment qu’ils avaient de réparer une longue injustice. […] Des groupes d’étudiants, de poètes, d’artistes, reconnaissables au complet de velours à côtes et au feutre de mousquetaire, descendent en longues théories de Montparnasse, de Montmartre et des Batignolles, et s’engouffrent dans le café. […] Vous restez une minute cloué sur le seuil, suffoqué par le bruit, la chaleur et la fumée ; un spectacle étrange s’offre à la vue : un long boyau coudé de maçonnerie est rempli d’une humanité exaltée et grouillante. […] On voit alors grandir la longue silhouette d’un Pierrot famélique qui se livre à des jeux de paroles avec une verve si enfiévrée qu’on y devine comme un besoin de s’étourdir. […] Il ramène sur l’auditoire enfiévré la douceur fleurie et tranquille du ciel d’Hellas, et tandis qu’il récite, il semble qu’on entende le bruissement des lauriers-roses au long des rives harmonieuses… Je naquis au bord d’une mer dont la couleur Passe en douceur le saphir oriental… On attendait les chansonniers de Montmartre.

52. (1760) Réflexions sur la poésie

Le sonnet ne se montre plus, l’élégie expire, l’églogue est sur son déclin, l’ode même, l’orgueilleuse ode commence à déchoir ; la satire enfin, malgré tous les droits qu’elle a pour être accueillie, la satire en vers nous ennuie pour peu qu’elle soit longue ; nous l’avons mise plus à son aise en lui permettant la prose ; c’est le seul genre de talent que nous ayons craint de décourager. […] On peut expliquer, si je ne me trompe, par ce même principe, l’impossibilité presque générale de lire de suite et sans ennui un long ouvrage en vers. En effet un long ouvrage doit ressembler, proportion gardée, à une longue conversation, qui pour être agréable sans être fatigante, ne doit être vive et animée que par intervalles ; or dans un sujet noble les vers cessent d’être agréables dès qu’ils sont négligés, et d’un autre côté le plaisir s’émousse par la continuité même. […] Il est vrai qu’indépendamment de la versification, il y a une autre raison du refroidissement nécessaire qu’on éprouve en les lisant, c’est le peu d’intérêt qui règne (au moins pour nous) dans ces longs ouvrages ; et ce qui le prouve, c’est l’impossibilité absolue de les lire dans la meilleure traduction.

53. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

L’arcade sourcilière proéminente encadrait bien le regard ; mais ce regard encaissé était à demi fermé par deux longues paupières chargées de soucis précoces. […] Les longues tables, simplement mais abondamment servies, s’étendaient dans toute la maison : fête de la famille dont la nature faisait tous les frais. […] « Vous comprenez que les jours d’attente étaient longs pour un jeune officier, désœuvré dans un pareil séjour. […] Quant à mon histoire, elle n’est qu’une longue et uniforme calamité. […] Les maux et les chagrins font paraître les heures longues ; mais les années s’envolent toujours avec la même rapidité.

54. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XII : Distribution géographique (suite) »

La grande différence des poissons qui vivent sur les deux versants opposés d’une longue chaîne de montagnes qui, depuis une période très reculée, doit avoir séparé des bassins différents et empêché la réunion de leurs différents cours d’eau, semble conduire aux mêmes conclusions. […] Les Bermudes et Madère doivent donc avoir été peuplés par des oiseaux qui pendant de longs siècles, avaient déjà lutté ensemble dans leurs patries primitives, et qui s’étaient successivement adaptés les uns aux autres. […] On constate encore une conséquence du même principe parmi les animaux aveugles qui habitent les cavernes de l’Amérique et de l’Europe ; et la liste des faits analogues pourrait être beaucoup plus longue. […] Soit que l’on considère la longue série des âges, soit que l’on compare entre elles des provinces éloignées sur la surface du globe, on trouve également que quelques organismes ont entre eux de grandes analogies ; tandis que d’autres, appartenant à une classe ou à un ordre différent, ou même à une autre famille du même ordre, diffèrent considérablement. […] Ce que la géologie prouve, c’est seulement la persistance des types inférieurs, c’est-à-dire que la durée moyenne de leurs genres est plus longue que la durée moyenne des genres de types plus élevés ; mais si les documents géologiques constatent les créations et les extinctions de formes, ils ne peuvent établir leur filiation.

55. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

Mais dans beaucoup de cas, surtout si la sensation a été saillante et importante, l’image, après une suppression plus ou moins longue, ressuscite d’elle-même. […] Plusieurs médecins ont cité l’histoire d’une fille de vingt-cinq ans, très ignorante et ne sachant pas même lire, qui, devenue malade, récitait d’assez longs morceaux de latin, de grec et d’hébreu rabbinique, mais qui, une fois guérie, parlait tout au plus sa propre langue. […] La seconde cause des réviviscences longues et complètes est la répétition elle-même. […] Chaque sensation faible ou forte, chaque expérience grande ou petite, tend à renaître par une image intérieure qui la répète et qui peut se répéter elle-même, après de très longues pauses, et cela indéfiniment. […] Après un autre intervalle plus long, il retrouva le souvenir de toutes les circonstances. » D’autres blessés oublient l’accident tout seul, mais non les circonstances ; d’autres, les circonstances toutes seules, mais non l’accident. — Quelquefois l’altération est plus bizarre et ne retranche qu’un certain genre d’associations59.

56. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Ces traits empruntés à des écrivains que sépare un long intervalle de siècles, ces traits disséminés, sans lien, sans cohésion vivante, qui se rencontrent celui-ci chez Hérodote, celui-là chez Pline, l’un chez Sanchoniaton, l’autre chez Ammien Marcellin, pense-t-on qu’on puisse les réunir violemment sans produire autre chose qu’un monstre ? […] On n’est réveillé de ce cauchemar qu’au moment où paraît le chef-des-odeurs-suaves, pâle et long comme un flambeau de cire  ; alors, diversion bienfaisante, on est pris d’un rire à la Rabelais, et l’on est vengé. […] Il agonise au milieu des plus effroyables supplices, et Salammbô, à la vue de ce malheureux qui n’est plus qu’une longue forme rouge , Salammbô, qui s’est donnée à lui par fanatisme, sent tout à coup qu’elle l’aime. […] Puisque ce roman n’est qu’une longue suite de tableaux, il est impossible que la richesse du coloriste ne fasse pas oublier en plus d’un endroit l’insignifiance du penseur. […] Il a remarqué en Afrique les fils des Numides étendus à terre tout de leur long : presque tous les acteurs de son récit se vautrent sur le sol ; ils mangent à plat ventre, ils boivent à plat ventre, à moins que, pour se désaltérer plus à l’aise, et sans craindre l’asphyxie, ils ne plongent la tête tout entière dans des jarres d’eau miellée.

57. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

À l’état de liberté naturelle, nous n’avons aucun point de comparaison d’après lequel nous puissions juger de l’effet produit par un constant exercice ou une longue inactivité, car nous ne connaissons pas les formes mères. […] Le plus sûr est donc de considérer l’absence totale des tarses antérieurs chez l’Ateuchus, et leur état rudimentaire chez quelques autres genres, comme résultant d’un long défaut d’exercice chez leurs ancêtres. […] Mais on ne saurait espérer convaincre qui que ce soit de la vérité de cette proposition sans donner la longue liste de faits que j’ai recueillis, et qui ne peuvent trouver place ici. […] Une somme extraordinaire de modifications implique une variabilité considérable, inusitée et de longue durée, dont les effets avantageux se sont accumulés par sélection naturelle pour le bénéfice de l’espèce. […] J’ai recueilli une longue liste de cas semblables ; mais ici, comme autre part, j’ai le désavantage de ne pouvoir la donner à l’appui de mes opinions.

58. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Riche propriétaire du pays, il y a été élevé et y a passé son enfance, sa première jeunesse ; il y est revenu après une assez longue absence, pour ne plus le quitter ; il est marié, il a une femme jeune encore et sérieuse, et deux enfants ; il a tout l’extérieur du bonheur. […] Le moût, qui ne s’égouttait plus que faiblement, descendait avec un bruit de fontaine épuisée dans les auges de pierre ; et un long tuyau de cuir, pareil aux tuyaux d’incendie, le prenait aux réservoirs et le conduisait dans les profondeurs d’un cellier où la saveur sucrée des raisins foulés se changeait en odeur de vin, et aux approches duquel la chaleur était très forte. […] C’était une bécasse arrivée la nuit ; elle montait en battant les branches et se glissait entre les rameaux des grands arbres nus ; à peine apparaissait-elle une seconde, de manière à montrer son long bec droit. […] Ils murmuraient doucement à de longs intervalles, surtout par des soirées tièdes, et quand il y avait dans l’air je ne sais quel épanouissement plus actif de sève nouvelle et de jeunesse. […] Les arbres, qui déjà n’étaient plus verts, le jour moins ardent, les ombres plus longues, les nuées plus tranquilles, tout parlait, avec le charme sérieux propre à l’automne, de déclin, de défaillance et d’adieux.

59. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Indépendamment de l’examen direct des œuvres, ce qui nous a surtout confirmé dans notre opinion, c’est le silence de Racine et la disposition d’esprit qu’il marqua durant les longues années de sa retraite. […] Mais ces créations mêmes vers lesquelles un doux penchant dut le rentraîner d’abord, ces Monime, ces Phèdre, ces Bérénice au long voile, ces nobles amantes solitaires qu’il revoyait, à la nuit tombante, sous les traits de la Champmeslé, et qui s’enfuyaient, comme Didon, dans les bocages, qu’étaient-elles, je le demande ? […] Différaient-elles beaucoup de l’Élégie à la voix gémissante ; Au ris mêlé de pleurs, aux longs cheveux épars, Belle, levant au ciel ses humides regards ? […] Sanglots, soupirs, pleurs de tendresse, Pareils à ceux qu’en sa ferveur Madeleine la pécheresse Répandit aux pieds du Sauveur ; Pareils aux flots de parfum rare Qu’en pleurant la sœur de Lazare De ses longs cheveux essuya ; Pleurs abondants comme les vôtres, Ô le plus tendre des apôtres, Avant le jour d’Alleluia ! […] Il était doux, fleuri, agréablement subtil, épris des antiques chimères, doué des signes gracieux de l’avenir ; et sa prose, encor qu’un peu traînante, ne ressemblait pas mal à ces beaux vieillards divins dont il nous parle souvent, à longue barbe plus blanche que la neige, et qui, soutenus d’un bâton d’ivoire, s’acheminaient lentement au milieu des bocages vers un temple du plus pur marbre de Paros.

60. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre IV. Moyens de déterminer les limites d’une période littéraire » pp. 19-25

Il n’y a pas de saut brusque d’une époque à une autre ; il existe toujours une transition plus ou moins longue. Même quand éclate une de ces crises d’évolution qu’on appelle des révolutions, elle a été annoncée par des signes avant-coureurs, elle a été préparée souvent durant de longues années dans la profondeur des âmes. […] De plus, une société, après de longues et terribles secousses, arrive parfois ù un état d’équilibre qui donne aux contemporains l’illusion d’un repos indéfini ; c’est ainsi que, dans la première partie du règne personnel de Louis XIV, la plupart des Français crurent la langue, les règles de la poésie et du bon goût, le régime politique et religieux aussi bien que le régime littéraire fixés en France pour l’éternité. […] Il ne faut pas non plus (c’est une question de mesure) multiplier à l’infini ces espèces de compartiments qui sont destinés à mettre de la clarté dans la longue série des faits, mais qui peuvent, s’ils sont trop nombreux, aboutir au résultat contraire.

61. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre premier. Préliminaires » pp. 1-8

Ils ont été produits, au contraire, par une longue élaboration : ce sont, presque sans exception, des ouvriers de la dernière heure. […] C’est ainsi qu’on a exhumé la longue suite des précurseurs du Dante ; qu’on a retrouvé les germes déjà puissants des drames de Shakespeare. […] C’est le but que nous nous proposons dans cette étude ; mais, pour l’atteindre, nous serons obligé de faire un assez long circuit ; comme nous passerons par des sentiers peu connus au moins du grand nombre des lecteurs, nous espérons qu’ils ne feront pas de difficulté de nous suivre.

62. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Des cheveux châtain clair l’encadraient et retombaient un peu longs. […] le jeune homme au gilet rouge et aux longs cheveux !  […] De longs voyages en Orient succédèrent à ces travaux. […] Il passait de longues heures à les contempler, à les copier, à en parler. […] Il ne s’est pas écoulé un temps assez long pour que l’ancien idéal soit oublié et qu’on en ait trouvé un nouveau.

63. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Il était appuyé sur un principe solide, fruit d’une longue et vaste expérience. […] It rested on a sound principle, the result of long and wide experience. […] The Reformation is an event long past. […] The long galleries were crowded by an audience such as has rarely excited the fears or the emulation of an orator. […] Hamilton and his troops made slow progress, and were long after their time.

64. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

Qu’on songe aux mois d’hiver, aux tempêtes, aux longues heures du matelot ballotté, roulé aveuglément par les rafales ! […] Cela est surtout visible dans les ouvriers ; la persévérance, l’opiniâtreté, la résignation sont peintes sur leurs longs visages osseux et ternes. […] Les bâtiments à vapeur, à voiles, montent, descendent, stationnent, par paquets de deux, trois, dix, puis en longs amas, puis en haie serrée ; il y en a cinq ou six mille à l’ancre. […] Les magasins de tissus sont des édifices babyloniens, larges et longs de cent vingt pas, à six étages. […] La colère, le sang ne leur montent pas aux yeux d’abord comme chez les nations méridionales ; un long intervalle sépare toujours l’idée de l’action, et les raisonnements sages, le calcul répété viennent remplir cet intervalle.

65. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

On voit les femmes et les jeunes filles sortir à demi vêtues des portes des chaumières, et peigner leurs longs cheveux avec le peigne aux dents de buis qui les lisse comme des écheveaux de soie. […] Elles se rassemblent et s’asseyent sur les troncs d’arbres couchés le long des chemins, adossés au mur échauffé par le soleil levant ; elles y filent leurs longues quenouilles chargées de la laine blanche des agneaux. […] Il tenait d’une main son chapeau entouré d’une ganse noire à boucle d’argent ; son habit gris, à boutons d’acier taillés à facettes, s’ouvrait sur un gilet blanc à longues poches ; ses souliers étaient noués sur le cou-de-pied par des agrafes d’argent ; il portait un jonc à longue pomme d’or à la main. […] Je ne répéterai pas son long discours, bien qu’il soit aussi présent à mon souvenir que le timbre un peu caverneux de sa voix l’est encore à mes oreilles. […] J’ai eu l’occasion d’observer souvent par moi-même, pendant le long dialogue que le hasard d’une révolution avait établi entre moi et la foule, que plus j’étais lettré dans mes harangues, plus le peuple m’écoutait ; que la vulgarité du langage n’attirait que son mépris, mais que les paroles portées à la hauteur de ses sentiments par ses orateurs obtenaient sur ce peuple un ascendant d’autant plus sûr que ces orateurs élevaient plus haut le diapason de leur éloquence.

66. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 12, qu’un ouvrage nous interesse en deux manieres : comme étant un homme en general, et comme étant un certain homme en particulier » pp. 73-80

Je ne parlerai pas plus au long de cet interêt de rapport et particulier à certains hommes comme à certains tems, d’autant qu’il est facile aux peintres et aux poëtes de connoître si les sujets qu’ils entreprennent de traiter interessent beaucoup les personnes devant lesquelles ils doivent produire leurs ouvrages. […] C’est ce que je tâcherai d’expliquer plus au long dans la suite de cet écrit. […] Un fait ne sçauroit nous paroître vraisemblable quand nous sommes informez du contraire par des témoins dignes de foi : c’est ce que nous exposerons plus au long quand nous ferons voir que toute sorte de fiction n’est pas permise en poësie, non plus qu’en peinture.

67. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

On est toujours court et clair quand on ne dit que ce qu’il faut et de la manière qu’il le faut ; autrement on est tout à la fois long et obscur. […] La quantité, c’est-à-dire la prononciation longue et brève, ne doit pas être négligée. […] Dans les autres cas, on pourrait se servir de longues et de brèves, ce qui abrégerait beaucoup le discours. […] Ce travail est immense et comme impraticable ; mais il est plus long que difficile, et les concordances qu’on a faites des meilleurs auteurs y aideront beaucoup. […] Il arrive souvent qu’on est aussi obscur en fuyant la brièveté qu’en la cherchant ; on perd sa route en voulant prendre la plus longue.

68. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 9, des obstacles qui retardent le progrès des jeunes artisans » pp. 93-109

S’il vient en des temps malheureux, sans Auguste et sans Mécene, ses productions ne seront ni fréquentes, ni de si longue haleine que s’il étoit né dans un siecle plus fortuné pour les arts et pour les sciences. Virgile encouragé par l’attention qu’Auguste donnoit à ses vers : Virgile excité par l’émulation a produit l’éneïde : il a emploïé une infinité de veilles à composer un poëme de longue haleine, qui malgré le goût que son génie devoit lui donner pour ce travail, doit l’avoir fatigué souvent jusques à la lassitude. […] Il se seroit bien rendu capable de composer une éneïde, mais on peut croire qu’il n’auroit pas eu la perseverance necessaire pour terminer un si long ouvrage. […] Un poëte ne dispose pas sans un travail pénible et sans une attention laborieuse l’esquisse d’un long ouvrage.

69. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Pélisson et d’Olivet »

… Mais il y a plusieurs raisons qui m’empêchent… et vous n’aurez pas oublié ce que je vous en disais si souvent en nos longues promenades de Roumens, où il n’y avait que des arbres et des fontaines qui nous écoutassent. » Après cet aveu dépouillé d’artifice, on comprend quelle doit être l’histoire, écrite pour le public et pour la postérité, de ce courageux historien à l’usage des arbres et des fontaines. […] Déjà nous l’avons indiqué, l’abbé d’Olivet, qui a plus d’empreinte, n’est pas soumis au même degré à cette grande loi de la politesse, qui fut la règle suprême des mœurs à cette époque du xviie  siècle et qui le caractérise autant que la longue perruque et la longue phrase ; — n’était-ce pas aussi une longueur ? […] À toute page du livre que voici le souvenir de Boileau s’élève, et la lecture de cette longue fadeur rappelle, par le contraste, la sévérité de ces satires dans lesquelles il a buriné la plupart de ces noms d’académiciens, qui pour la première fois frapperaient nos regards s’il ne nous les avait appris et s’il n’avait versé sur quelques-uns la gloire d’un ridicule ineffaçable.

70. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

c’est l’histoire de Louis-Philippe et de ses dix-huit ans de règne, mais précédée d’un long coup d’œil rétrospectif sur la maison d’Orléans tout entière. […] Son livre a donc remonté, à travers les filiations interrompues, cette longue file historique de d’Orléans funestes, depuis le premier, qui, en 1336, s’enfuit devant le Prince Noir, à la bataille de Poitiers, jusqu’au dernier, qui, en 1848, s’enfuit en fiacre devant des vainqueurs qui n’étaient pas des princes, de quelque couleur que ce pût être ! […] Prenez donc, si vous le voulez, tous les faits de la longue existence de Louis-Philippe et de son règne, vous retrouverez dans tous, présent, mais très visible, le Macbeth manqué qu’il avait en lui, et qui lui donnera dans l’Histoire cette physionomie ambiguë qui n’est pas assurément le courage et non pas certainement la lâcheté, mais qui n’en déshonore pas moins son homme ; car, au lieu d’une faiblesse, elle en cache deux ! […] la prétention, dans un seul chapitre, de suivre un auteur qui a devant lui l’espace de deux longs volumes pour dérouler les faits d’un règne de dix-huit ans.

71. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Le bon Sire Aymon se recule, Trop plus ententif au long tour De ses cordes qu’à mon amour. […] Aujourd’hui la question a fait un pas ; on en sait trop long sur elle ; sa réputation reste quelque peu endommagée, difficilement réparable, et ce qu’on peut en dire de mieux, c’est qu’elle continue de flotter un peu indécise entre les noms d’Héloïse et de Ninon. […] Son discours est un discours d’avocat, un peu long, éloquent toutefois ; je n’en veux citer que deux passages comme exemples d’excellente prose. […] Cependant, cher Passé, quelquefois un instant La main du Souvenir écarte tes longs voiles, Et nous pleurons encore en te reconnaissant. […] Nous arrivions à toi, venant d’un long voyage, Battus par tous les vents, haletants, harassés ; L’Espérance elle-même, au plus fort de l’orage,     Nous avait délaissés.

72. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

Pas le moindre soupçon que quelques-unes, nécessaires dans toutes les conditions de la société, et ne tenant à d’autres que par un fil trop long et trop délié, semblent exiger et exigent un cours séparé qui marche parallèlement au premier. […] Nous ne savons rien ; qu’on nous apprenne. » La première chose que je me dis à moi-même, c’est que tous ne sont ni capables ni destinés à suivre cette longue avenue jusqu’au bout. […] Tous les états n’exigent pas la même portion des connaissances primitives ou élémentaires qui forment la longue chaîne du cours complet des études d’une université. […] La profession de poëte exige donc de longues études. […] Mais heureusement cette contradiction ne se présente qu’une fois ; encore la science que l’enseignement des connaissances amène dans un endroit d’où le motif d’utilité la transpose n’estelle pas d’une longue étude et ses éléments servent-ils de base à plusieurs conditions importantes.

73. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

De là vous appercevrez à quelque distance un berger assis qui jouera d’une mandoline à long manche ; ce berger est court, gros, lourd, vêtu d’une étoffe toute bariolée. […] Deux bohémiennes l’accostent, lui prennent la main, lui prédisent des enfans et charmans, comme vous pensez bien, un jeune mari qui l’aimera à la folie, et qui n’aimera qu’elle, comme il arrive toujours ; de la fortune, il y avait une certaine ligne qui le disait et ne mentait jamais ; une vie longue et heureuse, comme l’indiquait une autre ligne aussi véridique que la première. […] Il vint avec le temps une seconde horde d’oisifs de Passy qui dirent aux agriculteurs de Chaillot : vos travaux sont pénibles, nous savons jouer de la flûte et danser, donnez-nous quelque chose, et nous vous amuserons ; vos journées vous en paraîtront moins longues et moins dures. […] Ce personnage est silencieux, grave et tranquille ; il a une physionomie sauvage, fière et imposante, figure supérieurement ajustée, draperies bien raides et bien lourdes ; grands et longs plis bien droits comme les affectent toutes les étoffes d’or et d’argent. […] Mais transportez la scène de Paris à Rome ; de l’hôtel de ville au milieu du sénat ; à ces foutus sacs rouges, noirs, emperruqués, en bas de soie bien tirés, bien roulés sur les genoux, en rabats, en souliers à talon, substituez-moi de graves personnages à longues barbes, à tête, bras et jambes nus, à poitrines découvertes, et longues, fluentes et larges robes consulaires ; donnez ensuite le même sujet au même peintre tout médiocre qu’il est, et vous jugerez de l’intérêt et du parti qu’il en tirera, à condition pourtant qu’il ferait descendre autrement sa paix.

74. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

S’il m’apparaissait reconnaissable après ce long espace de temps, je lui sauterais à la gorge et je l’étranglerais. […] Mercadet, légèrement ébarbé par un arrangeur intelligent, obtint une longue vogue posthume au Gymnase. […] Écrire, on le sentait déjà, lui paraissait froid, long, ennuyeux. […] Sainte-Beuve, poëte, serait aisément le sujet d’une intéressante et longue étude. […] » Nous aussi, nous avons éprouvé ce frisson en revenant de Constantine, au mois d’août, après un long bain de soleil à quarante-huit degrés.

75. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

. — L’image comporte toujours une illusion plus ou moins longue— Loi de Dugald Stewart. — Exemple d’un prédicateur américain. — Témoignage d’un romancier moderne. — Cas d’un peintre anglais. — Témoignage d’un joueur d’échecs. — Observations de Goethe et de M.  […] Je n’avais pas besoin d’une plus longue séance ; j’enlevais la toile et je passais à une autre personne. […] Chez d’autres, au contraire, la seule arrivée du médecin dans la salle suffit pour produire une assez longue suspension ». — Quand M.  […] À partir de ce moment, le malade ne vit ces fantômes qu’à de longs intervalles, et au bout de quelques jours ils disparurent complètement. […] Les souvenirs de ses pérégrinations et de ses lectures avaient fini par complètement se confondre ; et tout cela se présentait à la fois à son esprit, lorsqu’il était étendu sur sa chaise longue ; il vous racontait gravement tout ce qu’il avait lu.

76. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

Tout cela est vrai ; mais, si Mézeray n’avait été que ce satirique et ce cynique que nous montrent certains biographes, il est douteux qu’il eût entrepris une œuvre aussi pénible et d’aussi longue haleine que sa grande Histoire : pour que cette noble ambition le saisît, il fallait que sa jeunesse s’inspirât des grandes choses auxquelles elle assistait, qu’il se sentît fier, comme il le dit, d’être d’une nation si généreusement conduite, si hautement relevée et honorée aux yeux de l’Europe par l’habileté vaillante de ses chefs. […] Il n’a point cru devoir distribuer son ouvrage par sections ni par chapitres ; il s’est contenté de le diviser par règnes : « J’ai cru que toutes ces découpures gâtaient l’étoffe, et que les pauses, au lieu d’accourcir le chemin, le faisaient trouver plus long. » On a vu ici une légère critique applicable à l’un des prédécesseurs de Mézeray, Scipion Dupleix, qui affectait force divisions dans l’histoire. […] Ne vous en étonnez pas, lecteur ; notre histoire n’est pas l’entreprise d’un homme seul, ni d’un homme privé : la monarchie française est une pièce de trop grande étendue et de trop longue durée. […] » C’est le même sentiment qui, au début du règne misérable et antipatriotique de Charles VI, lui fera dire : « Comme j’étais près d’entrer dans ce long et pénible règne, deux choses ont pensé m’en détourner : l’horreur que j’ai de repasser sur tant de massacres, de ruines et de désolations, et la peine incroyable qu’il y a à démêler tant d’affaires si embrouillées, etc. » Ces parties ingénues et naturelles plaisent chez Mézeray, en attendant qu’on en vienne avec lui aux parties étudiées et fortes. […] Je me trompe pourtant d’appeler cela un règne, ce fut une anarchie continuelle : d’autant qu’il vint à la couronne à treize ans ; il fut sous des régents plusieurs années, et puis, étant venu en âge, tomba sous la captivité de ses favoris, et à vingt-six ans en cette longue maladie qui mit presque cette monarchie au tombeau… Si bien que toute sa vie n’a été qu’une folie ou de cerveau ou de jeunesse, et, ni sain ni malade, il n’a jamais eu une once de bon conseil et de forte résolution, mais a toujours été hors de lui-même, ayant été en tout temps possédé par ceux qui l’obsédaient, et ferme seulement en un point, qui était de se changer à l’appétit de tous ceux qui se saisissaient de lui.

77. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

Au milieu de cette grande cour, je me suis retirée comme dans une solitude, et il y a fort peu de gens avec lesquels j’aie de fréquents rapports ; je suis de longues journées entières toute seule dans mon cabinet, où je m’occupe à lire et à écrire. […] Quatre fois par semaine, j’ai mes jours de courrier : le lundi, en Savoie ; le mercredi, à Modène ; le jeudi et le dimanche j’écris de très longues lettres à ma tante à Hanovre ; de six à huit heures, je me promène en voiture avec Monsieur et avec nos dames ; trois fois par semaine, je vais à Paris, et tous les jours j’écris à mes amies qui y demeurent ; je chasse une ou deux fois par semaine ; c’est ainsi que je passe mon temps. […] Quelquefois, cependant, pour animer ce long intervalle de deux heures à neuf heures et demie, les dames de sa maison faisaient auprès de sa table une partie d’hombre ou de brelan. […] Parmi les goûts ou les fantaisies qui, avec la correspondance, contribuaient à remplir et à distraire les longues heures de retraite de Madame, il faut compter deux perroquets, un serin, et huit petits chiens : « Après mon dîner, je me suis promenée une demi-heure dans ma chambre pour faire la digestion, et je me suis amusée avec mes petites bêtes. » Quelquefois un des petits chiens déchirait et mangeait quelque feuille d’une lettre qu’elle venait d’écrire ; tant pis alors pour la lettre et pour celui ou celle à qui elle était adressée, elle ne la recommençait pas. […] Elle eut quelque peine à se faire à ce genre de vie nouveau, à cette résidence plus assidue à la ville et au Palais-Royal : « J’aime les Parisiens, disait-elle, mais je n’aime pas à résider dans leur ville. » Elle s’était accoutumée, durant ses longues saisons à Saint-Cloud, à cette mesure de retraite, de compagnie et de liberté qui allait à sa nature et, je dirai, à sa demi-philosophie.

78. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre premier. Impossibilité de s’en tenir à l’étude de quelques grandes œuvres » pp. 108-111

Pour rester dans le domaine de la littérature, les grands hommes sont ceux qui apportent quelque chose de neuf et d’original ; ceux qui sont vraiment créateurs de formes, de sentiments, d’idées, de types, non encore réalisés ; ceux, comme dit le poète36, Dont les pas inventeurs ouvrirent les sentiers ; ceux ainsi qui devancent leurs contemporains, qui deviennent bientôt des modèles pour leurs admirateurs, qui sont le point de départ d’une longue vague d’imitation, précisément parce qu’ils ont été de puissants agents d’innovation. […] Il y a des désirs, inconnus jusqu’alors ou du moins amortis durant de longues années, qui s’éveillent ou se réveillent dans les âmes et qui demandent à être satisfaits. […] Mais, en ce cas, il est méconnu ; il s’épuise en efforts stériles ; s’il vit en un temps où les passions sont exaltées, il est écrasé, broyé, foulé aux pieds ; s’il a la chance de vivre en des jours plus calmes, il est raillé, dédaigné, condamné à l’obscurité, et il va grossir la longue liste des génies incompris.

79. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

Mère : « Longue femme silencieuse et blanche » ne pouvant supporter sans crises de nerfs la clarté et le bruit… « est morte d’épuisement ». […] Pendant cette singulière maladie qui ravage les races à bout de sang, de soudaines accalmies succèdent aux crises. » La liste est longue, des traitements suivis : hydrothérapie, suppression des alcools, du café et du thé, régime lacté, promenades et exercice, assa fœtida, valériane et quinine, sans compter l’emploi d’une thérapeutique morale où « il essaya des lectures émollientes, tenta, en vue de se réfrigérer le cerveau, des solanées de l’art, lut ces livres si charmants pour les convalescents et les mal à l’aise… les romans de Dickens ». […] Catulle Mendès fut plus indulgent ; il a conservé de ses expériences d’antan d’ingénieux souvenirs, comme celui qu’il a bien voulu lui-même nous détailler et qui indique très nettement le désir d’analyse poursuivant l’artiste : alors que, de concert avec Villiers de l’Isle-Adam, il s’essayait aux « Paradis artificiels », une vision obsédante, identique à elle-même, le hantait tous les soirs : dans une forêt dense et pourtant lumineuse, des arbres sans feuillage dressaient d’un seul jet leurs troncs cylindriques luisant comme de l’or, le long desquels montaient et descendaient, alternativement, de grands singes couleur d’émeraude. […] Il finit par le trouver, sous l’aspect le plus mesquin d’un vulgaire chandelier de cuivre (la forêt aux troncs d’or), le long duquel sa chandelle, en bavant, laissait des traînées de vert-de-gris (les singes d’émeraude). […] Nous trouvons dans sa très consolante Introduction à la médecine de l’esprit, la même remarque appliquée à Victor Hugo : « Dans sa longue existence où il a vu périr tant d’êtres qui le tenaient de près, comptez combien sont rares les minutes d’accablement moral et comme il versa peu de larmes personnelles pour lui tout seul.

80. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

Elle est bornée en sa vivacité : dans la chaîne infinie des choses, elle conçoit bien la dépendance qui unit des anneaux médiocrement éloignés, mais pour ceux qu’une longue distance sépare, il faut qu’on lui montre les chaînons intermédiaires ; elle ne peut franchir d’un coup qu’un bien petit nombre de degrés dans l’échelle des idées et des sentiments. […] Et puisses-tu, après de longues heures de désespoir, mourir, n’étant plus mère, ni épouse, ni reine d’Angleterre ! […] Alors on abaissa dessus les paupières avec leurs longs cils, et Sylvestre redevint très beau et calme, comme un marbre couché6…… » L’unité d’un roman pourra être plus lâche, ou plus idéale que l’unité d’une pièce de théâtre : celle-ci sera plus étroite et comme plus matérielle. […] En général, un long ouvrage admettra une plus grande diversité de parties et d’impressions secondaires qu’un ouvrage de courte étendue : dans vos compositions de collège, tant pour leur dimension que par votre inexpérience et par la nécessité de discipliner votre esprit, il ne faudra point vous écarter d’une assez rigoureuse simplicité.

81. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Andrieux »

Nous serions peu à même d’en parler au long, les ayant trop inégalement entendus, et rien d’ailleurs n’en ayant été imprimé jusqu’ici. […] Andrieux a fait, avec un talent qui pouvait sembler de médiocre haleine, ce que bien des talents plus forts ont trouvé trop long et trop lourd ; il a fourni une carrière non interrompue de dix-huit années de professorat ; et, comme il le disait lui-même à sa dernière leçon, il est mort presque sur la brèche. […] Andrieux avait reçu un don peu abondant, mais distingué et précieux ; il en a fait un sobre, un juste et long usage.

82. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

La publication de L’Astrée fut, selon Boileau, l’époque où l’afféterie précieuse de langage, les conversations vagues et frivoles , les longs verbiages d’amour commencèrent à être en vogue. […] Le marquis d’Urfé devait en grande partie sa célébrité à sa longue et merveilleuse passion pour Diane de Châteaumorand, personne d’une admirable beauté, d’une grande fortune, toute occupée de ses charmes, et pénétrée du respect pour elle-même, au point d’avoir refusé à un neveu de s’arrêter une nuit dans un château qu’il avait sur une route où elle passait, parce qu’on y avait remplacé des vitres de cristal par du verre. […] Les gens de lettres doivent bien se persuader que la littérature de tous les temps reçoit des directions inévitables des mœurs régnantes dans la nation, et que c’est une des lois du mouvement en politique et en morale, d’amener à la suite d’une longue période de dissolution, une période de réserve affectée et de pruderie.

83. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

À chaque maille nouvelle que nous lui ajoutons, nous en revoyons un fragment plus ou moins long, une minute, une heure, une journée, une année, parfois un morceau énorme, en un clin d’œil, et comme en un raccourci d’éclair. […] Non seulement nous allons par ce moyen d’un de nos moments au moment adjacent ; mais, par des abréviations qui rassemblent en une image une longue série de moments, nous allons d’une période de notre vie à une autre période de notre vie. En effet, si, pour nous souvenir d’un de nos événements un peu lointains, il nous fallait évoquer les images de toutes nos sensations intermédiaires, l’opération serait prodigieusement longue ; à parler exactement, elle emploierait autant de temps qu’il y aurait de temps écoulé entre cet événement et le moment présent. […] Par cette opération plus ou moins perfectionnée, nous embrassons de très longs fragments de notre être en un instant et pour ainsi dire d’un seul regard. […] Ils durent intacts pendant de longues années, quelques-uns pendant toute notre vie.

84. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

La série des inexactitudes, des omissions et des défauts de Dickens serait longue. […] C’est encore par de longues professions de foi que se manifestent l’indomptable orgueil mercantile de M.  […] Pecksniff lui inspire continuellement la même sorte d’indignation ; qu’en présence d’un dîner de cérémonie dans le monde, il éprouve, tout au long du récit qu’il en fait, la même humeur satirique et méprisante. […] Par contre, ni les merveilleux paysages qu’il dut voir au-delà de l’Atlantique ou ailleurs, en Écosse, dans le pays de Galles, ni les monuments artistiques qu’il visita plus tard en France et en Italie, ni les traits de mœurs réalistes qui durent le frapper, ne lui inspirent de longs commentaires. […] Il marchait dans la vie, droit devant lui, avec alacrité et décision, ne réfléchissant jamais longtemps, prêt à tout entreprendre, ne ménageant guère ses forces, n’usant ni de prudence, ni de patience, ni de longs calculs.

85. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Alors l’entretien s’engageait, un entretien peu animé, et coupé par de longs intervalles et de longs repos. […] — Le déjeuner ne nous occasionnera pas un long retard. […] Cela ne sera pas long. […] lui cria son ami après un long silence. […] Un long cri de joie s’échappe des lèvres de Guérassime.

86. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

Je répondrois que les plus courtes reviennent aussi plus souvent, et que par-là, elles ne déparent pas moins tout l’ouvrage que les plus longues. […] Ou Rome à ses agens donne un pouvoir bien large, ou vous êtes bien long à faire votre charge. […] Ne pourroit-il pas même arriver que quelque sçavant admirât le bel effet que font le long et le large dans ces deux vers ? […] Pour la clarté, j’ai évité autant que je l’ai pû, les transpositions et les longues périodes. […] Ajoûtez que ces longues périodes qui donnent du nombre à la prose, rompent au contraire la cadence et l’harmonie des vers.

87. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Le pauvre coureur à longue échine débute par un compliment. […] Voyez plutôt ce grand seigneur valétudinaire, la tête « emmanchée d’un long cou », qui près de la rivière promène sur ses longues jambes son long corps étique. […] Quant à ce que vous nous proposez, de vous emmener, nous avons une trop longue traite à faire, et vous ne pourriez nous suivre, parce que vous ne savez pas voler. […] Le long âge en vous l’a détruite. […] Adieu, dit le renard, ma traite est longue à faire.

88. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

— A-t-elle des yeux longs et fendus, qui s’ouvrent tout humides comme une large goutte de pluie d’été sur une fleur bleue dans l’ombre ? — Justement, répondais-je, avec de longs cils qui tremblent dessus comme l’ombre des feuilles du coudrier sur l’eau courante. […] Il y en aura toujours assez long et assez large pour recouvrir mes pauvres os quand j’irai rejoindre au ciel la céleste mère de Fior d’Aliza, à qui je pense toujours quand j’entends sa voix si claire dans les lèvres de l’enfant ! […] les bêtes, monsieur, cela en sait plus long que nous, allez ; celui-là vous le fera bien voir tout à l’heure. […] qu’on nous en avait pris long, et qu’il nous en restait peu.

89. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Les éditions se multiplièrent comme les étoiles après une longue nuit. […] La religion, dont la majesté s’est accrue par ses souffrances, revient d’un long exil dans ses sanctuaires déserts, au milieu de la victoire et de la paix dont elle affermit l’ouvrage. […] L’Église, dans sa longue carrière, a subi diverses sortes de persécutions et essuyé bien des guerres : dans les siècles de sa formation, sous Julien, « elle fut exposée à une persécution du caractère le plus dangereux. […] Lorsque la lune éclairait à demi les piliers des arcades, et dessinait leur ombre sur le mur opposé, je m’arrêtais à contempler la croix qui marquait le champ de la mort, et les longues herbes qui croissaient entre les pierres des tombes. […] Rien ne me pressait ; je ne fixai point le moment du départ, afin de savourer à longs traits les derniers moments de l’existence, et de recueillir toutes mes forces, à l’exemple d’un ancien, pour sentir mon âme s’échapper.

90. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

Il a aussi de temps en temps de petites lettres pour le seul de ses premiers amis et camarades d’école et de jeunesse qu’il ait conservé, Joseph Hill, à qui il rappelle le temps où celui-ci, dans leurs promenades, « couché tout de son long sur les ruines d’un vieux mur au bord de la mer », s’amusait à lire la Jérusalem ou le Pastor Fido. […] Quelle impression le Temps a-t-il produit sur elle dans ce long intervalle ? […] Le printemps le dissipait trop pour qu’il pût beaucoup s’y recueillir ; il aimait mieux en profiter avec l’abeille et avec l’oiseau : mais les soirs d’hiver, près de son intelligente et silencieuse amie, dans ce doux confort domestique qu’il a si bien exprimé, ayant là près de lui la bouilloire qui chante, et la tasse pleine de cette liqueur « qui égaye et qui n’enivre pas », il s’appliqua pour la première fois à traiter en vers d’assez longs sujets, tout sérieux d’abord et presque théologiques, qui montrent, à leur titre seul, le fond de ses pensées : Le Progrès de l’erreur, La Vérité, L’Espérance, etc. […] toi dont je sens le bras, ce vingtième hiver, étroitement attaché au mien, avec un plaisir tel que peut seule l’inspirer une tendresse fondée sur une longue expérience de ton mérite et de tes essentielles vertus, — je te prends à témoin d’une joie que tu as doublée depuis si longtemps ! […] Là, sur la levée, se tient fermement enraciné notre bouquet d’ormes favoris, que notre regard au passage n’oublie jamais, et qui servent de rideau à la cabane solitaire du berger ; tandis que loin, à travers et par-delà le courant qui de ses flots, comme d’un verre fondu, incruste la vallée, le terrain en pente recule jusque vers les nuages, déroulant dans sa variété infinie la grâce de ses nombreuses rangées de baies, la tour carrée, la haute flèche d’où le son joyeux de la cloche vient expirer en ondulant jusqu’à l’oreille qui l’écoute, des bosquets, des bruyères, et des villages fumant dans le lointain. — Ces scènes-là doivent être belles qui, vues chaque jour, plaisent chaque jour, et dont la nouveauté survit à l’habitude et au long examen des années.

91. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Mais une lecture longue, continue, complète, n’est possible à la plupart même des gens instruits que lorsqu’elle est facile, et l’une des causes qui ont le plus retardé chez nous l’introduction des idées essentielles nées à l’étranger, ç’a été la lenteur des traductions ou importations. […] Sans doute avant Wolf, il s’était élevé plus d’un doute sur l’origine et la forme première de l’Iliade ou de l’Odyssée, sur l’unité de composition ou d’auteur applicable à des longs poëmes venus de si loin et transmis dans l’obscurité des âges ; mais ce n’avait été que des aperçus, des mots dits en passant, des boutades de gens d’esprit sans autorité, comme l’abbé d’Aubignac, — une phrase sagace et perçante de Bentley, — une conception philosophique de Vico ; Wolf, le premier, donna à la question tout son poids, se livra, en la serrant de près, à une démonstration méthodique, et mit le siège en règle devant la place. Ne se proposant en apparence pour objet que de constituer un bon texte d’Homère, il avait été amené à se demander, historiquement, ce qu’avaient pu être des poëmes d’aussi longue haleine que l’Iliade et l’Odyssée, et même si réellement ils avaient pu être et exister dans leur ensemble, à une époque où l’écriture n’existait pas, où rien ne pouvait se fixer et se consigner sur le papyrus ni sur d’autres matières ; où les chants seuls, par conséquent, flottaient sur les lèvres et dans la mémoire des hommes, à la merci des récitateurs et des chantres, et en présence d’auditoires avides, qui n’en pouvaient entendre que des portions. […] Grote convient tout à fait avec Wolf que les poëmes d’Homère n’ont été ni pu être écrits pendant un long laps de temps qui ne peut guère avoir été moindre que de deux ou trois siècles ; mais cette absence d’écriture n’est point une objection suffisante pour ne pas admettre de longs et très-longs poëmes : là est toute la question. […] Il y eut donc un temps, on peut le concevoir, où la récitation, se trouvant être le seul mode de publication, était merveilleuse de durée, d’étendue et de fidélité, et il n’est pas invraisemblable d’admettre qu’il a pu exister, dès ce temps-là, de longs poëmes qui se sont transmis et conservés.

92. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Une femme du grand monde, à laquelle il avait rendu de longs soins, avait paru l’accueillir, lui promettre quelque retour ; elle avait même semblé lui accorder, lui permettre sans déplaisir quelqu’un de ces gages qui ne se laissent pas effleurer impunément. […] Six longs mois s’étaient écoulés depuis la première visite ; on atteignait à la mi-octobre. […] Hervé, attentif et discret, vint, revint, et s’y trouva naturellement assis, chaque après-midi, pour de longues heures. […] Un long silence d’émotion suivit ; le jour était tout à fait tombé ; on n’entendait qu’un soupir. […] On t’a vue, quand tu te prends à la jeunesse et à la beauté, t’y acharner avec violence, y revenir coup sur coup, pour les ébranler, comme avec sa hache le bûcheron furieux, et leur livrer de longs assauts dans des agonies terribles.

93. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre III. Personnages merveilleux des contes indigènes »

Ils leur supposent de très longs cheveux et une barbe qui tombe jusqu’aux pieds. […] Lui aussi porte des cheveux très longs. […] Leurs pieds ne présentent pas le caractère anormal de ceux des guinâdyi. — Les gotteré sont robustes et trapus et porteurs d’une très longue barbe. […] Haut d’un mètre au plus, il a les pieds tournés en arrière et porte la longue barbe qui semble à peu près générale chez les nains ; il est toujours de couleur sale par suite de l’habitude qu’il a de se coucher parmi la cendre. […] La durée de la vie des guinné n’est pas indéfinie, leur existence est longue et leur croissance lente et dès qu’ils ont atteint un âge avancé ils meurent pour recommencer à vivre.

94. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Une seule fois, je crois, il l’a quitté pour aller à Londres, mais ce ne fut pas long ! […] Ses meilleures pièces ont dix vers, et les deux derniers sont toujours le dernier soupir de l’homme qui expire… Il ne sait pas jouer des airs longs. […] C’est toujours le même biniou qui joue juste et quelquefois mélodieux, pour peu qu’il ne joue pas longtemps, car Brizeux a l’haleine courte, comme Virgile : seulement, Virgile l’avait aussi longue que pure dans ses vers. […] Dans ce poème de longue haleine entrepris par une haleine courte, dans ce conte de l’âtre ou du lavoir, qui s’entremêle ou plutôt s’emmêle de légendes, le faux Épique fait perpétuellement tort au Bucolique vrai, et l’on voit trop à travers la chevelure ébouriffée du petit pâtre se dresser la longue et solennelle oreille du Marchangy ! […] Il y a beaucoup de Nausicaa sur les bords des fontaines de Bretagne ; mais Brizeux, ce monsieur en noir et si bien peigné, qui a laissé là ses braies bariolées et ses longs cheveux celtes, ne rappelle pas plus le génie d’Homère que ses haillons !

95. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 30, de la vrai-semblance en peinture, et des égards que les peintres doivent aux traditions reçuës » pp. 255-265

Je ne parlerai point plus au long de la vrai-semblance mécanique, parce qu’on en trouve des regles très-detaillées dans les livres qui traitent de l’art de la peinture. […] Nous parlerons tantôt plus au long de ces caracteres connus. […] Si je n’en parle point plus au long, c’est que j’en ai déja dit trop pour les personnes qui ont reflechi sur le grand art des expressions, quand je n’en sçaurois dire assez pour celles qui n’y ont pas reflechi.

96. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Renou » pp. 301-307

Je suppose qu’en commençant la longue et minutieuse description de sa figure, le poëte en ait l’ensemble dans sa tête ; comment me fera-t-il passer cet ensemble ? […] Certainement le rythme ne contribue pas médiocrement à l’exagération, comme on le sentira dans le monstrum horrendum, informe, ingens de Virgile, et surtout dans la désinence longue et vague d’ ingens. Que le poëte eût dit simplement au lieu d’ Amphitrite , la déesse de la mer, au lieu de porrexerat, avait jetté ; au lieu de ses longs bras, ses bras ; au lieu de longo margine terrarum, autour de la terre ; qu’en se servant des mêmes expressions il les eût placées dans un ordre différent, plus d’image, rien qui parlât à l’imagination, nul effet. […] Voilà ce que les grands génies ont exécuté d’instinct, et ce qu’aucun de nos feseurs de poétique n’a vu ; et que Dieu les bénisse. à nos peintres : certes, messieurs, l’idée qu’on prend de l’ange du livre de la sagesse n’est pas celle de vos petites têtes jouflues et soufflant des bouteilles, dont vous garnissez vos petits tableaux, que je dis petits parce qu’ils seraient toujours petits, quand ils auraient cinquante pieds de long.

97. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Ernest Feydeau »

Qu’il ait écrit les trois livres qui n’en sont qu’un : Un début à l’Opéra, M. de Saint-Bertrand et le Mari de la Danseuse 39, tout d’une haleine ; qu’il en ait inventé ou combiné les événements à tête reposée et de longue main ; ou, comme tant d’autres marquis de la Rocambole du feuilleton, qu’il les ait trouvés au jour le jour dans cette improvisation qu’on apprend comme tout ce qui est de métier et d’exercice, il n’importe ! […] Attaqué, depuis son début, dans sa moralité d’écrivain, ce qui, au fond, lui est bien égal, il n’en a pas moins relevé le gant pour le compte de la moralité de son œuvre, afin de n’avoir point à le relever pour le compte de son talent contesté, et il a écrit une longue préface qu’il a plaquée à la tête de ces trois volumes, précisément, dit-il en capitales, « pour qu’on la passe !  […] Dans cette préface, qu’il serait bien fâché qu’on ne lût pas, et avec raison, car c’est ce qu’il y a de meilleur dans les trois volumes, l’auteur fait une passe d’armes, fastueuse et inutile, en l’honneur de l’art pour l’art, disant, du reste, de très bonnes choses, claires comme de l’eau, contre les moralistes camards, qui ne voient pas plus long que leur nez et qui piaillent pour la morale en quatre points, la prêcherie et la pédagogie catéchisante en littérature ! […] Le Leone Leoni de madame Sand n’est pas long, et par là l’artiste a épargné à son lecteur, tout en l’émouvant, la sensation du dégoût qui n’eût pas manqué d’arriver si on eût prolongé la scabreuse situation, nécessaire au développement du sentiment qu’on a voulu peindre.

98. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

Sans t’épuiser jamais, sur toute la nature Tu pouvais à longs flots répandre sans mesure             Un bonheur absolu. […] XV Encore, si le jour et l’heure de cette mort étaient connus et fixés d’avance, quelque courte que fût la vie, on pourrait prendre ses mesures, on proportionnerait ses pas à l’espace qui reste, on pourrait régler ses pensées sur son horizon ; on n’aurait pas de longues espérances pour un jour de durée, ni de courtes vues pour de longues années ; on pourrait aimer, travailler, construire à l’heure ; on pourrait resserrer ou élargir son sort à la mesure de son temps. […] Qui est-ce qui n’a pas expérimenté qu’au retour d’un voyage de long cours, ou même d’une simple promenade au grand air et sous le ciel, on ne rapportait pas à sa demeure les idées qu’on en avait emportées, mais qu’on sentait en soi-même un certain renouvellement de pensée et de cœur qui faisait voir les choses sous un aspect plus étendu et par conséquent plus juste et plus vrai ? […] c’est la longue haleine, La respiration nocturne de la plaine ! […] « Terre, dernier degré de ces milliers de rampes « Qui toujours finissant recommencent toujours, « Et dont le calcul même est trop long pour tes jours ?

99. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

Villehardouin décrit peu ; le genre descriptif n’était point inventé alors parmi nous, et le vieux croisé est le contraire de cette brillante et habile jeunesse née de Chateaubriand, qui en sait dire encore plus long qu’elle n’en pense sur tout sujetp : lui, il en dit encore moins qu’il ne sent. […] Quand ils virent ces hauts murs et ces riches tours dont elle était close, et ces riches palais et ces hautes églises dont il y avait tant que personne ne l’eût pu croire, s’il ne l’eût vu proprement à l’œil ; et quand ils virent le long et le large de la ville, qui de toutes les autres était souveraine, sachez qu’il n’y eut homme si hardi à qui la chair ne frémît par tout le corps ; et ce ne fut merveille s’ils s’en effrayèrent, car jamais si grande affaire ne fut entreprise d’aucunes gens depuis que le monde fut créé. […] peuple à longue robe, sans défense et sans glaive ! […] Ils n’estiment rien que la vaillance, dit toujours Nicétas des Français d’alors et de ceux qu’il appelle Barbares, mais c’est la vaillance séparée des autres vertus ; ils la revendiquent pour eux comme infuse par nature et corroborée par un long usage, et ne souffrent qu’aucune autre nation puisse se comparer à eux en ces choses de guerre ; d’ailleurs étrangers aux Muses et n’ayant aucun commerce avec les Grâces, ils sont d’un naturel farouche, et ont la colère plus prompte que la parole. […] [1re éd.] plus long qu'elle ne pense : q.

100. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

  Sous le radeau premier des naissantes mémoires Le grand lac commençait à dérouler ses moires Pour l’homme, brute aux bras trop longs, au nez trop court ;   Et dans l’annonce obscure, en tintements agiles, Tout ce qui rôde, et vole, et nage, et rampe, et court, Entendait bégayer les futurs Evangiles. […]   Puis humble, n’osant plus parler, elle attend l’heure Où le héros charmant va fuir, silencieux, Et dans ses longs cheveux répandus elle pleure. […] En longue robe droite, tombant, sans un pli, Sephore vers la berge plate, dans l’attente Fatale du départ, — et Lohengrin, pâli,   Le regard s’abîmant dans les moires du fleuve, Où le flot nouveau-né chasse le flot ancien, A l’heure de laisser l’Épouse, vierge et veuve, Se lamente au passé qui devait être sien ! […] Il s’agit, présentement, non de réparer une longue injustice — car depuis beaucoup d’années, l’opinion des connaisseurs est faite sur ce point — mais d’accélérer une heureuse réaction, en ce qui concerne l’œuvre d’un grand musicien moderne, d’un maître, César Franck. […] César Franck a un opéra en portefeuille, Hulda ; par malheur, je n’en connais que des fragments, d’ailleurs superbes, trop courts pour permettre d’établir une opinion raisonnée, assez longs pour qu’on puisse placer cet ouvrage, sans crainte de se tromper, fort au-dessus de presque tous ceux qui se jouent quotidiennement à Paris.

101. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Comme institutrice, elle ne s’est pas ralentie un seul jour durant ce long espace de temps. […] Il mit tout à sa disposition en la quittant, et la part qui lui revenait dans la succession paternelle, et le prix de son engagement ; plus tard il lui envoyait celui de son rengagement, le fruit de ses économies, et à son retour dans ses foyers il lui apporta les secours qu’il avait obtenus et mérités par ses longs et honorables services. […] Ceux-là, ils ressemblent à de sages diplomates qui savent concéder ce qui convient à l’esprit d’une époque, ce que l’opinion réclame, et qui estiment après tout qu’une trêve à très longue échéance équivaut à une bonne paix. […] « Sans doute, disait M. le président trop long, l’œuvre de la pensée est la plus personnelle de toutes ; mais, tandis que le mari était occupé à ses compositions, la femme se dévouait aux soins du ménage, à l’éducation des enfants : chacun d’eux a donc mis à la masse commune sa part. » Et qu’il soit permis à l’homme de lettres célibataire d’ajouter quelques mots sur la condition de l’homme de lettres marié. […] L’état le plus naturel à l’homme qui étudie, comme à celui qui compose avec suite, même dans l’ordre de l’imagination, et qui par conséquent a besoin de longues heures de travail, est encore la vie domestique, régulière, intime.

102. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

Donc, en règle générale, quand il ne s’agit pas d’invention intellectuelle, mais seulement d’interprétation et d’assimilation, le mot précède l’idée, d’un temps qui est d’autant plus long que l’association de l’idée avec le mot nous est moins familière ou que l’idée prise en elle-même nous est plus imprévue. […] Or notre langue maternelle ne nous est devenue familière qu’avec le temps, et les réflexions que nous trouvons toutes simples aujourd’hui, enfants, elles eussent fait honneur à notre sagacité ; enfin, l’inspiration et la verve supposent un esprit cultivé et exercé : d’ordinaire, on n’est inspiré que dans l’ordre d’idées sur lequel la réflexion se porte de préférence ; le génie, a-t-on dit, est une longue patience ; en d’autres termes et plus exactement, la découverte est l’effet et la récompense d’une longue et patiente recherche ; si l’on trouve sans chercher, c’est qu’on avait cherché sans trouver244. […] Un mot un peu long, s’il est entré dans nos habitudes, est compris avant d’être terminé ; si le mot est court ou peu connu, nous nous le répétons faiblement jusqu’à ce qu’il soit bien compris. […] C’est que la parole intérieure, chez l’adulte, n’est jamais en repos quand l’esprit travaille ; elle est en nous comme une habitude toujours en acte ; nous avons une si riche provision de mots dans notre mémoire, et nous avons si souvent exercé volontairement cette faculté à nous les fournir par longues séries, que nous ne pouvons plus penser sans nous parler en nous-mêmes. […] Cette expression trouvée et approuvée, on est maître de sa pensée, on la comprend mieux, on est en état de la juger sûrement, parce qu’on l’a rattachée à des notions bien connues dont on sait de longue date les affinités naturelles et les incompatibilités. « On ne sait justement ce qu’on voulait dire que quand on l’a dit », mais à une condition : c’est qu’on l’ait bien dit253.

103. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Il est trop long et trop clair, de même que le Saxon est trop obscur et trop court. […] Et d’un bout à l’autre, cette longue épopée est pareille ; la raillerie n’y cesse pas, et ne cesse pas d’être agréable. […] Il y avait des familles saxonnes à la fin du douzième siècle qui, par un vœu perpétuel, s’étaient engagées à porter la barbe longue, de père en fils, en mémoire des coutumes nationales et de la vieille patrie. […] L’honnête Robin ne voulut pas se servir contre lui de son arc, alla couper un bâton, long de sept pieds, et ils convinrent amicalement de combattre sur le pont jusqu’à ce que l’un d’eux tombât à l’eau. […] Comme une énorme et longue roche qui fait le fond du sol et pourtant n’affleure que de loin en loin, elles ne se montrent qu’à peine.

104. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

D’ailleurs ils parlent au lieu d’agir. « Cinna, Pompée ne sont point des tragédies, mais de longs discours sur la raison d’État, et Polyeucte, en matière de religion, est aussi solennel qu’un long point d’orgue dans un motet. […] They are not so properly to be called plays as long discourses of reason of state ; and Polyeucte, in matters of religion, is as solemn as the long stops upon our organs. […] Farewell, kind Charmion — Iras, long long farewell. […] You have been too long away from my embraces. […] I have so long studied and practised both, that they are grown into habit and become familiar to me.

105. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

M. de Vigny avait écrit un discours fort long, dont le sujet principal, comme on sait, était l’éloge de M. Étienne ; ce discours, le plus long qui se fût jusqu’alors produit dans une cérémonie de réception, il trouva moyen de l’allonger encore singulièrement par la lenteur et la solennité de son débit. […] Les chasseurs en savent là-dessus plus long que moi ; mais ici il me paraît qu’il y a un peu trop de désaccord entre la bête prise pour emblème et la moralité trop quintessenciée. […] L’idée y est supérieure à l’exécution ; la pièce paraît longue, et un peu d’ennui s’y glisse. […] Il en est très peu que le feu divin illumine durant toute une longue carrière, ou chez qui il se change du moins et se distribue en chaleur égale et bienfaisante pour donner aux divers âges humains toutes leurs moissons.

106. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

Je vois encore d’ici ses belles longues mains blanches, sortant d’une manche de toile fine retroussée jusqu’aux coudes, pour nous tendre les mets qu’elle avait elle-même préparés ou pour remplacer les cruches de vin quand elles étaient vides. […] Nous regrettons de tronquer ce long et délicieux gazouillement de l’innocence et de l’amour ; mais il faudrait tout copier : le poète a douze chants, nous n’avons qu’une heure. […] Il lui fait présent d’une coupe taillée dans le buis, ciselée de ses mains pendant les longs loisirs solitaires du pâturage. […] Dans l’obscurité, assis sur une pierre, et muet comme la nuit, des mamelles gonflées celui-ci exprimait le bon lait chaud ; le lait, jaillissant à longs traits, s’élevait dans les bords écumeux de la seille, à vue d’œil. […] Laissons-leur la curiosité, ce viatique des longues routes dans la lecture comme dans le drame.

107. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

Elle est petite, étroite et basse, cette maison ; sa façade en briques, percée d’une porte et de deux fenêtres, ouvre sur une longue rue solitaire et silencieuse, pareille aux rues désertes, quoique élégamment bâties, des quartiers ecclésiastiques de Rome. On dirait d’un long cloître de chanoines dans les environs d’une cathédrale. […] IX La vie que l’on menait pendant la villégiature, dans la villa de la comtesse Léna et de toutes les familles élégantes d’Italie, était éminemment adaptée à ces longues lectures en commun qui sont l’occupation des longues paresses d’esprit. […] maman, maman, ne me fais pas cette menace, répondit la jeune fille en joignant les mains, puis en les passant au cou de sa mère et en lui fermant la bouche par un long baiser ! […] Leurs longs cheveux, presque pareils et d’une égale souplesse, se confondaient pour les voiler à demi ; elles restèrent ainsi, moitié riantes, moitié attendries, laissant sortir deux visages d’une seule chevelure, comme deux roses sous une seule feuille.

108. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Il serait intéressant de savoir si ceux qui nichent au long de la rivière Colombie, près l’océan Pacifique, visitent nos rivages de l’Atlantique. […] Il contenait cinq œufs, d’une forme ovale allongée, ayant huit lignes de long sur six de large ; le fond en était d’un blanc pur, avec quelques raies ou taches vers le gros bout, et d’un rouge clair. […] Mais, avant leur départ, ils paraissaient convenablement forts, et n’oublièrent pas de faire de longues sorties en plein air, sur toute l’étendue de la crique et des campagnes environnantes. […] Pour cette expédition, je m’adjoignis un camarade de chasse, et nous partîmes, munis d’une assez longue corde. […] Mais tout cela fut peine perdue : je ne pus rien voir du tout dans l’intérieur de l’arbre, et ma gaule, d’au moins quinze pieds de long, avait beau s’y promener de droite et de gauche, elle ne touchait à rien qui pût me donner quelque renseignement.

109. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

« Cette porte est ouverte à présent, et le peuple le plus impatient a écouté les plus longs développements philosophiques et lyriques. […] Elle était longue, et fermée de si près que je ne pus rien lire entre les angles ni à travers l’enveloppe. […] Pendant qu’elle priait, il prenait le bout de ses longs cheveux et les baisait sans faire de bruit. […] Ses petits pieds blancs étaient croisés et élevés au niveau de sa tête, et tout son corps enveloppé de sa longue chemise blanche. […] Je vis deux yeux bleus, démesurés de grandeur, admirables de forme, sortant d’une tête pâle, amaigrie et longue, inondée de cheveux blonds, tout plats.

110. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Les raisons, si on les cherchait en dehors du talent même, seraient longues à donner, et elles sont de telle nature qu’il faudrait toute une confession nouvelle pour les faire comprendre. […] « En effet, la vie est longue, et avant que la poésie, « cette maîtresse jalouse et qui ne veut guère de partage », songeât à s’enfuir, il s’écoula encore bien du temps. […] que la vie est longue aux longs jours de l’été, Et que le temps y pèse à mon cœur attristé ! […] Elle en sort et coule au pied de petites collines irrégulières qui sont couvertes de vignes ; puis, passé le château romantique qui porte aujourd’hui le nom de Valleggio, situé sur une éminence, elle descend à travers une longue vallée, et alors elle se répand dans la plaine en deux petits lacs, l’un au-dessus et l’autre juste au-dessous de la ville de Mantoue. […] « Les portraits de lui qui nous le représentent les cheveux longs, l’air jeune, le profil pur, en regard de la majestueuse figure de vieillard d’Homère, n’ont rien d’authentique et seraient aussi bien des portraits d’Auguste ou d’Apollon.

111. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Les longues œuvres manquent d’unité et par conséquent, dans leur ensemble, échappent à la poésie. […] Poe, qu’il n’existe pas de long poème, que ces mots “un long poème” sont tout simplement contradictoires dans les termes. » Revenant sur cette pensée, il la précise : « La dose d’émotion nécessaire à un poème pour justifier ce titre ne saurait se soutenir dans une composition de longue haleine : au bout d’une demi-heure au plus, elle baisse, tombe, une révulsion s’opère et dès lors le poème, de fait, cesse d’être un poème. » Nous pouvons nous souvenir, pour corroborer l’opinion de Poe par l’histoire, que l’Iliade et l’Odyssée datent d’une époque postérieure à celle de leur composition, quant à la forme arbitraire selon laquelle ces deux œuvres nous sont présentées : forme arbitraire, étrangère, ou peu s’en faut, à la pensée du ou des poètes primitifs. […] Je n’ai pas à entrer dans le détail de ce long duel de l’esprit poétique et de l’esprit critique. […] Et la vue s’ennuie au long d’interminables avenues, droites comme des colonnes de chiffres et bordées d’hôtels qui seraient bien disparates s’ils n’avaient pour trait d’union un égal mauvais goût. […] Mais surtout, surtout l’important sera de préparera cette conception de l’art souverain les générations dépravées par de longues et funestes routines.

112. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Il y a identité de nature entre le procédé que suit le savant dans ses raisonnements les plus longs, les plus compliqués, et celui par lequel une conscience naissante s’essaie à la pensée. […] De même, une route qu’on fait pour la première fois, nous paraît plus longue que quand elle nous est devenue familière. […] Bain y incline, il est, lui, nettement réaliste ; et la théorie de la connaissance n’est qu’un long combat contre l’idéalisme. […] L’auteur consacre à l’Instinct un chapitre long et intéressant, mais qui n’est guère susceptible d’analyse. 4e partie, ch.  […] Parmi les longues analyses que M. 

113. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Osmin arrive d’un long voyage. […] Voilà la première règle prescrite par Longin ; et sa nécessité se fait si bien sentir qu’il est inutile de la détailler plus au long. […] Pendant qu’on passe en revue une longue file de circonstances, le feu se ralentit nécessairement, et l’impression qu’on veut faire sur l’auditeur languit en même temps. […] Qu’un grand seigneur reçût un affront dans la salle du palais royal et qu’il y demeurât seul, faisant une longue plainte de son malheur, en lui-même ; ce serait une invraisemblance. […] On lui reproche de faire souvent dire de suite à un de ses personnages tout ce qu’il a à dire ; on répond de même, et une longue scène se consume quelquefois en deux ou trois répliques.

114. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Par « petits poèmes » de La Fontaine nous entendons des poèmes qui, en vérité, sont plus longs que les Fables et que les Contes, mais qui, étant des poèmes didactiques et des poèmes épiques, sont moins longs que les poèmes épiques et que les poèmes didactiques que nous avons coutume de considérer dans l’histoire de la littérature ; c’est pour cela qu’on les a appelés « les petits poèmes de La Fontaine », ce qui ne répond pas à une idée très précise, mais vous comprenez ce que l’on a voulu entendre parla. […] Les remèdes fréquents n’abrègent point leurs jours, Rien n’en hâte le long et le paisible cours. […] Ce qu’il y a de très heureux, ce sont des vers isolés et des couplets, peu longs en général, où La Fontaine retrouve absolument toute sa grâce et tout son charme. […] Naguère en m’arrêtant il m’a traité de maître, Le long temps et l’habit me l’ont fait méconnaître : Autant qu’il était propre, aujourd’hui négligé, Je l’ai trouvé d’abord tout triste et tout changé, « Est-ce vous ?  […] La chose jusque-là n’avait rien que d’honnête ; Mais malheureusement ce maudit mousqueton Ayant entortillé mes jambes de son long, S’est trouvé sur la selle et juste entre mes fesses.

115. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

Dès sa jeunesse, Élisabeth-Charlotte se distingua par un esprit vif et par un caractère ouvert, franc et vigoureux : Mlle de Quadt, dit-elle, a été ma première gouvernante et celle de mon frère ; elle était déjà vieille : elle voulut une fois me donner le fouet, car j’étais un peu volontaire dans mon enfance ; mais je me débattis si fort, et je lui donnai avec mes jeunes pieds tant de coups dans son vieux ventre, qu’elle tomba tout de son long avec moi et faillit se tuer. […] C’est à elle qu’elle adressait ses plus longues lettres et ses plus confidentielles, celles qui doivent surpasser en intérêt toutes les autres. […] Chose rare à la Cour, elle aimait la joie pour elle-même : « La joie est très bonne pour la santé, pensait-elle ; ce qui est sot, c’est d’être triste. » Elle rompait la monotonie des formes cérémonieuses, des menuets en tout genre, des longs repas silencieux. […] Ce sont des antipathies de race, de condition, d’humeur, et que de longues années passées en présence, dans la vue continuelle et dans une étroite contrainte, n’ont fait que cultiver, fomenter en secret et exaspérer. Qui n’a vu de ces longues inimitiés intimes, qui font explosion dès qu’il y a jour ?

116. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

— J’entendis la cloche sonner pour ton jour de funérailles ; je vis le corbillard qui t’emportait lentement, et dans ma chambre d’enfant, me détournant de la fenêtre, je poussai un long, long soupir, et je pleurai un dernier adieu… Mais est-ce bien le dernier ? […] Il y vécut quelques mois à peu près seul, évitant les visites, éludant les relations de voisinage, et « ne voulant de commerce, disait-il, qu’avec son Dieu en Jésus Christ. » Pauvre oiseau blessé ; il cherchait à s’y blottir, à s’y refaire peu à peu, à s’y guérir en silence de sa plaie, et à y apaiser ses trop longues et trop poignantes épouvantes. […] Mme Unwin veilla auprès de lui, l’arracha tant qu’elle put à lui-même, et entoura de soins angéliques sa longue et graduelle convalescence, qui demanda bien des saisons. […] Son esprit réveillé, et, à quelques égards, réparé par un si long repos, le tourmentait par accès, et il ne savait qu’en faire. Le physique pourtant n’était pas de force encore à supporter une longue attention ; et il compare le réseau des fibres de son cerveau à une toile d’araignée : une seule pensée obstinée qui s’y loge ébranle et compromet toute la contexture.

117. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

Boileau1 Depuis plus d’un siècle que Boileau est mort, de longues et continuelles querelles se sont élevées à son sujet. […] pendant ce long séjour aux champs, en proie aux infirmités du corps qui, laissant l’âme entière, la disposent à la tristesse et à la rêverie, pas un mot de conversation, pas une ligne de correspondance, pas un vers qui trahisse chez Boileau une émotion tendre, un sentiment naïf et vrai de la nature et de la campagne3. […] Non, bien moins suffit : voyez Horace, comme il s’accommode, pour rêver, d’un petit champ, d’une petite source d’eau vive, et d’un peu de bois au-dessus, et paulùm sylvae super his foret ; voyez La Fontaine, comme il aime s’asseoir et s’oublier de longues heures sous un chêne ; comme il entend à merveille les bois, les eaux, les prés, les garennes et les lapins broutant le thym et la rosée, les fermes avec leurs fumées, leurs colombiers et leurs basses-cours. […] Dans une lettre, datée de 1695 et adressée à M. de Maucroix au sujet de la mort de La Fontaine, on lit ce passage, le seul touchant peut-être que présente la correspondance de Boileau : « Il me semble, monsieur, que voilà une longue lettre. […] Il appellera Alexandre ce fougueux l’Angeli, comme si l’Angeli, fou de roi, était réellement un fou privé de raison ; il fera monter la trop courte beauté sur des patins, comme si une beauté pouvait être longue ou courte.

118. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Car, dans cette vie si bien composée, la période illustre eut des préparations longues et fortes. […] Il eut aussi, en 1853, de longs ennuis pour un court passage de son Abrégé de l’Histoire de France, relatif à la constitution civile du clergé. […] Mais agir pour les autres, durant de longues années, durant toute une vie, cela ne se conçoit guère sans un peu de confiance en la future victoire de la raison. […] Irréprochable unité de dessein dans cette longue vie ! […] Le probe historien Victor Duruy fut un homme excellemment représentatif de cette tradition, qui fait tout le prix de la longue histoire humaine.

119. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Dübner »

Mais, s’il exerça une heureuse influence sur les individus distingués, il échoua dès qu’il voulut introduire une partie de ses idées de réforme dans l’enseignement public ; il ne put faire brèche ; l’Université en corps résista, elle tint bon pour sa grammaire traditionnelle, qui avait été un progrès, en son temps, mais qui était certainement dépassée ; on eut même, je le crois, quelque peine à pardonner à Dübner sa tentative d’amélioration et ses insistances ; car il revint plus d’une fois à la charge, la polémique fut longue, bien des considérations étaient en jeu… N’insistons pas nous-même : le souvenir de ces désaccords et de ces démêlés ne serait point à sa place ici, en présence d’une tombe. […] « Mort il y a juste un an, le 13 octobre 1867, Dübner n’avait pas accompli sa soixante-cinquième année : à ne voir que sa vie saine et son apparence robuste, de longs jours lui semblaient encore promis. Heureux après tout, heureux homme, pourrions-nous dire, qui a consacré toute sa vie à d’innocents travaux, payés par de si intimes jouissances ; qui a approfondi ces belles choses que d’autres effleurent ; qui n’a pas été comme ceux (et j’en ai connu) qui se sentent privés et sevrés de ce qu’ils aiment et qu’ils admirent le plus : car, ainsi que la dit Pindare, « c’est la plus grande amertume à qui apprécie les belles choses d’avoir le pied dehors par nécessité. » Lui, l’heureux Dübner, il était dedans, il avait les deux pieds dans la double Antiquité ; il y habitait nuit et jour ; il savait le sens et la nuance et l’âge de chaque mot, l’histoire du goût lui-même ; il était comme le secrétaire des plus beaux génies, des plus purs écrivains ; il a comme assisté à la naissance, à l’expression de leurs pensées dans les plus belles des langues ; il a récrit sous leur dictée leurs plus parfaits ouvrages ; il avait la douce et secrète satisfaction de sentir qu’il leur rendait à tout instant, par sa fidélité et sa sagacité à les comprendre, d’humbles et obscurs services, bien essentiels pourtant ; qu’il les engageait sans bruit de bien des injures ; qu’il réparait à leur égard de longs affronts. […] Aussi n’ai-je pas craint d’ajouter à mon Éloge funèbre de Dübner ce long post-scriptum.

120. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

Si cette « chère âme » était belle de quelque générosité native ou acquise, nous serions — malgré le néant de la pensée, malgré l’enfantillage des constructions et le manque de vie des personnages — payés un peu de notre effort à suivre les longues divagations. […] Sa faiblesse transforme en fantômes indécis les personnages nets et agissants des Grecs, mais sa mélancolie les dresse longs, frêles, aériens, dans un ciel de rêve et de larmes. […] Madame Bovary est moins un roman réaliste qu’une parodie du romantisme, une longue raillerie de l’imagination et de la sensibilité, de la passion et du rêve, de toute la poésie. […] Et ces préliminaires furent vraiment longs.

121. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre III. Besoin d’institutions nouvelles » pp. 67-85

On a fait, en quelque sorte, solution de continuité ; et, s’il faut le dire d’une manière sévère, les déplorables événements de 1792 et 1793 ont prononcé un divorce éternel, divorce qu’une usurpation courte par la durée du temps, mais longue par l’intensité du despotisme et par la multiplicité des événements, avait été sur le point de revêtir du manteau légal de la prescription ; divorce enfin qui fut un instant consacré par ce qu’il y a de plus éclatant parmi les hommes, la gloire militaire. […] Sans nous arrêter à un parallèle qui nous forcerait à une trop longue digression, et qui se fera de lui-même par la suite, continuons donc de peindre l’âge actuel, celui des ruines. […] Ces longs cloîtres silencieux doivent être transformés en prisons ou en vastes ateliers pour les manufactures. […] Les publicistes de France, à cette époque, repoussant dédaigneusement l’héritage de nos pères, voulurent cependant établir que les fastes de notre monarchie n’étaient que les fastes de notre longue servitude.

122. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Guy de Maupassant »

Je me rappelle les longues fuites de Maupassant hors de la société des hommes, ses solitudes de plusieurs mois, en mer ou dans les champs, ses tentatives de retour à une vie simplifiée, toute physique et tout animale, où il pût oublier l’ennemi sourd, l’ennemi patient qu’il portait en lui ; puis, quand il rentrait parmi nous, cette fièvre d’amusement, et de plaisanteries, et de jeux presque enfantins, qui était encore comme une fuite, une évasion hors de soi… Vains efforts ! […] Or, pour en revenir à l’auteur de Bel Ami, sans doute la gloire de son œuvre sera de longue durée ; mais nous voyons que pour lui, la jouissance n’en aura même pas été viagère. […] Sa philosophie simpliste  à laquelle il est bien possible que les raffinés des derniers âges reviennent par le plus long  était celle d’un jeune « Huron » de génie.

123. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre X. Zola embêté par les jeunes » pp. 136-144

Zola embêté par les jeunes Un poète d’esprit, Henri de Régnier, discute au long le talent d’Émile Zola. […] Lisez (si vous souriez, je vous prierai de me croire sur parole) la déjà longue série des romans jeunes de Zola, Les Mystères de Marseille, Le Vœu d’une morte… puis lisez les Contes à Ninon, et enfin les Rougon-Macquart, soutiendrez-vous que l’artiste n’ait point évolué, n’ait point lentement et mûrement corrigé sa manière ? […] L’artiste qui eût entrepris la longue suite de fresques d’une gigantesque décoration serait-il pas tenu à quelque unité de faire ?

124. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Barbusse, Henri (1873-1935) »

Henri Barbusse est moins une série de poèmes qu’un long poème purement subjectif, conçu sous la forme d’une rêverie, disant ce charme des matins et des ombres, de la solitude et de la tristesse. […] Catulle Mendès écrivait, quand il parut : « C’est plutôt un poème, ce livre, un long poème, qu’une succession de pièces, tant s’y déroule visiblement l’histoire intime et lointaine d’une seule rêverie.

125. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

C’est dans ce long hiver qu’un jour, en dessinant, elle conçut le soupçon, nous dit M. de Rémusat, qu’elle pourrait bien avoir de l’esprit92. […] Il serait agréable, à coup sûr, mais trop minutieux et trop long, de relever dans les articles non recueillis de Mme Guizot la quantité de droites et fines observations dont elle a marqué chaque auteur. […] L’auteur de la Législation primitive avait démontré au long dans le Mercure, selon la méthode des esprits violents ou paradoxaux voués aux thèses absolues, qu’il y avait nécessité d’être athée pour quiconque n’était pas chrétien et catholique. […] Courant à si longue baleinée, Ils n’ont pas vu la Destinée Se tapir au ravin profond. […] Dans le compte-rendu de l’Almanach des Muses de l’an XIV (1806), Mlle de Meulan distinguait et citait au long une idylle intitulée Glycère, et signée Béranger, dont elle trouvait le ton naturel et l’idée touchante.

126. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

Quel long travail pour eux a conquis l’univers ! […] Ce sont là autant de préparations à l’œuvre future et comme des préludes au poème de La Justice, où la longue méditation éclate enfin au grand jour et dans toute sa portée. […] Voilà donc l’âme retrouvée au terme de cette longue odyssée à travers les sommets et les abîmes de la science, une âme fille de la Terre, dernier terme et dernier effort d’un long enfantement. […] Je n’insiste pas ; il y aurait de l’injustice à recueillir, dans une œuvre de longue haleine, les vers où l’art a défailli ; c’est d’ailleurs moins au compte qu’au poète qu’au compte du sonnet que je veux mettre ces défaillances. […] Il faut, pour soutenir une longue suite de vers et pour y intéresser le lecteur, un système vigoureusement accepté, traduit par une conviction ardente.

127. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Il faut qu’il connaisse de longue vue votre visage ; sinon vous êtes un mécontent. […] De là une échelle immense, le roi au sommet, dans une gloire surhumaine, sorte de dieu foudroyant, si haut placé, et séparé du peuple par une si longue suite de si larges intervalles, qu’il n’y avait plus rien de commun entre lui et les vermisseaux prosternés dans la poussière, au-dessous des pieds de ses derniers valets. […] Écoutez ce style : « Je dis au roi que je n’avais pas pu vivre davantage dans sa disgrâce, sans me hasarder à chercher à apprendre par où j’y étais tombé... ; qu’ayant été quatre ans durant de tous les voyages de Marly, la privation m’en avait été une marque qui m’avait été très-sensible, et par la disgrâce et par la privation de ces temps longs de l’honneur de lui faire ma cour... ; que j’avais grand soin de ne parler mal de personne ; que pour Sa Majesté j’aimerais mieux être mort (en le regardant avec feu entre deux yeux). […] « Une foule d’officiers de Monseigneur se jetèrent à genoux tout du long de la cour, des deux côtés sur le passage du roi, lui criant avec des hurlements étranges d’avoir compassion d’eux qui avaient tout perdu et qui mouraient de faim. » Doré seul rendrait cette scène et ces deux files de mendiants galonnés, agenouillés avec des flambeaux, criant après leur marmite. […] Mes yeux fichés, collés sur ces bourgeois superbes, parcouraient tout ce grand banc à genoux, ou debout, et les amples replis de ces fourrures ondoyantes à chaque génuflexion longue et redoublée, qui ne finissait que par le commandement du roi par la bouche du garde des sceaux ; vil petit-gris qui voudrait contrefaire l’hermine en peinture, et ces têtes découvertes et humiliées à la hauteur de nos pieds. » Qui songe à rire de ces pédanteries latines et de ces détails de costumier ?

128. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

le père voudrait bien vous voir ; nous avons tous le temps long après vous, nous vous attendons tous les jours ; le père aurait bien des choses à vous dire. […] À force de le voir, il n’y pensait plus ; mais alors il lui sembla le retrouver après une longue absence. […] Il se rappela madame Kobus, sa mère, une femme jeune encore, à la figure longue et pâle, jouant du clavecin ; M.  […] » Le gros Hâan fumait gravement et Schoûltz avait posé sa casquette derrière lui, dans les plis du manteau, pour écarter ses longs cheveux blonds filasse grisonnants où passait la brise. […] Le vieux rebbe, au bout d’un instant, fourra la main dans la poche de sa longue capote jusqu’au coude, il en tira son mouchoir, se moucha comme si de rien n’était, et finalement, levant le mouchoir, il l’agita.

129. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Il terminait sa lettre par ces mots: « Je pense comme vous ; et, pour aimer, l’éternité ne me paraît pas trop longue. […] Lainé au-dessus de tous les hommes politiques que je connus dans les différentes phases de ma longue carrière publique. […] Il s’y joint des lianes de divers feuillages, qui, s’enlaçant d’un arbre à l’autre, forment ici des arcades de fleurs, là de longues courtines de verdure. […] Les montagnes mêmes qui présentent différentes branches du côté du Port-Louis, n’offrent plus, du côté des plaines de Williams, qu’un long promontoire en ligne droite et perpendiculaire, d’où s’élèvent plusieurs longues pyramides de rochers où se rassemblent les nuages. […] » et une longue faiblesse succéda à ces douloureuses paroles.

130. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Depuis ce jour et pendant un long été, les deux maisons n’en faisaient qu’une. […] Il a inspiré de grandes passions et de longues amitiés. […] J’en garde mémoire malgré la longue inimitié de leur journal depuis contre moi, quand ce journal, après 1830, tomba aux mains d’une secte. […] La moiteur de l’inspiration collait sur son grand front les boucles de ses longs cheveux. […] Il détaillait pendant des heures entières, et jamais longues, la pensée, le bon sens, quelquefois le sophisme, sans jamais épuiser ni son auditoire d’intérêt, ni lui-même de ressources.

131. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Bachelier  » pp. 147-148

Bachelier Vous n’imagineriez jamais que les Amusements de l’enfance de Bachelier, c’est cet énorme tableau qui a dix pieds de hauteur, sur vingt pieds de long. […] Son Chat d’Angora qui guette un oiseau est on ne peut mieux ; physionomie traîtresse ; longs poils bien peints ; etc… Il y a de l’esprit, du mouvement, et de la chaleur dans l’esquisse de la Descente de Croix.

132. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

         Messire rat promit soudain ; Il n’était pas besoin de plus longue harangue. […] La Fontaine en quelques vers garde les traits intéressants, et en ajoute d’autres. « Un bûcheron perdit son gagne-pain » : le long début de Rabelais est tout entier, dans ce mot. […] Nous avons suivi les longs détails du monologue de Perrette ; mais, plus il est long, plus il est sot. […] A présent le barbare s’amuse à prouver tout au long que la simplicité des Germains vaut la civilisation romaine. […] « Or, maintenant que je vous ai déjà déchargé mon coeur et fait ce que je souhaitais, si j’ai dit quelque chose qui vous ait offensé, me voici sur le carreau étendu de tout mon long ; faites-moi mourir… » « Il demeura à terre ainsi couché une bonne heure. » (Trop longtemps, grotesque.) « Ensuite il fut créé patrice avec pension publique. » (De l’argent à un pareil homme !

133. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Les métairies dès patriciens se succédaient sur le bord de la route ; des rigoles coulaient dans des bois de palmiers ; les oliviers faisaient de longues lignes vertes ; des vapeurs roses flottaient dans les gorges des collines ; des montagnes bleues se dressaient par derrière ! […] Mais il la convoitait comme une chose anormale et difficile, parce qu’elie était noble, parce qu’elle était riche, parce qu’elle était dévote, — se figurant qu’elle avait des délicatesses de sentiment, rares comme ses dentelles, avec des amulettes sur la peau et des pudeurs dans la dépravation. » C’est ainsi, par des expansions et des contractions altérnées, modérant, contenant et précipitant le flux des syllabes, que Flaubert déclame la longue musique de son œuvre, en cadences mesurées. […] Et ces êtres qui présentent à la vie la carapace de leur stupidité, rubiconds et point méchants, oppriment, grâce à d’obcènes accoup-plements, ces admirables femmes, Mme Bovary, supérieure par la volonté, Mme Arnoux supérieure par les sentiments, qui, avilies ou contenues, subissent le long martyre d’une vie de tous côtés cruellement fermée. […] Cela ressemblait à quelque monstreux candélabre d’où ruisselaient tout du long, des gouttes de diamant en fusion. […] La Tentation de saint Antoine à son début, les voix qui susurrent aux oreilles de l’ascète des phrases insidieuses de crépuscule, les images qui passent sous ses yeux, continues et disconnexes, ont l’illogisme du rêve et l’appréhension de l’inconnu ; les visions se suivent et se lient imprévues ; des communions subites ont lieu : « Elle sanglotte, la tête appuyée contre une colonne, les cheveux pendants, le corps affaissé dans une longue simarre brune.

134. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

Que de beauté, en effet, dans le vieillard digne de porter le poids et l’honneur des longues années qu’il a plu à la Providence d’accumuler sur ses épaules courbées ? […] Il y a une poésie comprimée sous le liége qui bouche la bouteille au long col du vin de Champagne, comme sous la feuille de figuier qui ferme la jarre au large ventre des vins de Chypre ou de Samos. […] Quoiqu’il eût vécu presque autant qu’un siècle, il n’y avait eu rien de sérieux dans sa longue vie, que son honneur et son amour pour la belle Hortense Mancini, duchesse de Mazarin. […] Tout le monde se croyait capable d’écrire des Haïdé, parce qu’on se sentait très capable de rimer en français les prosaïques obscénités et les grossières plaisanteries de cette longue et mauvaise rapsodie du poète anglais. […] « Je voudrais, m’y disait-elle, avoir sous la main une feuille de papier longue et large comme le firmament pour la remplir de mon bavardage et de mes épanchements avec vous. » Jeunesse, beauté, bonté, génie, âme de prédilection parmi les âmes expressives, la petite croix dont parle Alfred de Musset couvrit tout.

135. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Je n’ai pas tout dit de cette éducation inventive et agréable où « la conversation, les amusements, la table, tout, par les soins et l’habileté du maître, devenait leçon pour l’élève, et rien ne paraissait l’être. » Je n’ai rien dit du Télémaque, ce cours de thèmes comme il n’y en a jamais eu, qui n’est, a le bien voir, que la plus longue des fables de Fénelon, l’allégorie développée, devenue épique, et où l’auteur, abordant par les douces pentes de l’Odyssée la grandeur d’Homère, de cet Homère qui, « d’un seul trait met la nature toute nue devant les yeux », n’a fait, en le réduisant un peu, que lui donner la mesure et comme la modulation virgilienne, et le ramener en même temps aux convenances françaises, telles crue les entendaient les lecteurs de Racine. […] Il en savait aussi long sur ces matières statistiques, géographiques, administratives et économiques, que de nos jours un M.  […] On avait forcé le ressort monarchique sous ce long règne de Louis XIV ; on avait tout poussé à l’extrême ; la faculté de souffrir était à bout. […] Ce moyen, c’est, avec les États Généraux très réduits, se tenant de cinq en cinq ans, et la tenue chaque année d’États provinciaux particuliers, l’établissement de sept Conseils supérieurs remplaçant les secrétaires d’État et composés en grande partie de ducs et pairs ; l’abolition de la réforme militaire introduite par Louvois ; la remise en l’honneur et sur pied de l’ancienne et vraie noblesse, soigneusement distinguée de la bâtarde et de la fausse : enfin tout un gouvernement aristocratique, auquel la lecture de Saint-Simon nous a de longue main familiarisés sans nous y convertir. […] Or, sous le duc de Bourgogne roi, il n’y avait pas de régence ni d’orgie pour dégorger la première fureur succédant à un si long étouffement, et la guerre entre le nouveau prince et l’esprit de la société nouvelle commençait dès 1715.

136. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Tous les vers de la strophe et de l’antistrophe étant égaux, la correspondance rythmique n’est plus marquée que par la succession des rimes qui ne la fait pas sentir suffisamment : la strophe et l’antistrophe se fondent en une longue strophe, assez longue pour rendre insensible l’identité des épodes qu’elle sépare. […] Cependant tout, ici, n’est pas à condamner : qu’on prenne la plus fameuse des odes pindariques, l’Ode à Michel de l’Hôpital, énorme machine de vingt-quatre strophes, antistrophes et épodes, et de huit cent seize vers : on y trouve, pour la première fois, un long poème d’une structure achevée, un rude effort de composition ; on y trouve du mouvement, et de ce mouvement lyrique qui tient à l’organisation rythmique, de l’éloquence aussi, une éloquence qui tient à la hauteur, au sérieux, à la sincérité de la pensée. […] Dans le quatrain, il fait quelquefois les vers impairs plus courts, ou le quatrième seulement corut après trois plus longs ; dans la strophe de 8 vers, il donne 6 syllabes au 4e et au 8e vers, 12 aux autres. […] Il fait alterner la strophe de 6 vers avec celle de 4, ou, inversement, celle de 12 vers avec celle de 8 : parfois il fait alterner quatre longs vers avec six vers courts, etc. — Voir Odes, V, 33, un curieux artifice dans l’agencement des rimes ; ou IV, 31 ; ou encore IV, 17.

137. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

d’une main longue, élégante et grêle (gracilis), d’un front d’albâtre et brillant sous le crêpe, avec des cheveux d’or qui méritent une légère remarque. […] Et pourtant elle mérite toute cette pitié, et il suffit, pour la lui rendre insensiblement, de la suivre dans la troisième et dernière partie de sa vie, durant cette longue, injuste et douloureuse captivité de dix-neuf années (18 mai 1568 — 5 février 1587). Aux prises sans défense avec une rivale cauteleuse et ambitieuse, sujette à tous les contrecoups du dehors, victime d’une politique avare et tenace qui ne lâche point sa proie et qui met un si long temps à la torturer sans la dévorer, elle ne s’abandonne pas un seul moment, elle se relève. […] et déjà blanchie avant l’âge ; quand on l’entend, dans la plus longue et la plus remarquable de ses lettres à Élisabeth (8 novembre 1582), lui redire pour la vingtième fois : « Votre prison, sans aucun droit et juste fondement, a jà détruit mon corps, duquel vous aurez bientôt la fin s’il y continue guère davantage, et n’auront mes ennemis beaucoup de temps pour assouvir leur cruauté sur moi : il ne me reste que l’âme, laquelle il n’est en votre puissance de captiver » ; quand on a entendu ce mélange de fierté et de plainte, la pitié pour elle l’emporte, le cœur a parlé ; ce doux charme dont elle était douée, et qui agissait sur tous ceux qui l’approchaient, reprend le dessus et opère sur nous à distance. […]  » Toutes les croyances, tous les patriotismes et les nationalités invoqués ici par Marie Stuart, lui ont fait un long écho et lui ont répondu avec pleurs et avec amour.

138. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

La loi paraît être celle-ci : la possibilité de varier, c’est-à-dire, en langage psychologique, de se concevoir autre avec efficacité sous le jour de la conscience, est d’autant plus étendue pour un être — individu ou collectivité — que cet être a varié avec plus de continuité depuis ses origines ; cette possibilité est d’autant plus limitée que cet être est demeuré plus longtemps stationnaire à quelque état de son évolution, c’est-à-dire qu’il a été maintenu sans variation dans ce même état pendant un temps plus long. […] Ce pouvoir virtuel, faut-il ajouter, se trouve paralysé, si cette réalité a été retenue dans une forme fixe, pendant une longue durée, fût-ce à un état de son développement proche de ses origines. […] Il est permis de penser qu’il en est des groupes sociaux comme des organismes animaux, en sorte que l’apparition d’une conception bovaryque assume parmi les collectivités humaines une signification opposée selon qu’elle se manifeste parmi une société en formation ou parmi une société ancienne, pourvue par une longue hérédité historique d’organes religieux, moraux et politiques que coordonnent entre eux les fibres d’une sensibilité homogène et invétérée, élaborée aux sources de l’ethnicité de la langue et de l’habitat communs. […] C’est ainsi que le frein religieux pourra peut-être sans danger être aboli, faisant place à une coutume morale convertie en instinct par une longue pratique héréditaire. […] À demeurer durant un long intervalle sous le joug de coutumes immuables, ils ont perdu le pouvoir de se modifier.

139. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Je ne sais si l’histoire de l’esprit humain offre un spectacle plus curieux que celui de notre longue et universelle aberration au sujet de la Poétique, comme de tous les autres ouvrages de ce grand homme. […] Ce sont amusements de ma jeunesse, premiers essais de mon imagination émancipée, au sortir de la longue enfance où nous avions tous perdu notre liberté de penser sous la tyrannie d’une lettre morte. […] Mais quoi de plus bas que sa pie margot caquet bon bec, si ce n’est les longs pieds de son héron au long bec emmanché d’un long cou ? […] Mais deux ou trois faits relatifs à la personne de ces philosophes nous en apprennent plus long sur la formation de leurs théories littéraires, et par là sur leur valeur, que toute la critique du Chevalier. […] Un jour sur ses longs pieds allait, je ne sais où, le héron au long bec emmanché d’un long cou.

140. (1904) Zangwill pp. 7-90

Vous tirerez de là, si bon vous semble, des conclusions non seulement sur les abeilles et leurs ruches, mais sur tous les insectes, et peut-être aussi sur tous les animaux.” » Je n’insiste pas aujourd’hui sur ce que ce programme aujourd’hui nous paraît présenter d’ambitieux, de présomptueux, de peu scientifique même ; quelque jour nous nous demanderons s’il est permis d’assimiler ainsi les sciences historiques aux sciences naturelles, de les référer ainsi aux sciences plus abstraites, chimiques, physiques, mathématiques ; aujourd’hui je ne veux qu’examiner la forme même du connaissement, le parcours, le tracé, ce commencement le plus étranger, le plus éloigné, cet acheminement, ce détour, ce circuit le plus long, le plus excentrique, le plus circonférentiel, et du programme je passe au livre même, au livre glorieux, au livre exemple, au livre type ; on y verra, première partie, l’artiste, chapitre premier, l’esprit gaulois, que c’est très délibérément que l’auteur prend le chemin le plus long ; l’acheminement le plus long, le mot n’est pas de moi, mais de lui : « Je voudrais, pour parler de La Fontaine, faire comme lui quand il allait à l’Académie, “prendre le plus long”. […] C’est le plus long si vous voulez : au demeurant, c’est peut-être le plus court. […] Épuiser l’immensité, l’indéfinité, l’infinité du détail pour obtenir la connaissance de tout le réel, telle est la surhumaine ambition de la méthode discursive ; partir du plus loin possible, cheminer par la plus longue série possible ; parvenir le plus tard possible ; à peine arrivés repartir pour un voyage intérieur le plus long possible ; mais si du départ le plus éloigné possible à l’arrivée la plus retardée possible et dans cette arrivée même une série indéfinie, infinie de détail s’interpose immense, comment épuiser ce détail ; un Dieu seul y suffirait ; et dans le même temps que les professeurs d’histoire et que les historiens renonçaient à devenir des rois et des empereurs, et qu’ils s’en félicitaient, ils ne s’apercevaient point que dans le même temps cette même nouvelle méthode, cette méthode scientifique, cette méthode historique moderne exigeait qu’ils devinssent des Dieux. […] Nous sommes aujourd’hui moins accommodants que cet Eudoxe ; mais nous sommes moins tranquilles, plus inquiets, plus passionnés que ce Philalèthe ; et c’est justement parce que nous aimons le vrai que nous sommes plus passionnés ; je n’ai point voulu arrêter par des réflexions ou par des commentaires un texte aussi exubérant, aussi plein, aussi fervent ; je me rends bien compte qu’un texte aussi plein dépasse de partout ce que nous voulons lui demander aujourd’hui ; que de lui-même il répond à toutes sortes d’immenses questions que nous ne voulons point lui poser aujourd’hui ; et je suis un peu confus de retenir si peu d’un texte aussi vaste ; c’est justement ce que je disais quand je disais que tout le monde moderne est dans Renan ; on ne peut ouvrir du Renan sans qu’il en sorte une immensité de monde moderne ; et si le Pourana de jeunesse était vraiment le Pourana de la jeunesse du monde moderne, le testament de vieillesse est aussi le testament de toute la vieillesse de tout le monde moderne ; je me rends bien compte qu’ayant à traiter toutes les autres immenses questions qu’a soulevées le monde moderne c’est au même texte qu’il nous faudrait remonter encore ; et c’est le même texte qu’il nous faudrait citer encore, tout au long ; nous le citerions, inlassablement : nous l’avons cité aujourd’hui, tout au long, sans l’interrompre, et sans le troubler de commentaires, parce que s’il porte en même temps sur une infinité d’autres immenses questions, il porte aussi, tout entier et à plein, sur la grosse question qui s’est soulevée devant nous ; et sur cette question nous ne l’avons pas interrompu, parce qu’il est décisif, pourvu qu’on l’entende, et sans même qu’on l’interprète ; il est formellement un texte de métaphysique, et j’irai jusqu’à dire qu’il est un texte de théologie. […] C’est par elle qu’il plaît à plus ou moins d’hommes et que son œuvre reste vivante pendant un temps plus ou moins long.

141. (1860) Ceci n’est pas un livre « À M. Henri Tolra » pp. 1-4

Un ouvrage de longue haleine, médité dans une solitude studieuse et consciencieusement exécuté, partant d’une idée et aboutissant à un enseignement, un tel ouvrage effarouche notre société affairée — et frivole. […] Et encore ne veut-il pas toujours, l’enfant : c’est si long, un feuilleton, de quatre cents lignes !

142. (1886) Le roman russe pp. -351

Le long convoi de charrettes quitte le marché, les appels et les refrains bruyants meurent sur la route. […] Les rigueurs et les enfantillages de la censure fourniraient la matière d’un long et amusant chapitre. […] Mais je parle bien au long, vraiment, de la politique d’un poète. […] L’écrivain russe a retiré de son long séjour parmi nous de grands avantages et quelques inconvénients. […] Nous les avons tous, ramassés dans quelques volumes, raccourci d’une longue, d’une puissante vie humaine.

143. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

On assiste par le récit de Mme de Tracy à ces conversations d’intérieur pendant les longues journées de Plombières. […] Mme de Coigny dit que j’ai tort de trouver cette histoire trop longue, et que c’est là une nécessité de ce genre de littérature. […] Mme de Coigny elle-même se prête à ces longues promenades romantiques, qui font l’étonnement des baigneurs, « ces promenades à travers tout pour n’arriver à rien. » Nous avons été nous promener après la pluie sur la montagne couverte de grès qui forment un escalier. […] On put en sourire ; pour moi, et sans me permettre ici d’opinion sur les deux autres femmes d’esprit, je ne vois rien que de simple aux raisons que se donnait Mme de Tracy pour un tel choix de sérieuses occupations et qui devaient être plus longues que la vie : J’ai organisé mon travail, et je suis décidée à traduire tout de bon le livre des Offices de saint Ambroise, dont je n’avais fait que de courts extraits. […] Je goûte le bonheur d’avoir devant moi une occupation plus longue que la vie.

144. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Schiller fut long à s’en dégager, si tant est qu’il s’en dégagea jamais. […] Gachard comme à celui du meilleur guide, de l’historien qui tient de longue main tous les fils de cette histoire, et qui a su en faire le tissu le plus solide et le plus ferme. […] Il a les cheveux bruns et lisses, la tête médiocre, le front assez peu élevé, les yeux gris, les lèvres moyennes, le menton un peu long, la figure très-pâle. […] Sa jambe gauche est beaucoup plus longue que la droite, et il se sert moins facilement de tout le côté droit que du côté gauche. […] A l’intérêt que le roman et le théâtre avaient jeté sur l’infortuné don Carlos, à cet amour partagé qui aurait fait deux victimes, à cet enthousiasme de philosophie et de liberté dont le prince espagnol aurait été le complice et le martyr, est substitué, d’après des pièces authentiques, le récit d’une longue démence et d’une maladie terminée par la mort.

145. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

Ayant passé depuis lors de longues années à Naples, sur cette terre de soleil et d’oubli, il ne s’était pas douté qu’il devenait, durant ce temps-là, ici, un de nos auteurs les plus connus et les mieux aimés. […] Il n’y eut jamais interruption bien longue dans cette suite littéraire notable ; et Ducis se vantait tout haut à Versailles de son sang allobroge, quand déjà, de par delà les monts, la voix de Joseph de Maistre allait éclater29. […] 35. « La lecture du Lépreux m’avait touchée, dit Mme Olympe Cottu dans sa préface ; j’en parlai à un ami auquel une longue et douce habitude me porte à confier toutes mes émotions ; je l’engageai à le lire. […] Vous ne pouvez vous figurer combien est longue et triste une nuit, etc… » Au lieu de ce cri de nature, la version corrigée lui fait dire : « Oui, je passe bien des nuits sans fermer l’œil et dans de violentes agitations. Je souffre beaucoup alors ; mais la bonté divine est partout… » Suit une longue page d’analyse qui finit par une vision.

146. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Les œuvres défilent devant le miroir de notre esprit ; mais, comme le défilé est long, le miroir se modifie dans l’intervalle, et, quand par hasard la même œuvre revient, elle n’y projette plus la même image. […] Certains esprits ont assez de force et d’assurance pour établir ces longues suites de jugements, pour les appuyer sur des principes immuables. […] Il souffrit des maux tour à tour imaginaires et réels et, comme il arrive aux âmes bien situées, il sortit de cette longue crise plus doux, plus indulgent aux hommes et à la vie ; il en rapporta une vertu qui, tout compte fait, a crû notablement dans ce siècle : la pitié. […] J’ajouterai, sans crainte de me tromper, qu’elle était fort belle et de mine fière, car mes études iconographiques m’ont habitué de longue date à reconnaître la pureté d’un type et le caractère d’une physionomie. […] c’est peut-être là la suprême sagesse : voir le monde et s’en émerveiller comme les tout petits, mais ne revenir à cet émerveillement qu’après avoir passé par toutes les sagesses et les philosophies ; concevoir le monde comme un tissu de phénomènes inexplicables, à la façon des enfants, mais par de longs détours et pour des raisons que les enfants ne connaissent pas.

147. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

C’est un choix particulier d’expressions, une certaine distribution de syllabes longues ou brèves, dures ou douces, sourdes ou aiguës, légères ou pesantes, lentes ou rapides, plaintives ou gaies, un enchaînement de petites onomatopées analogues aux idées qu’on a et dont on est fortement occupé, aux sensations qu’on ressent et qu’on veut exciter, aux phénomènes dont on cherche à rendre les accidens, aux passions qu’on éprouve, et au cri animal qu’elles arracheraient, à la nature, au caractère, au mouvement des actions qu’on se propose de rendre, et cet art-là n’est pas plus de convention que les effets de l’arc-en-ciel ; il ne se prend point ; il ne se communique point ; il peut seulement se perfectionner. Il est inspiré par un goût naturel, par la mobilité de l’âme, par la sensibilité, c’est l’image même de l’âme rendue par les inflexions de la voix, les nuances successives, les passages, les tons d’un discours accéléré, ralenti, éclatant, étouffé, tempéré en cent manières diverses. écoutez le défi énergique et bref de cet enfant qui provoque son camarade. écoutez ce malade qui traîne ses accents douloureux et longs. […] Sur le devant, vers le sommet de la fabrique, un passage étroit avec une balustrade, conduisant de cette fabrique ruinée à une espèce de phare ; ce passage est construit sur le ceintre d’une arcade d’où l’on descend à la mer par un long escalier. […] Sur une longue saillie de ce rocher s’élevant à pic au-dessus des eaux, un homme agenouillé et courbé, qui tend une corde à un malheureux qui se noie. […] Dans ces rochers, trois arcades pratiquées ; au long de ces arcades un torrent dont les eaux resserrées par une autre masse de roches qui s’avancent encore plus sur le devant, viennent se briser, bondir, couvrir de leur écume un gros quartier de pierre brute et s’échappent ensuite en petites nappes sur les côtés de cet obstacle.

148. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

Après de longues méditations, je m’arrêtai à ce plan : « Demain soir, j’arrive de bonne heure au café, je me place à la table de mon petit vieux, — j’accapare sa Gazette et son Charivari. […] « Si vous avez sur vous un objet qui vous embarrasse, hasardai-je avec une obséquieuse intonation, déposez-le au comptoir, vous-le reprendrez en sortant. » À ces mots si simples, il trembla, — il grelotta de tous ses membres ; sa figure pâle pâlit… et sa main sortit violemment de la poche, étreignant un mince flacon au long col, dont il avala précipitamment quelques gouttes. Puis il se mit à presser contre lui le flacon avec la sollicitude effrayée d’une mère qui défend son fils… Mais j’avais eu le temps de lire au vol ces mots incrustés en rouge dans le verre : ÉLIXIR DE LONGUE VIE. […] Le Capitole, construction d’un style encore innommé, est une longue bicoque en plâtre — couleur lilas pâle. […] Cela n’empêcherait pas mon bottier de me dire — parce que j’ai la figure longue, — que moi, Périgourdin, j’ai le type anglais ;-et mon tailleur, de vouloir me convaincre que je commis une erreur en ne naissant pas à Bruxelles !

149. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Ce long rêve d’inceste unisexuel est déplaisant et nullement troublant. […] Elle s’émerveille dès que nos fusils à longue portée tuent courageusement quelques sauvages. […] la raideur longue d’une Sarcey calviniste ! […] c’est bien simple : il entend un monologue très long et qui contient l’aveu. […] Les pensées longues sont du vide dans des phrases lentes et vagues et flasques.

150. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — I »

Il est.. il serait tout, s’il ne devait finir, Si le cœur d’un mortel le pouvait contenir… Mais lui-même il passe ; la mort le brise ou le temps l’use ; il périt dans le déchirement, ou il s’éteint dans l’indifférence : Je vois passer, je vois sourire La femme aux perfides appas Qui m’enivra d’un long délire, Dont mes lèvres baisaient les pas ! […] La foule qui s’ouvre à mesure La flatte encor d’un long coup d’œil, Et la poursuit d’un doux murmure Dont s’enivre son jeune orgueil  Et moi je souris et je passe ! […] Ces mêmes anxiétés se retrouvent avec plus d’énergie et de profondeur encore dans le poème intitulé : Novissima Verba, ou Mon âme est triste jusqu’à la mort ; c’est une véritable agonie au jardin des Olives ; agonie longue, traînante, dont les assauts n’ont pas de fin.

151. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

Il était impossible qu’aucun écrivain de l’antiquité pût avoir le moindre rapport avec Montesquieu ; et rien ne doit lui être comparé, si les siècles n’ont pas été perdus, si les générations ne se sont pas succédé en vain, si l’espèce humaine a recueilli quelque fruit de la longue durée du monde. […] Un crime retentissait pendant une longue suite d’années ; et nous avons vu des cruautés sans nombre, presque dans le même temps commises et oubliées ! […] Un certain degré d’émotion peut animer le talent ; mais la peine longue et pesante étouffe le génie de l’expression ; et quand la souffrance est devenue l’état habituel de l’âme, l’imagination perd jusqu’au besoin de peindre ce qu’elle éprouve.

152. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vielé-Griffin, Francis (1864-1937) »

De même qu’une goutte d’essence de foin coupé évoque magiquement les soirs profonds de juin et de septembre, ainsi la Clarté de Vie en un volume recèle le paysage changeant de l’année : Il mène l’Année alerte Au long des méandres divers… Le vers de M.  […] Hésiode à Shelley, s’attachèrent à des œuvres de longue haleine, auxquelles ils doivent exclusivement de subsister ? […] Certainement, ce solide esprit eut été un de nos plus grands chantres français s’il fût né, par un long soir d’été, sur une des rives de cette Loire qu’il chérit et où il fait son plus habituel séjour.

153. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

Voilà de quoi excuser d’avance bien des mauvais vers, si nous en rencontrons chez le roi poëte ; et, comme circonstance atténuante, il convient de noter aussi qu’un grand nombre furent écrits dans les ennuis d’une longue captivité, ce qui, au besoin, les explique et les absout encore. […] Si on n’avait de ce prince que les longues épîtres et les pièces de quelque étendue ou même les rondeaux, on serait forcé, sur ce point, de donner raison contre lui à Rœderer, qui s’est attaché à le dénigrer en tout. […] Tant que François Ier fut prisonnier en Espagne, il composa incontestablement sans secours et sans aide de longues épîtres non moins ennuyeuses qu’ennuyées ; à sa rentrée en France, ses vers prirent plus de vivacité, et la joie du retour, sans doute aussi le voisinage des bons poëtes, l’inspira mieux. […] Il ne faut pourtant pas s’attendre, même de sa part, à une délicatesse de goût qui n’existait pas alors, ni à une longue suite de bons vers, tels qu’il n’était donné d’en produire, à cette date, qu’à la seule veine fluide de Marot. […] Qu’il suffise d’avoir saisi la teneur et l’habitude élevée d’une âme durant les longues et définitives années18.

154. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

Il est évident, d’autre part, qu’ils ont un avantage décidé à propager cette indifférence, à nier entre les bonnes les distinctions ethniques, celles qui proviennent du long habitat en commun dans un même lieu de l’espace, d’une même tradition historique et morale, d’une commune nécessité de réagir contre un ensemble déterminé de circonstances selon des modes appropriés. Il est trop évident qu’ils ont un intérêt majeur à nier ces différences, afin de jouir immédiatement et d’une manière intégrale d’une civilisation qui n’a pourtant été créée, à travers le cours des siècles, que par un long effort commun. […] Il leur fallut pourvoir au besoin de cette vie souterraine qui devait être la leur durant un temps beaucoup plus long que celui de leur existence à la surface de la terre. […] Il fallut qu’un long laps de temps s’écoulât encore avant que toute restriction au droit d’aliéner disparût. […] Ainsi, à l’instigation d’une idée abstraite qui les dominait et qui puisait encore son autorité dans la loi, les Grecs et les Romains se conçurent, durant une longue période, autres qu’ils n’étaient.

155. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

* * * — J’ai vu aujourd’hui le modèle des maîtresses, la maîtresse d’un jeune Anglais phtisique, une Italienne assez attachée à la poitrine de son amant, pour l’empêcher de sortir tous les soirs, s’enfermant avec lui, causant, fumant des cigarettes, lisant, toujours couchée sur une chaise longue, et dans une attitude qui montre un bout de jupon blanc et les bouffettes rouges de ses pantoufles. […] Il faut quelqu’un qui puisse faire cela pour les presbytères et les châteaux. » M. de Montalembert a de longs cheveux gris et plats, une face pleine, des traits de vieil enfant, un sourire dormant, des yeux profonds mais sans éclairs, une voix nasillarde et manquant de mordant, une amabilité douce et reposée, une caresse féminine des manières et de la poignée de main, une robe de chambre cléricale. […] Fossé d’Arcosse, un long vieillard osseux, tout en feuilletant des paperasses qui tiennent de l’histoire : « Oui, oui, je vais y arriver, fait-il, je sais, il y a deux branches dans cette famille… et même une particularité curieuse : chacune de ces branches avait 100 000 livres de fortune sous Louis XIV. […] 1er août On raconte un trait de génie de H… Il avait un paquet de lettres de Mlle B… Deux cents lettres très longues et très romance. […] Elle est debout, de face, près d’un brûle-parfums, en train de tordre, de ses deux mains ramenées en arrière, ses cheveux mouillés, en deux longues tresses.

156. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « APPENDICE. — LEOPARDI, page 363. » pp. 472-473

En ta pensée Se dresse tout d’abord son image glacée : Tu vois d’avance au loin les bois découronnés, Dans chaque arbre un squelette aux longs bras décharnés ; Plus de fleurs dont l’éclat au jour s’épanouisse ; Plus d’amoureux oiseaux dont le chant réjouisse ; La Nature au linceul épand un vaste effroi. —  Pour toi quand tout est mort, ami, tout vit pour moi : Ce déclin que l’Automne étale avec richesse Me parle, à moi, d’un temps de fête et d’allégresse, Du meilleur des saints jours, — alors qu’heureux enfants, Sur les bancs de la classe, en nos vœux innocents, Les feuilles qui tombaient ne nous disaient encore Que le très-doux Noël et sa prochaine aurore. Pour tout calendrier j’avais ma marque en bois ; Et là, comptant les jours recomptés tant de fois, Vite, chaque matin, j’y rayais la journée, Impatient d’atteindre à l’aube fortunée. —  Pour toi, dans ses douceurs la mourante saison N’est qu’un affreux emblème, et le dernier gazon Te rappelle celui de la tombe certaine, Durant ce long hiver où va la race humaine.

157. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre premier. La question de fait et la question de goût » pp. 30-31

Il a réussi à charmer certains de ses contemporains ; il a déplu à certains autres ; il a trouvé, pendant un laps de temps plus ou moins long, des admirateurs et des imitateurs. […] Voltaire, suivant Gœthe, a été un génie multiple pour lequel il déroule une longue litanie d’éloges ; suivant Joseph de Maistre, ce fut un petit esprit et un grand corrupteur, auquel il consent qu’on élève une statue, à condition que ce soit par la main du bourreau.

158. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 465-468

D’après cette analogie si caractérisée, le savant Auteur prétend que les Prêtres Egyptiens ayant eu connoissance des Livres Hébreux, & que, s’étant apperçus qu’ils contenoient des détails sur leur patrie, ils s’en servirent pour se fabriquer des Annales & une longue suite de Rois, dont les noms, altérés à la vérité, se trouvent dans l’Historien sacré. Telle a été la manie de presque tous les Peuples : ils ont fait remonter leur origine le plus haut qu’ils ont pu, croyant la rendre plus illustre ; & pour cet effet, il a fallu inventer des Fables & se forger une longue suite de Rois, dont la tige se perd parmi les Dieux ou les demi-Dieux.

159. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

Black, et nos propres recherches en Italie pendant de longues années de loisir, nous ont révélé sur la vie aventureuse et mystérieuse du Tasse tout ce qui avait été jusqu’ici énigme, conjecture ou préjugé historique. […] Après avoir suivi une longue rue presque déserte sur laquelle s’ouvraient seulement les hautes fenêtres grillées de fer d’un hôpital des pauvres, je passai sous des voûtes de haillons séchant au soleil, que des blanchisseuses suspendent à des cordes tendues d’un côté de la rue à l’autre, et qui flottent au vent comme des voiles déchirées pendent aux vergues après la tempête. […] Il se passa un long intervalle de temps entre le tintement de la sonnette et la moindre rumeur dans le couvent : j’allais me retirer croyant n’avoir éveillé que ses échos, quand le bruit lointain d’un pas de vieillard, lent et alourdi par des sandales à semelles de bois, retentit du fond du monastère. […] trop longs, qui me restent à vivre ! […] L’infortuné Bernardo, consolé au moins par la présence de son fils, n’avait témoigné à sa dernière heure que la joie d’aller rejoindre, dans le sein de Dieu, cette Porcia qu’il avait tant aimée, et de laisser sur la terre, pour perpétuer son nom, un fils dont la tendresse et la gloire naissante le récompensaient de ses longues adversités.

160. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

Le goût moderne juge monotones ces plaintes redoublées, ces longs chants de deuil. […] Le poète va remplir, à Suse, le casque de Pallas des larmes brûlantes du vaincu ; il le rapporte au vainqueur et le lui fait boire à longs traits. […] Un long roucoulement se mêle à ses râles ; le golfe sanglant reflète un vol de ramiers effrayés, qui s’égrène dans l’azur de l’air. […] Il ne passe plus maintenant hors de ses longs plis que la tête épargnée du Roi et quelques membres mutilés de l’armée détruite. […] » — Le pénitent s’écrie, dans un long sanglot : — « Hélas !

161. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fontainas, André (1865-1948) »

Lisez dans Crépuscules le long poème intitulé : L’Eau du fleuve, arrêtez-vous plus particulièrement à la pièce qui commence ainsi : La lune illumine la nuit du fleuve et vous connaîtrez l’ampleur de vision de M.  […] Sur la mousse, à l’ombre d’aulnes et d’ormes, Les pécheurs paisibles dorment, Tandis qu’en l’eau presque mourante un long fil plonge.

162. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Allegrain » p. 322

Ce n’est qu’après un long silence admiratif qu’elle a dit tout bas, que la perfection de la tête ne répondait pas tout à fait à celle du corps ; cette tête est belle pourtant, ajoutait-elle, beaux enchâssemens d’yeux, belle forme, belle bouche, le nez beau, quoiqu’il pût être plus fin. […] Mais c’est aux épaules surtout que l’art semble s’être épuisé ; combien il a fallu d’études, de séances et de longues séances, de modèles et même de connaissance anatomique du dessous de la peau !

163. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

Car non seulement la sensation musculaire a une intensité plus ou moins grande, mais elle a encore une durée plus ou moins longue. […] Selon la délicatesse du tissu musculaire, nous pouvons, après une pratique plus ou moins longue, acquérir des impressions distinctes pour chaque type de dimension, et alors décider tout d’un coup si une longueur donnée à quatre pouces ou quatre pouces et demi, neuf ou dix pouces, vingt ou vingt et un. […] « Un mouvement lent pendant un temps long est la même chose qu’un mouvement plus rapide pendant un temps moins long ; nous nous en convainquons aisément en remarquant qu’ils produisent tous les deux le même effet, puisqu’ils épuisent tous les deux toute l’amplitude de parcours dont le membre est capable. […] Quand nous disons que l’espace est plus grand ou plus petit, nous voulons dire qu’étant donnée une quantité égale d’effort musculaire, la série des sensations doit être plus longue ou plus courte. […] Ainsi l’étendue plus ou moins grande n’est que le pouvoir de provoquer en nous, à égalité d’effort musculaire, une série plus ou moins longue de sensations musculaires successives.

164. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Schiller, le visage allongé et mince, le cou long, les membres grêles, la physionomie maladive, le regard timide et indécis, le costume étriqué et presque ridicule de l’étudiant en médecine, dépaysé dans une cour, n’avait rien de l’homme de génie que la souffrance. […] Elle sonnera pendant de longues années ; bien des hommes l’entendront retentir à leurs oreilles, pleurer avec les affligés et s’unir aux prières des fidèles. […] Courte est l’illusion, long est le repentir. […] Ses traits étaient doux et mous comme ceux d’une blonde ; pourtant elle avait des cheveux bruns, mais des yeux bleus abrités par de longs cils. […] Mais voilà pourquoi aussi il se soutint toujours, pendant sa longue et heureuse vie, dans cette philosophie de calme et de lucidité qui caractérise son génie.

165. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

C’est bien long pour moi, qui aime si peu le vide ; mais le temps m’a manqué pour m’asseoir. […] Les longs règnes sont ennuyeux. […] « Sa maladie fut longue et son âme patiente. […] Encore parfois le jour me semble long. […] trouver un jour long, tandis que la vie tout entière n’est rien !

166. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

Il y a des doutes sur ce point ; ce qui est certain, c’est que, le 4 mai 1783, Alfieri fut obligé de dire un long adieu à celle qui était plus que la moitié de lui-même. […] L’idée de cet ouvrage, quoique souvent interrompu, repris à de longs intervalles et toujours par fragments, et sans que j’eusse aucun plan écrit, était néanmoins restée très fortement empreinte dans mon cerveau. Ce à quoi je voulais surtout prendre garde, c’était à ne le pas faire trop long, ce qui m’eût été bien facile, si je me fusse laissé entraîner aux épisodes et aux ornements. […] À peine redevenu sain de corps et d’esprit, j’oubliai les douleurs de cette longue absence qui, heureusement pour moi, fut la dernière, et je me remis au travail avec passion et fureur. […] Elle se trouva placée ensuite entre deux des frères du roi, le duc de Glocester et le duc de Clarence, et eut avec eux une longue conversation.

167. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

A, si je ne me trompe, était noir ; E, blanc ; I, rouge ; U, vert ; O, bleu et, dès qu’il devenait long, violet. […] On se coiffe à la vierge, ou bien on laisse pendre ses cheveux en longues boucles qu’on appelle des anglaises et qui font penser au feuillage éploré d’un saule élégiaque. […] Ils s’affublent de robes qui ont douze aunes de long ; ou bien, sautant à l’extrême opposé, ils portent des chausses collantes avec des manches qui traînent jusqu’à terre et des mahoitres, destinés à faire les épaules plus larges que nature. […] Portoient aussi, tout indifféremment, chaisnes d’or moult somptueuses chevaliers et escuyérs, les varlets mesme, pourpoints de soye et de veloux ; et presque tous, especialement es cours des princes, portoient poulaines a leurs souliers, d’un quartier de long, voire plus. […] La France respire et s’égaie, et, comme il arrive après une longue oppression, c’est d’abord un débordement de joie et de vie animale, une fureur de plaisir.

168. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Entre les deux Hôtel-Dieu qui vous enserrent le cœur, serré que vous êtes entre ce long parallélisme de la souffrance humaine, on se prend à penser à ce Dieu de bonté, qu’on dit là, au-dessus. […] Il descend de la chambre, où il est en train de se sonder, et il commence à nous parler de notre roman, qu’il s’est faire lire dans l’intervalle de son travail, — comme un homme qui en a à dire long. […] » blasphème le journaliste qui, à chaque article, touche le viager de sa courte gloire, et ne la veut pas plus longue pour les autres, non récompensés de leur vivant, — pas plus que pour les livres méconnus qui espèrent leur paye de la postérité. […] Heures longues, où l’accusé retient sa tête entre ses deux mains, comme s’il la sentait moins solide sur ses épaules, et, pour ainsi dire, vacillante entre cette dispute qui s’en fait entre la Justice et la Défense. […] Après de si longs siècles, une si lente éducation de l’humanité sauvage, revenir à la barbarie du nombre, à la victoire de l’imbécillité des multitudes aveugles.

169. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

que lui servirent ses longs jours ? […] Il vieillit ainsi jusqu’aux limites assignées par la nature aux plus longues vies, et mourut avec fermeté, comme il convient à un homme qui a beaucoup pensé au néant pompeux des choses humaines et à la grandeur des espérances au-delà du tombeau. […] Le cours ne fut pas long d’un empire si doux ! […] Deux seules grandes qualités manquent à Boileau dans ses ouvrages, la longue haleine et l’élévation. […] Ainsi la profanation de la poésie par le burlesque devait corrompre une longue série de poètes et amener, d’excès en excès, La Fontaine à l’obscénité.

170. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Pendant les récréations, qui sont fréquentes et longues, M.  […] Longue vie à l’héritier de mon seigneur !  […] Mais j’ai hâte de clore ce plaidoyer trop long. […] Je le trouve trop long et trop ennuyeux. […] Des disques radiés tremblent à leurs oreilles en longues pendeloques.

171. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

La Ligue, cette époque trop peu connue, est au long célébrée. […] J’ouvre les Mélanges de 1825 : « On ne lit plus,… on n’en a plus le temps… Cette accélération de mouvement qui ne permet de rien enchaîner, de rien méditer, suffirait seule pour affaiblir et, à la longue, pour détruire entièrement la raison humaine. » Et en tête du livre de la Religion considérée dans ses rapports, etc. (1826) : « On ne lit plus aujourd’hui les longs ouvrages ; ils fatiguent, ils ennuient ; l’esprit humain est las de lui-même, et le loisir manque aussi… Dans le mouvement rapide qui emporte le monde, on n’écoute qu’en marchant… » On peut observer en règle générale que, de même que les livres de M. de La Mennais commencent tous par une parole empressée sur la vitesse des choses et la hâte qu’il faut y mettre, ils finissent tous également par une espèce de prophétie absolue. […] À défaut de la foi, et après un désabusement aussi avoué sur des points importants crus vrais durant de longues années et prêchés avec certitude, ce qu’on a droit d’exiger du nouveau croyant pour son rôle futur de charité et d’éloquence, c’est, ce me semble, un léger doute parfois dans l’attaque ou dans la promesse : en un mot quelque chose de ce qu’on appelle expérience humaine, tempérant et guidant la fougue du génie. « Il y a, — lui-même le confesse excellemment, — une certaine simplicité d’âme qui empêche de comprendre beaucoup de choses, et principalement celles dont se compose le monde réel. […] Rien de plus trompeur que cette pensée… » Esprit élevé et candide, mais ainsi prévenu par ce qu’il appelle une longue erreur, il se doit, il doit à tous, en ses assertions d’aujourd’hui, de ne pas recommencer la même simplicité de cœur, la même crédulité aux hommes, la même enfance. […] Notre bon Pasquale, toujours d’humeur égale, abrégeait nos longues heures de marche par sa conversation spirituellement naïve.

172. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

Arrivé à Paris à la fin de 1818, l’abbé Gerbet entra au séminaire de Saint-Sulpice ; mais sa santé, déjà délicate, ne lui permettant pas d’y faire un long séjour, il s’établit comme pensionnaire dans la maison des Missions étrangères, où il suivait la règle des séminaristes. […] Les longs ossements sont représentés par ces faibles traînées, dans lesquelles vous remarquez quelques interruptions. […] C’était avant 1838, avant ce long séjour de l’abbé à Rome : il s’était lié avec le second fils de M. de La Ferronnays, l’ancien ministre des Affaires étrangères. […] Partout il est le même : figurez-vous une démarche longue et lente, un peu penchée, dans une paisible allée où l’on cause à deux du côté de l’ombre, et où il s’arrête souvent en causant ; voyez de près ce sourire affectueux et fin, cette physionomie bénigne où il se mêle quelque chose du Fléchier et du Fénelon ; écoutez cette parole ingénieuse, élevée, fertile en idées, un peu entrecoupée par la fatigue de la voix, et qui reprend haleine souvent ; remarquez, au milieu des vues de doctrine et des aperçus explicatifs qui s’essaient et naissent d’eux-mêmes sur ses lèvres, des mots heureux, des anecdotes agréables, un discours semé de souvenirs, orné proprement d’aménité : et ne demandez pas si c’est un autre, c’est lui. […] Dans cette vie déjà longue où pas une mauvaise pensée ne s’est glissée, et qui a échappé à toute passion troublante, il a gardé la joie première d’une belle âme pure.

173. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XI : Distribution géographique »

Cette séparation, en ce qui concerne les productions les plus tempérées des deux continents, doit être effectuée déjà depuis de longs âges. […] Le froid peut avoir commencé ou cessé plutôt sur un point du globe que sur l’autre ; mais il ressort de la longue durée des phénomènes sur chaque point, ainsi que de leur contemporanéité géologique, que, selon toute probabilité, ils ont dû être simultanés dans le monde entier, au moins durant une partie de la période totale. […] Les chaînes de montagnes du nord-ouest de l’Himalaya et la longue ligne des Cordillères semblent avoir été deux grandes routes de migration. […] Les Andes équatoriales peuvent avoir été un moment plus élevées qu’aujourd’hui à la fin de leur dernier soulèvement général durant l’époque tertiaire, et s’être un peu affaissées depuis la, période glaciaire par suite de la consolidation de leur équilibre après une longue période d’oscillations. […] Mais un évanouissement du soleil pendant quelques heures ne causerait sur la surface de la terre aucun refroidissement appréciable, et les phénomènes de la période glaciaire supposent une période de froid d’une très longue durée.

174. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Ils sont un peu longs ; tous les écrits de ce temps, français ou imités du français, partent d’esprits trop faciles ; mais comme ils coulent ! […] Chaucer maudit de tout son cœur les avaricieux, les gens d’affaires qui le traitent de folie : « Dieu devrait leur donner des oreilles d’âne aussi longues que celles de Midas…, pour leur apprendre qu’ils sont dans le vice, et que les amants dont ils font fi n’y sont pas. […] Voyez les costumes sous Henri IV et Henri V, les coiffures monstrueuses en cœur ou en cornes, les longues manches chargées de dessins fantastiques, les panaches, et aussi les oratoires, les tombeaux armoriés, les petites chapelles éblouissantes qui viennent s’étaler comme des fleurs sous les nefs du gothique perpendiculaire. […] And downward from an hill under a bent, Ther stood the temple of Mars armipotent, Wrought all of burned stele, of which th’ entree Was long and streite, and gastly for to see. […] Short was his goune, with sleves long and wide.

175. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Il passait de longues journées avec elle, à la grande surprise des Boulonnais, presque scandalisés. […] Plus de ces longues descriptions qu’aiment les tapissiers, et qui sont l’effet d’un instinct que M.  […] Les pourparlers ne furent pas longs. […] Rachmed trottine sur un petit cheval chevelu et ébouriffé, en tête de la longue file des chameaux. […] Elle a exprimé ses sentiments en des termes qui en disent plus long que toutes les biographies.

176. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

Combien l’instruction lui paraîtrait froide et lente auprès de ces rêveries du cœur, qui, plongeant dans l’absorbation d’une pensée dominante, font de longues heures un même instant ! […] Le malheureux alors revient à l’étude pour échapper à la douleur, il arrache un quart d’heure d’attention à travers de longs efforts, il se commande telle occupation pendant un temps limité, et consacre ce temps à l’impatience de le voir finir ; il se captive non pour vivre, mais pour ne pas mourir, et ne trouve dans l’existence que l’effort qu’il fait pour la supporter. Ce tableau ne prouve point l’inutilité des ressources de l’étude ; mais il est impossible à l’homme passionné d’en jouir, s’il ne se prépare point par de longues réflexions à retrouver son indépendance ; il ne peut, alors qu’il est encore esclave, goûter des plaisirs dont la liberté de l’âme donne seule la puissance d’approcher.

177. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vigny, Alfred de (1797-1863) »

Ce profil si doux, si arrêté pourtant, si pur, — ces yeux innocents et braves, cette longue et angélique chevelure blonde, allaient bien au gentilhomme, au guerrier qui fut de notre race, et qui jetait son manteau de comte sur le corps débile et nu des poètes morts à l’hôpital. […] Sans contester un instant le génie de l’auteur de la Nuit de mai et des Stances à Lamartine , j’ai souvent été, malgré moi, révolté de cette longue colère contre un impérissable souvenir, et je reconnaissais mal un poète à cette haine inutile. […] Ces tristesses sublimes du poète, succédant à de longs silences, ont un accent de sincérité qui ne trompe pas.

178. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVII. De l’éloquence au temps de Dioclétien. Des orateurs des Gaules. Panégyriques en l’honneur de Maximien et de Constance Chlore. »

Je ne parle pas de vingt autres causes qui la préparèrent ; mais je remarque que dès le premier siècle, la grandeur de l’empire, une puissance qui n’était limitée par rien, des fantaisies qui n’avaient de bornes que la puissance, des trésors qu’on ne pouvait parvenir à épuiser, même en abusant de tout, firent naître dans les princes je ne sais quel désir de l’extraordinaire qui fut une maladie de l’esprit autant que de l’âme, et qui voulait franchir en tout les bornes de la nature ; de là cette foule de figures colossales consacrées aux empereurs, la manie de Caligula de faire enlever de toutes les statues des dieux leur tête, pour y placer la sienne ; le palais d’or de Néron, où il avait englouti un quart de Rome, une partie des richesses du monde, et des campagnes, des forêts et des lacs ; la statue d’Adrien élevée sur un char attelé de quatre chevaux, et qui faite pour être placée au sommet d’un édifice, était d’une grandeur que nous avons peine à concevoir ; sa maison de campagne, dont les ruines seules aujourd’hui occupent dans leur circonférence plus de dix milles d’Italie, et où il avait fait imiter les situations, les bâtiments et les lieux les plus célèbres de l’univers ; enfin le palais de Dioclétien à Spalatro en Illyrie, édifice immense partagé par quatre rues, et dont chaque côté avait sept cents pieds de long. […] C’est à la même idée que tenait l’apothéose de leurs prédécesseurs ; la fantaisie de se faire adorer de leur vivant ; les temples qu’on leur élevait dans toutes les parties de l’empire ; la multitude énorme de statues d’or et d’argent, de colonnes et d’arcs de triomphe ; le caractère sacré imprimé à leurs images et jusqu’à leurs monnaies ; le titre de seigneur et de maître que Tibère même avait rejeté avec horreur, et qui fut commun sous Domitien ; la formule des officiers de l’empereur, qui écrivaient, voici ce qu’ordonne notre Seigneur et notre Dieu 50 ; et quand les princes, par les longs séjours et les guerres qui les retenaient en Orient, furent accoutumés à l’esprit de ces climats ; la servitude des mœurs, l’habitude de se prosterner, consacrée par l’usage et ordonnée par la loi. […] Ce peuple, si longtemps libre dans ses forêts, et qui souvent même avait fait trembler Rome, apprivoisé enfin par un long esclavage, et poli par les vices même de ses vainqueurs, s’était livré aux arts, comme au seul charme et au dédommagement de la servitude.

179. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Font baiser leurs longs doigts jaunes aux bénitiers. […] On a cru aussi devoir intercaler de gré ou de force un trop long poème : Le Forgeron, daté( !) […] Mais chez lui le vers est si nombreux, si long et si mélodieux que ces finales mêmes sont comme une grâce sobre et chaste de plus. […] Barbey d’Aurevilly, s’il nous prenait la fantaisie de l’imiter, et de terminer cette trop longue marche à travers son livre par une tirade dans ce goût ? […] Salut à l’École romane et que le bon Dieu lui donne de longs jours !

180. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

L’Argolide a huit à dix milles de long et quatre à cinq de large ; la Laconie à peu près autant ; l’Achaïe est une bande étroite de terre sur le flanc d’une chaîne qui descend dans la mer. […] Une subtile distinction, une longue analyse raffinée, un argument captieux et difficile à débrouiller les attire et les retient. […] Aujourd’hui un État comprend trente à quarante millions d’hommes répandus sur un territoire large et long de plusieurs centaines de lieues. […] Dans chacun de ces services nous avons un corps d’hommes spéciaux ; il faut un long apprentissage pour y jouer un rôle ; ils échappent à la majorité des citoyens. […] L’accent du français est uniforme ; il n’a pas de chant ; les longues et les brèves y sont peu marquées, faiblement distinguées.

181. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « Appendice »

Or ils enlevèrent de la tête de lui Et son casque de peau de belette Et sa peau de loup Et son arc élastique Et sa lance longue… Traduction Leconte de Lisle Dolon, ne pense pas m’échapper, puisque tu es tombé entre nos mains, bien que tes paroles soient bonnes. […] Et ils arrachèrent le casque de peau de belette, et la peau de loup, et l’arc flexible et la longue lance.

182. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Son œuvre, si déplorablement interrompue, l’assure d’une noble et longue réputation. […] Des voyages, de longs séjours à l’étranger, la maladie m’empêchèrent bien contre mon gré de revoir Charles Cros autant que j’aurais voulu. […] C’est bien le type de la geôle implacable : longs corridors, obscurs en dépit du crépissage à la chaux des murs, verrous formidables, etc. […] C’était, je l’ai dit, dans Holborne, la longue rue immémoriale de la vénérable capitale. […] Bonnier installé de longue date en Angleterre, idéal compagnon, fourmillant d’histoires et de souvenirs.

183. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Il insère au commencement d’un chant de longues stances en l’honneur de l’amitié et de la justice. […] Même il est trop long, trop oublieux du public, trop disposé à s’abandonner et à rêvasser en face des choses. […] They were all taught by Triton to obay To the long raynes at her commaundement. […] Without the favour of the everlasting register, the first man had been as unknown as the last, and Methuselah’s long life had been his only chronicle. […] The number of the dead long exceedeth all that shall live.

184. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

L’examen de ces faits, messieurs, entraînera de longs détails. […] Je sens que, pour un programme, il faudrait écrire ; on est trop long en parlant. […] Qui aurait retenu de longs poëmes ? […] La preuve en serait longue, et je ne peux la donner complète. […] On peut gagner le paradis partout, et sans faire un si long voyage.

185. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

C’est long, et on y est déjà. […] Lourdes et longues ; traînantes, traînées. […] Alors ils n’en demanderaient pas si long. […] Mais comme un étourdi préparé de longue main. […] Ce sera un peu long à mettre dans nos programmes.

186. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Aux pentes de l’Othrys l’ombre est plus longue. […] — gratitude, ces longues avenues de lits bien blancs, ces longs rideaux blancs, car tout est long et blanc, en quelque sorte, en ces asiles… Verlaine fut un isolé. […] Elle est en cheveux, bien peignée, en corsage de toile rose, en robe décente et longue. […] On admettait que la civilisation occidentale s’était arrêtée pendant cette longue période. […] L’archive en sait plus long que le correspondant le plus intime.

187. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre deuxième. L’idée de l’espace. Son origine et son action »

Selon eux, si nous mouvons librement un de nos membres, nous avons le sentiment d’un mouvement musculaire plus ou moins long dans le temps, rien de plus. […] C’est donc la sensation d’une durée plus ou moins longue d’effort, musculaire qui nous donne l’étendue. […] Malgré cela, tant que la main est immobile, le tout est encore très vague ; mais, si elle se meut le long d’une ligne ou d’une surface, le souvenir juxtapose les sensations et en fait apparaître l’ordre sériel. […] Nous acquérons ainsi l’idée de distance, c’est-à-dire d’une série d’efforts le long d’une ligne, et cette ligne nous paraît perpendiculaire aux plans divers que nous avons traversés. […] L’enfant, par habitude, et sans en penser si long, y parvient.

188. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Dans tout ce qu’on me contestera sur la véracité des moindres détails de ce long récit en sept volumes, je suis prêt à donner des preuves par témoignages aussi irrécusables que celles que je vais produire en réponse à M. de Cassagnac, qui calomnie innocemment mon exactitude en histoire. […] J’appris qu’il vivait encore, qu’il s’était réconcilié avec l’Église au temps des rétractations, et qu’il était, depuis longues années, curé de la commune de Bessancourt, dans le département de Seine-et-Oise. […] Il est sans doute possible qu’après un si long laps de temps le curé de Bessancourt ait commis quelques inadvertances de noms, de dates, de détails sur des personnages si nombreux alors dans les prisons et sur leurs rôles respectifs dans ce drame pathétique de leur dernière heure ; mais il est impossible à qui a entendu ce modeste et sincère témoin de ces scènes de révoquer en doute sa véracité. […] Si ces témoignages de la consciencieuse minutie de mes recherches sur les moindres circonstances historiques de mon Histoire des Girondins ne suffisaient pas pour édifier l’écrivain qui m’attribue l’invention de cette prétendue fable, voici à ce sujet une lettre d’un des principaux habitants de Bessancourt, qui m’arrive aujourd’hui, avec l’autorisation de la reproduire : « Monsieur, « Je n’ai pas besoin de remonter plus loin dans mes souvenirs pour attester que le vénérable abbé Lambert a été, pendant de longues années (depuis 1816 jusqu’en 1847, année de sa mort), curé de Bessancourt (Seine-et-Oise) ; que cet ecclésiastique a toujours passé dans la commune pour avoir été l’ami des Girondins et le pieux consolateur de quelques-uns d’entre eux la veille de leur supplice, en 1793 ; et que vous êtes venu, accompagné d’un de vos amis ou collègues dont le nom m’échappe, passer de longues heures chez M. le curé Lambert dans son presbytère de Bessancourt, pour recueillir personnellement, de la bouche de ce vieillard, tous les détails que vous rapportez dans votre Histoire des Girondins. […] Le critique se trompe également en niant l’emprisonnement provisoire, mais assez long, des principaux Girondins dans la prison des Carmes de la rue de Vaugirard avant leur captivité à la Conciergerie.

189. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

Après avoir ainsi parlé pendant un temps assez long, et se trouvant près de moi, dans ses allées et venues, il s’arrêta, puis répéta une seconde fois : “Non, si vous étiez resté dans votre poste, les choses ne seraient pas allées aussi loin.” […] Le nouveau pape Léon XII della Gonga était brouillé de longue date avec Consalvi. […] L’entretien fut long et intime. […] Il n’avait plus rien à faire sur la terre : il s’était préparé à la mort par un long testament pour une médiocre fortune. […] Mais il y a de plus un ordre neutre qui porte le costume sacerdotal et qui en reçoit les titres sans néanmoins en contracter les engagements ni en assumer les obligations, sorte de long et quelquefois d’éternel noviciat.

190. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 5-64

— Oui, sposa, répondis-je d’une voix timide ; c’était la chaleur, et le long chemin, et la poussière, et la fatigue de jouer tant d’airs à midi devant les niches des Madones, sur la route de Lucques. […] Nos familles sont alliées depuis longues années, à ce que dit notre aïeule, et c’est elle qui a ménagé ce mariage depuis longtemps, parce qu’elle était la marraine de la fiancée, parce que la fille sera riche pour notre condition, et que les deux mariés s’aiment, dit-elle, depuis le jour où la fille du bargello, petite alors, était venue pour la première fois chez sa marraine assister, avec nous autres, à la vendange des vignes et fouler, en chantant, les grappes dans les granges avec ses beaux pieds, tout rougis de l’écume du vin. […] J’en glissai inanimée tout de mon long sur la pierre froide, au pied de la lucarne ; le froid des dalles sur mes mains et sur mon visage, me ranima, je me relevai pour écouter encore ; mais l’attention même avec laquelle je cherchais à écouter m’ôtait l’ouïe, à force de tendre l’oreille, et je n’entendais plus qu’un bourdonnement confus semblable à un grand vent précurseur de la pluie à travers les rameaux de sapins, quand la tempête commence à se lever de loin sur la mer des Maremmes et qu’elle monte au sommet de nos montagnes. […] Et cependant, pendant ce moment qui me parut si long à l’esprit, je n’eus pas le temps de reprendre seulement ma respiration. […] Mais au moment où mes genoux touchaient terre, monsieur, voilà qu’un lourd bruit de chaînes qu’on remue monte d’en bas jusqu’à la lucarne, et qu’une faible voix, comme celle d’un mineur qui parle aux vivants du fond d’un puits, fait entendre distinctement, quoique bien bas, ces trois mots séparés par de longs intervalles : Fior d’Aliza, sei tu ?

191. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

Je n’aime des longs jours que l’heure des ténèbres, Je n’écoute des chants que ces strophes funèbres, Que sanglote le prêtre en menant un cercueil. […] Après avoir effleuré et touché cela d’un long coup d’œil, envoyé du cœur une pensée, un souvenir, une adoration à chaque lieu et à chaque pan de ce firmament, je descendis par un sentier rapide et sombre, bordé d’un côté de forêts, de l’autre de prés ruisselants de sources, le revers de la chaîne que je venais de franchir. […] Il y a entre l’homme et les murs qu’il a longtemps habités mille secrètes intimités à se dire, qui ne permettent jamais de se revoir, après de longues absences, sans qu’une conversation qui semble véritablement animée et réciproque ne s’établisse aussitôt entre eux. […] Je le croyais couché depuis longues années sous une de ces pierres de granit couvertes de mousse, qui parsemaient comme des tombes son petit champ d’orge et de folle avoine autour de son haut chalet. […] Toutes les fois que j’arrive à Saint-Point ou toutes les fois que j’en pars pour une longue absence, je vais seul, à la chute du jour, dire à genoux un salut ou un adieu à ces chers hôtes de l’éternelle paix, sur ce seuil intermédiaire entre leur exil et leur félicité.

192. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Chateaubriand, Vie de Rancé « Mon premier ouvrage a été fait à Londres en 1797, mon dernier à Paris en 1844 : entre ces deux dates, il n’y a pas moins de quarante-sept ans ; trois fois l’espace que Tacite appelle une longue partie de la vie humaine : Quindecim annos, grande mortalis ævi spatium. » Cette pensée s’élève inévitablement dans l’esprit du lecteur qui ouvre le volume, quand l’auteur ne l’aurait pas fait remarquer. […] Les pieux biographes de Rancé sont extrêmement sobres de détails à cet endroit ; tout au plus s’ils se hasardent à dire à mots couverts que tantôt une cause ou une autre, tantôt la mort de quelques personnes de considération du nombre de ses meilleurs amis, le frappaient et le rappelaient à Dieu ; mais ils se plaisent à raconter au long, d’après lui, la simple aventure suivante, comme un des moyens dont Dieu se servait pour l’attirer doucement : « Il m’arriva un jour (c’est Rancé qui parle) de joindre un berger qui conduisoit son troupeau dans la campagne, et par un temps qui l’avoit obligé de se retirer à l’abri d’un grand arbre pour se mettre à couvert de la pluie et de l’orage. […] Il est âgé de trente-huit ans et demi, et Dieu lui accordera trente-six années de vie encore, l’espace des plus longs desseins. […] « Les recueils épistolaires, quand ils sont longs, offrent les vicissitudes des âges : il n’y a peut-être rien de plus attachant que les longues correspondances de Voltaire, qui voit passer autour de lui un siècle presque entier. […] « D’abord les lettres sont longues, vives, multipliées ; le jour n’y suffît pas : on écrit au coucher du soleil, on trace quelques mots au clair de la lune, chargeant sa lumière chaste, silencieuse, discrète, de couvrir de sa pudeur mille désirs.

193. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

C’est la différence des longues et des brèves, plus sensible dans cette langue que dans la nôtre, et peut-être que dans toutes les langues modernes, qui cependant ne sont pas à beaucoup près dépourvues de prosodie. Il faut avouer que très souvent en prononçant le latin nous estropions ces longues et ces brèves ; mais enfin nous en marquons aussi quelquefois la différence, et plus souvent même que dans notre langue, quoique nous ayons aussi nos longues et nos brèves, mais moins fréquentes : car chez les anciens presque toutes les syllabes étaient décidées brèves ou longues, chez nous le plus grand nombre n’est ni long ni bref. Or cette différence marquée des longues et des brèves doit nous faire trouver dans l’harmonie de la langue latine plus de variété que dans la nôtre, et par cela seul plus de plaisir, toutes choses d’ailleurs supposées égales.

194. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

Il précédait, à longue distance, ce Maurice et cette Eugénie de Guérin, qui ont jeté si mélodieusement le dernier soupir de leur race. […] Eugénie de Guérin, née au xixe  siècle, n’en savait guère plus long que les filles de son rang au xie . […] Quoiqu’elle ne ressemblât guère à un sphinx, cette aimable fille au long sourire, elle en avait peut-être, quand on regarde à sa vie placide et réglée, l’immobilité. […] Ni la longue absence, ni les années, ni le monde, ces trois morts sous des aspects différents, ne purent l’effacer. […] Un mariage qui eût été pour lui, si la mort n’en avait presque troublé la fête, la meilleure occasion de cultiver en paix son génie, paya, en une fois, ses longues souffrances et lui permit de revoir sa sœur.

195. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

La phrase y peut paraître longue, traînante, et c’est là une lettre persane qui ne ressemble en rien assurément pour la forme à celles de Montesquieu ; mais le fond est d’un grand sens, et consulté par Chapelle, il lui répond en le mettant de son mieux en garde contre les principaux défauts auxquels il le sait bien sujet, et aussi contre les conclusions où va trop volontiers la philosophie de Gassendi, leur maître commun. Si Bernier, dans cette lettre, ne se réconcilie pas nettement avec Descartes qu’il continue de considérer comme un philosophe trop affirmatif en ses solutions, il y rétracte du moins aussi formellement que possible les doctrines de Lucrèce et d’Épicure et toutes les assertions purement matérialistes nées de la théorie des atomes ; il y insiste particulièrement sur l’impossibilité d’expliquer par la matière seule et par le mouvement de corpuscules, si petits qu’on les fasse, des opérations d’un ordre aussi élevé que celles qui constituent l’intelligence, le raisonnement, la perception de certaines idées, la conscience qu’on a d’avoir ces idées, la volonté, le choix dans les déterminations, etc. ; en un mot, il y combat au long et avec détail l’épicuréisme, auquel il sait bien que Chapelle incline et est d’humeur, soit en théorie, soit en pratique, à s’abandonner : Je me promets, lui dit-il, que vous donnerez bien ceci à ma prière, qui est de repasser un moment sur ces pensées si ingénieuses et si agréablement tournées qu’on a su tirer de vos mémoires (apparemment quelques écrits et cahiers de philosophie et de littérature de Chapelle), sur tant d’autres fragments de même force que je sais qui y ont resté, et généralement sur tous ces enthousiasmes et emportements poétiques de votre Homère, Virgile et Horace, qui semblent tenir quelque chose de divin. […] On ne s’attendait guère que Chapelle dût nous introduire dans ces considérations philosophiques et qu’on peut lire plus au long dans la lettre datée de Chiras : c’est lui pourtant qui, par ses questions à Bernier, les avait provoquées. […] Il laissa bientôt pour toujours les longs projets de travail, garda seulement les conclusions pratiques d’Épicure, et s’oublia de plus en plus. […] Vers les trois heures, la tempête fut dans toute sa force ; de longs éclairs tombaient sur le gaillard, etc.

196. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Il n’y avait pas moins de six ou sept lieues à faire ; mais aller vers un grand but et y aller par un long chemin avec un ami, c’est double bonheur. […] Notre conversation alla, pour ainsi dire, tout d’un trait de La Chênaie à Saint-Malo, et, nos six lieues faites, j’aurais voulu voir encore devant nous une longue ligne de chemin ; car vraiment la causerie est une de ces douces choses qu’on voudrait allonger toujours. » Il nous donne une idée de ces entretiens qui embrassaient le monde du cœur et celui de la nature, et qui couraient à travers la poésie, les tendres souvenirs, les espérances et toutes les aimables curiosités de la jeunesse. […] Il jouissait d’autant plus, quand son imagination le lui permettait, du calme uni et profond des dernières heures : Le 14 (août). — Après une longue série de jours éclatants, j’aime assez à trouver un beau matin le ciel tendu de gris, et toute la nature se reposant en quelque sorte de ses jours de fête dans un calme mélancolique. […] Nous y fîmes une halte assez longue, appuyés sur nos hâtons et tout émerveillés… En regagnant le Val, nous admirâmes la position d’une maisonnette habitée par un vieillard. […] Tous ces menus détails de la vie intime, dont l’enchaînement constitue la journée, sont pour moi autant de nuances d’un charme continu qui va se développant d’un bout de journée à l’autre : — le salut du matin qui renouvelle en quelque sorte le plaisir de la première arrivée, car la formule avec laquelle on s’aborde est à peu près la même, et d’ailleurs la séparation de la nuit imite assez bien les séparations plus longues, comme elles étant pleine de dangers et d’incertitude ; — le déjeuner, repas dans lequel on fête immédiatement le bonheur de s’être retrouvés ; — la promenade qui suit, sorte de salut et d’adoration que nous allons rendre à la nature, car à mon avis, après avoir adoré Dieu directement dans la prière du matin, il est bon d’aller plier un genou devant cette puissance mystérieuse qu’il a livrée aux adorations secrètes de quelques hommes ; — notre rentrée et notre clôture dans une chambre toute lambrissée à l’antique, donnant sur la mer, inaccessible au bruit du ménage ; en un mot, vrai sanctuaire de travail ; — le dîner qui s’annonce non par le son de la cloche qui sent trop le collège ou la grande maison, mais par une voix douce qui nous appelle d’en bas ; la gaieté, les vives plaisanteries, les conversations brisées en mille pièces qui flottent sans cesse sur la table durant ce repas : le feu pétillant de branches sèches autour duquel nous pressons nos chaises après ce signe de croix qui porte au ciel nos actions de grâces ; les douces choses qui se disent à la chaleur, du feu qui bruit tandis que nous causons ; — et, s’il fait soleil, la promenade au bord de la mer qui voit venir à elle une mère portant son enfant dans ses bras, le père de cet enfant et un étranger, ces deux-ci un bâton à la main ; les petites lèvres de la petite fille qui parle en même temps que les flots, quelquefois les larmes qu’elle verse, et les cris de la douleur enfantine sur le rivage de la mer ; nos pensées à nous, en voyant la mère et l’enfant qui se sourient ou l’enfant qui pleure et la mère qui lâche de l’apaiser avec la douceur de ses caresses et de sa voix, et l’océan qui va toujours roulant son train de vagues et de bruits ; les branches mortes que nous coupons dans le taillis pour nous allumer au retour un feu vif et prompt ; ce petit travail de bûcheron qui nous rapproche de la nature par un contact immédiat et me rappelle l’ardeur de M. 

197. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

A côté de l’Académie, soit en dehors d’elle ou dans son sein, mais dans un parfait accord et concert avec ses principaux membres, un homme en particulier eut l’honneur de comprendre mieux que personne cette disposition de son temps, de se vouer uniquement à la servir, à l’éclairer ; il eut la pensée et la patience de s’établir durant de longues années dans un coin propice, non pour régler, mais pour relever au fur et à mesure, pour surprendre et constater les faits de langage, à simple titre de témoin scrupuleux et fidèle. […]  » La pension, d’ailleurs, comme le fait remarquer Chapelain, était à titre onéreux, toute conditionnelle, « pour une chose longue et pénible à faire », qui était ce travail du Dictionnaire, et de plus elle dépendait du bon plaisir du surintendant, M. de Bullion. […] Et je vous proteste qu’il ne s’y peut rien ajouter, et que si l’ouvrage réussit un peu long, ce n’est pas par la négligence des ouvriers, mais par la nature de la matière qui, comme vous le savez par expérience, est épineuse et de grande discussion pour la bien traiter. […] Si l’ouvrage réussit un peu long, c’est-à-dire si l’ouvrage est long à terminer : cela peut être du latin ou de l’italien, ce n’est certes pas du français.

198. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Il y parle de lui, de ses titres littéraires qu’il détaille au long et du peu de fruit qu’il en a tiré ; il ne craint pas d’étaler sa pauvreté avec sa bonne humeur ordinaire. […] Ma santé n’est pas assez bonne pour entreprendre un si long voyage, sans compter qu’outre que je suis malade je suis fort dépourvu d’argent, et, empereur pour empereur, et monarque pour monarque, j’ai à Naples le grand comte de Lemos qui, sans me parler de tous ces jolis petits titres de collèges et de rectorats, pourvoit à ma subsistance et me fait plus de grâces que je n’ose moi-même en demander. »10 Il annonçait, à son noble patron, en finissant, la prochaine publication d’un ouvrage auquel il était en train de mettre la dernière main, son roman de Persilès et Sigismonde, « qui doit être, disait-il, ou le plus mauvais ou le meilleur livre qui ait jamais été composé dans notre langue, j’entends de ceux de pur amusement. […] Il avait des guêtres, des souliers tout ronds, une longue rapière et un rabat sale, attaché par deux bouts de fil. […] En France on vit à perpétuité sur ces mots-là qui dispensent d’une plus longue étude. […] qu’on est long à proclamer toute son estime pour les aimables génies qui nous font rire !

199. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite et fin.) »

Le beau moment moral de la reine — un long moment — commence avec les journées d’octobre, c’est-à-dire avec sa captivité. […] On n’allait pas sans doute à sa perte d’un train égal et continu : il y avait des instants de calme et de bonace, des temps de répit assez longs ; mais, à chaque crise, on restait à la merci du mouvement fatal. […] Mes chagrins s’augmentent, mon cher frère, de l’état de votre santé ; je ne saurais vous dire combien j’ai été touchée de la bonne longue lettre que vous m’avez écrite de votre lit de souffrance. […] La reine, dans ces longs mois de captivité aux Tuileries, s’était mise avec courage à tout ce qu’exigeait sa position nouvelle. […] Ce qui la caractérise à jamais durant ce long supplice qui date du 6 octobre, c’était le motif qui l’inspirait, la source élevée de ses sentiments, la conscience de ce qu’elle était et de ce que la nature l’avait faite, le dévouement à ses devoirs de royale épouse et de mère, un courage de chaque heure, une constance qui ne se démentit en public à aucun moment, non plus que son air de dignité et de grâce.

200. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Les affaires se tiennent par des liaisons qui les mettent dans une dépendance nécessaire les unes des autres, et ce n’est que par la combinaison de toutes les parties qu’on doit se décider sur ce qu’il est le plus avantageux de faire pour chacune d’elles en particulier. » Le maréchal de Noailles est âgé de soixante-quatre ans à cette date ; il représente une longue expérience acquise, il est un des rares demeurants du dernier règne ; il peut dire au roi avec autorité sur presque chaque sujet : « Le feu roi, votre auguste bisaïeul, pensait… le feu roi, votre auguste bisaïeul, disait… » Il s’offre pour ce genre de conseil avec un dévouement passionné, qui n’est pas sans dignité jusque dans son expansion : « Jusqu’à ce qu’il plaise à Votre Majesté de me faire connaître ses intentions et sa volonté, me bornant uniquement à ce qui regarde la frontière dont elle m’a donné le commandement, je parlerai avec franchise et liberté sur l’objet qui est confié à mes soins, et je me tairai sur tout le reste, toujours prêt, cependant, à vous exposer, Sire, lorsque vous le voudrez, etc., etc. […] Mais c’est qu’on lui en marqua très peu en effet, et que cela parut à peine une disgrâce ; on le voit bien par les lettres de Mme de Tencin au duc de Richelieu, où elle dit (1er août 1743) : « Mon frère (le cardinal de Tencin) est révolté, et je le suis aussi, de ce que le roi n’a témoigné aucun ressentiment contre le maréchal de Broglie qui, de l’aveu de tout le monde, a si mal fait son devoir. » Et moins de quinze jours après, le 13 août, Mme de Tencin dit encore : « L’abbé de Broglie a écrit à d’Argenson (le comte d’Argenson, ministre de la Guerre) que la pénitence de son frère était assez longue, qu’il fallait lui permettre de venir à la Cour, et que, si on ne le lui permettait pas, il y viendrait tout de même. […] » Avant que la critique allemande ait protesté contre de pareilles plaisanteries mises sur le compte d’un des souverains qui ont eu le plus à cœur leur métier de roi, il y avait longtemps que la critique française, dans une vue de simple bon sens, avait dit : « Nous ignorons si Frédéric était capable de se servir des moyens indiqués ici ; mais nous croyons pouvoir affirmer que, s’il avait assez d’immoralité pour employer des médecins et des serruriers politiques, il avait en même temps trop d’adresse pour l’avouer à qui que ce soit, même à son successeur75. » Il y avait peut-être à introduire Frédéric dans cette Étude où Louis XV tient le premier rôle, mais c’aurait dû être alors pour opposer les deux esprits, la mollesse et la force, l’abandon et l’infatigable vigilance, le laisser aller de tout, après quelque velléité d’action passagère, et l’héroïque et constant labeur, tant civil que guerrier, qui occupa toutes les heures d’une longue vie. […] Le maréchal de Noailles avait surnommé Du Verney, cet habile munitionnaire des armées, « le général des farines76 » ; et un jour qu’on citait ce mot chez Mme de Pompadour, le comte de Saxe présent ne put s’empêcher de dire que ce général des farines s’entendait mieux aux choses de la guerre et en savait plus long sur le métier que le vieux maréchal. […] La phrase à la Louis XIV, ou qu’on appelle de ce nom, est ample, un peu longue, mais majestueuse.

201. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Suard l’a pris pour l’objet du plus long et du plus animé de ses écrits. […] L’auteur y a amassé et enchaîné une suite de définitions si concises et qui sont le résultat d’une si longue réflexion, qu’on ne sait comment extraire et analyser, comment entamer ce qui est déjà un extrait si substantiel et si dense. […] Une trop longue paix lui paraît funeste : « La paix, dit-il, rend les peuples plus heureux et les hommes plus faibles. » Et il ajoute excellemment : « La guerre n’est pas si onéreuse que la servitude. » Ce n’est pas tant de la servitude du dehors qu’il s’agit ici que de celle du dedans et de la lâcheté qui envahit les âmes : « La servitude, dira-t-il encore, abaisse les hommes jusqu’à s’en faire aimer. […] Il est mieux peut-être qu’il ait été retiré avant une plus longue épreuve. […] J’en ai parlé au long dans trois articles du Moniteur des 24 et 31 août et 7 septembre 1857, articles qui se retrouveront dans les derniers volumes de ces Causeries.

202. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Mme Scarron sut-elle se conserver tout à fait sans reproche et sans péché durant ces longues années de veuvage et de demi-mondanité ? […] Ses yeux grands et longs, en amande, et très expressifs, sont d’une douceur remarquable. […] Disons que, durant sa longue vie et au milieu de ses satisfactions secrètes d’amour-propre, elle eut constamment à souffrir et à se contraindre. […] Mme de Maintenon aida autant que personne et tint la main à cette réforme dont le xviiie  siècle hérita : « Je me corrigerai des fautes de style que vous remarquez dans mes lettres, lui écrivait le duc du Maine ; mais je crois que les longues phrases seront pour moi un long défaut. » Mme de Maintenon dit et écrit en perfection.

203. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Je ne recommencerai pas ici une analyse qui a été faite tant de fois ; évitons ces commentaires plus longs que le poème. […] Je ne sais s’il le lut mal, mais ce discours très long et plein de hors-d’œuvre, venant après trois discours consécutifs, parut peu agréable à l’assemblée. […] Bernardin passe à une longue homélie en l’honneur de la philosophie, très digne d’être prêchée dans un temple de théophilanthropes. […] Sa dissertation sur les principes philosophiques a été fort longue. […] Je n’ai rien retenu de la dernière partie du discours qu’une longue nomenclature de noms et de personnages qu’on ne s’attendait point à voir paraître en cette occasion.

204. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

Ainsi Montesquieu n’a pas l’haleine longue : son Esprit des lois est coupé en beaucoup de livres, chaque livre en beaucoup de chapitres, presque tous très courts ; chaque chapitre en petits alinéas de quelques lignes. Les lecteurs du xviiie  siècle, d’autre part, esprits légers, mondains, incapables d’une attention longue et soutenue, avaient besoin qu’on leur divisât extrême-nient la matière : ils ne prenaient rien qu’à petite dose, et il fallait tout morceler. […] Une composition où une idée s’étend aux dépens des autres et au-delà de ce que comporte sa valeur, est laide à voir et disgracieuse, comme un corps où quelque membre est hypertrophié, comme une statue qui a la tête trop grosse ou les bras trop longs. […] Corneille avait mis devant une grande, longue conférence de Chimène avec sa confidente : le maladroit !

205. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre V. Les figures de lumière »

Appelons « ligne de lumière » le rayon lumineux qui chemine le long d’elle. […] Ou mieux, pensons à ce jouet d’enfant formé de tiges articulées le long desquelles sont disposés des soldats de bois. […] Quand, se figurant son système en mouvement, il se représentera sa ligne de lumière plus longue, il dira que le temps s’est allongé ; mais il verra aussi que ce n’est plus du temps psychologique ; c’est un temps qui n’est plus, comme tout à l’heure, à la fois psychologique et mathématique ; il est devenu exclusivement mathématique, ne pouvant être le temps psychologique de personne : dès qu’une conscience voudrait vivre un de ces Temps allongés O₁B₁, O₂B₂, etc., immédiatement ceux-ci se rétracteraient en OB, puisque la ligne de lumière ne serait plus aperçue alors en imagination, mais en réalité, et que le système, jusque-là mis en mouvement par la seule pensée, revendiquerait son immobilité de fait. […] Maintenant l’aller est plus long que le retour.

206. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Note sur les éléments et la formation de l’idée du moi » pp. 465-474

« Je ne pouvais plus, dit-il, m’orienter en la quittant, ou du moins il me fallait faire un long et pénible effort pour me retrouver. — Souvent il lui est arrivé de se trouver à une courte distance de sa demeure et de ne pouvoir reconnaître son chemin qu’après de longs efforts de réflexion ; deux ou trois fois, il s’assit sur la route, désespérant de retrouver sa maison, et se mit à pleurer à chaudes larmes. » Un autre malade130 écrit : « J’avais horreur d’aller à Divonne, pays nouveau pour moi. […] Il faut distinguer cette première et profonde impression de toutes les autres qui vont suivre. » — En effet, dans ce premier stade, les sensations nouvelles étaient trop nouvelles ; elles n’avaient pas été répétées un assez grand nombre de fois pour faire dans la mémoire un groupe distinct, une série cohérente, un second moi ; telle est la chenille dont nous avons parlé, dans le premier quart d’heure qui suit sa métamorphose en papillon ; son nouveau moi n’est pas encore formé, il est en train de se former ; l’ancien, qui n’éprouve que des sensations inconnues, est conduit à dire : Je ne suis plus, je ne suis pas. — « Plus tard et dans une seconde période, dit notre observateur, lorsque par un long usage j’eus appris à me servir de mes sensations nouvelles, j’avais moins d’effroi d’être seul et dans un pays que je ne connaissais pas ; je pouvais, quoique avec difficulté, me conduire ; j’avais reformé un moi ; je me sentais exister, quoique autre. » Il faut du temps pour que la chenille s’habitue à être papillon ; et, si la chenille garde, comme c’était le cas, tous ses souvenirs de chenille, il y a désormais un conflit perpétuel et horriblement pénible entre les deux groupes de notions ou impressions contradictoires, entre l’ancien moi qui est celui de la chenille, et le nouveau moi qui est celui du papillon. — Dans le second stade, au lieu de dire : Je ne suis plus, le malade dit : Je suis un autre.

207. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre II. Utilité de l’ordre. — Rapport de l’ordre et de l’originalité »

Mais ces exceptions mêmes prouvent ce que je dis : si ces rares natures se dispensent de l’ennui de la composition, c’est que, par un don singulier, elles conquièrent d’une seule vue, par une rapide intuition, ce que le vulgaire n’obtient que par la longue patience et l’attention laborieuse : c’est que leur plan s’est fait en un moment, et leur œuvre se développe selon un modèle idéal que leur imagination contemple. […] Ce n’est qu’ainsi qu’on pourra acquérir, après un long exercice, la dextérité et la souplesse, qui permettent ensuite d’abréger le travail, d’ordonner promptement ses matériaux, et de classer presque en acquérant. […] Ceci sera trop court, cela trop long.

208. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre V. Des trois ordres de causes qui peuvent agir sur un auteur » pp. 69-75

Il est l’aboutissant d’une longue série d’ancêtres. […] Une infirmité naturelle suffit à faire dévier une intelligence et un talent ; un myope ne verra pas et, par conséquent, ne peindra pas les choses comme celui qui a la vue longue et perçante. […] D’autre part, l’esprit peut agir sur lui-même, et par suite, il est modifié dans son évolution par une seconde série de causes que j’appelle, faute de mieux, psychiques ou mentales. — Le génie est une longue patience, a dit Buffon.

209. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Madame Therbouche » pp. 250-254

Les bras, les cuisses, les jambes sont de chairs, mais de chairs si molles, si flasques, mais si flasques, mais si molles, qu’à la place de Jupiter j’aurais regretté les frais de la métamorphose. à côté de cette longue, longue et grêle Antiope, il y avait un gros ange joufflu, clignotant, souriant, bêtement fin, tout à fait à la manière de Coypel, avec toutes ses petites grimaces. […] Cependant un séjour dispendieux et long, la honte d’appeler de chez soi de nouveaux secours vous jettent dans la plus fâcheuse détresse, et l’on s’en tire comme on peut, avec le secours d’un pauvre philosophe, d’un ambassadeur humain et bienfaisant, et d’une souveraine généreuse.

210. (1767) Salon de 1767 « Les deux académies » pp. 340-345

Songez, mon ami, de quelle importance sont ces places pour des enfans dont communément les parens sont pauvres, qui ont beaucoup dépensé à ces pauvres parens, qui ont travaillé de longues années, et à qui l’on fait une injustice, certes très-criminelle, lorsque c’est la partialité des juges et non le mérite des concurrens qui dispose de ces places. […] Arrive Pigalle, et lorsqu’il est engagé entre les files, on crie : du dos ; il se fait de droite et de gauche un demi-tour de conversion, et Pigalle passe entre deux longues rangées de dos ; même salut et mêmes honneurs à Cochin, à M et Madame Vien et aux autres. […] Ce jeune homme était pâle, défait comme après une longue maladie, il avait les yeux rouges et gonflés, et il me disait d’un ton à me déchirer : " ah !

211. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 5, des études et des progrès des peintres et des poëtes » pp. 44-57

Le génie le plus heureux, ne peut être perfectionné qu’à l’aide d’une longue étude. […] Michel-Ange avoit apparemment travaillé durant long temps avant que de parvenir à peindre la majesté du pere éternel avec ce caractere de fierté divine qu’il a sçû lui donner. […] Racontons le fait historiquement, car il prouve mieux ce que j’avance, que de longs raisonnemens ne le pourroient faire.

212. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Louis Bouilhet. Festons et Astragales. »

Bouilhet, la longue chevelure des Samsons du Romantisme d’il y a trente ans fait l’effet à son tour de cette fameuse perruque qu’on croyait voir alors sur la tête de M.  […] Ce n’est pas le consul au long manteau rayé, etc. […] Clogenson, trop longue pour que nous puissions la citer, mais où l’imagination a de ces grâces d’enfant qui joue.

213. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Montesquiou, Robert de (1855-1921) »

Il jacasse indiscrètement au long de la poésie et jamais on ne vit plus infatigable babil. […] Parurent ensuite : Le Chef des odeurs suaves, « poème dont les fleurs et les parfums groupés en symboles forment le sujet varié », Le Parcours du rêve au souvenir, « multiples feuillets recueillis au long des voyages du poète », Les Hortensias bleus, « modulations alternativement fortes et délicates », Les Perles rouges, 93 sonnets sur Versailles, qui font revivre, en lui gardant la grâce de sa vieillesse surannée, le grand siècle aboli.

214. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre premier. Nécessité d’une histoire d’ensemble » pp. 9-11

Je m’épargnerai cette besogne, qui serait longue et superflue. […] On connaît le mot de Mme de Sévigné sur les Essais de Nicole, qui lui semblaient trop délayés et un peu longs à déguster : « Je voudrais qu’on en fit un bouillon pour l’avaler. » Il faudra de même que l’avenir fasse un consommé de toute cette nourriture intellectuelle qui serait capable, sous sa forme présente, de surcharger et de gâter l’estomac le plus robuste.

215. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre III. Les questions que l’historien doit se poser. » pp. 16-17

D’une part, il doit les envisager en large et en long, si l’on peut ainsi parler, ou, si l’on préfère, étendus dans l’espace et déroulés dans le temps, dans leur existence simultanée et dans leurs développements successifs. […] Le géographe qui l’étudié sait bien que c’est toujours le même fleuve ; mais il est forcé, pour le bien connaître, de diviser sa longue étendue en différentes parties qu’il considère tour à tour.

216. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 521-526

Clerc de Montmercy, [Claude-Germain le] Avocat au Parlement, & Docteur en Droit, de la Faculté de Paris, né à Auxerre en 1716 ; Poëte qui a la gloire d’avoir fait les plus longues Epîtres qui aient jamais existé. Quelques-unes ont jusqu’à deux mille trois cents vers, & ce ne sont pas les plus longues.

217. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Julliart » pp. 176-177

Votre st Joseph est commun ; et, de plus, long, long.

218. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

C’est cette longue attente, cette longue fatigue dans le froid humide, qui sont les vraies horreurs de la mer. […] Le second étage fut plus long, sans agrément. […] Ils suivaient donc cette route, de Folkestone à Hythe, mince ruban qui court au long de la mer. […] L’entrée en fut difficile, vu sa hauteur ; on se consulta, puis on l’insinua en long et en biais. […] C’était matière à longs propos.

219. (1925) Proses datées

Des larges bords d’un chapeau à haute forme, de longs cheveux blancs caressaient le col de la redingote correcte. […] Whistler avait loué, Rue du Bac, au fond d’un long passage, un pavillon donnant sur un jardin. […] La nuit est longue à battra le pavé et la solitude est mauvaise conseillère. […] On y descend par un perron de quelques marches, le long desquelles croissent des camélias et des lauriers. […] En voilà un autre qui fume nonchalamment une longue pipe.

220. (1890) Dramaturges et romanciers

Les récits de Mérimée ne sont pas plus longs d’ordinaire que la plupart des contes de M.  […] Nous préférons très franchement ceux de ces proverbes qui ne sont qu’une longue et subtile conversation à ceux qui ont des prétentions dramatiques. […] Feuillet ait composé, accuse l’importance qu’il attachait à cette tentative ; il avait voulu faire une œuvre de longue haleine. […] Elle est grosse d’imprévu, d’un imprévu qui n’est pas à longue échéance, qui éclatera infailliblement dès la première heure. […] Aussi le balai magique a-t-il obéi à sa voix et accompli son office dès les premiers mots de commandement, tout comme s’il eût été habitué à le servir de longue date.

221. (1933) De mon temps…

Après un long moment, Mendès vient ouvrir : « Comment, c’est toi !  […] Les relations de longue date avec la famille de Mlle Amé me valaient d’être assez régulièrement invité à venir dîner rue Saint-Guillaume où habitaient à cette époque les Amé. […] Dans la solitude où elle s’était retirée et où elle avait vécu durant de longues années, elle avait admis M.  […] Que de fois y ai-je vu Toulet, assis et serrant entre ses longs doigts maigres un verre de Porto ! […] Je le trouvai émacié, toussant, plus long et plus courbé que jamais.

222. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

., ne peuvent se plier logiquement à la métrique ; les brèves et les longues de leurs mots sont des longues et des brèves accidentelles, de position et non de principe longue dans tel groupe de mots, la même syllabe du même mot sera brève en tel autre groupe. […] ce sera long à définir. […] Vous me demandez aussi une courte pièce de vers inédits, et je n’en ai que de longues. […] si tout lasse et casse ; Qu’importe à la pauvre carcasse Les longs espoirs du lendemain ? […] … Me faire tenir alors une conversation longue comme une chronique de Sarcey !

223. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ch.-V. de Bonstetten : L’homme du midi et l’homme du nord, ou l’influence du climat »

Dans le midi, on vit au jour le jour ; la présence du soleil, des travaux peu pénible et jamais interrompus, des sensations toujours en éveil, ne permettent pas les longues espérances ni les longues inquiétudes : on y jouit précisément de cette liberté d’esprit si propice à l’essor de l’imagination ; c’est là que devaient et que seulement pouvaient naître ces poètes aimables, qui chantaient les douceurs du rien faire, la jouissance du présent et l’oubli du lendemain.

224. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 240-246

Comme un roc sourcilleux tombe dans la campagne, Arraché par les vents du haut d'une montagne, Ou du long cours des ans incessamment miné, Et par l'eau de l'orage enfin déraciné, Son énorme grandeur, par son poids emportée, Avec un bruit horrible en bas précipitée, Roule à bonds redoublés en son cours furieux, Et rompt comme roseaux les chênes les plus vieux ; Tel on vit, &c. […] Comme on voit quelquefois dans l'Ardenne fameuse, Et dans les prés herbus où le Rhin joint la Meuse, Deux furieux taureaux par l'amour courroucés, Se heurter fiérement de leurs fronts abaissés : Le troupeau plein d'effroi regarde avec silence ; Le nombre des Pasteurs cede à leur violence : Les deux vaillans rivaux se pressant rudement Des cornes l'un sur l'autre appuyés fortement, Redoublent, sans cesser leurs cruelles atteintes ; De longs ruisseaux de sang leurs épaules sont teintes ; Ils mugissent des coups d'un cri retentissant, Et toute la forêt répond en mugissant…… Ajoutons encore ce morceau sur la briéveté de la vie, & nous ne serons point étonnés que l'Auteur du Lutrin & celui de la Henriade n'aient pas dédaigné de s'approprier plusieurs traits de ce Poëte, injustement oublié.

225. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

Un tel concours de circonstances doit se présenter rarement, et seulement à de longs intervalles. […] Pendant l’été, il plonge et vit de poisson ; mais, pendant les longs hivers de la contrée, il s’éloigne des eaux glacées et se nourrit, comme les autres Martes, de Souris et d’autres animaux terrestres. […] Cependant, une longue liste de tels faits pourrait seule amoindrir les objections auxquelles donnent lieu certains cas particuliers, tels que celui de la Chauve-Souris dont je viens de parler. […] Cependant on trouve dans l’Amérique du Nord des Pics qui se nourrissent principalement de fruits, et d’autres pourvus de longues ailes qui chassent les insectes au vol.  […] Ne semble-t-il pas aussi tout naturel que les longs pieds des Échassiers leur aient été donnés pour habiter les marécages et pour marcher sur les îlots de plantes flottantes ?

226. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Cependant je traverse cette longue fabrique, et me voilà sur la cime d’une chaîne de montagnes parallèles aux premières. […] Je vais, je descends, et après une route longue et pénible à travers des ronces, des épines, des plantes et des arbustes touffus, me voilà au côté gauche de la scène. […] Cette longue terrasse était parallèle au rivage, et s’avançait fort loin dans la mer, qui délivrée à son extrémité de cette digue, prenait toute son étendue. […] Un discours prononcé n’est plus qu’une longue suite de sons et de sensations primitivement excitées ; le cœur et les oreilles sont en jeu, l’esprit n’y est plus. […] Il est étendu à la surface de la mer, sa longue chevelure est éparse, son sang coule d’une large blessure, l’abyme va l’engloutir, je ne le vois plus.

227. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

D’ailleurs son mollet charnu, saillant, pronostiquait autant que son long nez carré, des qualités morales auxquelles paraissait tenir la veuve, et que confirmait la face lunaire et naïvement niaise du bonhomme. […] Mais pourquoi suspecter les soudaines et longues rêveries qui me saisissent parfois en plein bonheur ? […] Poussé par une avidité d’enfant, je me précipitai dans la longue antichambre qui traverse la maison. […] Ses bras étaient beaux, sa main aux doigts recourbés était longue, et, comme dans les statues antiques, la chair dépassait ses ongles à fines côtes. […] Quand cessa le rêve où m’avait plongé la longue contemplation de mon idole, et pendant lequel un domestique vint et lui parla, je l’entendis causant du comte.

228. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Une figure flasque, de longs cheveux de savant, et une cravate blanche sous une immense redingote de propriétaire. […] Il était revenu en Russie, après une longue absence, et allait rendre visite à un ami qu’il avait quitté, les cheveux tout noirs. […] Flaubert dit, qu’après une longue absorption, et un long penchement de tête sur sa table de travail, il éprouve, au moment de se redresser, comme une peur de trouver quelqu’un derrière lui. […] Et à la suite de cette déclaration, de longues considérations à l’appui. […] La course était longue.

229. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Musset, Alfred de (1810-1857) »

Sans barbe alors, et tout resplendissant d’une grâce juvénile, ce nez aquilin trop long et trop busqué, d’un caractère si étrange et hardi, ces yeux ingénus et profonds, cette petite bouche aux lèvres amoureuses, faites pour les baisers, ce puissant menton byronien, et surtout ce large front modelé par le génie, et cette épaisse, énorme, violente, fabuleuse chevelure blonde, tordue et retombant en onde frémissante, lui donnent l’aspect d’un jeune dieu. Le cou long, charnu, démesuré, est d’un lutteur, et, en effet, le poète de Rolla avait été doué de la vigueur héroïque, pour que la Passion et la Douleur, ses vraies amantes implacablement chéries, eussent de quoi s’acharner sur leur proie. […] (Il est vrai qu’on peut alors développer le contenu de ces mots « jeunesse et amour », et que cela ne laisse pas d’être long.)

230. (1894) Propos de littérature « Chapitre Ier » pp. 11-22

La vie est à nos pieds ; elle passe, mais l’ensemble de ses apparences subsiste au moins l’espace d’un long instant ; le Poète reporte son idéal dans la vie présente, et sans voir qu’il a passagèrement déchu, il veut créer une Beauté qu’il imagine vivante et mortelle comme il croit vivante et mortelle cette vie. — Il ignore encore, et peut-être l’ignorera-t-il toujours, qu’il n’a lui-même d’autre terme que l’infini ; la Vie, il ne la voit encore que comme une chose relative et concrète. […] L’homme s’agite dans la Joie et dans la Tristesse mais tout effort tenté selon la vie est vain, donc douloureux : il faut ployer la tête et suivre son destin. — Cette philosophie est, il est vrai, trop peu clairement indiquée au long des œuvres de M. de Régnier pour que les lignes précédentes aient une signification autre que probable ; peut-être même ai-je complété ici ce que je devinais de la théorie pour en faire pressentir la consistance. […] Cette opposition, qu’on retrouverait aussi dans le caractère des deux hommes, me paraît assez nettement sensible pour que, au long des pages de cette étude, je ne croie pas nécessaire de la rappeler chaque fois qu’elle peut se sous-entendre ; je n’indiquerai que sommairement en elle la cause des oppositions secondaires de méthode, de réalisation lyrique et plastique et de technique de MM. de Régnier et Griffin.

231. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIV. Vaublanc. Mémoires et Souvenirs » pp. 311-322

Comme un homme qui se promènerait dans une longue galerie, au tomber du jour, Vaublanc se promène pour lui-même dans le souvenir de toute sa vie, et il ne se retourne pas une seule fois pour voir si quelqu’un le suit et profite de la lumière de son flambeau. […] Un homme qui n’aurait que de la force de volonté dans la proportion la plus vaste et pour la durée la plus longue, ne pourrait être appelé, sans vice de langage, un homme de caractère, fût-il la hardiesse, la persévérance et la fermeté au plus haut degré d’énergie, fût-il Charles le Téméraire de Bourgogne, fût-il Charles le Téméraire de Suède, fût-il, à lui seul, tous les Téméraires de l’Histoire, que l’Histoire n’a point appelés des hommes de caractère, mais à qui elle a su trouver d’autres noms ! […] Ainsi, il y a au commencement de ses Mémoires un grand morceau sur le cardinal de Richelieu, dont l’administration lui semble la cause première de la Révolution française, et ce long morceau d’une plume de si grand sens, a tout le chimérique du parti pris et l’ambitieux du système ; mais il est dans la logique de l’esprit de Vaublanc qui, en sa qualité d’homme d’action exagère dans l’histoire l’action des hommes et ne voit qu’eux.

232. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre XI. De la géographie poétique » pp. 239-241

Par exemple les Cimmériens durent avoir, comme il le dit, des nuits plus longues que tous les peuples de la Grèce, parce qu’ils étaient placés dans sa partie la plus septentrionale ; ensuite on a reculé l’habitation des Cimmériens jusqu’aux Palus-Méotides. On disait à cause de leurs longues nuits qu’ils habitaient près des enfers, et les habitants de Cumes, voisins de la grotte de la Sibylle qui conduisait aux enfers, reçurent, à cause de cette prétendue analogie de situation, le nom de Cimmériens. […] Comment des bergers, qui ne savaient ce que c’est que la mer, seraient-ils sortis de l’Arcadie, contrée toute méditerranée de la Grèce, pour tenter une si longue navigation et pénétrer jusqu’au milieu du Latium ?

233. (1911) Études pp. 9-261

De longs gestes tranquilles passent entre elles, comme ondulent des plantes dans un courant. […] Partout traînent les désirs, coulent les plaintes, glissent au long du cœur les plus voluptueux désespoirs. […] Il est formé de longues phrases ascendantes que couronne l’évanouissement. […] Tout plie sous un long souffle modéré. […] Il ne touche les objets que pour les éviter, que pour glisser au long d’eux par un souple dégagement.

234. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

C’est son refrain perpétuel dans ses préfaces qui, à mesure qu’il avance en âge, ne sont plus qu’une longue lamentation : « Il ne suffit pas toujours, disait-il, de faire un bel ouvrage pour en acquérir de la réputation à son auteur, il lui faut encore des amis affectionnés et puissants en crédit pour l’établir dans l’opinion du monde : le peuple n’est pas capable de lui-même d’en connaître le mérite. » Marolles s’estime ainsi victime du mauvais vouloir ou de l’indifférence, à son égard, des principaux oracles de l’opinion ; il croit volontiers à la conspiration du silence. […] Jean Rou avait pour aïeul maternel Jean Toutin, célèbre orfèvre-joaillier : celui-ci, étant allé à une de ses métairies pour une réparation, y vit deux scieurs de long à l’œuvre et, prenant plaisir à leur naturel d’attitude et de mouvement, il en fit un petit dessin qu’il s’amusa ensuite à graver à l’eau-forte. […] Causant donc un jour avec Marolles et dans son cabinet, il le mit sur son sujet favori, et, lui parlant de sa collection que l’heureux possesseur prétendait aussi complète que possible, il éleva un doute, et, ayant excité l’étonnement du bonhomme, il en vint par degrés à lui conter l’histoire : « Je suis bien sûr, concluait-il, que vous n’avez pas cette estampe des Scieux de long 32. » — « Je suis bien vieux, lui répondit Marolles après un court moment de réflexion, et je ne puis guère bouger de mon fauteuil ; mais soyez assez bon pour monter sur ce petit gradin et pour prendre là-haut sur cette tablette (la première ou la seconde) ce grand in-folio que voilà. » Jean Rou fit ce qu’il lui disait, et Marolles n’eut pas plutôt le volume entre les mains qu’il lui montra, à la troisième ou quatrième ouverture de feuillet, la petite estampe si mystérieuse et si désirée dont lui, le petit-fils de Toutin, avait toujours ouï parler sans la voir· — Si vous concevez chez un homme de quatre-vingts ans une plus vive et plus délicieuse satisfaction que celle que Marolles dut éprouver à ce moment, dites-le-moi. […] » La vie, si longue qu’elle soit, est trop courte pour de telles natures. Le grand secret de ne pas s’ennuyer ni s’affliger en vieillissant est d’avoir des goûts à notre portée, et dont en même temps l’objet soit plus long que la vie.

235. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Il a été parlé surabondamment, ce semble, de Mme Roland ; nous-même en avons écrit une longue fois, on vient de le voir ; mais puisque l’occasion se présente, parlons d’elle encore. […] Il est vrai que tout le monde ne pense pas ainsi : les trop longues habitudes déplaisent au public. […] Tantôt c’est un traité de métaphysique qu’elle analyse, tantôt c’est Delolme en douze pages (ce qui devient un peu long) ; tantôt c’est une élégie en prose qu’elle essaie. […] Mlle Phlipon s’en tira en beauté qui ne craint pas les épreuves, et elle était remise à peine de la longue convalescence qui s’ensuivit, que les prétendants, à qui mieux mieux, et de plus en plus éblouis, se présentèrent. « Du moment où une jeune fille, écrit-elle dans ses Mémoires, atteint l’âge qui annonce son développement, l’essaim des prétendants s’attache à ses pas comme celui des abeilles bourdonne autour de la fleur qui vient d’éclore. » Mais à côté d’une si gracieuse image, elle ne laisse pas de se moquer ; elle est agréable à entendre avec cette levée en masse d’épouseurs qu’elle fait défiler devant nous et qu’elle éconduit d’un air d’enjouement. […] Elle en écrit assez séchement aux deux sœurs : décidément, c’est un homme occupé et qui se prodigue peu ; elle qui fait si volontiers les portraits de ses amis, elle ne se croit pas en droit d’entreprendre le sien ; il est, par rapport à elle, au bout d’une trop longue lunette, et rien n’empêche qu’elle ne le suppose encore en Italie.

236. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

J’avais déjà remarqué, dans le même jardin, sa redingote râpée qui se boutonnait jusqu’au menton, son feutre déformé que jamais brosse n’avait brossé, ses cheveux longs comme un saule, et peignés comme des broussailles, ses mains décharnées, pareilles à des ossuaires, sa physionomie narquoise, chafouine et maladive, qu’effilait « une barbe nazaréenne ; et mes conjectures l’avaient charitablement rangé parmi ces artistes au petit-pied, joueurs de violon et peintres de portraits, qu’une faim irrassasiable et une soif inextinguible condamnent à courir le monde sur la trace du Juif-errant. » Nous vîmes simplement alors un grand et maigre jeune homme de vingt et un ans, au teint jaune et brun, aux petits yeux noirs très-vifs, à la physionomie narquoise et fine sans doute, un peu chafouine peut-être, au long rire silencieux. […] Mais ces longs efforts suivis n’allaient pas à son haleine, et, comme tant d’organisations ardentes et fines, c’est dans le prélude et dans l’escarmouche qu’il s’est consumé. […] Tantôt, les coudes sur la fenêtre de sa mansarde, on l’eût surpris par le trou de la serrure causant durant de longues heures avec la pâle giroflée du toit. […] Un moment il sembla que l’existence de Bertrand allait se régler : il devint secrétaire de M. le baron Rœderer, qui connaissait de longue main sa famille, et qui eut pour lui des bontés.

237. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Dans sa jeunesse, il avait été, comme toute la fleur de la Cour, dans le cortège de Ninon, un peu son amant et beaucoup son ami ; il correspondit quelquefois avec elle pendant sa longue disgrâce : le petit nombre de lettres authentiques qu’on a de Ninon sont adressées à Saint-Évremond, et elles nous la font bien connaître par le côté de l’esprit, le seul par lequel elle a mérité de survivre. Saint-Évremond demanderait une étude à part ; aujourd’hui nous ne voulons de lui que la faveur d’être introduits dans l’intimité de celle qui, pendant une si longue vie, renouvela tant de fois le charme, et dont l’esprit se perfectionna jusqu’à la fin. […] Une longue lettre de lui, très spirituelle et très malicieuse, sur le traité des Pyrénées et contre le cardinal Mazarin, trouvée dans les papiers de Mme Du Plessis-Bellière lors de l’arrestation de Fouquet, irrita Louis XIV, qui ordonna d’en mettre l’auteur à la Bastille. […] La liste de ses conquêtes est partout, et, si longue qu’on la fasse, elle sera toujours très incomplète encore. […] Saint-Évremond, alors en Hollande (1669), paraît s’ennuyer du retard : Sa bonne foi est grande (écrit-il à un M. d’Hervart qu’il avait vu à La Haye et qui était de retour à Paris), mais mon absence est longue, et, après huit années, il n’y a rien de si aisé que de ne point se souvenir des gens, quand un souvenir coûte cent pistoles.

238. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Il faut du loisir et de la sécurité à longue échéance pour jouer avec les rêves. […] Il s’était retiré, après de longues et délicates contestations, dans une petite maison de campagne achetée non loin de Paris. […] Le seul mérite de ces deux romans, ma chère, est le millier de francs qu’ils me rapportent, mais la somme n’a été réglée qu’en billets à longues échéances ? […] La liste de ses livres pendant ces fécondes années est longue. […] « En sortant de mes longues méditations, de mes travaux accablants, je me repose dans vos cœurs comme dans un lieu délicieux où rien ne me blesse !

239. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

elle que le pur esprit Brahma a formée de ses mains pour la maison d’un époux, elle qui me fait participer par sa pureté, moi et mes ancêtres, à sa virginité ; elle aussi pure que le jour où elle fut engendrée, elle qui porte dans son sein une longue postérité et des mondes à venir ? […] « Quant aux efforts qu’il m’en coûta pour m’y rendre raison d’abord de quelques mots, puis par-ci par-là de phrases isolées, et enfin de passages d’une assez longue haleine, il sera facile au lecteur de s’en faire une idée, comme aussi du plaisir qui me transporta quand je fus parvenu à cette intelligence. […] La seconde scène est une longue et poétique complainte amoureuse du héros, qui déplore la maladie de celle qu’il aime et la force indomptable de son penchant pour elle. […] Au dernier acte, le saint anachorète Canoua revient au monastère après sa longue absence. […] En vain la femelle du tchairavaca, couchée derrière une touffe de lotus, fait entendre le cri d’amour à son mâle, qui, les yeux attentivement fixés sur toi, et le bec entrouvert, d’où s’échappent de longs filaments de verdure qu’il vient d’arracher, néglige de lui répondre.

240. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Qu’on ne leur en fasse point de trop longues. […] L’idée si élevée de faire de Saint-Cyr un abri et un foyer chrétien, un refuge et une école de simplicité vertueuse et pure, à mesure que la corruption et la grossièreté augmentent parmi les jeunes femmes de la Cour, se montre à découvert dans ces lettres de Mme de Maintenon : Que ne donnerais-je pas, s’écrie-t-elle (octobre 1703), parlant à l’une des maîtresses, pour que vos filles vissent d’aussi près que je le vois combien nos jours sont longs ici, je ne dis pas seulement pour des personnes revenues des folies de la jeunesse, je dis pour la jeunesse même qui meurt d’ennui parce qu’elle voudrait se divertir continuellement et qu’elle ne trouve rien qui contente ce désir insatiable de plaisir ! Je rame, en vérité, pour amuser Mme la duchesse de Bourgogne… Comme on sent partout dans Mme de Maintenon à Saint-Cyr une âme qui en a assez du monde, qui dit aux jeunes âmes riantes : « Si vous connaissiez le monde, vous le haïriez » ; qui a connu la pauvreté et le manquement de tout, qui a été obligée de faire bonne mine et de sourire contre son cœur, d’amuser les autres, puissants et grands, et qui, sensée, délicate, raisonnable, est à bout de toute cette longue et amère comédie, — ne désirant plus, le masque tombé, que le repos, la réalité, la vérité, et une tranquilité égale et fructueuse dans l’ordre de Dieu ! […] Il a été pour moi, le dernier éclair de ton œil mourant, — cette âme qui y brillait intense et désolée à travers le brouillard épaissi. — N’as-tu rien emporté avec toi dans la région inconnue, rien de ce qui vivait dans ce long, dans cet ardent regard ?

241. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

Le roi prend lui-même connaissance de l’affaire et décide ; presque tout est jugé en faveur de Sainctot, qui a pour lui une longue possession : il restera indépendant de M. de Blainville, ne prendra point l’ordre de lui, marchera à sa gauche, mais sur la même ligne, etc […] « La seule chose qui est favorable à M. de Blainville, ajoute Dangeau, c’est qu’il aura la queue de son manteau plus longue d’une aune que celle de M. de Sainctot ; et ainsi les charges ne sont pas égales, mais elles ne sont pas subordonnées. » Il semble à quelqu’un de spirituel avec qui je lis ce passage, que Dangeau, cette fois, a été à une ligne près de trouver cela ridicule, mais qu’il n’a pas osé. […] Louvois, cette autre providence, a tout préparé et a fait dresser de longue main les instructions, les études. […] Il est temps, c’est l’impression qu’on a, que la paix se fasse, et que le traité de Riswick arrive pour procurer à la France un intervalle de repos qui, malheureusement, ne sera pas assez long.

242. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Il y avait eu un concours, une effusion de bouches inspirées et prophétiques, qui est suivie d’un long silence, un silence d’environ cinq cents ans. […] Je l’aime mieux quand ses longueurs portent sur le caractère merveilleux du Christianisme, sur le règne de la charité, sur l’explication qu’il donne de la folie et du mystère de la Croix, qu’il semblait déjà avoir épuisé ; mais encore est-il décidément trop long, traînant ; il abonde dans ses pensées ; il y nage, mais il s’y noie. […] Un homme un peu moins profondément croyant que Bossuet n’eût pas été si long ; il n’entre si à fond dans les mystères du Christianisme divin que parce qu’il ne se contente pas, comme tant d’autres, du christianisme social. […] De même sur les Macédoniens et sur Alexandre : chez Bossuet, c’est une première et large vue ; l’homme est bien compris dans son ensemble et posé avec son vrai caractère en termes magnifiques ; l’historien orateur est égal à son sujet, à son héros ; ce portrait d’Alexandre est un portrait d’oraison funèbre ; il a le mouvement et comme le souffle oratoire : chez Montesquieu, les raisons de la politique et du génie d’Alexandre sont bien autrement recherchées et déduites ; c’est bien autrement expliqué ; chaque parole frappe comme un résultat, et l’expression est vive, figurée ; le tout gravé en airain : c’est un long bas-relief d’Alexandre.

243. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

* *   * Né à Lorient, le 4 novembre 1828, Ernest Hello, fils d’un conseiller à la Cour de cassation, semblait, avec ses longs cheveux et ses allures bizarres, sorti d’un conte fantastique d’Hoffmann. […] Issu d’une vieille famille noble, d’origine germanique, introduite en Italie à la suite de Charlemagne et devenue française à l’époque du premier empire, il portait en lui une longue hérédité d’agitations, de fièvres, de rêves éthérés et de sang lourd. […] Ils lisaient fiévreusement jusqu’à une heure fort avancée die la nuit ; mais tandis que Barrès, épuisé par cette longue suite d’incantations lyriques, et cédant au poids de la fatigue, cherchait à recréer ses forces dans le sommeil, Stanislas de Guaita, « qui avait une santé magnifique et qui en abusait, allait voir les vapeurs se lever sur les collines qui entourent Nancy, et, quand il avait réveillé la nature, il venait réveiller son compagnon en lui récitant des vers de son invention ou quelque pièce fameuse rencontrée au hasard d’une lecture ». […] La voie est longue et douloureuse.

244. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé aux funérailles de M. Stanislas Guyard, Professeur au Collège de France »

En peu d’années, il a su remplir le cadre d’une longue vie scientifique ; il en a fait assez pour sa tâche virile ; mais nous qui fondions sur lui tant d’espérances, nous qui nous consolions de vieillir en voyant grandir à côté de nous cette laborieuse et vaillante jeunesse, c’est pour nous qu’est le deuil. […] Ces monuments immenses, ou plutôt ces collines bâties, qui couvrent la plaine de Babylone, sont faites en briques de quelques centimètres de long.

245. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre VIII. Bossuet historien. »

« Ce long enchaînement des causes particulières qui font et défont les Empires, dépend des ordres secrets de la divine Providence. […] Il l’aveugle, il la précipite, il la confond par elle-même : elle s’enveloppe, elle s’embarrasse dans ses propres subtilités, et ses précautions lui sont un piège… C’est lui (Dieu) qui prépare ces effets dans les causes les plus éloignées, et qui frappe ces grands coups dont le contrecoup porte si loin… Mais que les hommes ne s’y trompent pas : Dieu redresse, quand il lui plaît, le sens égaré ; et celui qui insultait à l’aveuglement des autres, tombe lui-même dans des ténèbres plus épaisses, sans qu’il faille souvent autre chose pour lui renverser le sens, que de longues prospérités. » Que l’éloquence de l’antiquité est peu de chose auprès de cette éloquence chrétienne !

246. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Carle Vanloo  » pp. 117-119

Avec son visage long ; son air indolent et fade, on le prendrait pour un robin déguisé. […] On dit que la petite fille qui est à côté de la gouvernante et qui s’amuse à faire voler un oiseau qu’elle a lié par la patte, est un peu longue.

247. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Doyen » pp. 244-247

C’est une des suivantes d’Andromaque, agenouillée, les bras élevés vers le ciel, les mains jointes, le visage tout couvert de sa longue chevelure. […] Et ces maussades et longs soldats, à faces de cuivre rouge, et à têtes de choux, entassés les uns sur les autres, que signifient-ils ?

248. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

L’âme dévote à Notre-Dame peut avoir ses erreurs dans le long pèlerinage ; elle peut faiblir et faillir : la Vierge est là, qui, à une heure donnée, la rappelle et la sauve. […] Comme elle apprenait à lire, étant enfant, par les soins de sa sœur aînée, dans Florian, dans Estelle et Némorin, on lui faisait épeler surtout le paragraphe où il est dit (c’est le vieux Raimond qui s’adresse à Némorin) : « Cependant vous aimez ma fille ; » et là-dessus elle se sauvait dans le cimetière pour n’en pas lire davantage, et en répétant ce mot-là durant de longues heures. […] … Ne pressez pas trop le sens : ce sont là de ces vers d’elle, pénétrants et vagues, qui vous poursuivent d’une longue rêverie. […] Je veux avant tout t’épargner l’inquiétude qu’un silence plus long te causerait, sachant bien que ton cœur s’en rapporte au mien de l’empressement que je mettrai à partager avec toi le premier rayon bienfaisant que la Vierge m’enverra. […] Dans la longue maladie qui précéda sa fin, elle dut prier beaucoup, mais elle observa le silence au dehors, se recueillit absolument en elle-même et ne voulut appeler personne : elle avait toujours été pour qu’on respectât la paix des mourants.

249. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

CXXX Ma tante et mon père étaient dehors de la porte à écouter les pas des sbires qui entraînaient Hyeronimo dans la nuit ; je m’habillai dans l’ombre, mais, quand je me vis à moitié habillée, avec mes cheveux longs et bouclés, mal retenus par l’aiguille à la pointe de clou au sommet de la tête, avec ma veste brodée de vert sur la poitrine, mes bras nus sortant de ma chemise, mes manches de drap tombant vides le long de mon corps, ma jupe courte, mes pieds nus dans mes sandales pailletées qui me couvraient à peine les ongles des doigts, j’eus peur, et je me dis : « Que vas-tu faire ? […] Je me coupe les cheveux sur les tempes, sur le front, sur le cou jusqu’à la racine, et j’en jette les poignées sur mon lit ; le coffre où ma tante conservait les habits, les guêtres, les souliers, le chapeau, la zampogne de son pauvre jeune mari défunt, me frappe les yeux au pied du lit de Magdalena ; je l’ouvre, j’en tire convulsivement toutes ces hardes presque neuves : la chemise de toile écrue, avec la boucle de laiton à épingle qui la resserre comme un collier au-dessous de la poitrine ; les larges chausses de velours qui se nouent avec des boutons de corne au-dessous du genou ; la veste courte à boutons de cuivre, les souliers à clous, les longues et fortes guêtres de cuir qui en recouvrent les boucles et qui montent jusqu’au-dessus des genoux ; le chapeau de Calabre, au large rebord, retombant sur les yeux, à la tête pointue, avec sa ganse de ruban noir et ses médailles de la madone de Montenero, qui pendent et qui tintent autour de la ganse. […] Ils me reportèrent ensemble sur mon lit dans la cabane ; et quand ma tante vit mes beaux longs cheveux coupés comme une toison d’agneau, jetés sous ses pieds au bord du lit, elle jeta de tels cris qu’ils réveillèrent les corneilles sur les branches du châtaignier. […] Je fus tentée de remonter à la cabane ou bien de rester là sans faire un pas de plus, pour mourir de faim sous le lit desséché du torrent… …………………………………………………………………………………………………………………………………………… Je ne sais pas au juste combien d’heures je restai dans cette angoisse ; mais quand je m’en réveillai, les rayons plus longs du soleil avaient pénétré à moitié sous l’arche, échauffaient le sable et, en me rendant la chaleur, me rendaient la pensée et le courage. […] alors, monsieur, je pus à peine achever, malgré la dissonance si je n’achevais pas, et, malgré la peur de manquer ainsi à l’oreille de la Madone, j’achevai cependant, mais le chalumeau s’échappa de mes doigts à la dernière note de gaieté qui contrastait trop fort avec mon désespoir : mes larmes me coupèrent le souffle, la zampogne se dégonfla dessous mon coude avec un long gémissement faux, comme de quelqu’un qu’on étrangle, et je roulai évanouie sur le pont sans regarder, sans voir, jusqu’à ce qu’un char à quatre bœufs, qui menait une noce de contadini, s’arrêta devant moi, à ce qu’on me dit depuis.

250. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Dans la solitude des champs, aux longues veillées d’hiver, l’homme rêve ; bientôt il a peur et devient morne. […] Voyez celles de Cromwell par Carlyle, de Fox le quaker, de Bunyan, et les procès rapportés tout au long par Fox. […] O just and dear God, how long shall I confess my sins, and pray against them, and yet fall under them ? […] Après un long combat, il le tue. […] It made me love an holy life, and long to do something for the honour and glory of the name of the Lord Jesus.

251. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

On a peine à concevoir combien d’ouvrages il écrivit pendant ce long deuil. […] Le vieux prince prépara de longue main la chute de son favori. […] Mais un emploi que Plutarque paraît avoir rempli pendant longues années, c’est la prêtrise d’Apollon Pythien. […] L’exactitude ne doit-elle pas souvent manquer à ces rapprochements essayés sur une longue série de grands hommes ? […] C’est une longue déclamation, où brillent quelques éclairs de génie.

252. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Il façonnait de longues flûtes qu’il peinturlurait de je ne sais quelle substance rouge. […] Deux minuscules ânes se tiennent le long d’une clôture, côte à côte au soleil, sans bouger. […] Et qu’est-ce que des propos sans suite le long d’une grille de jardin, pour connaître un vieux poète ? […] Elles sonnent à petits coups, à longs éclats, en bourdonnant. […] Son âme succombait sous de nombreux malheurs, il avait fait un chemin long pour un homme de son âge.

253. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Mais les discours sur une ample matière étant divisés par de longs intervalles, exigent, chaque fois qu’on reprend la parole, une récapitulation des éléments que l’on a posés d’abord. […] Trois épithètes détachées ralentissent la marche de son premier vers, qui est de la plus longue mesure ; et le second, qui est pourtant très court, paraît plus long à prononcer encore, et demande un effort extrême : « Sur un chemin montant, sablonneux, mal-aisé, « Six forts chevaux tiraient un coche. […] À quoi bon, d’ailleurs, un long adverbe qui retarde une action rapide, et ce verbe, tourner, qui ne marque pas assez la promptitude ? […] Ainsi l’analyse détaillée de l’Iliade deviendra la grande synthèse de nos longues analyses des règles épiques. […] Le fruit des longues aversions de la Grèce était en sa maturité, quand parut l’héritier de Philippe, qui n’eut plus qu’à le cueillir avec gloire ; mais l’époque du renversement de Troie en avait jeté le germe.

254. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

* * * De longs moments où, assis près de moi dans la chambre, il n’est pas avec moi : — Où es-tu, mon ami ? […] * * * Dire que cette liaison intime et inséparable de vingt-deux ans ; dire que ces jours, ces nuits passés toujours ensemble, depuis la mort de notre mère en 1849, dire que ce long temps, pendant lequel il n’y a eu que deux séparations de vingt-quatre heures ; oui, dire que c’est fini, fini à tout jamais. […] Sur le blanc de l’oreiller, sa pauvre tête est renversée, avec l’ombre portée de son profil amaigri et de sa longue moustache projetée par les lueurs d’une bougie mourante, luttant avec le jour. […] 9 heures Dans ses yeux troubles, tout à coup, une éclaircie souriante, avec le long appuiement sur moi d’un regard diffus, et comme s’enfonçant lentement dans le lointain… Je touche ses mains : c’est du marbre mouillé. […] » * * * À midi, j’ai vu à travers la porte de la salle à manger, les chapeaux de quatre hommes noirs… Nous sommes montés dans la petite chambre… Ils ont relevé la couverture, ont glissé sur lui un drap, et en une seconde, ont fait de son maigre cadavre, à peine entrevu, un long paquet au linge rabattu sur la figure : « Doucement, ai-je dit, je sais bien qu’il est mort, mais cela ne fait rien… doucement ! 

255. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

Des phrases trop longues. […] Nous n’aurons que fort tard une histoire fidéle du Jansénisme ; il faudroit voir les choses de sang froid pour l’écrire, & tout le monde porte les armes ou pour ou contre dans cette guerre si longue, si ridicule & si funeste. […] Telle est l’affaire du Cas de conscience dont nous avons une longue & ennuyeuse histoire ; telle est celle de la Bulle Unigenitus sur laquelle nous avons tant de mémoires. […] L’ouvrage de Baillet, malgré un assez grand nombre d’erreurs, qu’il étoit impossible d’éviter dans un si long travail, est le plus exact, le plus achevé & le plus utile qui ait encore paru en françois. […] Une Histoire Ecclésiastique est une entreprise si longue & si difficile, qu’il n’est pas étonnant que M.

256. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier après les funérailles »

La mort de Charles Nodier n’a pas semblé moins prématurée que celle de Casimir Delavigne ; et quoiqu’il eût passé le terme de soixante ans, ce qui est toujours un long âge pour une vie si remplie de pensées et d’émotions, on ne peut, quand on l’a connu, c’est-à-dire aimé, s’ôter de l’idée qu’il est mort jeune. […] Ou si la mort était ce que mon cœur envie, Quelque sommeil bien long, d’un long rêve charmé, La nuit des jours passés, le songe de la vie !

257. (1875) Premiers lundis. Tome III « Instructions sur les recherches littéraires concernant le Moyen Âge »

Les longues et continuelles querelles entre le collège des chirurgiens, fondé au xiiie  siècle, et la Faculté de médecine, ont enfanté un grand nombre d’écrits qui peuvent faire connaître l’état et les prétentions de l’art chirurgical depuis Lanfranc jusqu’à Ambroise Paré. […] Vous voudrez donc bien rechercher ce que vos collections manuscrites pourraient contenir en fait de longues compositions épiques et chevaleresques, chansons dites de geste, romans en vers ou en prose se rapportant aux cycles de Charlemagne, d’Arthus, d’Alexandre ou de la guerre de Troie, ou à toute autre variété de sujets. […] Pour ces objets de peu d’étendue et qui vous paraîtraient de quelque prix, des copies entières remplaceraient convenablement les indications et descriptions que vous réserveriez aux plus longs ouvrages.

258. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

Trois longues lettres de cet écrivain qui lui sont adressées, comme suite des conversations ou entretiens qui ont eu lieu entre elle et lui, la font mieux connaître que tout ce qui aurait pu être écrit sur son compte. […] Mais dans une monarchie ancienne dont rien ne menaçait l’existence, où les affaires publiques étaient gouvernées par un pouvoir héréditaire, où une grande fortune donnait de longs loisirs, où des études suivies étaient le plus sûr moyen d’éviter les ennuis du désœuvrement, où la culture de l’esprit pouvait seule assurer des jouissances à l’âge mûr et à la vieillesse, les études de la marquise de Rambouillet étaient éminemment raisonnables. […] Mademoiselle de Rambouillet et Voiture eurent plusieurs conversations, et s’écrivirent deux lettres assez longues sur le mot car, dont plusieurs membres de l’Académie demandaient la suppression et la radiation dans le Dictionnaire.

259. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Valmiki »

Les détails mêmes, les arabesques si chères à la Fantaisie, à cette Belle au Bois dormant qui s’est assoupie au branle monotone de la littérature de Louis XIV et que la gloire du xixe  siècle sera d’avoir réveillée, toutes ces choses qui ne sont pas la poésie elle-même, mais qui y touchent, ne paraissent point là en réalité ce qu’on les croyait à distance : « Pour faire un paradis persan, — disait Lord Byron en plaisantant, — il faut beaucoup de ruisseaux de limonade et des milliers de longs yeux noirs. » Pour faire un poème indien, la méthode ne serait peut-être pas beaucoup plus compliquée… Les fragments de Colbrooke et la Sacountala, quoique traduite avec la bégueulerie française par M. de Chézy (un homme qui aurait appris la Trénis aux Bayadères), ont suffisamment montré que la métaphore indienne était vite épuisée, comme il doit arriver toujours chez les peuples immobiles, qui n’observent pas, qui n’agissent point, et qui vivent de la vie végétale de l’humanité. […] Tout ce qu’on y discerne, c’est que Rama est une mystique incarnation de Vichnou qui doit passer par toute une longue série d’épreuves, selon le dogme de cette métempsycose expiatoire, la puérile philosophie des Orientaux. […] de passage pareil, pour l’émotion, la main plongée au cœur, le secret de la passion, l’empire enfin sur la sensibilité humaine, vous n’en trouverez pas dans tout le long poème de Valmiki, lequel peut bien être un mystagogue, un fakir, un thériaki, tout ce qu’il y a de plus prisé et de plus estimé aux Indes, mais qui n’est pas un poète, du moins dans le sens inspiré que les hommes, depuis qu’on chante leur bonheur, leur gloire et leur misère, ont donné à ce titre-là.

260. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Quant à l’enseignement oral, aux longues parlottes, avec un peu de prêche, je ne les craignais point et m’y décidai assez volontiers. […] Laurent Tailhade n’y écrivit pas, parce qu’absent en longue villégiature durant ce semestre et demi que la revue vécut. […] Pour étudier des livres ainsi faits en un long espace d’années, il faudrait une place aussi vaste que le livre lui-même. […] Gabriel Vicaire débute dans les lettres au moment où le Parnasse, après une longue lutte, commence à être reconnu par le public. […] C’est l’école nouvelle qui compte des cerveaux créateurs, et après une lutte plus ou moins longue, elle triomphe.

261. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

De longs tourbillons restaient suspendus en l’air. […] Sans Télémaque, nous n’aurions pas eu la longue école de description fade qui finit à Florian, Raynal, Marmontel, Barthélémy et Ballanche, etc. […] La description trop longue devient monotone et ennuie. […] Mais toujours les hommes à longs cheveux reparaissent. […] Le long temps vivre et le peu de temps vivre, est rendu tout un par la mort : car le long et le court n’est point aux choses qui ne sont plus.

262. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Si longue que fût la route, ces jambes certes en atteindraient le bout. […] Cela s’appelle Discours à Nana et ce n’est pas très long. […] Méchant cœur, l’amour est long, la nuit est brève !  […] Parmi les pièces les moins indignes d’être conservées se trouve un long poème intitulé Pantéléia, Pantéléia, c’est-à-dire toute parfaite. […] Encrasse D’un long baiser amer les tièdes carreaux d’or.

263. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

On reconnaît l’homme de parti qui, sur l’extrême penchant de la restauration, quand « toute la multitude était folle du désir d’avoir un roi », publiait « le moyen aisé et tout prêt d’établir une libre république448 », et en décrivait le plan tout au long. […] De loin en loin un sonnet patriotique ou religieux vient rompre ce long silence ; tantôt pour louer les chefs puritains, Cromwell, Vane, Fairfax, tantôt pour honorer la mort d’une pieuse amie, ou la vie « d’une vertueuse jeune dame » ; une fois pour demander à Dieu « la vengeance de ses saints égorgés », des malheureux protestants du Piémont, « dont les os gisent épars sur les froids versants des Alpes » ; une autre fois sur sa seconde femme, morte au bout d’un an de mariage, « sa sainte » bien-aimée, qui lui est apparue en songe « comme Alceste ramenée du tombeau, avec un long vêtement blanc, pur comme son âme » : loyales amitiés, douleurs acceptées ou domptées, aspirations généreuses ou stoïques, que les revers ne firent qu’épurer. […] J’en copie dix lignes ; jugez de ce qu’il est devenu dans l’imitateur : Alors je me tournai pour voir d’où venait la voix qui me parlait, et m’étant tourné, je vis sept chandeliers d’or ; Et au milieu des sept chandeliers quelqu’un qui ressemblait au Fils de l’homme, vêtu d’une longue robe et ceint sur la poitrine d’une ceinture d’or. […] Other creatures all day long Rove idle, unemployed, and less need rest. […] Those who Melodious hymns, about the sovran throne, Alternate all night long.

264. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Il les a éparpillés au long d’aventures infinies. […] Mais, pendant cette longue heure, j’ai réfléchi. […] J’en ai fait une longue épreuve dans ma vie. […] Les vacances sont longues et oiseuses. […] On l’y réduit à un exercice de mémoire long et stérile.

265. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Cinq longues années se passèrent de la sorte, fort adoucies sans doute par les visites d’amis, par des voyages et des séjours que bientôt Bernis put faire dans le Midi chez les personnes de sa famille, mais enfin cinq années d’exil et d’éloignement obligé du monde. […] Pourtant l’étincelle sacrée ne l’animait pas ; l’ennui était fréquent ; il avait de longues heures de dégoût. […] Dans ma plus grande jeunesse elles m’ont ouvert une porte agréable dans le monde ; elles m’ont consolé de la longue disgrâce du cardinal de Fleury et de l’inflexible dureté de l’évêque de Mirepoix. […]  » Le résumé de la conduite de Bernis en cette grande et longue affaire est dans cette parole. […] Ainsi se clôt sa longue et honorable carrière diplomatique.

266. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

On a lieu de le craindre, en effet, si en présence de cet homme on parle inexactement et à la légère de ce qu’il possède à fond et qu’il a étudié de longue main : il n’a qu’un mot à dire pour dénoncer votre erreur et pour la révéler. […] En dédiant les vers latins de La Boétie au chancelier de L’Hôpital, Montaigne développe cette même idée : il se console, dit-il, de voir tant de hasard présider au choix des hommes qui gouvernent les autres, et, là même où la chose publique est le mieux réglée, le discernement faire faute trop souvent sur ce point, en considérant qu’Étienne de La Boétie, « l’un des plus propres et nécessaires hommes aux premières charges de France, avait tout du long de sa vie croupi méprisé ès cendres de son foyer domestique ». […] Certes, l’extrémité est cruelle et le cœur m’en saigne ; mais j’en ai pris mon parti de dire un long, un éternel adieu à cette terre natale… Mieux eût valu de fuir, sans doute, avant la ruine de la patrie qu’après, et de s’être épargné ce spectacle funeste : pourtant, ne nous repentons point d’avoir rempli jusqu’au bout notre devoir de bon Français, et que notre piété se console même par ce qu’elle a fait d’inutile. […] L’amitié, au contraire, se forme peu à peu, avec le temps, par la pratique, par un long commerce. […] On sait la longue liaison devenue presque classique de M. de La Rochefoucauld et de Mme de La Fayette.

267. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Je veux mordre ici en plein et sans tant de façons ; je veux parler de ces Entretiens, comme je les ai lus, au long, et en m’aidant moins encore de la traduction de M.  […] Après une longue étude de ce poëte et bien des essais pour reproduire en poésie ce que j’avais gagné à le méditer, je me tournai vers quelques-uns des meilleurs écrivains des autres temps et des autres pays, et je lus non seulement Shakspeare, mais Sophocle et Homère dans les meilleures traductions… » Eckermann, en un mot, travaille à se rendre digne d’approcher Gœthe quelque jour. […] Je ressentais près de lui un bien-être inexprimable ; j’éprouvais ce calme que peut éprouver l’homme qui, après longue fatigue et longue espérance, voit enfin exaucer ses vœux les plus chers. » Le lendemain matin, Eckermann reçoit de Gœthe une carte avec invitation de revenir. […] Nous aurions pu, Français, citer l’exemple de Millevoye, de Parny, qui réussissent dans l’élégie, dans les petits sujets personnels, et qui sont ennuyeux dans les longs poëmes chevaleresques.

268. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

À cet âge de première jeunesse, c’était un grand jeune homme long et même assez fluet, le front assez beau et spécieux, la nuque très-mince ; toujours les mains dans ses poches ; vous accostant dès qu’il vous rencontrait et ne vous lâchant plus, fussiez-vous allé par un temps de pluie d’un bout de Paris à l’autre. […] Mais il est arrivé à Bone ; il est logé, installé chez Yusuf, lequel, en légère disgrâce, est pendant ce temps-là à Paris ; il voit les amis d’Yusuf, la première Mlle Yusuf, une musulmane aux longs yeux pleins de douceur et de mélancolie, et qui lui a cédé la maison ; il s’inquiète d’abord de l’avenir de son ami, et donne de bons avis sur les hommes, sur les gouverneurs présents et passés, des jugements qui ne seraient pas tous à reproduire ici. […] Je donne textuellement et tout au long ce récit : « De Bone à Medjz-el-Ammar rien d’intéressant ; mais, après avoir passé le Raz-el-Akba, le pays dépouillé d’arbres devient un vaste désert coupé de ravins profonds et entouré de vastes montagnes pelées dans le genre de Radicofani13 ; la pluie nous a rendu visite dans ces lieux épouvantables ; il nous a fallu coucher dans la boue, mais heureusement le mauvais temps n’a duré que deux jours. […] Il y en a certains qui me paraissent des tombeaux de la même forme et de la même construption que ceux de Corneto, moins soignés cependant, mais semés çà et là le long d’une voie romaine pendant un assez long espace, deux lieues environ avant d’arriver à Sohma, où se trouve un tombeau monumental, dont j’ai fait le croquis.

269. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

À moitié route de Toro à Tordesillas, le postillon proposa de prendre un chemin de traverse dans des blés très hauts, lorsque tout d’un coup se levèrent des guérillas en partie cachés, vêtus de longs manteaux, armés de fusils. […] M. de Saint-Joseph nous y fait assister : « La chaleur que la saison et notre rapprochement du Midi rendaient chaque jour plus forte ; notre marche dans un pays sans routes, brûlé, sillonné par de longues fentes, où l’on eût dit qu’un vent dévastateur venait d’exercer ses ravages, l’épuisement des chevaux, nos fatigues, nos peines morales, tout nous rendit excessivement longue et pénible la petite distance de l’Alagon au Tago. […] Ce qu’il eut à souffrir durant cette longue captivité, que rien ne trompait ni ne consolait, et qui dans la suite ne fit que changer de cadre et de barreaux, nul ne le sait : il contenait stoïquement ses impressions. […] Avant tout, le hasard et la bizarrerie des destinées ; cette fatalité « qui préside aux événements de notre vie, qui paraît dormir dans les temps calmes, mais qui, dès que le vent s’élève, emporte l’homme à travers l’air comme une paille légère » ; les premiers succès, l’entrain du début, les heures brillantes de la vie, les espérances déjà couronnées ; puis les revers, les lenteurs, les mécomptes, les difficultés tournant à la ruine ; la prison, la souffrance, une épreuve sans terme ; une longue agonie dans l’âge de la force ; une nature d’élite écrasée, victime et martyre des persécutions ; les haines aveugles des foules, les sauvages préjugés des races ; l’horreur des guerres injustes ; toujours et partout, çà et là, quelques âmes bienfaisantes et compatissantes ; notre pauvre humanité au naturel et à nu, en bien et en mal ; une belle mort enfin, délicate et magnanime.

270. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Ampère se jeta avec tout le feu de ces années d’assaut et d’avant-garde ; mais, par la forme même de ses projets et de ses ébauches, il dénota tout d’abord son instinct des grands ouvrages et des longues entreprises. […] Dans ses courses, dès 1826, à travers l’Allemagne, dans ses stations près de Goëthe à Weimar, en cette petite cour illustre toute remplie alors des rayons de l’astre couchant, et qui en conserve aujourd’hui un culte si sacré ; dans ses pointes aventureuses en Scandinavie dont il ouvrait si bien l’investigation reprise et poussée par d’autres ; dans ses fuites et refaites, auparavant et depuis, à des rivages plus doux et aux traces du chantre de Béatrice ; dans cette longue parenthèse enfin de Drontheim à Agrigente, n’allait-il que pour amasser des idées précises, des matériaux de première main à une histoire littéraire comparée ? […] Ampère est arrivé à dominer avec étendue et certitude les siècles plus connus qui suivent et qui ne font plus que collines ou plaines ; il faut voir comme, sans hasarder, sans faire d’irruption fougueuse, et toujours avec sa hardiesse régulière, il y porte des directions neuves et longues, ou les prend à la descente par des revers justes, mais inattendus. […] Là-dessus le Père Sirmond, loin de se tenir pour battu, publia au long l’histoire de cette secte que les contradicteurs ne continuèrent pas moins d’appeler fabuleuse. […] Quand j’étais malheureux, souvent, lassé du monde, Je m’abîmais au sein d’une extase profonde ; Dans un ciel de mon choix mes sens étaient ravis ; Indicibles plaisirs de longs regrets suivis !

271. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

et combien les tristesses de la longue journée étaient compensées ! […] Quand la distance du matin au soir me paraissait trop longue, je prenais involontairement la plume et je lui écrivais ce que je n’aurais peut-être pas pu lui dire assez librement pendant la soirée suivante, afin que rien ne fût perdu de ce que la tendresse nous suggérait. […] Je me vois d’ici au bord du Rhône, dans les environs de Sion-Châtel en Bugey, assis avec quelques-uns de mes camarades, dont plusieurs vivent encore, sur un gros tronc d’arbre couché à terre par les scieurs de long, aux clartés d’un beau soleil d’automne. […] Ils avaient été tous persécutés, emprisonnés, exilés pendant la longue Terreur. […] Il ne faut pas de longues résidences à ces hommes d’imagination.

272. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Télémaque, pendant ce long voyage, tantôt heureux, tantôt traversé par le destin, aborde ou échoue sur mille rivages, assiste à des civilisations diverses, expliquées par son maître Mentor, court des dangers, éprouve des passions, est exposé à des piéges d’orgueil, de gloire, de volupté, en triomphe avec l’aide de cette Sagesse invisible qui le conseille et le protége, se mûrit par les années, se corrige par l’expérience, devient un prince accompli, et voyant régner, dans les contrées qu’il parcourt, tantôt de bons rois, tantôt des républiques, tantôt des tyrannies, reçoit, par l’exemple, des leçons de gouvernement qu’il appliquera ensuite à ses peuples. […] XIX Au retour de ce long pèlerinage, madame Guyon fit imprimer à Lyon une explication du Cantique des cantiques de Salomon, et quelques autres écrits sur la contemplation. […] Le religieux, interrogé, jeté à la Bastille, fut enfin renfermé au château de Lourdes, dans les Pyrénées, pour y languir pendant de longues années d’expiation. […] Elle y mourut, de longues années après, dans une renommée de piété et de vertu qui ne se démentit jamais et qui justifie l’estime de Fénelon. […] C’est à Cambrai, pendant les tristes années où l’Europe liguée faisait expier à Louis XIV l’éclat dominateur, les longues prospérités, la gloire hautaine de tout son règne, qu’il faut surtout admirer Fénelon.

273. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

La description qu’a faite de ce premier séjour l’un des collègues de Malezieu, l’abbé Genest, et qu’il a adressée à Mlle de Scudéry, est assez piquante et nous montre l’origine de ce long jeu de bergerie qui va devenir l’existence même de la duchesse. […] …………………………………………………        Avec cet habit et ce nez,        Ce nez long de plus de deux aunes, Il faut donc que ce soit le magister des faunes. […] Ceci interrompit un peu les fêtes de Sceaux, et il y a deux temps, deux époques distinctes dans cette longue vie mythologique de plaisirs, dans ce que j’appelle cette vie entre deux charmilles : la première époque, celle des espérances, de l’ivresse orgueilleuse, et de l’ambition cachée sous les fleurs ; puis la seconde époque, après le but manqué, après le désappointement et le mécompte, si l’on peut employer ces mots ; car, même après une telle chute, après la dégradation du rang et l’outrage, après la conspiration avortée et la prison, cette incorrigible nature, revenue aux lieux accoutumés, retrouva sans trop d’effort le même orgueil, le même enivrement, le même entêtement de soi, la même faculté d’illusion active et bruyante, de même qu’à soixante-dix ans elle se voyait encore jeune et toujours bergère. […] Tous ceux qui ont parlé d’elle ont noté ce tour précis de son esprit et cette justesse dans le brillant : elle était de cette école de la fin du xviie  siècle, à qui Mme de Maintenon avait appris que les longues phrases sont un défaut. […] Voilà ce qu’observait Mlle de Launay, notre La Bruyère de céans ; et elle couronne ses Mémoires par un portrait de la duchesse du Maine, qu’il faudrait transcrire tout au long, tant il est complet et achevé, et tant elle y résume l’espèce entière dans la personne du plus curieux individu.

274. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Mlle de Scudéry, « qui était de très bonne mine » et d’assez grand air, n’avait aucune beauté : « C’est une grande personne maigre et noire, et qui a le visage fort long », nous dit Tallemant. […] Après avoir parlé de la longue suite d’aïeux que pouvait compter son héroïne : Sapho, ajoutait-elle, a encore eu l’avantage que son père et sa mère avaient tous deux beaucoup d’esprit et beaucoup de vertu ; mais elle eut le malheur de les perdre de si bonne heure, qu’elle ne put recevoir d’eux que les premières inclinations au bien, car elle n’avait que six ans lorsqu’ils moururent. […] Conrart est devenu Cléodamas, et il a, près d’Agrigente, une jolie maison de campagne qu’on nous décrit au long, et qui n’est autre que celle d’Athis, près de Paris. […] Et puis, décrire de la sorte ses amis et connaissances tout au long, et leur maison de ville et leur maison de campagne, cela servait, tout en les flattant, à faire des pages et à grossir le volume. […] Cousin y a réussi sans peine, mais comme on n’avait pas eu l’idée ni la patience de le vérifier à ce degré avant lui, on s’assure que Mlle de Scudéry qui faisait flèche de tout bois, avait reçu de l’hôtel de Condé des documents que, moyennant un déguisement léger, elle introduisit au long dans son livre ; la bataille de Rocroi, celle de Lens, le siège de Dunkerque sous le nom de siège de Cumes, y sont décrits avec toutes leurs particularités ; elle imprima ses notes et pièces toutes vives : cela flattait les Condés, et cela lui épargnait à elle-même des frais d’invention, cela faisait de la copie pour l’imprimeur, sorte de considération qu’il ne faut jamais oublier quand on parle de Mlle de Scudéry.

275. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Voici un échantillon de la scène : s’étant écarté seul un moment de sa chaise de poste, et, étant entré dans une forêt de sapins assez claire, il si trouva en face d’un homme armé d’un long coutelas, qui lui demanda, en allemand, la bourse ou la vie, Beaumarchais, au lieu de sa bourse, tire de son gousset un pistolet, et, de l’autre main, il tient sa canne pour parer les coups. […] La pièce était primitivement en cinq actes, et elle parut longue ; faut-il le dire ? […] C’est une de plus que pour Scudéry… La première représentation a été fort tumultueuse, comme on peut se l’imaginer, et si extraordinairement longue, qu’on n’est sorti du spectacle qu’à dix heures, quoiqu’il n’y eût pas de petite pièce ; car la comédie de Beaumarchais, remplit le spectacle entier, ce qui est même une sorte de nouveauté de plus. […] C’est une de plus que pour Scudéry… La première représentation a été fort tumultueuse, comme on peut se l’imaginer, et si extraordinairement longue, qu’on n’est sorti du spectacle qu’à dix heures, quoiqu’il n’y eût pas de petite pièce ; car la comédie de Beaumarchais, remplit le spectacle entier, ce qui est même une sorte de nouveauté de plus. […] Le roi trompé m’a puni d’une faute que je n’ai pas commise ; mais, si mes ennemis sont parvenus à exciter son courroux, ils n’ont pu altérer sa justice… Oui, monsieur, il est très vrai que Sa Majesté a daigné signer pour moi, depuis ma disgrâce, une ordonnance de comptant de 2 150 000 livres sur de longues avances dont je sollicitais le remboursement auprès du roi, tandis qu’on m’accusait du crime odieux de lui manquer de respect.

276. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Ce n’est pas long, comme vous voyez ! […] … Et savez-vous aussi, vous, brillante de charmes, Que ce jeune homme, objet de vos tardifs aveux, N’était pas un amant aux longs et noirs cheveux, Au noble front rêveur, à la marche assurée ? […] Nous ne sommes plus un misanthrope, et pour preuve, le poète qui naguère en avait les défiances fait précéder ses Consolations d’un long fragment en prose Sur l’amitié, dans lequel, de réel et de cru qu’il était dans Joseph Delorme, il devient mystique et vaporeux, mais vaporeux d’une vapeur d’encens. […] Lui si net, si concentré dans son Joseph Delorme, quelquefois dur dans les contournements de son dessin, ardemment maigre avec sa pommette écarlate, comme l’impressive poitrinaire qui est sa Muse, le voilà lymphatique maintenant avec des chairs rosaires, un peu macérées ; le voilà qui s’enfle en de longues périodes qui n’en finissent plus ! J’ai compté, page 224 (et c’est sa manière habituelle), vingt-quatre vers pour une seule phrase, ce qui, en prose même, serait long.

277. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire »

La ballade, à peine altérée en passant de bouche en bouche, le raconte au long : Ors, écoutez naïve histoire, Histoire des jours d’autrefois, Quand chevaliers aimaient la gloire, Dieu, les dames et les tournois. […] L’éclair s’échappe en longs sillons ; Dans les sapins le vent fait rage, Siffle et mugit en tourbillons.

278. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Karr, Alphonse (1808-1890) »

bien découvert aux extrémités sous une chevelure drue, noire comme l’Érèbe et tondue de près, les yeux non démesurément ouverts, mais lumineux, sagaces, avec une étincelle de flamme et bien abrités sous leurs sourcils presque droits, le nez osseux, torturé, à l’arête large, aux narines coupées très hardiment, et s’enflant un peu au bout comme celui des grands penseurs, les joues solides, halées par le soleil et le vent de la mer, accusaient une énergie invincible, et la bouche ironique, bienveillante, sensuelle, aux lèvres pourprées, éclatait de vie dans une longue barbe ondoyante et tortueuse comme celle de Clément Marot. […] Aujourd’hui, après qu’il a neigé sur ce chêne formidable, Alphonse Karr ressemble au Pape des Sages, car sa très longue barbe, qu’il porte en éventail, est devenue blanche comme le plumage d’un cygne, et sur son visage quelques chères rides sont les coups de griffe que lui donne, en s’enfuyant, l’insaisissable chimère !

279. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Carle Vanloo » pp. 183-186

C’est une longue figure, soutenue sur deux longues jambes fluettes.

280. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une conspiration sous Abdul-Théo. Vaudeville turc en trois journées, mêlé d’orientales — Deuxième journée. Les conspirateurs » pp. 225-233

. — Salle longue. — En face de la porte est suspendue une charge signée Carjat-Bey, qui représente Omer-Dinochau abjurant la foi chrétienne entre les mains de l’iman. — Autour de la salle, des nattes où sont étalés six concombres crus, un morceau de mouton, des boulettes de riz et des crêpes au miel. […] (Entre Méry-Achmet armé d’un long fusil albanais.)

281. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Quelle enfance Byron mena dans l’antre de « cette lionne », dans quelles tempêtes d’insultes entrecoupées d’attendrissements il vécut lui-même, aussi passionné et plus amer, c’est ce qu’un long récit pourrait seul dire. […] Tous les jours, pendant de longues heures, il boxe, il tire le pistolet, il s’exerce au sabre, il court et saute, il monte à cheval, il dompte des résistances. […] Cependant les longues lames pesantes déferlaient sur les rocs avec le craquement d’une forêt de chênes fracassés par un tourbillon », le navire arrivait sur l’écueil ; on ne vit point pendant tout ce temps Byron changer de visage […] Toute la nuit il entend leur long galop monotone, et à la fin sa force s’abat : « la terre s’enfonçait, le ciel roulait ; —  il me sembla que je tombais à terre : — je me trompais, j’étais trop bien lié ! […] Voyez cela tout au long dans les Martyrs.

282. (1898) Essai sur Goethe

Cependant, la critique allemande, avec une infatigable ardeur, travaille sur l’œuvre énorme, sur la longue existence si remplie et si riche. […] Il l’eut d’une façon très directe : lui qui, pendant de longues années, depuis l’époque lointaine de ses débuts, ne connaissait que le succès, il subit coup sur coup deux échecs. […] Il ne s’arrêta jamais longtemps sur une idée ni sur un parti pris, tant que dura, du moins, la période de sa « formation », qui est la plus intéressante de sa longue carrière. […] Surtout, la princesse parut un portrait ressemblant de Mme de Stein : l’on ne doute pas que Goethe ait ici retracé, sous les couleurs qu’il tenait à lui donner, l’histoire de leur longue liaison. […] Leur existence n’est qu’une longue bataille contre le besoin

283. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Puis, il resta ainsi, paralysé, l’encolure longue, hideux, hérissé de pailles. […] Jusqu’à la petite carrière, le voyage fut très long. […] Ces notes d’autrefois étaient très détaillées, très longues, renfermaient des descriptions très complètes. […] Ce ne fut pas long. […] Il remarqua qu’elle portait d’une main quelque chose d’assez long, dans un papier.

284. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

Puis il passe à la silhouette d’Ampère, qu’il a beaucoup connu, et qui venait le voir, presque tous les matins, pendant le long temps où Sainte-Beuve, pris d’horreur pour le monde, s’était claquemuré à l’hôtel du Commerce. […] Il a une parole amène tombant d’une bouche aux dents longues d’une vieille Anglaise. […] Sortant de prononcer son discours à l’Académie, un ami lui dit que son discours était un peu long : “Mais je ne suis pas fatigué ! […] Il remue avec joie tout son vestiaire de mascarade orientale, et le voilà se costumant, et montrant, sous le tarbouch, une tête de Turc magnifique, avec ses traits énergiques, son teint sanguin, ses longues moustaches tombantes… et du fond de ses loques colorées, il finit par retirer, en soupirant, la vieille culotte de peau de ses longues chevauchées, une culotte de peau toute ratatinée, — et qu’il considère avec l’attendrissement d’un serpent qui contemplerait sa vieille peau. […] » Un moment de rêverie, au bout de laquelle Michelet reprend « : Je traversais un jour l’Angleterre dans sa partie la plus large, de York à… J’étais à Halifax… Il y avait des trottoirs dans la campagne, une herbe aussi bien tenue que le trottoir, et le long, des moutons qui paissaient… tout cela éclairé au gaz.

285. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Tel récit qui vous semblait long s’anime et prend au feu de la rampe du relief et de la couleur. […] On assure que nous allons la voir se dérouler tout du long avec force nouveaux costumes et mélodies du temps. […] Le public a trouvé les chœurs un peu traînants et les danses trop longues. […] Du monde près de nous a passé tout du long, etc., etc. […] Diafoirus entame un long éloge de son fils.

286. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Et dans les moments de repos, une longue contemplation du profil en bronze de mon frère, posé sur la table de travail, de mon frère si ressemblant, par moment, sous des coups de jour cherchés par moi, et qui me le font revoir dans la vie de son joli et spirituel visage. […] Et, en effet, comme si je l’avais demandé, au moment où je posais le pied sur la dernière marche, un vieux landau s’engageait à reculons devant moi, dans l’allée resserrée entre de hauts murs, et si étroite que je ne pouvais voir l’attelage, — et l’allée, longue, longue, ne finissait pas. […] Ça peut être encore long, ma foi, je m’en vais. […] Là-dessus, à la suite de son père, le jeune Daudet déclare sans respect pour les théories de Zola, que la symphonie est la seule forme haute de la musique, et professe très éloquemment, que la musique ne doit avoir qu’une action auditive, et donner un plaisir des sens, s’étend sur Beethoven, et en parle un long temps en passionné, un long temps, pendant lequel Zola garde le silence… au bout de quoi, après un profond soupir, et avec la voix presque plaintive d’un enfant, il laisse tomber : « Pourquoi voulez-vous contrarier mon projet d’opéra ?  […] Et me voilà devant le colossal sphinx de granit rose de l’entrée, devant cette puissante image de la royauté, soudant une tête d’homme à un corps de lion, dont les pattes reposent sur un anneau : symbole d’une longue succession de siècles.

287. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

Courage surnaturel, mais auquel il s’était par avance essayé de longue main et presque accoutumé avant le dernier jour ! […] Il ne pouvait en finir de cette longue première jeunesse. […] Habitué dans sa longue vie des champs à vivre avec des inférieurs, il ne se contraignait en rien ; il n’avait pas le tact, il ne prenait pas garde aux bienséances. […] Nous avons eu de longues conférences, et dimanche je communierai comme un vrai chrétien. […] La liste en est longue, et leurs cendres seront bien froides quand vous aurez à vous attrister et la lisant.

288. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

La liaison si longue et si inviolable qu’eut Mme de La Fayette avec M. de La Rochefoucauld fait ressembler sa vie elle-même à un roman, à un roman sage (roman toutefois), plus hors de règle que la vie de Mme de Sévigné, qui n’aime que sa fille, moins calculé et concerté que celle de Mme de Maintenon, qui ne vise qu’au sacrement avec le roi. […] Dans son beau et vaste jardin de la rue de Vaugirard, si verdoyant, si embaumé, dans la maison de Gourville à Saint-Maur, où elle s’habitue en amie franche, à Fleury-sous-Meudon, où elle va respirer l’air des bois, on la suit malade, mélancolique ; on voit cette figure longue et sérieuse s’amaigrir et se dévorer. […] L’austérité de la fin sent bien cette vue si longue et si prochaine de la mort, qui fait paraître les choses de cette vie de cet œil si différent 120, dont on les voit en santé. […] Depuis la mort de M. de La Rochefoucauld, les idées de Mme de La Fayette se tournèrent de plus en plus à la religion ; on en a un témoignage précieux dans une belle et longue lettre de Du Guet, qui est à elle. […] Il est donc important de vous nourrir alors d’un pain plus solide que ne sont des pensées qui n’ont point de but, et dont les plus innocentes sont celles qui ne sont qu’inutiles ; et je croirois que vous ne pourriez mieux employer un temps si tranquille qu’à vous rendre compte à vous-même d’une vie déjà fort longue, et dont il ne vous reste rien qu’une réputation dont vous comprenez mieux que personne la vanité.

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