Les vrais débuts de Taine, c’est, avant même les Philosophes, le Voyage aux Pyrénées. […] La sottise sincère et vraie a d’ailleurs son utilité. […] L’attitude du vieillard gâté par la popularité ne peut faire illusion sur la vraie nature de l’homme. […] Mais l’inverse n’est pas vrai ; le style seul n’est rien. […] Il est vrai qu’en un ou deux mots ce mot n’est plus qu’une curiosité.
C’est pourquoi le personnage d’Armande est parfaitement vrai. […] Non, ce n’est pas là de la poésie pure et vraie. […] Le mot est vieux et presque vulgaire, mais il est vrai, désespérément vrai. […] Mais le dépit même jette une lumière nouvelle sur la vraie situation de son cœur. […] Il n’y a pas d’amour vrai, c’est-à-dire poétique, sans jalousie.
Jean Giraud, c’est le vrai Turcaret. […] Ma vraie complémentaire, c’est l’âme sublime d’Hélène. […] Elle est insupportable, soit ; mais je la crois vraie. […] » Almério dit : « C’est vrai ! […] Obéis. — Ainsi, c’est donc vrai ?
Tant il est vrai que l’esprit humain, abandonné à ses seules lumières, est facile à séduire, & sujet à s’égarer. […] Comme le goût tient à la vérité, & qu’il étoit perdu depuis long-temps, le faux prit la place du vrai. […] Il est vrai qu’alors l’institution de la jeunesse étoit mâle & vigoureuse : aussi formoit-on des hommes. […] Cette Comédie admirable, digne du génie de Molière, est la seule Comédie, qui existe dans le vrai genre, depuis le Misantrope. […] Quel fonds inépuisable de vrai comique !
Mais, malgré les applaudissemens du Parterre, les vrais Littérateurs sauront toujours à quoi s'en tenir. Ils ne reconnoîtront dans l'accueil qu'on fait à ces sortes de Productions, que la corruption du goût des Spectateurs ; & dans les Auteurs, que l'impuissance d'atteindre à ce vrai comique, sans lequel il n'est plus de Comédie.
Il est vrai qu'en corrigeant les Lettres d'un abus, cet Ouvrage leur a rendu un très-mauvais service en en bannissant l'érudition. […] Soit que l'anecdote qu'on y raconte à son sujet, soit vraie ou fausse, il est certain que celui-ci se déchaîna contre l'Auteur en particulier & en public.
Telle est l’illusion de la vanité littéraire : on oublie que le génie seul peut conduire à l’immortalité, & l’on se flatte que quelques légeres étincelles d’esprit pourront résister au souffle du temps, qui ne respecte que les vraies lumieres. […] On trouve en effet d’excellentes vûes dans ses Entretiens sur les Tragédies, & des idées très-justes dans ses Réflexions sur les défauts d’autrui, témoin celle-ci, plus vraie qu’élégamment exprimée : le signe de la médiocrité, dans les Auteurs, est la révolte contre la critique.
Ballanche se retrouvent, il est vrai, dans ses rares écrits d’alors, mais éparses, isolées, en germe et à l’ombre, et comme il l’a dit souvent, s’ignorant elles-mêmes. […] La dynastie restaurée des Bourbons, arbre ainsi replanté, ne vécut jamais qu’à l’extérieur et par l’écorce, ayant dédaigné d’enfoncer ses racines dans la vraie terre. […] Et pourtant, comme il aboutit en d’âpres mécomptes, comme il vous use à des réalisations impossibles ici-bas, comme il vous jette à la merci des systèmes universels, qui n’ont en eux ni la vraie morale dont ils se passent, ni le bonheur délirant dont ils vous leurrent, il est bon d’y opposer l’avertissement ; et ce que M. […] Il s’en retourna égaré à son banc, ayant voté la mort. — Ce qui est vrai de l’Homme sans nom l’est aussi à quelque degré, j’en suis certain, des personnages introduits ailleurs par M. […] L’attitude d’Armand Carrel pris perpétuellement à témoin et invoqué pour arbitre par mes adversaires, son silence obstiné (je m’étais, il est vrai, abstenu soigneusement de le voir, mais M.
Est-il vrai qu’il y ait pénurie d’hommes, disette de génie, affaissement du ressort, abaissement du niveau ? […] Voilà pourquoi on l’accuse de ne pas avoir de caractère ; cela est vrai ; mais cela est bien plus beau, car elle en a plusieurs. […] On peut admirer tout de lui, excepté le caractère naturel, vrai, proportionné et sobre de son pays. […] Le plus grand peintre (nous ne disons pas le plus vrai) est celui qui aime ou qui hait le plus ses modèles. […] Voulez-vous voir le chef-d’œuvre, dépouillez la statue ; cela est aussi vrai de l’esprit que du corps.
Quel rapport de ces idées vraies ou fausses avec les ruines de Robert ? […] Les fabriques sont de la touche la plus vraie ; la couleur de chaque objet est ce qu’elle doit être, soit réelle, soit locale. […] Il faut ruiner un palais pour en faire un objet d’intérêt ; tant il est vrai que quel que soit le faire, point de vraie beauté sans l’idéal. […] Voilà un tableau du faire le plus facile et le plus vrai. […] La servante que nous avons trouvée sur les degrés de l’entrée est on ne saurait plus naturelle et plus vraie.
Ajax & Didon n’expriment leur indignation que par le silence : il est vrai que l’indignation est une passion taciturne, mais elles ont toutes des momens où le silence est leur expression la plus énergique & la plus vraie. […] Il n’est pas moins vrai que la prison de Sigismond en est une qu’on auroit dû suivre. […] Essayons d’y démêler le vrai. […] Voilà le vrai. […] Or quel vrai bien d’un monstre peut-il naître ?
L’histoire d’ailleurs a du vrai ; il y a de charmants portraits et des scènes excellentes. […] Le vieil officier cherche à le détromper : il lui montre la différence qu’il y a entre un homme peu scrupuleux qui, dans la réalité, dans la conversation, se laisse animer et accepte les choses les plus fortes, et ce même homme, devenu tranquille, qui les apprécie en les lisant : « Il est vrai, dit-il, que ce lecteur est homme aussi : mais c’est alors un homme en repos qui a du goût, qui est délicat, qui s’attend qu’on fera rire son esprit, qui veut pourtant bien qu’on le débauche, mais honnêtement, avec des façons et avec de la décence. » C’est un éloge à donner à Marivaux que, venu à une époque si licencieuse, et lui qui a si bien connu le côté malin et coquin du cœur, il n’a, dans l’expression de ses tableaux, jamais dépassé les bornes. […] Et le tout finit par un double mariage, qui est l’inverse de celui qu’on avait prévu d’abord : tant il est vrai que dans la vie il faut un peu de flatterie, même pour s’aimer avec amour et se plaire avec quelque passion. […] Marivaux avait dans l’esprit, on l’a vu, un coin de sérieux qui eût mérité de trouver grâce auprès des vrais et modestes philosophes, et que d’Alembert du moins a senti. […] » C’est qu’il y a un fonds chez Marivaux ; il a sa forme à lui, singulière en effet, et dont il abuse ; mais comme cette forme porte sur un coin réel et vrai de la nature humaine, c’est assez pour qu’il vive et pour qu’il reste de lui mieux qu’un nom.
Cela n’est sans doute pas moins vrai pour les savants livrés à ces études lentes et profondes, et qui n’ont que faire des passions d’alentour. […] Condorcet le premier sentit qu’il était temps d’exposer les vrais titres des hommes éminents dont l’Académie des sciences s’était honorée ; mais, malgré le mérite de quelques-uns de ses éloges, il ne sut point offrir de parfaits modèles de ce genre nouveau. […] En parlant de Fresnel, cet homme d’un vrai génie mort jeune après avoir fait des découvertes délicates et rares, et avec lequel il avait été uni par l’analogie des travaux comme par le cœur, M. […] On apprécie, grâce à lui, la portée de l’homme dont il vous entretient ; il vous fait mesurer avec poids la force de sa trempe ; il le classe en général à son vrai rang (si ce n’est qu’un savant, non un politique) ; il discute ses titres avec une passion sérieuse et une impartialité définitive (toujours si ce n’est qu’un savant). Dans la biographie de Thomas Young, une des meilleures qu’il ait écrites, il arrive à une conclusion des plus judicieuses et des plus fines, lorsque, pour refuser à l’illustre docteur la gloire d’avoir découvert la vraie théorie des hiéroglyphes égyptiens et la maintenir à Champollion, il s’appuie de l’exemple de ce même Young et lui maintient contre Hooke l’honneur d’avoir découvert ce qu’on appelle en optique les interférences, se servant d’un raisonnement analogue dans les deux cas pour le couronner à la fois et pour le réduire.
On a depuis longtemps recueilli sous le titre de Lettres spirituelles les lettres de Fénelon qui portent spécialement sur ces points de la vie intérieure, et dans lesquelles il enseigne à faire de vrais progrès « dans l’art d’aimer Dieu ». […] Et il conseillait comme vrai remède de sauver chaque jour quelques heures pour la prière et pour la lecture. […] Fénelon, comme tous les vrais chrétiens, trouverait cette façon d’atteindre à la sagesse et au bonheur bien morne et bien insuffisante ; ce n’est point en se réfugiant et en se retranchant dans le moi qu’il croit possible de trouver la paix : car en nous, pense-t-il, et dans notre nature sont les racines de tous nos maux ; tant que nous restons renfermés dans nous-mêmes, nous offrons prise sous le souffle du dehors à toutes les impressions sensibles et douloureuses : Notre humeur nous expose à celle d’autrui ; nos passions s’entrechoquent avec celles de nos voisins ; nos désirs sont autant d’endroits par où nous donnons prise à tous les traits du reste des hommes ; notre orgueil, qui est incompatible avec l’orgueil du prochain, s’élève comme les flots de la mer irritée : tout nous combat, tout nous repousse, tout nous attaque ; nous sommes ouverts de toutes parts par la sensibilité de nos passions et par la jalousie de notre orgueil. Le remède, à ses yeux, est donc de sortir de soi pour trouver la paix, et de s’élever par le cœur et par la prière, de se plonger et de se perdre autant qu’on le peut dans la pensée de l’Être infini, de l’Être paternel, aimant et bon, et toujours présent ; d’obtenir, s’il est possible, que sa volonté se substitue en nous à la nôtre : Alors on goûte la vraie paix réservée aux hommes de bonne volonté… ; alors les hommes ne peuvent plus rien sur nous, car ils ne peuvent plus nous prendre par nos désirs ni par nos craintes ; alors nous voulons tout et nous ne voulons rien. […] Il insiste sur ce point un peu subtil, que, dans la prière, il faut tâcher de se taire soi-même pour ne laisser parler que l’esprit de Dieu en nous : « Il n’y a plus de vrai silence, dit-il, dès qu’on s’écoute.
Il est vrai qu’il fut prieur, non pas prieur de moines, mais prieur de Florence, c’est-à-dire l’un des sénateurs, etc. […] Sans doute il le sentit plutôt en artiste qu’en philosophe ou en historien ; il le prit plutôt par le style que par l’ordre de ses idées ; il méconnut le théologien ; il négligea le côté tendre, suave même et idéalement amoureux ; il ne l’aborda que par L’Enfer, ne le suivit point au-delà, et y laissa ses lecteurs comme si ç’avait été le vrai but. […] La bizarrerie du poème continuait à être un obstacle et une sorte d’épouvantail : cette bizarrerie ne pouvait cesser d’être réputée telle que lorsqu’on aurait pénétré dans l’œuvre par la vraie voie, par la véritable entrée qui était encore peu expugnable, celle du Moyen Âge. […] Fauriel, l’ancien ami et l’admirateur de Cabanis, devint pourtant le maître et l’un des guides exacts d’Ozanam : c’est que l’amour de la science et d’une science vraie, cette autre religion sincère, les unissait et les rapprochait étroitement par l’inspiration comme dans les résultats. […] Mais comme Dante est un génie compliqué et qui pense toujours à plus d’une chose à la fois, il n’est pas moins vrai qu’en même temps que l’apothéose de Béatrix, de la femme aimée, est le but principal de La Divine Comédie, le poète, pour mieux parer et honorer cette âme céleste, lui a prêté bien des traits allégoriques par lesquels il tend à la transformer insensiblement et à la confondre dans la plus noble et la plus lumineuse des sciences selon le Moyen Âge, dans la Théologie elle-même.
Saint-Amant et Théophile sont de vrais poètes ayant verve, mouvement et une sorte d’originalité ; ils se distinguent entre tous ceux de cette époque intermédiaire (j’excepte bien entendu Rotrou et Corneille, par nobile fratrum, dans l’ordre des auteurs dramatiques). […] Toutefois il a entrevu quelque chose, il a eu un éclair de nouveauté et de libre peinture ; sa chaleur de jeunesse l’a bien servi, et dans cette pièce, de même que dans la suivante, intitulée Le Contemplateur et adressée à l’évêque de Nantes Cospeau, il a eu en présence de la nature l’aperçu de certains genres de poésie descriptive ou méditative qui ont sommeillé durant près de deux siècles encore, pour n’éclore et ne se développer dans leur vraie et pleine saison que de nos jours. […] Cette pièce est d’un sentiment très vrai ; il n’y a pas trop de charge, contre l’ordinaire de Saint-Amant ; il n’y manque qu’un certain vernis, un certain éclat et un tissu plus serré d’expression, pour l’élever à fart et en faire un petit chef-d’œuvre. […] Et sans être un Poussin en gravité, Saint-Évremond, cet esprit délicat, n’a-t-il pas dit dans un écrit sur la vraie et la fausse beauté des ouvrages d’esprit, et en traitant de l’honnêteté des expressions : Je m’avise peut-être trop tard de faire ces réflexions ; mais c’est ordinairement lorsque l’on est arrivé où l’on voulait aller, et que l’on parle du chemin que l’on a fait et de la route que l’on a tenue, que l’on s’aperçoit de ses égarements. […] La vraie critique, telle que je me la définis, consiste plus que jamais à étudier chaque être, c’est-à-dire chaque auteur, chaque talent, selon les conditions de sa nature, à en faire une vive et fidèle description, à charge toutefois de le classer ensuite et de le mettre à sa place dans l’ordre de l’art.
J’ai besoin tout d’abord de le rapporter à son vrai moment, à ses vraies origines. […] Quand on erre, on sent qu’on suit la vraie condition de l’humanité ; c’est là, je crois, le secret du charme » ; il essaye, à ce moment de sa vie, de concilier le christianisme et le culte de la nature ; il cherche, s’il se peut, un rapport mystique entre l’adoration de cette nature qui vient se concentrer dans le cœur de l’homme et s’y sacrifier comme sur un autel, et l’immolation eucharistique dans ce même cœur. […] Dans ses excursions par le pays et quand il traverse les landes, c’est bien alors que la nature lui apparaît maigre et triste, en habit de mendiante et de pauvresse ; mais pour cela il ne la dédaigne : il a fait sur ce thème des vers bien pénétrants et où l’âpreté du pays est rendue au vrai ; il la comprend si bien, cette âpreté, il la serre de si près qu’il en triomphe. […] Qui eût dit alors à ceux qui se groupaient encore autour du maître, que celui qui venait de leur donner de sa main la communion ne la donnerait plus à personne, qu’il la refuserait lui-même à tout jamais, et qu’il allait avoir bientôt pour devise trop vraie un Chêne brisé par Forage, avec cette légende altière : Je romps et ne plie pas ?
Il s’est demandé, par exemple, comment Guillaume d’Orange étant (selon lui) un usurpateur, il n’en était pas moins vrai que Georges III régnait en souverain légitime : « À quel moment, se disait-il, entre ces deux points extrêmes la légitimité a-t-elle commencé ? […] Après tout ce que la France a fait souffrir à nous et à l’Europe, le sentiment qui nous écarterait d’elle serait assez naturel ; cependant ce sentiment serait trompeur, et l’axiome prêché depuis dix ans semble plus vrai que jamais : « Point de salut que par la France ! […] Cela est vrai du moins les jours d’assaut. […] Est-ce à dire qu’il attend de ce travail une vraie régénération ? […] [NdA] À cet endroit je me suis rendu coupable, à ce que j’ai appris depuis, d’une bien grave omission ; car, quoiqu’en général il soit vrai de dire que le travail de M.
— C’est alors que le vrai miracle commence : une voix se fait entendre dans les airs annonçant distinctement le fils de l’homme. […] Necker), mon jeune ami, plaignez-moi ; plaignez cette pauvre tête grisonnante qui, ne sachant où se poser, va nageant dans les espaces, et sent pour son malheur que les bruits qu’on a répandus d’elle ne sont encore vrais qu’à demi. […] S’il ne haïssait point la vie à laquelle cependant il imputait tant de maux, il ne haïssait pas non plus la France, sa vraie patrie, celle qui était la plus faite pour le goûter et le comprendre ; il écrivait : Les Français ne me haïssent point, mon cœur me dit que cela ne peut pas être. […] Les vrais Français n’écrivent point de ce ton-là, surtout contre des infortunés ; ils m’ont maltraité sans doute, mais ils l’ont fait à regret. […] Rousseau n’a jamais écrit, en parlant des amours-propres empressés à se mettre en avant : « Il est vrai qu’on a grand soin de couvrir le motif de cet empressement du fond des belles paroles » (page 287) ; mais il a sans doute écrit : du fard des belles paroles.
Il aimait à raconter ses aventures, j’aimais à les entendre, ce qui avait un grand charme pour lui ; car je soupçonne que ce que j’entendais pour la première fois, les gens de sa Cour l’entendaient pour la centième… « Je me souviens de l’impression que me firent les récits du prince ; j’étais étonné de l’entendre parler sans fiel de ses ennemis, et sans reconnaissance pour ses amis : c’était un vrai Stuart. […] Après y avoir mis d’abord quelque mystère et s’être donné des rendez-vous l’été, en Alsace, au pied des Vosges, à Bade et au bord du Rhin, ils se réunirent pour ne plus se quitter, soit dans leurs voyages, soit dans les séjours qu’ils firent à Paris et à Londres, à la veille et dans les premières années de la Révolution française, soit en dernier lieu dans leur installation à Florence, le cher théâtre de leur première rencontre et leur vraie patrie. […] Je ne demande pas une admiration excessive pour Mme d’Albany que j’aurai bientôt à définir, sous sa forme dernière, comme une personne gracieuse, distinguée et surtout sensée, comme une vraie reine de salon et une maîtresse de maison parfaite, dont la mort, en 1824, mit le deuil dans Florence et fut une perte pour la société européenne tout entière ; mais, à considérer sa vie telle qu’elle sut la réparer et la fixer, je ne vois pas qu’il y ait lieu ni prétexte contre elle, de la part d’un esprit juste, à aucun anathème. Alfieri, il est vrai, son grand ami, qui régna vingt-cinq ans sur son cœur, ne nous est guère sympathique ; il ne nous aime pas, Français ; que dis-je ? […] Voilà le vrai point de vue.
Celle de Racine, je l’ai dit, et de tout ce qui l’environnait était entière et absolue : c’est la vraie. […] Renaudot y a bien mis au vrai le caractère de son ami : il s’est mépris seulement à la qualité de gentilhomme ordinaire, car le défunt ne l’était pas de la maison, charge d’environ quinze mille livres, mais de la Chambre, ce qui vaut cinquante mille livres. […] » — « C’était un vrai honnête homme, répliqua M. […] C’est un bon cœur d’homme, plein de candeur, de sincérité, d’amour du vrai, de haine du faux. […] Il est vrai qu’ayant moins de cordes à l’âme, il avait à cela moins de peine et moins de mérite.
Quinet, il est vrai, dit à merveille dans sa préface : « L’époque la plus riche assurément que l’histoire romaine ait présentée à l’épopée est celle où le monde antique parvint à sa plus haute unité sous la puissance du premier des Césars. […] Un voyageur, qui est allé récemment aux confins de la Norwége la plus reculée, rapporte que, pour ces bons paysans, France et Napoléon ne font qu’un ; ils demandent à tout Français, quel que soit son âge, s’il a servi sous Napoléon ; s’il est vrai que les Anglais l’ont tenu prisonnier dans des souterrains et des cavernes assez pareilles à celles dont il est question dans l’Edda : s’il est vrai enfin que tous ses lieutenants eussent rang de roi. […] Les formes sous lesquelles le passé apparaît aux hommes de notre temps, voilà pour le poëte la vraie réalité. » Il semblerait, d’après ce passage, que nous soyons autre chose que les très-proches contemporains de Napoléon. […] Il est vrai qu’il faut lui tenir compte, en le comparant avec l’un, du souffle et de l’ampleur continue qu’il déploie ; et en le comparant avec l’autre, de la pensée et de la moralité idéale, qui, bien que parfois nuageuse, tend toujours à racheter ces imperfections de forme.
Et pourtant l’Académie a subsisté, a revécu du moins, et sans trop se modifier encore ; elle a peu dévié de l’esprit de sa fondation, elle y est revenue dès qu’elle a pu ; elle a même gardé de son prestige, et le mot de d’Alembert, dans son ingénieuse préface des Éloges, qui répond d’avance à tout, reste parfaitement vrai : « L’Académie française, dit-il, est l’objet de l’ambition secrète ou avouée de presque tous les gens de lettres, de ceux même qui ont fait contre elle des épigrammes bonnes ou mauvaises, épigrammes dont elle serait privée pour son malheur, si elle était moins recherchée101. » Montesquieu, Boileau lui-même, Charles Nodier, avaient commis bien des irrévérences contre le corps ou contre les membres immortels, et ils en ont été ; et, chose plaisante ! […] S’il est vrai, comme l’a dit d’Alembert encore, que l’écrivain isolé soit une espèce de célibataire, il vient un âge où les plus intrépides célibataires commencent à ne pas trouver absurde de se marier. […] L’Académie française, entre toutes les autres, est la seule qui ait gardé le privilége de donner des bals, ou pour parler moins légèrement, de vraies fêtes. […] Pas un mot de politique, ceci seulement : quand on est bien persuadé (et c’est peut-être fort triste) que l’art de gouverner les hommes n’a pas dû changer malgré nos grands progrès, et que, moyennant ou nonobstant les divers appareils plus ou moins représentatifs et soi-disant vrais, au fond cet art, ce grand art, et le premier de tous, de mener la société à bien, de la conserver d’abord, de l’améliorer et de l’agrandir s’il se peut, ne se pratique jamais directement avec succès qu’en vertu de certains résultats secrets d’expérience, très-rigoureux, très-sévères dans leur équité, très-peu optimistes enfin, on en vient à être, non pas indifférent, mais assez indulgent pour les oppositions de systèmes plus apparentes que réelles, et à accorder beaucoup, au moins quand on n’est que simple amateur, à la façon : je rentre, on le voit, en pleine littérature. […] Molé a parlé avec élévation et sentiment de la conduite de M. de Quélen durant le choléra, et de son sermon à Saint-Roch pour les orphelins de ce fléau : « Serait-il vrai, messieurs, qu’il y eût pour tous les hommes dont la vie mérite qu’on la raconte, un moment, une journée, où ils arrivent au plus haut qu’il leur soit donné d’atteindre, où ils sentent, au plus intime comme au plus profond de leur âme, une sainte estime d’eux-mêmes qui ne saurait être surpassée ?
De la sorte, chez lui, nul sentiment vrai du passé non plus que du présent ; son esprit était le plus terne des miroirs ; rien ne s’y peignait, il ne réfléchit rien ; sans originalité, sans vue intime ou même finement superficielle, sans vivacité de souvenirs, aussi loin des chœurs d’Esther que des vers datés de Philisbourg, tenant tout juste au siècle de Louis XIV par l’Ode sur Namur, ce fut le moins lyrique de tous les hommes à la moins lyrique de toutes les époques. […] Là-dessus Rousseau lui répondit : « Il est vrai, monsieur, et vous l’avez bien remarqué, que j’ai eu en vue le passage de Lucrèce, quò magis in dubiis, etc., dans la strophe que vous me citez de mon Ode à la Fortune ; et je vous avoue, puisque vous approuvez la manière dont je me suis approprié la pensée de cet ancien, que je m’en sais meilleur gré que si j’en étois l’auteur, par la raison que c’est l’expression seule qui fait le poëte, et non la pensée, qui appartient au philosophe et à l’orateur, comme à lui. » L’aveu est formel ; on conçoit maintenant que Saurin ait dit qu’il ne regardait Rousseau que comme le premier entre les plagiaires. […] Mais les odes, mais les cantates, voilà les vrais titres, les titres immortels de Rousseau à la gloire ! […] S’il rime avec soin, c’est presque toujours aux dépens du sens et de la précision ; la rime ne lui donne jamais l’image, comme il arrive aux vrais poëtes ; mais elle l’induit en dépense d’épithètes et de périphrases. […] A vrai dire, le style de Rousseau n’existe pas.