Trois cents pièces de vers dans tous les genres et dans tous les styles ne prêtent pas à la hardiesse d’une supposition, comme les fragments d’un historien qui est seul garant des faits qu’il raconte.
Pourquoi chez nous (et je comprends dans ce mot nous les plus grands poètes métaphysiques français, anglais ou allemands du siècle, Byron, Goethe, Klopstock, Schiller, et leurs émules), pourquoi, dans les œuvres de ces grands écrivains consommés, la sève est-elle moins limpide, le style moins naïf, les images moins primitives, les couleurs moins printanières, les clartés moins sereines, les impressions enfin qu’on reçoit à la lecture de leurs œuvres méditées moins inattendues, moins fraîches, moins originales, moins personnelles, que les impressions qui jaillissent des pages incultes de ces poètes des veillées de la Provence ?
Si vous étiez né Grec ou seulement Italien, ayant sous les yeux, dès le berceau, une nature merveilleuse et un art idéal, vous auriez atteint le but dès le point de départ, et le grand style se serait formé en vous sur le modèle éternel ; mais vous êtes né Allemand avec une âme grecque, et il vous a fallu vous refaire Grec à force de contemplation et d’intuition. » — « Je vous ai attendu longtemps, répond Goethe ; j’ai marché jusqu’ici seul dans ma voie, non compris, non encouragé !
Son style, plein de force, a je ne sais quoi de bourgeois.
Ses ennemis ont de tout temps suffisamment exploité cette particularité de son style ; il n’était vraiment pas la peine que ses amis les imitassent.
Les partisans des deux académiciens se permirent bien des réflexions sur le plan, les caractères & le style de l’épopée.
Elle se trahit dans de rares passages où elle donne à la sévérité du style d’Aristote l’accent imprévu d’une religieuse émotion : « Même dans ceux des détails qui peuvent ne pas flatter nos sens, la nature, qui a si bien organisé les êtres, nous procure à les contempler d’inexprimables jouissances pour peu qu’on sache remonter aux causes et qu’on soit réellement philosophe.
On en prendra une juste idée par cet éloge qu’en fait, dans un style qui porte bien sa date, un catalogue de libraire de son temps (Lepetit, palais du Tribunat) : « Les amis de la nature, de Rousseau, des lettres et de la vertu, ne liront pas sans émotion ce petit ouvrage où respire une âme honnête, et où se manifeste le talent de peindre la campagne et d’exprimer le sentiment. » Enfin, il convient de rappeler le nom oublié de Cousin de Grainville, l’auteur du Dernier homme (1803). […] Il se passionne pour Rousseau, dont il semble avoir pris, avec le goût de la campagne et de la rêverie, le style éclatant et large, et la dialectique si entraînante, alors même qu’elle s’égare. […] On y voit un jeune émigré qui aime une jeune fille réfugiée comme lui dans une ville d’Allemagne, mais qui l’aime sans l’avoir jamais rencontrée, et qui ne l’entrevoit que pour s’en séparer à jamais ; le héros est bien de son temps ; il lit Werther, sa tête et son style s’en ressentent. […] J’y retrouve surtout Senancour dont Mme de Saman se rapproche encore plus par la libre allure de la pensée et par la forme quelquefois heureuse, mais plus souvent négligée, de son style. […] Tout le monde sait que par le style elle procède de ces deux grands modèles ; le second surtout lui a inspiré un culte qu’elle n’a jamais cherché à nier ; et bien longtemps après la date à laquelle je me place en ce moment, elle a déclaré qu’elle lui était restée fidèle, « fidèle, ajoutait-elle, comme au père qui m’a engendré, car s’il ne m’a pas légué son génie, il m’a transmis, comme à tous les artistes de mon temps, l’amour de la nature, l’enthousiasme du vrai, le mépris de la vie factice, et le dégoût des vanités du monde. » Mme Sand, ou plutôt Aurore Dupin, était dès lors préoccupée des plus hautes questions. « Ce qui m’absorbait à Nohant, comme au couvent, a-t-elle dit, c’était la recherche anxieuse ou mélancolique, mais assidue, des rapports qui doivent exister entre l’âme individuelle et cette âme universelle que nous appelons Dieu. » Recherche mélancolique ou même anxieuse, dit Mme Sand, et, en effet, cette recherche avait ses chances et ses fortunes diverses, car entre des phases de satisfaction et de sérénité pour la raison, il y avait « des intervalles de doute désespéré. » D’un autre côté, le milieu dans lequel vivait Mme Sand lui semblait si peu gai, la sévérité dont elle se sentait entourée de la part des bourgeois de la Châtre, et qu’elle bravait d’ailleurs, était si dure, « son existence domestique était si morne et si endolorie, son corps si irrité par une lutte continuelle contre l’accablement », qu’elle en arriva à être fatiguée de la vie et tentée de s’en débarrasser.
Le tout sans prétention, sans afféterie dans la description du détail, et avec la virilité de style qui est le propre de M. […] Le style de M. […] Un extrait du livre, pour rappeler le charme et l’élégance du style de l’auteur de Paule Méré, du Comte Kostia et de tant d’autres romans qui ont obtenu un si légitime succès. […] Enfin, nous possédons deux journaux dont les rédacteurs s’injurient dans le style le plus provençal, et qui, de temps en temps, quittent la plume pour se donner des coups de canne.
Pour donner une idée de la franchise de ses idées et de son style, je citerai ce morceau d’un article qu’elle écrivit un de ces tristes 14 juillet qui ne semblent faits que pour rappeler aux uns que leurs ancêtres ont égorgé, aux autres que les leurs ont été égorgés. […] Son style est clair et précis, ses nouvelles très concises sont d’un intérêt puissant. […] Poictevin n’emploie le verbe qu’à la dernière extrémité ; je ne dirai pas de lui ce que Veuillot écrivait de je ne sais plus quel auteur à qui il reprochait l’abus des qualificatifs : « Le pléonasme dans le style est signe d’un esprit qui n’a pas de mot, comme la multitude des paroles en affaires est signe d’un homme qui n’a pas le sou. » Bien loin de là, l’auteur des Ombres est trop riche de mots, car il ajoute à ceux d’usage courant les mots scientifiques démodés, ceux qu’il forge, faisant arme de chacun d’eux pour préciser sa pensée, s’exagérant l’intérêt de tout et, au contraire de ceux qui ne voient rien dans tout, voulant voir tout dans rien. […] C’est par la franchise du style qui suit celle de sa pensée, que Séverine s’est placée au premier rang du journalisme parisien.
L’Allemagne, l’Angleterre, la France, depuis Milton, Voltaire et Klopstock (Paradis perdu, Henriade, Messiade) ne l’égalent pas, si ce n’est en élégance de style moderne, mais comme force, grâce, naïveté, héroïsme et originalité des aventures, les Nibelungen selon moi dépassent tout.
Après cela, que Macpherson ait profité de sa découverte pour élaguer quelques imperfections, compléter quelques lacunes et composer même quelques poëmes dans le même mode de style et d’images sur des données fugitives, on n’en saurait guère douter ; mais le caractère de Macpherson, malgré sa jalouse partialité pour son œuvre, était trop religieux pour s’obstiner à une supercherie si contraire à la vérité et démentie par tant de témoignages pendant la durée de plus d’un siècle.
Swift, dans une troisième lettre, excita l’indignation de la noblesse d’Irlande contre le ton dominateur du conseil privé : « Appeler clameur 46 les adresses des deux Chambres du Parlement d’Irlande ; si l’on parlait dans ce style au Parlement d’Angleterre, je voudrais savoir combien de mises en accusations en seraient la suite. » Sans s’inquiéter de répondre au conseil, Swift continue d’affirmer, sur l’autorité « d’une personne très habile », que la monnaie de Wood est de mauvais aloi, et à déplorer l’asservissement de la nation livrée à un voleur.
Je me rappelle un article d’un journaliste politique, affirmant que la prose de Flaubert déshonorait le règne de Napoléon III, je me rappelle encore un article d’un journal littéraire, où on lui reprochait un style épileptique, — vous savez maintenant, ce que cette épithète contenait d’empoisonnement pour l’homme auquel elle était adressée.
Toute la poésie de l’hospitalité éclate dans ce récit en inexprimable simplicité de style.
Ce sont là certainement des méthodes de style et des procédés de famille qu’on peut, sans être dénaturé, oublier.
Dans l’avenir le style de Bossuet ne présentera plus qu’un intérêt d’archéologie et de grammaire.
C’est le style habituel de cet honnête prélat alsacien, que le hasard fit maître des cérémonies d’Alexandre VI. […] Il ne se lasse pas d’admirer les grâces et les fiertés du style toscan, pour lui si nouvelles.
Je jugeai qu’il étoit prévenu ; il se récrioit contre le titre, en prétendant que la véritable religion n’étant point exceptée des opinions religieuses, n’avoit plus les caracteres de la divinité, qu’il y avoit outre cela des doutes sur l’immatérialité de l’ame, & sur son immortalité, que l’apostrophe, à Dieu inconnu, étoit de la plus grande absurdité, d’après St Paul, & que cet ouvrage enfin, écrit dant un style exalté, contenoit des phrases trop alambiquées & des mots trop recherchés. […] Lorsqu’il n’y a que quelques phrases incohérentes, que quelques mots précieux ou déplacés, que quelques vices de style, que quelques transitions qui ne sont pas heureuses, on doit être indulgent ; mais quand un livre péche par le fonds, qu’il est mal conçu, mal exécuté, & qu’il n’en résulte que des idées triviales, ou de mauvais principes, alors la république des lettres est trop heureuse de se trouver avertie par quelqu’habile surveillant, qui, pour le bien public, plutôt que pour le sien propre, revendique les droits de la vérité, & venge l’honneur du goût, ce goût si rare, sur-tout dans ce temps-ci, où chacun sans attendre la maturité de son esprit, se hâte de produire. […] C’est une redondance de mots nouveaux, une bigarrure de style tout-à-fait originale ; du sublime à côté du trivial, du burlesque & du politique, des phrases déchiquetées, des périodes qui ne finissent point, & qu’on pourroit toiser, un tout sans parties, des parties sans un tout, des idées gigantesques, des pensées rampantes, des termes inintelligibles, des sentimens erronés….
Les uns, — ce sont les plus francs ou les moins habiles, — se sont bornés à jeter sur le vieux fond de la doctrine un vernis de poésie et des enluminures de style. […] Des images ambitieuses et vides, des métaphores gigantesques et inintelligibles, un style tantôt biblique et tantôt byronien ; ici l’enthousiasme des Illuminés, ailleurs des visions imitées de l’Apocalypse ; voilà ce qui fait tous les frais de ce prétendu mysticisme. […] » Quel style, et surtout quelle morale !
Pas de phrases ; des faits, rien que la vérité, et c’est par ce moyen si simple que l’auteur arrive à des effets que n’atteindront pas ceux qu’on appelle les magiciens du style et qui ne font que torturer les mots pour leur faire dire ce qu’ils ne doivent pas dire. […] Quant au style, pas de « mots d’auteur », pas de phrases à panaches.
Maintenant, on prend trop de religion, on en prend trop, on force la dose… Et puis, dans ce temps-là, on avait la société, la société, encore la meilleure invention des hommes, après tout. » Là-dessus, il se met à parler de Michelet avec une sorte d’animosité et de rancune colère. « Aujourd’hui, il a le style vertical.
Mais le génie d’une langue a ses mystères ; il est souvent difficile de justifier d’une façon satisfaisante pour l’entendement telle image, que, pourtant, nous comprenons sans peine, et qui, si notre réflexion se tait, nous paraît juste, et non pas seulement gracieuse ou brillante ; il me semble que, parfois, les figures du style plaisent à l’esprit pour plus d’une raison et ne peuvent être rangées exclusivement dans aucune des catégories que distinguent les dictionnaires.
Pour de la difficulté, si Gœthe, qui ne descend pas les montagnes russes, mais qui les grimpe, en éprouva, il la diminua aisément, ce monsieur Sans-Gêne littéraire, en copiant tout au long des pages entières de Beaumarchais et en les plaquant dans sa pièce, où elles détonnèrent cruellement sur le style déclamatoire et glacé du reste de l’ouvrage.