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800. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

La nature, en second lieu, pour Diderot, c’est le contraire de la société. Tous les maux, tous les vices de l’homme, viennent de la société, qui a inventé  la religion, les puissances, les distinctions, la hiérarchie, la richesse, c’est-à-dire l’oppression des uns, la tyrannie des autres, de la corruption et de la misère pour tous, — qui a inventé surtout la morale. […] Chasteté, pudeur, sobriété, réserve, dignité, sincérité : sottises que tout cela, préjugés et gênes de la société.

801. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Il cherche, dans l’œuvre littéraire, l’expression, non plus d’une société, mais d’un tempérament : tous ses jugements sur les livres sont des jugements sur les hommes. […] L’admirable Port-Royal, où revit toute une partie de la société française du xviie  siècle, où se dessine une des grandes forces qui aient agi sur la littérature de ce temps, ce Port-Royal est surtout un chef-d’œuvre de restitution psychologique. […] Les Fables de La Fontaine s’expliquent par le caractère de la Champagne, patrie de l’auteur, par la vie qu’il a menée, et par les habitudes intellectuelles et morales de la société du xviie  siècle.

802. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

Mais, en outre, les chrétiens de la bonne société, Attale, Æmilia, Épagathus, Alexandre même, tout en la regardant comme leur sœur en Dieu, n’eussent pas, d’abord, fait grande attention à elle, lui eussent témoigné tout juste les sentiments fraternels qui sont « de commandement », et, malgré eux, se ressouvenant de leur condition sociale, eussent considéré l’humble servante comme une créature égale sans doute à eux-mêmes par sa participation au rachat divin, mais inférieure par l’intelligence, l’éducation, la distinction morale. […] des manières de « cléricaux. » Mais avec tout cela, il est certain que les chrétiens devaient être assez exactement, aux yeux de la société régulière des premiers siècles, ce que les plus violents révolutionnaires sont pour la nôtre. […] Si les communautés chrétiennes étaient composées, en majorité, de très douces âmes, il devait pourtant s’y rencontrer, surtout parmi les catéchumènes, des malheureux venus là par désespoir, excès de souffrance, haine de la société établie, instinct de révolte, insuffisamment instruits et non encore imprégnés de l’esprit de Jésus.

803. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Cet effort impuissant pour fonder une société parfaite a été la source de la tension extraordinaire qui a toujours fait du vrai chrétien un athlète en lutte contre le présent. […] La société n’étant plus sûre de son existence, en contracta une sorte de tremblement et ces habitudes de basse humilité, qui rendent le moyen âge si inférieur aux temps antiques et aux temps modernes 816. […] De nos jours même, jours troublés où Jésus n’a pas de plus authentiques continuateurs que ceux qui semblent le répudier, les rêves d’organisation idéale de la société, qui ont tant d’analogie avec les aspirations des sectes chrétiennes primitives, ne sont en un sens que l’épanouissement de la même idée, une des branches de cet arbre immense où germe toute pensée d’avenir, et dont le « royaume de Dieu » sera éternellement la tige et la racine.

804. (1761) Apologie de l’étude

L’homme factice, au contraire, a mille besoins d’institution, et pour ainsi dire métaphysiques, ouvrage de la société, de l’éducation, des préjugés, de l’habitude, de l’inégalité des rangs. […] Déterminé à sortir pour jamais de ce cabinet, où je n’aurais jamais dû entrer, la société, à laquelle j’avais renoncé presque dès mon enfance, semblait devoir m’offrir des ressources, des plaisirs et des amis. […] Vous l’eussiez encore été davantage, si vous aviez su entremêler à propos la solitude et la société, l’étude et les plaisirs honnêtes : par là vous eussiez senti et goûté toute votre existence, dont vous n’avez joui qu’à moitié.

805. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

Cette société, en effet, qui recherchait la veille encore les luxuriances et les débauches des esprits outrés et malades, devait trouver le genre de talent de Stendhal trop simple, trop décharné, trop dru pour elle ; car même quand il se crispe et s’affecte, ce n’est jamais de cette affectation moderne qui juche à vide sur de grands mots. […] Ainsi que l’atteste la Correspondance, l’imagination de cet amoureux de la Passion et de la Force remontait vers la Féodalité expirante pour y chercher des types, des émotions et des effets, et se détournait avec mépris de cette société à âme de soixante-dix ans dont il avait écrit encore cette autre phrase : « À Paris, quand l’amour se jette par la fenêtre, c’est toujours d’un cinquième étage », pour en marquer la décrépitude ; car la vieillesse, comme l’immoralité, comme l’athéisme, comme les révolutions, descend dans les peuples au lieu d’y monter, et c’est ordinairement par la cime que les sociétés commencent à mourir.

806. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

Cette société, en effet, qui recherchait hier encore les luxuriances et les débauches des esprits outrés et malades, doit trouver le genre de talent de Stendhal trop simple, trop décharné, trop dur pour elle, car, même quand il se crispe et s’affecte, ce n’est jamais de cette affectation moderne qui juche à vide sur de grands mots. […] Ainsi que l’atteste la Correspondance, l’imagination de cette amoureux de la Passion et de la Force remontait vers la Féodalité expirante, pour y chercher des types, des émotions et des effets, et se détournait avec mépris de cette société, à âme de soixante-dix ans, dont il avait écrit encore cette autre phrase : « A Paris, quand l’amour se jette par la fenêtre, c’est toujours d’un cinquième étage », pour en marquer la décrépitude ; car la vieillesse, comme l’Immoralité, comme l’Athéisme, comme les Révolutions, descend dans les peuples au lieu d’y monter, et c’est ordinairement par la cime que les sociétés commencent de mourir.

807. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

Les dons d’esprit de l’auteur de l’Orpheline ne sont, en effet, ni de cette société ni de ce siècle, quoique madame de Molènes comprenne mieux que personne et ce siècle et cette société. […] Il est vrai que Marivaux est un second Watteau, au xviiie , et que, s’il n’est pas faux, il est idéal comme Watteau, et tellement idéal que la société de son temps, enchantée, ne se reconnaissait plus dans ses tableaux.

808. (1915) La philosophie française « I »

Tout le monde sait comment s’élaborèrent en France, au cours du XVIIIe siècle, les principes de la science politique en général, et plus particulièrement les idées qui devaient amener une transformation de la société. […] Lui aussi remit tout en question ; il voulut remodeler la société, la morale, l’éducation, la vie entière de l’homme sur des principes « naturels ». […] Réformateur à la manière de Socrate, il eût été tout disposé, comme on l’a fait remarquer, a adopter la maxime socratique « connais-toi toi-même » ; mais il l’eût appliquée aux sociétés et non plus aux individus, la connaissance de l’homme social étant à ses yeux le point culminant de la science et l’objet par excellence de la philosophie.

809. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre premier. Table chronologique, ou préparation des matières. que doit mettre en œuvre la science nouvelle » pp. 5-23

Autant de types idéaux des fondateurs des sociétés, et des poètes théologiens. […] La Providence a voulu que les sociétés qui n’ont point encore la connaissance des lettres se fondent d’abord sur les usages et les coutumes, pour se gouverner ensuite par des lois, quand elles sont plus civilisées. […] Guidés par les principes de la science nouvelle, nous éviterons ces terribles écueils de la mythologie ; nous verrons que ces fables, détournées de leur sens par la corruption des hommes, ne signifiaient dans l’origine rien que de vrai, rien qui ne fût digne des fondateurs des sociétés.

810. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Les Écrivains ont répandu des trésors véritables, en nous donnant des idées plus saines, plus douces ; en nous inspirant les vertus faciles & indulgentes qui forment & embellissent la société. […] Il occupe vingt hommes à faire les paillettes d’or & les broderies qui couvrent son habit, lesquels vingt hommes pourroient faire des choses plus nécessaires à la société. […] Le Philosophe se croit quelquefois obligé de sacrifier aux bisarreries & aux usages de la société : c’est une erreur de sa part, & qui est même désavantageuse à cette société : car qui rompra le torrent de ces folles habitudes, si ce n’est lui ? […] On s’accommode mieux du commerce de ceux que l’on aime, que de la société de ceux qu’on admire. […] Que de vices troublant la société il avoit à combattre !

811. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Cet intérêt de Bossuet pour la vie, pour les sociétés, pour l’homme en particulier, est la plus durable beauté de ses ouvrages. […] Ces deux principes sont également légitimes ; leur lutte incessante fait la vie des sociétés humaines. […] Il s’est trompé quand il a cru le protestantisme incompatible avec de grandes sociétés réglées et prospères, il s’est trompé quand il a vu l’idéal des gouvernements dans la royauté absolue, tempérée par des lois fondamentales. […] Il n’est pas plus donné aux hommes de génie de régler d’avance que de prédire les formes des sociétés. […] Leur gloire est de rendre immortelles par l’expression les vérités fondamentales qui servent comme d’assises à toutes les sociétés, quel qu’en doive être le couronnement.

812. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

C’est parce que nous nous apprécions et nous nous respectons les uns les autres que le monde nous respecte si fort, que nous tenons un si bon rang dans la société et que nous nous y comportons d’une manière si irréprochable. […] Dans une société aristocratique et marchande, ce vice est l’égoïsme et l’orgueil ; Thackeray exaltera donc la douceur et la tendresse. […] Homme populaire, il préfère toujours la société d’un maquignon à la compagnie d’un gentleman. […] Selon Thackeray, la société anglaise est un composé de flatteries et d’intrigues, chacun s’efforçant de se guinder d’un échelon et de repousser ceux qui montent. […] Sans doute, les qualités morales sont de premier ordre ; elles sont le moteur de la civilisation, et font la noblesse de l’individu ; la société ne subsiste que par elles, et l’homme n’est grand que par elles.

813. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

Avec Hugo, la poésie devient vraiment sociale en ce qu’elle résume et reflète les pensées et sentiments d’une société tout entière, et sur toutes choses. […] Victor Hugo a eu, comme notre société moderne, — j’entends la société pensante, — le sentiment de ce qu’on appelle aujourd’hui l’inconnaissable. […] Mais, pour réaliser cet idéal, Hugo n’a foi ni dans le communisme, ni dans le nihilisme contemporain, dont il avait mis, dès 1862, une formule frappante dans la bouche du bandit Thénardier : « L’on devrait prendre la société par les quatre coins de la nappe et tout jeter en l’air ! […] Selon Hugo, dans notre société, c’est la femme et l’enfant qui souffrent le plus […] il a glissé, il est tombé, c’est fini… Ô marche implacable des sociétés humaines !

814. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Comment refuser de partager sa dernière épargne avec ceux qui ont partagé vos efforts et vos périls pour maintenir l’ordre et pour préserver la société, dans ces heures où ces braves citoyens, moins intéressés en apparence que nous à la propriété, offraient généreusement leur sang pour elle ? […] J’aurai soin qu’on rende la justice ; mais, avant tout, j’ordonne qu’on traite les prisonniers avec bonté et qu’on ne leur refuse rien de tout ce qui peut être accordé…… Les crimes sont, dans la société, comme les taches et les ordures sur les habits : un habit se lave, les taches s’effacent, les ordures s’en vont ; mon peuple peut se corriger et s’amender. Je ne veux me servir de la terreur des supplices que pour défendre la société. […] Seize livres ensuite traitent de politique, du gouvernement des hommes en société, de l’empereur considéré comme premier père de la famille, selon la doctrine de Confucius et des livres sacrés. […] Tout ce qu’il nous convient d’en dire ici, c’est que ce qu’on y trouve dissiperait bien des préjugés en Occident sur la Chine, montrerait l’importance de bien des choses qui n’y sont pas assez prisées, et y ferait sentir que la société politique et civile gagne beaucoup à tout ce qui fixe tous les devoirs réciproques et oblige tout le monde à des attentions, prévenances et honnêtetés continuelles.

815. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Déjà, au point de vue physiologique, l’individu porte en lui-même une société : nous sommes plusieurs en un, un en plusieurs, puisque notre organisme est composé d’une multitude d’organismes. […] En d’autres termes, le cerveau codifie et promulgue les lois de la société cellulaire, et les deux premiers articles de la constitution physiologique sont nécessairement les suivants : 1° l’être est et s’affirme par tous les moyens, 2° l’être agit et pâtit de la même manière dans les mêmes circonstances. Mais ces deux règles fondamentales de l’existence en commun ne s’appliquent pas seulement à cette société de cellules dont nous sommes la conscience à la fois collective et personnalisée ; elles s’appliquent de même à la société humaine dont nous faisons partie intégrante et active. […] Il aurait dû, selon nous, adopter pour le monde entier l’hypothèse de l’harmonie sympathique, au lieu de l’harmonie préétablie ; il aurait dû surtout transporter cette conception dans la société humaine, où nul ne peut vivre sans sympathiser logiquement avec ses semblables. La logique, en un mot, est l’expression des lois de l’action réciproque au sein de toute société, c’est-à-dire du déterminisme social.

816. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Elle envahit la société, elle gouverne les mœurs, elle éclabousse l’opinion publique, et elle possède déjà à elle les Courses et les Bouffes. […] C’est un temps anormal, une annihilation trop énorme de la cervelle et du cœur de la patrie, une matérialisation de la France trop purulente, pour que la société ne crève pas. […] Singulière société où tout le monde se ruine. […] * * * — L’élaboration douloureuse, le supplice de la beauté : le voici à nous raconté par une femme de la société. […] Ô Providence, si tu existes, tes ironies sont d’un joli calibre… Dire que ça nous est infligé, à nous qui avons fait l’Histoire de la société pendant la Révolution !

817. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Peu de gens possèdent les vertus de la société dans un dégré aussi éminent, que les avoient ces deux frères. […] Elle a fait encore des vers de société que le public ne connoit pas. […] Cependant, comme Despréaux avoit une sorte d’estime pour mademoiselle de Scudéri, il ne voulut pas faire imprimer d’abord ce dialogue, par égard pour elle : il se contentoit de le lire dans quelques sociétés ; mais l’ouvrage fut enfin donné au public, & tous les romanciers se réunirent contre l’auteur. […] Ils se bornèrent à médire de lui dans toutes les sociétés dont ils étoient les oracles. […] Lequel est le plus dangereux d’un roman ou des Contes de la Fontaine, demandoit une femme dans une société où le philosophe Dumarsais se trouvoit avec le président Demaisons ?

818. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Mystérieuses balances qui mesurent les plus lourdes nécessités d’une partie de la société aux plus légères frivolités de l’autre ! […] Mais là où Victor Hugo étale grossièrement son esprit bourgeois, c’est lorsqu’il personnifie ces deux institutions de toute société bourgeoise, la police et l’exploitation, dans deux types ridicules : Javert, la vertu faite mouchard, et Jean Valjean, le galérien qui se réhabilite en amassant en quelques années une fortune sur le dos de ses ouvriers. […] Hugo, ainsi que tout bourgeois, ne peut comprendre l’existence d’une société sans police et sans exploitation ouvrière. […] Sa haine des socialistes, qu’il dénonça si férocement en 1848, est si intense, que dans sa classification des êtres, qui troublent la société, il place au dernier échelon Lacenaire, l’assassin, et immédiatement au-dessus, Babeufa, le communiste22. Des gens qui seraient de la plus atroce mauvaise foi, s’ils n’étaient des ignorants et des oublieux, ont prétendu que l’homme qui, en novembre 1848, écrivait que « l’insurrection de juin est criminelle et sera condamnée par l’histoire, comme elle l’a été par la société… ; si elle avait réussi, elle n’aurait pas consacré le travail, mais le pillage » (Événement, nº 94), que cet homme avait déserté la cause de la sacrée propriété et pris la défense de l’insurrection du 18 mars.

819. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Cependant ce n’est pas du côté de Molière qu’il se tourne, et de la cour, mais au contraire du côté des précieuses ; et, de même que les premières amitiés qu’il noue sont avec les Conrart et les Chapelain, la première société où il s’habitue, c’est la société de Mlle de Scudéry. […] Toute cette société précieuse travaille très sérieusement à ces futilités. […] Placez John Wesley à Rome, il sera certainement le premier général d’une nouvelle société dévouée aux intérêts et à l’honneur de l’Église. […] Autre exemple : « Les chrétiens sont-ils faits pour ne pas se voir, et s’interdire toute société les uns avec les autres ? […] Auteurs, censeurs, libraires, tout ce monde est un peu de la même société.

820. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Ce gros propriétaire n’avait assurément pas l’intention de révolutionner la société. […] Tout est relatif ; on reconnaît une réelle décence extérieure dans la société de la comtesse de Rochefort, lorsqu’on la compare à d’autres sociétés de la même époque. […] Il y avait dans la société romaine un fond de barbarie avec une grande affectation d’élégance extérieure. […] Cela n’était possible que dans une société convaincue de la grande réparation d’outre-tombe. […] Cette société se composerait-elle d’individus vicieux, égoïstes ?

821. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Lorsque Saint-Martin croit que les vérités religieuses n’ont qu’à gagner à la grande épreuve que la société française traversait au moment où il écrit, il est dans le vrai de sa haute doctrine. […] Les dernières années de Saint-Martin se passèrent tantôt à Paris, tantôt à la campagne, à méditer, à écrire, à traduire Boehm, à revoir ses amis de l’émigration et de la haute société qui rentraient peu à peu et se ralliaient après l’orage. […] Les grands objets s’annonçaient à lui d’une manière de plus en plus imposante et douce, et proportionnée à son état présent : « J’ai mille preuves réitérées que la Providence ne s’occupe, pour ainsi dire, qu’à me ménager. » Il était d’ailleurs tellement inapplicable et impropre aux choses positives, que dans le second trimestre de l’an IV, ayant été porté sur la liste du jury pour le tribunal criminel de son département, il crut devoir se récuser par toutes sortes de raisons qui, si elles étaient admises, paralyseraient la société : Je ne cachai point mon opinion ; je dis tout haut que, ne me croyant pas le droit de condamner un homme, je ne me croyais pas plus en droit de le trouver coupable, et que sûrement, tout en obéissant à la loi qui me convoquait, je me proposais de ne trouver jamais les informations et les preuves assez claires pour oser disposer ainsi des jours de mon semblable. […] Il prenait part cependant à la restauration de la société qui se faisait autour de lui, et y voyait le doigt de la Providence58.

822. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Si la littérature est vraiment ou doit être l’expression de la société, la littérature du xviiie  siècle est plus voisine de la société de son temps que la littérature du xviie ne l’était de la société sa contemporaine. […] Je serais fâché que des personnes amies de la société moderne et du progrès véritable de leur sexe appelassent pédante celle qui n’était que sensée et raisonnable ; théâtrale, celle qui n’a été qu’héroïque jusqu’au bout et généreuse.

823. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

L’alliance offensive et défensive de tous les gens de lettres, la société en commandite de tous les talents, idéal que certaines gens poursuivent, ne me paraîtrait pas même un immense progrès, ni précisément le triomphe de la saine critique. […] Lui qui avait besoin, pour déployer ses ailes, qu’il fit beau dans la société autour de lui, il trouvait à sa portée d’heureux espaces ; et j’aime à le considérer comme le type le plus élevé de ces connaisseurs encore répandus alors dans un monde qu’ils charmaient, comme le plus original de ces gens de goût finissants, et parmi ces conseillers et ces juges comme le plus inspirateur. La classe libre d’intelligences actives et vacantes qui se sont succédé dans la société française à côté de la littérature qu’elles soutenaient, qu’elles encadraient, et que, jusqu’à un certain point, elles formaient ; cette dynastie flottante d’esprits délicats et vifs aujourd’hui perdus, qui à leur manière ont régné, mais dont le propre est de ne pas laisser de nom, se résume très-bien pour nous dans un homme et peut s’appeler M.  […] Les illustres Mémoires ont déjà fixé en traits d’immortelle jeunesse cette petite et admirable société d’alors, soit au village de Savigny, soit dans la rue Neuve-du-Luxembourg, Fontanes, M. 

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