Il existe chez certains déséquilibrés ce qu’on pourrait appeler une sorte de constitution douloureuse, de peine irraisonnée, prête à se traduire sous toutes les formes possibles du raisonnement et du sentiment, à se généraliser même en théorie pessimiste. […] La théorie de la décadence doit donc s’appliquer à des groupes d’écrivains, à des fragments de siècle, à des séries d’années maigres et stériles : toute généralisation est ici impossible. […] Il n’est pas de langue littéraire plus pauvre au fond que celle qui est ainsi composée d’expressions forcées ou simplement rares, parce que ces expressions se font remarquer et deviennent une répétition fatigante dès qu’on les voit revenir. « Laissez-moi vous donner, écrivait Sainte-Beuve à Baudelaire, un conseil qui surprendrait ceux qui ne vous connaissent pas : vous vous défiez trop de la passion, c’est chez vous une théorie. […] Le mot malsain, selon lui, est inexact si l’on entend par là opposer un état naturel et régulier de l’âme, qui serait la santé, à un état corrompu et artificiel, qui serait la maladie. « Il n’y a pas à proprement parler de maladies du corps, disent les médecins ; … pareillement, il n’y a ni maladie ni santé de l’âme, il n’y a que des états psychologiques, … des combinaisons changeantes, mais fatales et pourtant normales. » — Cette théorie nous semble un mélange de vrai et de faux : il est vrai que tout rentre dans des lois, même les monstruosités, et aussi la maladie, et aussi la mort ; mais il est faux qu’il n’y ait point de monstres, de maladies ni de mort pour le médecin, et même pour le physiologiste, et enfin pour le sociologiste.
Suivant l’exemple donné par les Thiers de la rue de Poitiers, car Victor Hugo imita toujours quelqu’un, l’Événement endoctrine le peuple, répand dans les masses ouvrières les saines et consolantes théories de l’économie politique, réfute Proudhon, combat « le langage des flatteurs du peuple, qui le calomnient. […] En exil, pour plaire à son entourage, il pérora sur la liberté de la presse, de la parole et bien d’autres libertés encore ; cependant il ne détestait rien plus que cette liberté, qui permet « aux démagogues forcenés, de semer dans l´âme du peuple des rêves insensés, des théories perfides… et des idées de révolte ». […] Son gigantesque cerveau resta hermétiquement bouché à la critique démolisseuse des encyclopédistes et aux théories philosophiques de la science moderne. […] Trente ans plus tard, Charles Darwin reprenait la théorie de G.
La théorie de l’évolution lente chère aux Rosny, devait pourtant plaire aux socialistes, et une sorte de fatalisme dominateur qui se dégage de leurs œuvres, un esprit de discussion trop subtil éloignaient d’eux le peuple. […] Cette théorie logique ne pouvait les rendre sympathiques au gros public36. […] Marcel Boulenger : Il suffit de se reporter au chapitre La Critique pour connaître les théories d’art de M. […] Albert-Émile Sorel paraissait continuer les théories naturalistes dans Pour l’Enfant, mais depuis semble vouloir revenir au roman psychologique.
Il y avait donc à dire pour et contre ; c’est au fond l’éternelle opposition de la théorie et de la pratique, de la spéculation et des affaires, de l’art et de la vie. […] Les théories de bien public trouvaient, en tout ce qui dépendait de lui, leur prompte et loyale application.
en France, le grand art consistera toujours à savoir user tantôt de l’une, tantôt de l’autre, à bien distinguer les temps et les moments : dans ce double jeu, la théorie peut avoir tort, l’habileté supérieure aura raison. […] « J’aime qu’on me fasse venir de haut », disait une grande dame (la duchesse Charles de Damas) à propos des théories spiritualistes surnaturelles de M. de Bonald, qu’elle croyait justifier par ce seul mot.
Quelle que fût sa théorie, en pratique il ne négligeait donc pas l’instruction, tout en donnant le pas à l’éducation. Sa spécialité, son titre, comme membre de la Convention, n’est pas dans ces exposés de théories : il fut un homme de vigueur et d’action.
L’idée qui prit au duc de Choiseul, après la paix de 1763, de remplacer la perte du Canada par un grand établissement de cultivateurs européens dans la Guyane, se conçoit à peine en théorie : « Il paraît aujourd’hui incroyable, écrivait Malouet en 1802, en se reportant au début de sa vie administrative, qu’un homme d’autant d’esprit que M. de Choiseul ait adopté le projet de faire cultiver les marais de la zone torride par des paysans d’Alsace et de Lorraine. » Mais, si le plan n’était pas raisonnable, les détails d’exécution dépassaient tout. […] En même temps qu’il souffle en souriant sur les utopies du baron de Bessner, il réduit les théories des philosophes de cabinet à leur valeur.
L’on a employé les formes de la démonstration pour expliquer la théorie des facultés intellectuelles ; c’est une conquête pour l’esprit philosophique. […] Il existe sûrement des moyens d’améliorer, par la réflexion et le calcul, la théorie même de la morale, d’indiquer de nouveaux rapports de délicatesse et de dévouement entre les hommes ; mais ces moyens, utiles lorsqu’on les considère comme accessoires, deviendraient insuffisants et funestes, si l’on prétendait les substituer au sentiment ; ils rétréciraient la sphère de la morale, au lieu de l’agrandir.
En second lieu, les discours de la période révolutionnaire n’apportent pas un bien grand nombre d’idées originales ou de théories neuves : qui connaît Montesquieu, Voltaire, Diderot, Rousseau, l’Encyclopédie, n’a pas grand chose à recueillir des orateurs ; ils répètent ce que les philosophes ont écrit. […] Il est de ceux qui savent voir les faits, et les présentent : s’il raisonne souvent sur la théorie et les principes, c’est la nécessité du temps qui l’y force ; l’assemblée travaille, et il travaille avec elle à établir une constitution en France.
Et d’abord, Renan n’a pas séparé la théorie de la pratique : sans fracas, sans ostentation, si aisément que l’on n’y fait pas attention, Renan a conformé sa vie à sa croyance. […] Dans le domaine de la littérature, son influence est assez imprécise, parce qu’il n’a pas eu de théorie littéraire.
Il eût à prononcer au Conseil des Anciens un rapport concernant le divorce, et il y traçait une théorie du mariage qui se retrouve en entier et littéralement, sauf de légères variantes, dans son Discours préliminaire sur le projet de Code civil. […] La théorie du Code civil a été expliquée par Portalis en trois discours qui sont classiques dans la matière.
Dans l’Essai ou préface que Beaumarchais a fait imprimer en tête de son drame, il expose sa théorie, qui n’est autre que celle de l’imitation pure et vulgaire de la nature ; il y révèle son absence de poésie élevée et d’idéal. […] Selon cette théorie d’un faux bon sens ennemi du grand goût, il suffirait de transporter purement et simplement toute action émouvante et attendrissante de la vie bourgeoise sur le théâtre pour avoir atteint le plus haut point de l’art : Si quelqu’un est assez barbare, assez classique (il est piquant de voir ces deux mots accolés par Beaumarchais et pris comme synonymes), pour oser soutenir la négative, il faut lui demander si ce qu’il entend par le mot drame ou pièce de théâtre n’est pas le tableau fidèle des actions des hommes.
La théorie aurait pu prévoir ces résultats : car les variétés, pour acquérir un certain degré de permanence, ont nécessairement à lutter avec les autres habitants de la même contrée ; or, les espèces qui sont déjà dominantes ont aussi plus de chance de laisser une postérité qui, bien que modifiée en quelque degré, hérite cependant des avantages qui assurent à l’espèce mère la domination sur les autres espèces ses compatriotes. […] S’il en était ainsi, c’eût été chose fatale à ma théorie ; car la géologie nous apprend que de petits genres se sont considérablement accrus dans le cours des temps, et que de grands genres sont arrivés à leur période maximum, puis ont décliné et ont disparu.
Ruskin prêchait, il est vrai, un retour sincère et réel à la nature et à la vérité ; et les peintres dont il se fit le champion passèrent pour mettre en pratique sa théorie toute entière. […] Il n’a pas compris dès lors qu’un art nouveau était en train de naître ; et sa merveilleuse sensibilité, sa nature puissante se sont égarées à la défense de théories rétrogrades et d’opinions abolies.
Avec une modestie très-fière peut-être59, il déclara qu’il n’entendait point la théorie de Spinoza sur la liberté, et qu’après une étude attentive, il ne pouvait expliquer la liaison de sa métaphysique et de sa morale. […] S’il savait en théorie que nous en tirons nos idées générales, il l’oubliait en pratique.
Mais c’est une question que nous ne saurions décider avant d’avoir vérifié sur nos exemples la vraisemblance ou la justesse de nos théories. […] Mais, grammairien et versificateur, Malherbe est encore un critique ; et il l’est parce qu’une théorie du vers et du verbe, comme on dit aujourd’hui, ne va pas, que l’on s’en doute ou non, sans une théorie, ou sans une idée de la nature et de l’objet de la poésie. […] Les théories de Diderot ne firent pas fortune. […] Il n’y a pas de théorie qui tienne contre de semblables condamnations d’elle-même ; et il en advint des idées de Diderot comme de celles des Fontenelle et des Perrault au commencement du siècle. […] et qu’ayant dit tout à l’heure que ses théories n’avaient point fait fortune en son temps, je me trompais, ou que je me trompe en parlant maintenant de l’étendue de son influence ?
À défaut d’un homme d’État né et comprenant d’instinct, par un premier coup d’œil, la part inévitable de pessimisme qui est à introduire dans le maniement même le plus libéral des hommes, il n’y avait plus que l’expérience qui pût éclairer et détromper graduellement ceux que les théories séduisaient.
Il est bon de montrer au public le néant de ses théories dramatiques et de mettre sa conscience en repos.
Il restait à adoucir la théorie, comme on avait adouci la pratique et à faire rentrer dans renseignement primaire les termes français chassés au profit du grec ; on ne l’a pas osé et l’on continue à enseigner dans les écoles toute une terminologie très inutile et très obscure.
Quatre chapitres qui viennent ensuite résoudront les difficultés les plus graves et les plus apparentes de la théorie : c’est d’abord la difficulté des transitions, c’est-à-dire comment il se peut qu’un être rudimentaire ou un organe simple se soit changé en un être d’un développement élevé et parfait ou en un organe ingénieusement construit ; secondement, l’instinct ou les facultés mentales des animaux ; troisièmement, l’hybridité ou la stérilité des croisements entre espèces et la fécondité des variétés croisées ; quatrièmement, l’insuffisance des documents géologiques.
En somme, cette théorie est fort platonicienne et par conséquent assez claire Nous n’avons aucune connaissance directe de rien, pas même de notre âme ; mais toute réalité est symbolique, tout n’est que symbole. […] Il redoute les « ratés de l’individualisme », et objecte à Stirner que les individualités puissantes se passeront bien de ses théories. […] André Gide, déclare qu’avec ces théories on empoisonne la France ! On l’empoisonnerait plutôt avec les théories antagonistes ; on a vu quels crabes et poulpes difformes M. […] C’est une théorie très répandue chez les mystiques, dont beaucoup l’ont pratiquée sans plus de vergogne.
La tragédie bourgeoise de Diderot, qui est devenue le drame moderne, n’était rien de plus que du la Chaussée, et les contemporains eux-mêmes de Diderot ne furent pas les dupes des airs superbes de sa théorie. […] Mais le crime de Diderot et de ses théories c’est de nous avoir gâté un homme plus fort que lui en nous gâtant Beaumarchais, — car il faut bien mettre au compte de Diderot Eugénie, les Deux Amis et la Mère coupable ; c’est d’avoir retardé l’avènement et hâté la fin d’un homme d’esprit et de génie, qui s’est débattu longtemps dans le pathos de Diderot avant de naître à des chefs-d’œuvre, et qui, ténacité des influences premières, a fini par y retomber ! […] Quand on lit, dans ses œuvres et dans ses théories, l’importance inouïe qu’il donnait à la chose dramatique, on s’étonne qu’il eût retranché la versification de sa poétique du drame ; car il était poète, ou, pour parler plus justement, cet homme, qui ne doutait de rien, avait l’insolente prétention d’être poète, dans sa vaniteuse universalité. […] C’est qu’il s’agit ici d’idées pures et de théories, et non plus de ces faits d’art comme il en fallait à sa nature artiste et magnétique. […] Tous les têtards de la poésie moderne grouillent dans le frai des théories de Gœthe, et Gautier, qui a cherché à le reproduire chez nous, est fait avec son albumine.
Cette théorie n’est pas seulement très spirituelle, elle contient une part de vérité. […] — Précisément, et là, comme en tout, sa théorie entraîne Chateaubriand au-delà de 1550. […] Il vit sur cette formule, en y ajoutant sa théorie des poètes considérés comme civilisateurs et apôtres de 1830 à 1848, et dans les articles qu’il dicte ou inspire à l’Evénement. […] Il y a une foule de pages de critique ou de théorie littéraire très intéressantes dans Hugo, mais il n’y a ni critique ni théorie littéraire. Ses théories sont des digressions brillantes, sans lien, des contemplations, le plus souvent de lui-même.
Cousin n’aime pas M. de La Rochefoucauld ; il se pique d’être lui-même d’une philosophie morale spiritualiste très supérieure ; il se réjouit, en cette occasion particulièrement, de surprendre le défenseur de la théorie de l’amour-propre en flagrant délit de vanité littéraire.