Toute nouvelle position gagnée par un organisme dans son progrès est une limite qu’il s’efforce de dépasser à son tour : nous trouvons partout non pas seulement la tendance à conserver la vie, mais la tendance à améliorer les conditions de la vie, en intensité et en qualité. […] Selon lui, nous n’avons conscience d’un sentiment agréable que s’il y a un changement en mieux perçu par nous, ce que Spinoza appelait « le passage à une perfection plus grande » ; nous n’avons conscience de la peine que si nous percevons un changement en pire, un passage à une perfection moindre : « C’est pourquoi, dit Schneider, le plaisir n’arrive à la conscience qu’à travers le manque de plaisir, à travers la souffrance, et celle-ci, à son tour, n’arrive à la conscience qu’à travers le manque de souffrance, à travers le plaisir. » Schneider identifie de cette manière, sans aucune preuve et contre toute preuve, l’absence de plaisir avec la douleur, l’absence de douleur avec le plaisir. […] Le plaisir, pour Stephen Leslie, étant un état d’équilibre, est par cela même « un état de satisfaction dans lequel il y a une tendance à persister ». — « Le plaisir, dit à son tour Rolph, est un état que nous cherchons à prolonger ; il ne peut donc jamais être la cause d’un changement d’état. » Objecte-t-on à Rolph que l’homme, par exemple sous l’influence de l’amour, peut chercher un plus grand plaisir à la place de celui qui est présent et qu’alors la fin de l’action, consciente ou inconsciente, est bien le plaisir : — Oui, répond Rolph, mais le mobile actuel est un sentiment de non-satisfaction, c’est-à-dire de peine.
Quand il parle, il a toujours l’épithète peinte, le tour original de la pensée, mais pour parler, pour formuler ses paradoxes, on sent dans sa parole plus lente, dans le cramponnement de son attention après le fil et la logique de son idée, on sent une application, une tension, une dépense de volonté qui n’existaient pas dans le jaillissement spontané, et comme irréfléchi et irraisonné de son verbe d’autrefois. […] Je le revoyais, pendant nos tristes séjours d’hiver, à Trouville, à Saint-Gratien, rivé sur une chaise, dont je ne pouvais l’arracher, une main labourant son front, comme s’il lui fallait douloureusement extraire les tours de phrase, les épithètes, les mots spirituels, autrefois coulant si facilement dans le courant de son écriture. […] Une conversation galante, intelligente, spirituelle, avec du suranné, du vieillot dans les idées, et des tours de phrases, vous faisant penser parfois, que vous dînez dans un rêve, avec des morts d’avant 89.
Le Péché Mutuel et Mme Larme sont des tours de force. […] Cette littérature est trop directement influencée de Moreau de Tours, et plus près de nous, de Raymond, Dejerine ou Grasset. […] Sa dernière œuvre est, dit Rachilde, « un tour de force ».
Plongé dans les livres et les manuscrits comme un Bénédictin et un Bollandiste, ayant appris l’allemand avec une ténacité enflammée, comme Alfieri avait appris le grec, à un âge où l’on ne vit plus que par les idées, il ajouta l’érudition des yeux, les voyages, les monuments, les antiquités, à l’érudition purement littéraire ; et, comme les assujettissements du commerce devenaient de plus en plus incompatibles avec l’étendue des travaux historiques qu’il méditait, il céda sa librairie en 1836 à l’éditeur actuel de ses Œuvres complètes, et partit pour faire le tour des bibliothèques de l’Europe. […] Ce grand travailleur creusait sous lui assez profondément le sol pour que le tour d’un siècle suffît au labeur entier de sa vie, quand même cette vie n’eût pas été si promptement interrompue par la mort. […] Tracer le tour du xvie siècle de personnalité en personnalité, — de biographie en biographie, était une idée qu’Audin eût complétée s’il avait vécu.
Aussi avons-nous beau la laisser indivisée, nous savons qu’elle peut attendre, et qu’un nouvel effort d’imagination la décomposerait à son tour. […] En vain notre imagination s’efforce de passer outre, de diviser les dernières parties à leur tour, et d’activer en quelque sorte la circulation de nos phénomènes intérieurs : le même effort, par lequel nous voudrions pousser plus loin la division de notre durée, allongerait cette durée d’autant. […] Mais le réalisme atomistique, à son tour, qui met les mouvements dans l’espace et les sensations dans la conscience, ne peut rien découvrir de commun entre les modifications ou phénomènes de l’étendue et les sensations qui y répondent.
Un scélérat, Blood, avait tenté d’assassiner le duc d’Osmond et poignardé le gardien de la Tour pour voler les diamants de la couronne. […] Un don surnage pourtant, la force, qui ne manque jamais dans ce pays, et y donne un tour propre aux vertus comme aux vices. […] En même temps que les situations reçoivent un nouveau tour, la pensée prend une nouvelle forme. […] Chaque objet d’ailleurs reçoit ici, comme en une résidence royale, tout l’ornement qu’on peut lui donner ; les épithètes d’embellissement viennent recouvrir les substantifs trop maigres : les décorations de l’art transforment la vulgarité de la nature : les vaisseaux sont des « tours flottantes » ; la Tamise est la fille bien-aimée de l’Océan ; la montagne cache sa tête altière au sein des nues, pendant qu’un manteau de verdure flotte sur ses flancs. […] Toutes ses actions, même les belles, ont un tour aisé qui les orne ; il ne fait rien sans agrément.
Pas de contrôle du pouvoir, en effet, sans pouvoir qui contrôle ; pas de contrôle parlementaire sans la possibilité, pour l’opposition, de prendre le pouvoir à son tour. […] L’antisémitisme, qui, en 1902, trublionnait à tour de bras et de matraques, a disparu. […] Le roseau de l’Église allait-il se briser à son tour ? […] Les commissions et les rapports de ses congrès concernent tout le tour de l’horizon politique. […] » Tellement son tour que même un ministre socialiste se dépouillera de ce rôle plus difficilement qu’il ne le croyait.
Examinons à notre tour lequel de ces deux sentimens doit prévaloir. […] On a cru que le pathétique étoit dans les mots ; il est dans les tours & dans les mouvemens du style. […] Son mérite est dans le choix heureux des termes & des tours. […] Aujourd’hui ce sont les corps sanglans de vos voisins qui tombent épars dans l’arene ; demain ce sera votre tour. […] Ceux-ci trembleront de subir à leur tour l’arrêt qui flétrit leurs modeles ; ils se verront dans l’avenir ; ils frémiront de leur mémoire.
Quand on lui parle, elle n’entend pas, et quand il lui arrive à son tour de parler elle ne rencontre pas de réponse. […] Je crains à mon tour que votre choix, tout dicté qu’il est par les intentions les plus morales, ne soit un choix déplorable. […] Le voilà créateur à son tour, il fait partie intégrante de ce vaste système d’activité universelle qui entretient et renouvelle la vie générale. […] Dante et Goethe excluent l’esprit de secte et de parti, qui les exclut à son tour. […] Et ces cinq ou six personnes représentaient en effet pour lui l’humanité, car il avait fait le tour de leur âme.
Il s’était posé à son tour sur la nappe, allumant d’une splendeur la porte du tabernacle, célébrant les fécondités de mai. […] Et ne vaudrait-il pas mieux pour ces déshérités (riches le plus souvent) avoir été déposés sur le fameux tour de la rue d’Enfer ? […] croassa-t-il en faisant le tour de la chambre et en tâtant chaque chaise, bien qu’il fût visible qu’il n’y avait rien dessus. […] Arrive le tour d’un grand garçon dont le visage est couvert de balafres. […] C’est encore là un nouveau tour de M. de Bismarck.
(La nouvelle, dédiée à Mallarmé et où son tour d’esprit se reconnaît, est peut-être née d’une conversation entre les deux poètes.) […] Et l’Empire, à son tour, fit le poète. […] C’est en son honneur que Sainte-Beuve avait risqué le mot de tour d’ivoire. Mais cette tour Vigny avant midi n’y rentra que comme au refuge d’un orgueil brisé. […] Loyal à qui les barons d’Auvergne, avant les Grands Jours de Louis XIV, jouaient de vilains tours, mais il recule devant l’idée d’offenser la loi et le roi.
Et cela est certes un méchant tour. […] Il nous rassure énergiquement et, si je puis dire, à tour de bras. […] Ma loyauté me joue souvent de ces mauvais tours. ) Continuons. […] alors… Il y a une heure, il est venu à ma tour. — Le sire de Barbe-Bleue ? […] La scène représente les Champs-Elysées ; puis ce sera la place de la Bourse, puis les égouts, puis le sommet de la tour Eiffel.
Ils connaissent tous les grands sentiments et tous les bons tours. […] Puis il s’installait, avec son prisonnier exténué, mourant, dans les odeurs fades, écœurantes, de l’hôpital de Tours. […] L’administration pénitentiaire le cadenasse à Cahors, l’en extrait, le dirige sur Périgueux, sur Coutras, sur Tours. […] Ainsi, en compagnie du biographe Gustave Geffroy et de l’insurgé Blanqui, on peut faire le tour de France en prison. […] Les visages, enlaidis de cupidité, s’engoncent dans le triple tour des cravates, entre les deux pointes du col droit.
D’ailleurs, il ne lui fait point exécuter des tours singuliers, accomplir des exploits de manège : il la menait à la guerre. […] Montons sur les murailles et sur les tours de la cité et plus haut encore. […] Il célèbre et il affirme, à tour de bras : on n’y peut rien. […] Voilà, en résumé, l’histoire de la civilisation ; chaque peuple à son tour y travaille. […] Et le tour est joué.
Or, Mme d’Albany était une vaincue, Mme de Staël aussi, et Sismondi sympathisait avec elles et avec leurs en tours. […] Presque tous les hommes accoutumés à penser, et dont les opinions s’étaient formées avant la Révolution, appartiennent encore à l’école de Voltaire, mais ils ont aujourd’hui soixante-dix ans, et ils sont seuls : aucune des générations venues depuis n’a adopté ni leur tour d’esprit ni leurs opinions ; aucun homme, âgé de soixante ans et au-dessous, qui sache écrire, qui exerce la moindre influence, ne professe une incrédulité moqueuse ; il y a des doutes, mais du désir de se rattacher à des opinions plus relevées ; il y a un besoin de religion et de respect pour des croyances que peu de gens, cependant, peuvent adopter complètement.
Il s’attache à en énumérer les principales sortes, à en dénombrer les sources les plus fréquentes : les mauvais tours, les transpositions de mots et les entrelacements maladroits, les constructions que l’on appelle louches, « parce qu’on croit qu’elles regardent d’un côté, et elles regardent de l’autre. » Notez ici que l’écrivain devient spirituel à force de propriété et de justesse, comme il sied à un grammairien. — La longueur des périodes est encore un des vices les plus ennemis de la netteté du style : Vaugelas entend parler surtout de celles qui suffoquent et essoufflent par leur grandeur excessive ceux qui les prononcent, « surtout, ajoute-t-il avec esprit, si elles sont embarrassées et qu’elles n’aient pas des reposons, comme en ont celles de ces deux grands maîtres de notre langue, Amyot et Coëffeteau. » Reposoir est fort joli. […] Il les dirait presque avec la même matière ; mais de quelle manière différente, de quel tour, et avec quelle vivacité de plus !
Si heureux d’emblée qu’eût été La Bruyère, il lui fallut, on le voit, soutenir sa lutte à son tour comme Corneille, comme Molière en leur temps, comme tous les vrais grands. […] Il nous a tracé une courte histoire de la prose française en ces termes : « L’on écrit régulièrement depuis vingt années ; l’on est esclave de la construction ; l’on a enrichi la langue de nouveaux tours, secoué le joug du latinisme, et réduit le style à la phrase purement françoise ; l’on a presque retrouvé le nombre que Malherbe et Balzac avoient les premiers rencontré, et que tant d’auteurs depuis eux ont laissé perdre ; l’on a mis enfin dans le discours tout l’ordre et toute la netteté dont il est capable : cela conduit insensiblement à y mettre de l’esprit. » Cet esprit, que La Bruyère ne trouvait pas assez avant lui dans le style, dont Bussy, Pellisson, Fléchier, Bouhours, lui offraient bien des exemples, mais sans assez de continuité, de consistance ou d’originalité, il l’y voulut donc introduire.
Les trois premières journées se passèrent régulièrement, chacun des orateurs inscrits montant à son tour à la tribune et venant y développer ses arguments pour ou contre la loi. […] M. le président ayant alors accordé la parole aux orateurs inscrits dont le tour était venu, trois de ces orateurs, M.
Ce serait un pauvre spectacle, aux yeux de cette adorable Divinité, de qui tout émane et à qui tout aboutit, de cette âme universelle qui n’est qu’âme, c’est-à-dire intelligence, volonté, force et perfection, que le spectacle de populations plus ou moins nombreuses broutant la terre dans un ordre plus ou moins régulier, comme celui du troupeau devant le chien, sans autre fin que de se partager plus ou moins équitablement l’herbe qui nourrit leur race, jusqu’au jour où leurs cadavres iront engraisser à leur tour le fumier vivant tiré du fumier mort, et destiné à devenir à son tour un autre fumier !
Tout cela s’exécute à souhait, comme des tours de funambule chez Franconi. […] Cet étalage de science sur des riens ressemble trop au verbiage des faiseurs de tours de gobelets cherchant à distraire le public pendant qu’ils préparent l’escamotage.
Dans les compositions françaises, le déclin de la culture s’est aggravé depuis les derniers programmes : incorrections, tours barbares, vulgarité, insignifiance, imagination nulle. […] la plume à leur tour et s’improvisent poètes, romanciers ou auteurs dramatiques, c’est que, dès à présent, on n’envisage plus avec clairvoyance les difficultés de la tâche !
Point de livret, une musique très distinguée et d’un tour parfaitement moderne. […] Et ce n’est pas un des moindres tours de force du prestidigitateur Catulle Mendès que d’avoir — amalgamant en adroit romantique le cocasse et le tragique — tenté et réussi un Cauchemar amusant.
France pourrait à son tour me faire grâce de torcol et bardocucule, deux bons vieux mots que j’ai employés quelque part et qui l’irritent. […] L’Idée, à son tour, ne doit point se laisser voir privée des somptueuses simarres des analogies extérieures ; car le caractère essentiel de l’art symbolique consiste à ne jamais aller jusqu’à la conception de l’Idée en soi.
Il nous montre ses Chardin et ses Prud’hon, — et nous qui avons fait le vœu de ne jamais acheter de tableaux, — nous revenons amoureux de deux tableaux, il est vrai que ce sont deux esquisses : l’esquisse des Tours de cartes de Chardin, une merveille de couleur gaie et papillotante qu’on ne rencontre pas d’ordinaire chez lui, et le portrait de Mlle Mayer par Prud’hon, le portrait que le peintre eut jusqu’à sa mort dans son alcôve, — un portrait où l’on dirait le sourire de la Joconde dans l’ovale ramassé d’une nymphe de Clodion. […] Des deux femmes, il fait ses maîtresses à tour de rôle.