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1520. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

De cette disposition à saisir le ridicule, la comédie tire sa force & ses moyens. […] Moliere tire d’un sot l’aveu de ce ridicule pour le mieux faire appercevoir dans ceux qui ont l’esprit de le dissimuler. […] C’est d’une connoissance profonde de leurs objets, que les Arts tirent leurs regles, & les auteurs leur fécondité. […] Il a tiré des contrastes encore plus forts du mêlange des comiques. […] Mais de bonne-foi peut-on tirer de ce modele brute les proportions des colonnes, de l’entablement & du fronton ?

1521. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Les détails sont dans le livre d’où je me garderai bien de les tirer. […] Peut-être les jeunes mariées qui se sentent chancelantes en pourraient-elles tirer profit et s’y trouver un remède préventif ; mais tout est, hélas ! […]   Le Choix d’un amant n’est pas moins curieux d’observation et de délicatesse, au milieu de hardiesses de situations parfois inquiétantes, mais d’où l’auteur se tire toujours à l’honneur de son bon goût. […] « On eût dit que nous tirions sur des ombres ! […] Il y rencontre Washington, il fait un peu de tout, saigne au besoin un malade et tire parti de l’instruction pratique qu’il a reçue.

1522. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Si je ne l’avais pas franchement avoué d’abord, on s’en serait toujours aperçu et l’on tirerait avantage contre moi, avec une triomphante et facile ironie, d’un égoïsme transparent. […] Le savant n’a rien à tirer de bien précieux de son imagination ainsi échauffée. […] Quelques-uns semblent tirer une vanité étrange de l’insignifiance même de la besogne où ils se sont attelés pour la vie ; ils affectent de mépriser les esprits inquiets et chercheurs que la grammaire, la métrique ou la chronologie, comme telles, ne contentent pas. […] C’est que, depuis longtemps, elle couvait sourdement dans la bûche en feu… Il faut toujours se tenir prêt à recevoir le coup de pincettes du hasard, qui tire du bloc embrasé et rouge le jet soudain de la renommée étincelante. […] Si je me mets ensuite à écrire, je n’ai plus qu’à tirer du sac de mon cerveau ce qui s’y est accumulé précédemment… Aussi le tout ne tarde guère à se fixer sur le papier.

1523. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

« Naître sans fortune est le plus grand des maux » ; et encore : « Mon père resta seul avec peu de fortune : malheur dont rien ne tire quand on est honnête homme !  […] Un seul pourtant eût pu suffire, mais il eût fallu savoir en tirer ce qu’il contenait. […] George Ancey n’a pas voulu, lui, tirer moins de trois actes. Mais comment les en a-t-il tirés ? […] et ne perdrait-on pas la moitié du profit que l’on croit en tirer ?

1524. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Mauclair va tirer une suite de formules dont l’élégance, fatalement, clarifiera, jusqu’au blanc éclatant, la pensée douteuse qu’il a choisie pour ses expériences. […] C’est un Sunt cogitationes rerum, qui tire toute sa valeur de la valeur même de l’intelligence qui le proféra. […] Et on la revoit mendiante, plus tard, secourue par un cavalier qui, pour mourir, rejoint une bataille, et la princesse mange le pain dur tiré d’une fonte : Ô bouchée noire ! […] Oui, quand la perfection de la forme n’est que le résultat d’un pénible limage, d’une quête aveugle des raretés éparses dans les dictionnaires, d’un effort naïf à tirer, sur le vide d’une œuvre, un rideau constellé de fausses émeraudes et de rubis inanes.  […] Plus tard, tandis que les uns gardaient la seule poésie et, par Musset, arrivaient à Octave Feuillet, les autres, rejetant toute poésie, venant de Stendhal, aboutissaient aux sèches analyses de Duranty, ― qu’aucun effort n’a pu tirer de son sépulcre.

1525. (1902) La poésie nouvelle

Toujours est-il qu’à Bruxelles, un jour, Verlaine tira sur Rimbaud deux coups de revolver. […] Il en tira le Concile féerique et quelques poèmes qu’on a réunis ensuite sous le titre de Derniers vers. […] De cette philosophie générale, Laforgue a tiré toute une esthétique, qui est celle même de son œuvre. […] Le cordier apparut aux prises avec tout l’infini de l’espace et du temps qu’il tire à lui, des horizons, au bout de ses ficelles de chanvre. […] Il s’est senti gagné par cette universelle ardeur ; il en a tiré de la joie et de l’espérance.‌

1526. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Cet article pourrait se dire assez justement un article-ministre ; l’instinct s’y montre, la vocation y perce, le pronostic aurait pu dès lors se tirer. […] Dans ce moment le voile était tiré : je voyais tout. jusqu’à l’écume des torrents et au vol des oiseaux ; l’air était parfaitement pur ; seulement, quelques nuages qui se trouvaient sur la direction ordinairement plus froide des eaux ou des courants d’air circulaient encore dans le milieu du bassin, se traînaient peu à peu le long des montagnes, remontaient dans leurs sinuosités, et venaient se reposer enfin autour de leurs pointes les plus élevées, où ils ondoyaient légèrement. […] A l’exemple de la plupart des historiens, après une étude plus ou moins approfondie des faits, après une recherche bientôt jugée suffisante, et s’étant dit une fois : Mon siége est fait, il s’en tire par le talent de la rédaction, par l’intérêt dramatique du récit, et par des portraits brillants. […] Quant aux deux suivants, purement militaires, qui comprennent les opérations de cette campagne de 1800, Moreau sur le Rhin et le Danube, Masséna dans Gênes, Bonaparte à travers les Alpes et à Marengo, on devine assez quel parti a pu tirer de ces contrastes héroïques et de ce concert de miracles la plume de M.

1527. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

« Quand on suppose que les gens ne vous comprendront pas, si l’on ne prend la peine de leur tout expliquer, on se donne beaucoup de mouvement, comme ces mauvais mimes qui pirouettent sur eux-mêmes pour imiter un disque qui tourne, ou qui tirent à eux le Coryphée quand ils jouent, aux sons de la flûte, la Scylla attirant les navires sur l’écueil. […] « L’épopée, quelle que soit son imitation, est moins une que la tragédie ; et la preuve, c’est que, d’une seule épopée, on peut tirer plusieurs tragédies. […] Platon même en ceci est bien plus grand que Descartes : parti d’un principe identique, il en tire des conséquences morales que le philosophe moderne a passées sous silence, conséquences qui n’avaient plus, il est vrai, au dix-septième siècle, la même importance qu’au sein du paganisme, mais que la science du moins réclamait comme un indispensable complément12. […] Platon non plus, tout grand artiste qu’il est, n’aurait certainement pas choisi de lui-même une telle forme, et son génie livré à lui seul n’en eût pas tiré un tel parti.

1528. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Il a reçu le contrecoup du premier coup de canon qui se soit tiré dans ce bas monde, il a lu le premier livre sorti des presses naissantes du premier imprimeur, il a mangé le premier fruit venu de l’Amérique, il s’est élevé aux écoles de René Descartes et de Despréaux ; il a vu Bossuet face à face, il a souri le premier, aux doctes murmures de Pierre Basyle, il a pleuré, le premier, aux vers du grand Corneille. […] Il est vrai que, par un privilège qui n’appartient qu’aux têtes couronnées, l’extrait de naissance de mademoiselle Mars se retrouve dans Y Almanach royal ; on a tiré le canon, le jour de sa naissance39. […] Le Cabinet satyrique, ou recueil parfait des vers piquants et gaillards de ce temps, tirés des secrets cabinets des sieurs Sigognes, Régnier, Motin, Berthelot, Meynard, 1666. […] Par la porte entr’ouverte, on voit l’étable pleine Des bœufs et des chevaux revenus de la plaine ; Ils prennent leur repas ; on les entend de loin Tirer du râtelier la luzerne et le foin ; Leur queue aux crins flottants, sur leurs flancs qu’ils caressent, Fouette, à coups redoublés, les mouches qui les blessent.

1529. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

Mais les philosophes, ou plutôt ceux qui portent ce nom, trop semblables aux souverains, ne peuvent dissimuler la moindre insulte ; et le désir d’en tirer vengeance leur est souvent beaucoup plus nuisible que l’insulte même. […] Pour éviter un pareil reproche, tirons le rideau sur ces tristes fruits de l’accueil qu’on fait dans le monde aux savants. […] Je m’écarte en cela d’autant moins de mon sujet, qu’étant aujourd’hui bien reçus partout, principalement lorsqu’ils sont riches et d’un grand nom, ils forment dans le monde comme une classe particulière qui mérite d’être observée, et dont les gens de lettres cherchent aussi à tirer parti pour cette réputation qu’ils ont si fort à cœur. […] Un homme de mérite me paraît jouer en cette occasion le rôle d’Achille à la cour de Scyros ; heureux quand il peut trouver un Ulysse assez habile pour l’en tirer ; mais où sont les Ulysses ?

1530. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

Il avait les Cévennes favorables, et il en tirait des soldats. […] Cet armement, si hardiment combiné, auquel l’Angleterre contribua par ses seuls vaisseaux, et la Hollande par ses vaisseaux à la fois et par ses hommes, eut tout le succès et l’effet qu’il prétendait en tirer.

1531. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Percheron n’a été tirée qu’à vingt-cinq exemplaires et ne s’adresse qu’à un petit nombre de lecteurs. […] Enfin je ne trouve pas qu’on puisse subsister avec les hommes habituellement. » Jolie conclusion qu’on ne devrait tirer que la veille de sa mort !

1532. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

Il est dans une lutte sourde continuelle avec l’abbé Bossuet, ce neveu actif et ambitieux dont je n’ai pas à faire l’apologie ; mais le rôle de l’abbé Le Dieu à son égard n’est pas beau ; il joue au plus fin, et n’a d’autre but que d’en tirer le plus de profit qu’il pourra. […] L’année d’après nous lisons cet article, qui complète les précédents : Ce samedi 24 (juillet 1706), cet agent (l’agent des Bossuet, Cornuau) m’a envoyé le missel de Meaux, en maroquin, de feu M. de Meaux, que j’avais demandé à l’abbé Bossuet dès Paris, et qu’il ne m’avait accordé qu’à son corps défendant ; mais enfin je le tiens : il faut tirer ce qu’on peut de mauvaise paye.

1533. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Ce n’est point sur les lettres patentes de son institution que je la prendrai en défaut, et d’ailleurs je ne prétends point du tout la prendre en défaut, mais seulement relever exactement les faits et en tirer la conséquence. […] On en tirerait de jolies anecdotes.

1534. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Croira-t-on que ce jeune enfant ait tiré à dessein sur son précepteur le coup de pistolet ou de fusil qui le tua par mégarde à la chasse ? […] » et il entra dans le salon où était la compagnie, répétant sans cesse du ton le plus douloureux ce peu de mots, sans que l’on pût en tirer autre chose pendant quelque temps. » Voilà qui coupe court, ce me semble, au mauvais propos de Courier et de ceux qui se feraient ses échos.

1535. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

Les dix années qu’elle passa avec son ami furent tout entières consacrées par elle à adoucir son amertume, à favoriser ses goûts, à y entrer autant qu’elle le pouvait, soit qu’il voulût jouer la tragédie, — ses propres tragédies, — à domicile (ce qu’il fit d’abord avec le feu et l’acharnement qu’il mettait à toute chose), soit qu’il lui plût de s’enfermer et de tirer le verrou pour travailler comme un forçat, versifier jour et nuit ou étudier le grec à mort : c’étaient les seules diversions assez fortes pour l’absorber et pour l’aider, tant bien que mal, à endurer les invasions intermittentes de la Toscane par les armées républicaines. […] Il ne voulait, depuis six mois, quasi plus manger pour n’avoir pas la digestion pénible, et il s’était tant affaibli les entrailles, que, la goutte s’y étant portée, il n’a plus été possible de l’en tirer.

1536. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

Sous prétexte de chasser, à la maison de campagne où je me suis retirée, il va, vient, regarde, écoute, indiscret autant qu’osé, et, pour me faire dépit, il tire à mon colombier ; les flèches qu’il lance en l’air, à mon cœur sont adressées : le sang de mes colombelles a rougi mon tablier… » Ce sont des restes de chants populaires qui ont passé dans le drame, et dont un auteur espagnol n’aurait osé se priver. […] Ceux-ci, on doit le dire, placés entre le cardinal qui donnait les pensions et le public qui donne la considération, s’en tirèrent assez convenablement, assez dignement même.

1537. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

Le plan de Malouet consistait, d’abord, à en avoir un, à ne pas affronter cette grande crise « sans aucun préparatif de défense, sans aucune combinaison ; à savoir bien nettement ce qu’on voulait concéder, jusqu’où l’on voulait porter les réformes, à le dire, à le déclarer hautement, de manière à retrouver le tout en substance dans le texte des cahiers de bailliages, ce qui, selon l’état de l’opinion en province, lui semblait alors fort possible ; à ne pas s’en remettre pour ces points essentiels à une réunion de douze cents législateurs tirés de toutes les classes, la plupart sans expérience, sans habitude de discussion et de méditation sur ces graves matières, exposés à tous les souffles de l’opinion extérieure, et livrés au flux et reflux des grandes assemblées. […] Il est plus facile de dédaigner et de railler sa grande Histoire philosophique que de la lire en entier, et cependant on en tirerait encore profit.

1538. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Il ne faut pas gémir sur ce partage, il est encore assez beau… » Il ne sait comment tirer son talent brut de sa gangue et le mettre en œuvre. […] J’ai tremblé de tous mes membres en voyant Duvoisin s’interposer, lui et ses principes gallicans, entre le Pape, entre l’Église, entre le Concile et l’Empereur ; heureusement qu’on lui a dit : Retirez-vous de là ; et c’est s’en tirer tristement. » — Et encore dans une lettre suivante : « Quel bouleversement !

1539. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

D’intéressantes lettres familières, dont il m’a été donné de tirer des copies exactes, vont nous le montrer en même temps tel qu’il était dans la vie privée, doux, facile, s’amusant à des riens, légèrement épigrammatique. […] C’est en sortant du Jardin des Plantes qu’il a fait l’ode d’où cette strophe est tirée.

1540. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

» Le prince de Neuchâtel, qui se trouvait présent, tira Jomini par son habit en lui disant à l’oreille : « Ne répliquez pas, et passez chez moi après la messe !  […] Le lendemain nous fûmes assez tranquilles, et n’entendîmes que les coups de fusil qu’on tirait par intervalle aux Cosaques ; accoutumés à voir ceux-ci s’avancer et fuir aussitôt qu’ils apercevaient des soldats armés, leur présence ne nous donnait plus d’inquiétudes : ainsi, ou goûtait dans le calme le plus parfait les douceurs d’un jour de repos ; et quelques provisions que le général Jomini avait réservées pour le passage de l’armée nous furent d’autant plus agréables, que depuis Smolensk nous n’avions reçu aucune distribution… »

1541. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

Notre contemporain a raison de se donner après eux comme un nouvel interprète des maximes de la loi perpétuelle : les vérités, en passant par sa bouche, empruntent une autorité bien persuasive ; on apprécie mieux la suavité de ce baume, connaissant les amertumes anciennes d’où il l’a su tirer ; le solitaire des Rêveries, m’élevant avec lui vers Dieu, me transporte plus puissamment que Necker n’y réussirait tout d’abord. […] Les retours indirects de l’auteur sur lui-même sont attachants et pleins d’inductions à tirer pour le lecteur averti.

1542. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Si tel romancier à la mode résiste bien rarement à gâter ses romans encore naissants après le premier demi-volume, c’est que, voyant que le début donne et réussit, il pense à tirer l’étoffe au double, et à faire rendre au sujet deux tomes, que dis-je ? […] En attendant, jalouse d’entamer du moins ce qui est possible immédiatement, la critique n’a qu’à s’appliquer de plus près et avec plus de rigueur à ce qui est, pour en tirer enseignement et lumière.

1543. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

Pour qui se complaît à ces ingénieuses et tendres lectures ; pour qui a jeté quelquefois un coup d’œil de regret, comme le nocher vers le rivage, vers la société dès longtemps fabuleuse des La Fayette et des Sévigné ; pour qui a pardonné beaucoup à Mme de Maintenon, en tenant ses lettres attachantes, si sensées et si unies ; pour qui aurait volontiers partagé en idée avec Mlle de Montpensier cette retraite chimérique et divertissante dont elle propose le tableau à Mme de Motteville, et dans laquelle il y aurait eu toutes sortes de solitaires honnêtes et toutes sortes de conversations permises, des bergers, des moutons, point d’amour, un jeu de mail, et à portée du lieu, en quelque forêt voisine, un couvent de carmélites selon la réforme de sainte Thérèse d’Avila ; pour qui, plus tard, accompagne d’un regard attendri Mlle de Launay, toute jeune fille et pauvre pensionnaire du couvent, au château antique et un peu triste de Silly, aimant le jeune comte, fils de la maison, et s’entretenant de ses dédains avec Mlle de Silly dans une allée du bois, le long d’une charmille, derrière laquelle il les entend ; pour qui s’est fait à la société plus grave de Mme de Lambert, et aux discours nourris de christianisme et d’antiquité qu’elle tient avec Sacy ; pour qui, tour à tour, a suivi Mlle Aïssé à Ablon, où elle sort dès le matin pour tirer aux oiseaux, puis Diderot chez d’Holbach au Granval, ou Jean-Jacques aux pieds de Mme d’Houdetot dans le bosquet ; pour quiconque enfin cherche contre le fracas et la pesanteur de nos jours un rafraîchissement, un refuge passager auprès de ces âmes aimantes et polies des anciennes générations dont le simple langage est déjà loin de nous, comme le genre de vie et de loisir ; pour celui-là, Mlle de Liron n’a qu’à se montrer ; elle est la bienvenue : on la comprendra, on l’aimera ; tout inattendu qu’est son caractère, tout irrégulières que sont ses démarches, tout provincial qu’est parfois son accent, et malgré l’impropriété de quelques locutions que la cour n’a pu polir (puisqu’il n’y a plus de cour), on sentira ce qu’elle vaut, on lui trouvera des sœurs. […] Ne croyez pourtant pas que tous nos moments fussent cruels et que notre situation n’eût encore des charmes ; elle en avait qu’elle tirait de sa bizarrerie même et de nos privations… Ses caresses, à la vérité, me faisaient plus de peur que de plaisir ; mais la familiarité qu’il y avait entre nous était délicieuse pour l’un et pour l’autre.

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