C’est qu’il ne s’est point fait tout seul. […] On se trompe lorsqu’on étudie le document comme s’il était seul. […] Non que cette loi s’accomplisse toujours jusqu’au bout ; parfois des perturbations se rencontrent ; mais, quand il en est ainsi, ce n’est pas que la loi soit fausse, c’est qu’elle n’a pas seule agi. […] À ce moment et dans ces pays, les conditions se sont trouvées remplies pour un art, et non pour les autres, et, une branche seule a bourgeonné dans la stérilité générale. […] Seules, la Grèce ancienne, la France et l’Angleterre modernes, offrent une série complète de grands monuments expressifs.
Il est bien vrai que l’impression d’un seul peut, par la confiance que sa personne inspire ou l’ascendant qu’elle exerce, commander et entraîner la masse des esprits qui ont avec le sien quelque ressemblance. […] Et c’est pourquoi elle abandonne son mari et ses enfants pour s’en aller, toute seule, chercher la vérité, refaire son éducation intellectuelle et morale. […] … Oui, j’entends bien, il y a des moments où ce seul fait, que l’on est au monde, et que le monde existe, apparaît comme tout à fait incompréhensible, nous emplit d’une indicible stupeur. […] Celui-là seul pourrait décerner le prix de la forme, qui posséderait toutes les langues de l’Europe aussi à fond que nous possédons la nôtre, c’est-à-dire de manière à percevoir, dans ses moindres nuances, ce qui constitue le « style » de chaque écrivain. […] Nous aimons aimer ; nous sommes peut-être le seul peuple qui soit porté à préférer les autres à soi.
Peu importe que tout soit sacrifié à un seul personnage ! […] Les autres siècles ont cru que ce temps-là, perdu, était le seul gagné. […] Le seul hasard ne préside point à leur rencontre. […] Seuls, les cinq ou six écrivains artistes dont nous parlons plus haut — et qui, en général, ne sont pas ceux qui obtiennent les plus grands succès d’argent — masquent cette faillite du théâtre contemporain. […] Pour de pareilles masses, le seul théâtre qui convienne me semble celui qui correspond littérairement aux feuilletons des journaux à grands tirages.
Je prenais mes pistolets ; ils s’enfuyaient et me laissaient seul. […] Je suis tout seul, je conduis ma barque tout seul. […] Ainsi je ne vous écrirai qu’une seule fois encore pour vous marquer mon départ, ou les arrangements qu’on aura pris avec moi. […] Ne me les épargnez pas, puisque ce sont les seules preuves de votre amitié que vous puissiez me donner à une si grande distance. […] Un coup de mer qu’on ne put éviter brisa sur notre avant, rompit quelques barreaux du pont, enleva la petite chaloupe et emporta le maître de l’équipage avec trois matelots ; un seul fut rejeté dans les haubans et sauvé après avoir eu l’épaule et la main fracassées.
Matérialiste, il est vrai, à l’œil borné, de cela seul qu’il est matérialiste, — car s’il ne l’était pas, il aurait, de nature, le regard étendu : il est très capable de voir grand, — matérialiste, M. […] Elle se croit la divinité même, la seule divinité qui puisse exister pour les hommes de ce moment sublime ! […] Taine a paru, ce livre insolent de cela seul qu’il est impossible d’y répondre, la Bête a réagi et elle va continuer de réagir contre le Taine qu’elle a vanté et exalté naguère comme l’espoir du siècle, — que dis-je, l’espoir ? […] Un seul l’avait aperçue, — un seul, qui n’était pas Français, avait vu à travers les décrets, les législations, les discours, la coupe réglée des échafauds, toute cette politique de la Révolution, qui la cache dans les histoires, la France tout entière dans le bas-fond où elle s’agitait, abominable et terrible ! […] À l’exception du seul Marat, qui tomba, lui, sous un poignard dont l’acier était pur, ils moururent tous en se souillant, les uns par les autres.
Il y a un vers charmant du vieux dramaturge Hardy, le seul bon, je crois, qu’il ait fait ; je demande pardon (en matière aussi classique) de ce qu’il y a d’un peu léger dans la citation : Couler une main libre autour d’un sein neigeux… Voilà le vers. […] Il s’est si bien créé l’avocat des grands siècles et si fermement posé sur le terrain de la tradition, qu’il vous convie à lui et à ses clients illustres d’un seul et même appel. […] Dans le milieu de son style, il y a de ces phrases, de ces paragraphes entiers qui me font l’effet des compagnies du centre au complet, défilant dans une revue, bonnes troupes, si l’on veut, mais peu distinctes, un peu lourdes, et qui passent assez longtemps devant vous sans qu’il y manque et sans qu’on y remarque un seul homme. […] Mais ne posez pas les limites, ne criez pas contre l’exception, car de l’exception seule naîtra le talent, le génie. […] Nisard une incohérence par trop glorieuse, qui tendait à cumuler, en quelque sorte, les avantages des admirations les plus disparates et les plus affichées, une manière peu discrète de louer qui manquait de convenance envers tous ceux qu’elle associait si bruyamment, mais qui, dans le cas cité, en manquait surtout envers le plus pointilleux et le seul exclusif des trois.
Seul Pascal n’avait pas écrit une ligne qui ne fût pour la vérité et selon la nature. […] C’était bien par là le seul écrivain raisonnable de notre langue, et voilà pourquoi Boileau mettait ce moderne-là au-dessus de tous les anciens. […] Le seul caractère sur lequel tous les hommes puissent tomber d’accord, dans un poème, c’est la conformité de l’expression à l’objet, si l’objet est pris dans la nature. […] Cela n’a pas de bien graves conséquences en peinture et en sculpture : la vérité et la beauté n’y sont point essentiellement attachées aux noms et aux circonstances historiques ; les éléments naturels et physiques du sujet importent seuls. […] Ne comprenant pas qu’elle seule pouvait lui fournir un sûr moyen de dégager le général et l’essentiel dans l’infinie complexité des apparences, il tâcha instinctivement d’y suppléer par l’étude des anciens.
La conscience seule du mal empêche le repos. […] L’infini seul pourrait les rassasier. […] Le spéculatif seul peut être critique ; les libéraux ne le sont pas ; ils sont superficiels. […] Or, l’humanité seule s’est donnée des chaînes. […] L’avènement du peuple pourra seul faire revivre ces hautes aspirations du vieux monde aristocratique.
Il tâche d’élever les âmes, de les animer au bien par la grandeur des circonstances : « La France n’est point dans ce moment chargée de ses seuls intérêts ; la cause de l’Europe entière est déposée dans ses mains… On peut dire que la race humaine est maintenant occupée à faire sur nos têtes une grande expérience. » À côté de l’honneur insigne de la réussite, il déroule les suites incalculables d’un revers. […] Orgueil et courage, orgueil et plaisir à se trouver à part, seul debout, exposé à la rage des méchants, quand les lâches et les hébétés se taisent, il entre beaucoup de cela dans l’inspiration politique d’André Chénier. […] … élevez donc la voix, montrez-vous… Ce moment est le seul qui nous reste : c’est le moment précis où nous allons décider de notre avenir… La perte d’un poste est peu de chose, mais l’honneur de la France a été plus compromis par de détestables actions qu’il ne l’avait été depuis des siècles. […] La forme seule de la majesté qu’ils flattent a changé : l’un de ces rois n’a qu’une tête, l’autre en a cinq cent mille. […] Quelle que soit la ligne politique qu’on suive (et je ne prétends point que celle d’André Chénier soit strictement la seule et la vraie), cette manière d’être et de sentir en temps de révolution, surtout quand elle est finalement confirmée et consacrée par la mort, sera toujours réputée moralement la plus héroïque et la plus belle, la plus digne de toutes d’être proposée aux respects des hommes.
La seule conclusion que permette le poème d’Organt, et qui porte sur l’ensemble, c’est que l’âme de jeune homme, qui se complut à vingt-ans dans ces combinaisons et ces images, était dure, grossière, sensuelle, sans délicatesse. […] Que quantité d’innocents soient confondus avec un seul coupable, peu lui importe. […] Dans les derniers mois, sa présence au Comité de salut public, quand il était à Paris, n’avait pour objet que de faire triompher les rancunes de Robespierre et les siennes, et de saisir pour eux seuls le pouvoir. […] Il y a de jeunes fous et de vieux philosophes qui ont mis dans leur oratoire, au nombre de leurs saints, ce jeune homme atroce et théâtral, auquel on est même embarrassé, quand on embrasse sa courte et sinistre carrière, d’appliquer une seule fois le mot humain de pitié. […] Il y a à cela une petite difficulté : il ne paraît pas que Saint-Just ait jamais été, même une seule année, au collège Louis-le-Grand.
Ce papier est la seule mémoire de tant de morts. […] À sept heures on dîne, et aussitôt le dîner, après une seule pipe fumée, la lecture recommence, et nous allons de lectures en résumés de morceaux qu’il analyse, et dont quelques-uns ne sont pas complètement terminés, nous allons jusqu’au dernier chapitre. […] Dans ce restaurant, on entrevoit, se profilant sans bruit, la silhouette de Ponson du Terrail, avec à l’horizon du boulevard son dog cart, la seule voiture d’homme de lettres roulant sur le pavé de Paris. […] Prud’homme ou du gnouf, gnouf de Grassot, il est pour nous, si gâtés par notre ménage, le seul compagnon de voyage presque absolument sympathique et supportable, pendant un mois. […] Et il reprend : « Le roi Louis-Philippe, je ne l’ai vu qu’une seule fois, quand on me présenta comme académicien.
Je voudrais, dans ce rapide exposé et dans l’appréciation des faits principaux, ne choquer aucun sentiment vrai, généreux, ne méconnaître aucun des titres de la conscience humaine ; et pourtant j’ai à maintenir la ligne qui reste la plus droite, la seule française, celle du large et royal chemin. […] Henri IV était le seul homme qui eût pu calmer, et il y arrivait par son habileté, par sa justice, par sa force si bien tempérée d’adresse ; il mourut trop tôt, et, après lui, il était bien difficile que les ferments mal apaisés, et qu’excitait derechef l’air du dehors, ne se renflammassent pas. […] Le maréchal de Thémines, qui avait l’avantage des forces, tient campagne, ravage le plat pays et s’empare de Saint-Paul, seule action un peu notable que Rohan lui attribue, en la diminuant de son mieux et la présentant comme plus facile qu’elle ne fut peut-être. […] Et il eut l’idée, très hardie et originale, de se servir pour cela du secours des alliés, de ceux-mêmes qui étaient de la religion des rebelles : car la France alors n’avait pas de marine, elle n’avait pas un seul vaisseau à opposer à Soubise triomphant sur les mers depuis sa capture. […] Cet armement, si hardiment combiné, auquel l’Angleterre contribua par ses seuls vaisseaux, et la Hollande par ses vaisseaux à la fois et par ses hommes, eut tout le succès et l’effet qu’il prétendait en tirer.
Il se vit l’objet d’une exception unique, il fut le seul homme de lettres envers qui l’Académie ne craignit pas de s’engager à l’avance. […] Par cela seul que l’ancienne et première école des Chapelain, des Des Maretz, vécut son cours de nature et se prolongea dans ses choix, Boileau ne fut jamais complètement chez lui à l’Académie ; il ne fut jamais content d’elle ; il n’avait guère que des épigrammes quand il en parlait ; il était presque de l’avis de Mme de Maintenon, à qui l’on reprochait de ne pas la regarder « comme un corps sérieux43 ». […] L’Académie se trouva ce jour-là le seul sanctuaire resté tout à la dévotion de Louis XIV. […] L’originalité de La Bruyère n’est pas d’avoir fait des portraits tels quels, à la diable, et dessinés plus ou moins couramment à la plume, par manière de jeu de société, comme on les brochait avant lui, mais de les avoir faits serrés, profonds, savants, composés, satiriques, en un mot tels qu’un grand peintre seul les pouvait faire. […] Je n’ai garde de l’attribuer à mon mérite qui est trop mince : elle est due au crédit seul de M. le cardinal d’Estrées et de M. l’abbé son neveu, qui, sans aucun mouvement de ma part, m’ont gagné l’unanimité des suffrages.
Rien n’est plus glorieux, Monsieur, que de vous être acquis sans soins, sans intrigues, et par la seule force de votre mérite, un protecteur cent fois plus respectable encore par ses vertus que par sa haute naissance. […] Voulez-vous persuader à toute l’Europe, qui a les yeux sur vous, que, dans le nombre des gens qui vous aiment, il n’y en a pas un seul que vous jugiez digne de vous servir ? […] Elle était blessée à bon droit et un peu humiliée de ce silence gardé envers elle seule. […] Les liens de l’amitié sont respectables, même après qu’ils sont rompus, et les seules apparences de ce sentiment le sont aussi. […] Une vanité mal entendue, une trop haute opinion de soi-même peut seule éloigner de la société.
Qui m’eût dit que M. de Mirabeau était le seul homme dans mon sens, qu’il voulait ce que je voulais, ce que j’avais tant et si inutilement conseillé ? […] Mirabeau arriva donc seul chez M. […] La plus bruyante fut à elle seule la voix de l’abbé Raynal, qui, de même que votre ami, a choisi ce lieu comme asile de liberté et de travail historique. […] « Prenez bien garde, ajouta-t-il, que je suis le seul dans cette borde patriotique qui puisse parler ainsi sans faire volte-face. […] Necker se tourna vers moi comme étant le seul Anglais présent, et me demanda s’il en était ainsi.
Talleyrand, si sagace qu’il fût, mais trop étranger au sentiment de la pudeur publique qui seule, et au défaut même de la prudence politique, aurait dû l’avertir, ne se dit point alors que c’était trop de deux à la fois, que la double pilule était trop amère pour l’estomac de la légitimité, et qu’une réaction prochaine inévitable devait les revomir l’un et l’autre. […] Il a fait un tel temps depuis quinze jours que je ne sais si les eaux m’ont fait du bien ou du mal. — Pauline37 a été mon seul plaisir. […] Il y est tout seul : sa femme est restée avec sa fille, qui est malade à Paris. — Toute la doctrine s’occupe de mariage : M. de Rémusat vient d’épouser Mlle de Lasteyrie, qui est fort jolie, et il se promet d’être amoureux. — Le mariage a été célébré par un prêtre janséniste, qui dans son discours a un peu scandalisé les habitués de la paroisse. — Ce n’est pas tout : M. […] Son nom seul, avec la réputation d’habileté et de prudence qui l’environnait, était déjà une garantie. […] Il avait ici tout le monde à ses pieds ; toute la noblesse d’Angleterre recherchait sa société avec ardeur ; les diplomates de tous pays pliaient devant lui ; lord Palmerston seul résistait à Talleyrand, non seulement sur les grandes choses, mais sur les plus petites et sur des bagatelles.
Voici pourtant une charmante pièce naturelle et simple, où s’exprime avec vague le seul genre de sentiment tendre, et bien fantastique encore, que le discret poëte ait laissé percer dans ses chants : LA JEUNE FILLE. […] Tes compagnes sur la colline T’ont vue hier seule à genoux, Ô toi qui n’es point orpheline Et qui ne priais pas pour nous ! […] Mais il ne paraît pas s’être soucié de renouer les anciennes relations ; le hasard seul nous le fit rencontrer une ou deux fois en ces dix années ; il s’évanouissait de plus en plus. […] et par la seule piperie de son talent, un éditeur. […] David suivit seul son cercueil ; c’était la veille de l’Ascension ; un orage effroyable grondait ; la messe mortuaire était dite, et le corbillard ne venait pas.
« Un livre vraiment utile au misérable, parce qu’on y trouve la pitié, la tolérance, la douce indulgence, l’espérance, plus douce encore, qui composent le seul baume des blessures de l’âme : ce sont les Évangiles. […] Ici, il voit éclater le réverbère à la porte de cet hôtel, dont les habitants, plongés dans les plaisirs, ignorent qu’il est un misérable, occupé seul à regarder de loin la lumière de leurs fêtes, lui qui eut aussi des fêtes et des amis ! […] J’en contemple encore quelquefois les tempêtes, comme un homme jeté seul sur une île déserte, qui se plaît, par une secrète mélancolie, à voir les flots se briser au loin sur les côtes où il fit naufrage. […] Cela mérite seul d’être conservé, air et paroles. […] C’est le seul passage de ses œuvres en vers où Chateaubriand a été poëte ; partout ailleurs il ne fut que poétique.
Sans pouvoir me permettre ici d’aborder une question qui est tout entière du ressort de la physiologie et de la science, je dirai seulement que le seul fait d’avoir entendu des voix et de les entendre habituellement, de se figurer que les pensées nées du dedans, et qui reviennent sous cette forme, sont des suggestions extérieures ou supérieures, est un fait désormais bien constaté dans la science, un fait très rare assurément, très exceptionnel, mais qui ne constitue nullement miracle, et qui non plus ne constitue pas nécessairement folie : c’est le fait de l’hallucination proprement dite. […] Presque toujours seule à l’église ou aux champs, elle s’absorbait dans une communication profonde de sa pensée avec les saints dont elle contemplait les images, avec le ciel où on la voyait souvent tenir ses yeux comme cloués. […] Elle dut s’y asseoir souvent seule, nourrissant sa secrète pensée. […] Enfant, elle ne connaissait dans son endroit qu’un seul Bourguignon, et elle n’aurait pas été fâchée, disait-elle, qu’il eût la tête coupée, si toutefois Dieu l’avait eu pour agréable . […] J’ai pour moi la parole directe et l’ordre du grand Jupiter : c’est le seul Dieu dont la volonté compte.
Dès l’âge de neuf ans, celui-ci était formé par son père aux exercices violents et ne passait pas un seul jour sans chasser. […] C’est ce qu’on vit au passage du Duero (16 juillet 1812) ; le duc de Wellington rendait hommage à cette marche offensive, mais prudente, qu’il ne put prévenir ni contrarier : « L’armée française, disait-il, marchait en ce moment comme un seul régiment. » Mais, peu de jours après, la fortune tournait, et trahissait l’habileté même. […] Il le lui devait ; car, par un retour singulier du sort, ce fut Marmont, si maltraité finalement par Napoléon, qui, le seul de ses maréchaux, eut pour mission comme spéciale de voir son fils, de lui parler de son père, de lui démontrer, cartes en main, cette gloire militaire qui jusque-là n’était, pour l’enfant de Vienne, qu’un culte et qu’une religion. […] Au sortir de Leipzig où il soutint le poids de la défaite, et où une nouvelle blessure le frappa à la seule main dont il pût manier l’épée, Marmont, après quelque pause à Mayence, rentra en France, et, à la tête du 6e corps si réduit, il prit la part la plus active à l’immortelle campagne de 1814. […] On envoie des officiers en parlementaires ; un seul parvient à pénétrer jusque dans les rangs ennemis.
Il me semble toujours que, si l’auteur qui procède par cette méthode n’avait pas connaissance des événements historiques a posteriori, les principes dont il prétend les déduire ne lui en feraient pas deviner un seul ; preuve évidente que ces principes sont faits à la main et après coup, qu’ils sont plus ingénieux que solides, et qu’ils ne sont pas les véritables ressorts du jeu qu’on leur attribue… En fait de politique, rien n’arrive deux fois de la même manière. […] Grimm est classique en ce sens que, pour ce qui est de l’imagination et des arts, il croit un seul grand siècle dans une nation. […] En France, il salue donc comme incomparable le siècle de Louis XIV ; et, au xviiie siècle, il ne trouve qu’une classe d’hommes supérieurs et d’une espèce particulière, la seule qui manquât au grand siècle : « Je les appellerai volontiers philosophes de génie : tels sont M. de Montesquieu, M. de Buffon, etc. » Voltaire est le seul des littérateurs purs et des poètes qui soutienne le vrai goût par ses grâces., son imagination et sa fertilité naturelle : mais, selon Grimm il ne fait que soutenir ce qui fléchissait déjà. […] Ses Mémoires secrets, « ouvrage qui tient un milieu fort intéressant entre le genre des mémoires particuliers et celui de l’histoire générale », sont aujourd’hui le seul livre à lire de lui : justice leur est rendue par Grimm en quinze lignes. […] Sa Constitution, à lui, était toute dans les vers de Pope : « Laissez les fous combattre pour les formes de gouvernement ; celui, quel qu’il soit, qui est le mieux administré, est le meilleur. » Les événements qui suivirent ne furent que trop propres à le confirmer, sans doute dans cette pensée favorite, que« la cause du genre humain était désespérée », et que la seule ressource était tout au plus, çà et là, dans quelque grand et bon prince que le sort accorde à la terre, dans « une de ces âmes privilégiées » qui réparent pour un temps les maux du monde.
Or, l’action, par les effets qu’elle réalise, acquiert un caractère de réalité indéniable et empêche notre pensée de demeurer seule avec elle-même dans un monde de pur rêve. […] Nous nous paraissons à nous-mêmes un seul moi, doué d’attributs qui se distinguent par leurs effets : intelligence, sensibilité, volonté. […] Il ne faut donc pas prétendre expliquer la conscience même, le sentiment et la pensée, par les seules relations des choses extérieures et par les mouvements de la matière. […] Spencer lui-même répète à plusieurs reprises, par une flagrante contradiction avec son empirisme général, qu’il existe une « vérité a priori », une seule, la « persistance de la force », et que cette vérité est a priori parce qu’elle a son origine dans la constitution même de la conscience, antérieurement à toute expérience des relations externes. […] Le seul principe qui dépasse l’expérience, parce qu’il lui sert de fondement, c’est donc la persistance de la force.
Si l’art était ramené à ce seul but, produire des sensations agréables, son domaine serait relativement limité et ses lois beaucoup plus fixes. […] Le seul expérimentateur, en une certaine mesure, c’est le poète ou le romancier qui, lorsqu’il a le don de vie, nous fait voir et toucher des caractères se développant dans un milieu nouveau, qu’il varie à sa volonté. […] Nous voilà seuls, pour toute une année, isolés dans la mer du Groenland. […] Outre les idées, l’art a pour objet principal l’expression des sentiments, parce que les sentiments qui animent et dominent toute vie valent seuls en elle. […] La vie, fût-elle, celle d’un être inférieur, nous intéresse toujours par cela seul qu’elle est la vie.
Florent et Claude Lantier parcourant plus tard les abords de Saint-Eustache, allant des charretées de choux gaufrés aux caisses de fruits parfumants, puis Florent promenant seul sa faim à travers l’accumulation énorme des nourritures de Paris, rendent ce spectacle, par le simple narré des sensations que perçoivent leurs yeux et leurs narines. […] La coopération des facultés exactes et de celles qui portent le romancier à altérer la réalité est facile et fructeuse en des oeuvres homogènes dans lesquelles l’analyse seule distingue des disparates. Cette association intime de tendances diverses porte à leur attribuer une cause commune, et peut-être une seule hypothèse sur le mécanisme intellectuel de M. […] Cet absolu amour pour, les forts qui seul eût conduit M. […] Zola est le seul à donner cette sensation d’humanité vivante et souffrante, et il y parvient, comme tous les grands artistes, en nous montrant des âmes, des êtres moraux.