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424. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Lettre, à Madame la comtesse de Forbach, sur l’Éducation des enfants. » pp. 544-544

Je me suis demandé comment on rectifiait, on éclairait, on étendait l’esprit de l’homme, et je me suis répondu : On le rectifie par l’étude des sciences rigoureuses. […] On apprécie les incertitudes ; on calcule les chances ; on fait sa part et celle du sort ; et c’est en ce sens que les mathématiques deviennent une science usuelle, une règle de la vie, une balance universelle ; et qu’Euclide, qui m’apprend à comparer les avantages et les désavantages d’une action, est encore un maître de morale. […] D’accord ; c’est alors un vice de la nature, que la science n’a pu corriger.

425. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Préface » pp. -

C’est le privilège du génie, — quand il est absolu, — aussi bien dans les Lettres que dans les Sciences, de faire faire un pas aux esprits de leur temps, c’est-à-dire de leur donner des exigences de plus…. Non-seulement le génie du romancier crée des types, des situations, des caractères, des dénouements, et à sa manière, fait de la vie, comme Dieu, — de la vie immortelle, — mais ces types, ces caractères, ces situations sont des découvertes dans l’ordre de l’imagination et de l’observation combinées ; ce sont des faits qui doivent rester acquis à l’inventaire humain, comme les faits de la Science. […] L’illustre auteur de La Comédie humaine n’a pas changé la nature du roman qui existait avant lui , mais il en a élargi les assises, et il l’a positivement élevé à l’état de Science, à force d’observations, de renseignements, de notions de toute espèce, d’une exactitude, d’une sûreté et d’une justesse merveilleuses.

426. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXII. Des éloges des hommes illustres du dix-septième siècle, par Charles Perrault. »

Il avait embrassé une partie des sciences abstraites, saisi plusieurs branches de la physique, et jeté sur la nature en général, ce coup d’œil d’un philosophe, qui cherche à étendre la carrière des arts, et à y transporter, par de nouvelles imitations, de nouvelles beautés. […] Il y célèbre les hommes les plus distingués dans l’église, dans les armes, dans les lois, et enfin dans les sciences, les lettres et les arts. […] Aujourd’hui, d’ailleurs, que les connaissances s’effacent et se perdent ; aujourd’hui que la science de l’histoire se réduit presque à des anecdotes ; qu’on abrège tout pour paraître tout savoir, et que la vanité, empressée à jouir, n’estime plus, dans aucun genre, que ce qu’elle peut étaler dans un cercle ; ces recherches pénibles, ces discussions profondes, ces monuments, fruit de quarante ans de travail et d’étude, qui n’ont que le mérite d’instruire sans amuser, et dont le matin, on ne peut rien détacher pour citer le soir, doivent nécessairement, parmi nous, perdre de leur estime.

427. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 32, que malgré les critiques la réputation des poëtes que nous admirons ira toujours en s’augmentant » pp. 432-452

Si ces fautes regardent d’autres sciences, si elles sont contre la géographie ou contre l’astronomie, on aura de l’obligation aux censeurs qui les feront connoître, mais elles ne diminueront gueres la réputation du poete, qui n’est pas fondée sur ce que ses vers soient exempts de fautes, mais sur ce que leur lecture interesse. […] Monsieur Despreaux composa son épitre à Monsieur De Guilleragues vers mil six cens soixante et quinze, dans un temps où la nouvelle physique étoit la science à la mode, car il est parmi nous une mode pour les sciences comme pour les habits. […] Dans ces circonstances, Monsieur Despreaux, pour dire poetiquement que malgré le goût regnant, il s’attachoit à l’étude de la morale préferablement à celle de la physique, sentiment très-convenable à un poete satirique, écrit à son ami, qu’il abandonne aux recherches des autres plusieurs questions que cette derniere science traite.

428. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XII. MM. Doublet et Taine »

Taine distingue profondément la science, cet objet d’éternelle recherche, de la morale, de la religion, du gouvernement. La science, dit-il, ne s’occupe que de rechercher les faits et de les décrire analytiquement. Or, comme il estime que la science doit faire, dans un temps donné, les destinées du genre humain, il se trouve que la religion et la morale, qui ne sont pas la vérité scientifique et sur lesquelles les philosophes ont pris l’avance, s’en iront un jour avec les vieilles lunes. […] On est impatient de sortir de la science telle qu’il nous la montre dans ce profil perdu, mais qui fait trembler, et de rentrer dans la famille, dans l’ordre, dans l’histoire, toutes choses ignorées du bourgeois célibataire, jongleur et parisien, lequel cherche à chercher un objet de recherche d’un goût recherché, car voilà toute la philosophie de M. 

429. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Athanase Renard. Les Philosophes et la Philosophie » pp. 431-446

Les sciences positives qui usurpent son nom, le Naturalisme de Darwin, emportent, à dos d’âne (puisque nous sommes dans les bêtes !) […] Il a, lui, la science moderne, la science dont le moindre grimaud est fier, la science qui fait tous les genres de cuisine, à cette heure, dans l’affreux baquet des sorcières de Macbeth, qui est l’état intellectuel de ce temps !

430. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Armand Pommier » pp. 267-279

Mais la physiologie, cette grande étude des forces et des impondérables, n’est pas d’abord nécessairement matérialiste ; et, d’un autre côté, quoi qu’elle puisse être, c’est une science qui a la puissance des faits qu’elle affirme ou qu’elle recherche et dont on ne peut pas nous tenir compte, à l’heure qui sonne. […] La Critique, qui doit tout comprendre et tout embrasser, excepté le faux, la Critique, qui doit même se réjouir de ce que la science ait investi l’art d’une force nouvelle, devait non-seulement applaudir à l’influence physiologique dans le roman, et dans le roman de la moralité la plus spirituelle, mais elle devait même encourager, sous toute réserve, le genre spécial du roman, qui allait fatalement tendre à se constituer, et qu’on peut appeler le roman purement physiologique. […] Rien n’est facile comme de produire des effets, très-grands, je le veux bien, d’admiration ou de terreur, en cassant toutes les cordes de l’organisation humaine, cette lyre divinement accordée… Byron les produisit un jour dans son Vampire ; mais, on doit en convenir, même à part les vers, Conrad et Lara ont coûté plus de génie à lord Byron que lord Ruthwen, et l’émotion qu’ils produisent est d’un tout autre pouvoir sur l’imagination et sur le souvenir… Et c’est cette facilité d’invention dans l’anormal à outrance, dans le phénomène physiologique, devenu pathologique, et devant lequel la Science elle-même se tait comme devant une question insoluble, c’est cette grossièreté dans l’étonnement ou dans la terreur que produit toute monstruosité, ardemment ou puissamment décrite, qui a perdu aujourd’hui M.  […] C’est une femme qui a la force musculaire du maréchal de Saxe, une beauté plus infrangible que celle de Ninon, qui n’alla modestement qu’à quatre-vingts ans en restant belle, la science occulte d’un Ruggieri, et la férocité voluptueuse d’un Héliogabale, avec une mysticité qui fait plus horreur que cette férocité voluptueuse, car les crimes spirituels sont les plus grands, l’Esprit devant être toujours à la tête de toutes les hiérarchies !

431. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

Il y a eu de la philosophie avant Socrate et de la science avant Aristote. […] Fausse idée qu’elle se fait de la science. […] Zola a été entraîné par son grand amour de la science à se figurer qu’il la possédait. […] Mais je ne peux m’empêcher de croire qu’il est plus facile d’être « docteur ès sciences humaines » que d’être « docteur ès sciences » tout simplement. […] L’avenir de la science.

432. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Par cette science détaillée et solide, il importe dans la littérature l’esprit positif des hommes de pratique et d’affaires. […] C’est pourquoi ce conte est la satire de toute science et de toute vérité. […] Car d’abord il est généralement reconnu que la science enfle les hommes, et de plus ils prouvaient leur opinion par le syllogisme suivant : les mots ne sont que du vent, et la science n’est que des mots ; ergo la science n’est que du vent. […] Il flagelle la raison après la science, et ne laisse rien subsister de tout l’esprit humain. […] Il faut supprimer ces sciences, ces arts, ces combinaisons de sociétés, ces inventions d’industries dont l’éclat éblouit.

433. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Il en a plein la bouche, de la « science allemande ». […] Je ne connais pas de plus belle définition de cet esprit que celle qu’il en donne dans une leçon sur la Chanson de Roland, faite au Collège de France le 8 décembre 1870 : «… Je professe absolument et sans réserve cette doctrine, que la science n’a d’autre objet que la vérité, et la vérité pour elle-même, sans aucun souci des conséquences bonnes ou mauvaises, regrettables ou heureuses, que cette vérité pourrait avoir dans la pratique. […] Ainsi comprises, les études communes, poursuivies avec le même esprit dans tous les pays civilisés, forment au-dessus des nationalités restreintes, diverses et trop souvent hostiles, une grande patrie qu’aucune guerre ne souille, qu’aucun conquérant ne menace, et où les âmes trouvent le refuge et l’unité que la cité de Dieu leur a donnés en d’autres temps. » Et voici une autre page où cet amour de la vérité s’exprime comme ferait la foi jalouse d’un croyant, en laisse voir les scrupules, les délicatesses, les pieuses intransigeances : … Il y a au cœur de tout homme qui aime véritablement l’étude une secrète répugnance à donner à ses travaux une application immédiate : l’utilité de la science lui paraît surtout résider dans l’élévation et dans le détachement qu’elle impose à l’esprit qui s’y livre ; il a toujours comme une terreur secrète, en indiquant, au public les résultats pratiques qu’on peut tirer de ses recherches, de leur enlever quelque chose de ce que j’appellerai leur pureté. […] Je vous recommande son admirable leçon sur la Poésie du moyen âge, sur la poésie de sa religion, de sa science, de sa vie entière. […] Il le fait tranquillement, n’esquivant rien, n’exagérant rien, avec un désintéressement, une impartialité, une indépendance de jugement telle, que cette sorte de sacrifice ou plutôt (car il n’avait point à la sacrifier) d’oubli provisoire de la piété filiale en face de la science qui prime tout, m’a rappelé, je ne sais comment, la hauteur d’âme des vieux Romains mettant tout naturellement l’intérêt de la patrie au-dessus des affections de famille… Puis, tout à coup, après ce long, tranquille et consciencieux exposé qui n’eût point été différent s’il se fût agi d’un étranger, la voix du professeur s’altère et laisse tomber ces mots : … Moi qui vous parle, moi qui seul sais le respect et la reconnaissance que je lui dois, j’ai dû m’abstenir de les exprimer comme je les sens, autant pour être fidèle à cette modération qu’il aimait à garder en toutes choses, autant pour ne rien rire ici qui ne dût être dit par tout autre à ma place, que pour ne pas m’exposer à être envahi par une émotion trop poignante qui ne m’aurait pas laissé la liberté et la force de rendre à cette mémoire si chère et encore si présente l’hommage public auquel elle a droit.

434. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre III. Le cerveau chez l’homme »

Wagner, célèbre anatomiste de Gœttingue, a recueilli dans un travail fort curieux toutes les pesées de cerveaux positives que la science peut fournir à l’heure qu’il est, et il a ainsi rassemblé 964 pesées parfaitement authentiques25. […] On peut déployer de l’intelligence d’une autre manière que dans les sciences. […] Haussmann, placé le 119e sur cette liste, et dont le cerveau était au-dessous de la moyenne, n’était pas un homme vulgaire : c’était un minéralogiste très distingué, occupant un rang élevé dans la science. […] Ces trois propositions sont au nombre des plus importantes que la science positive ait établies en cette question, et il ne paraît pas qu’elles aient été depuis ni contestées, ni ébranlées. […] J’ajouterai que, sans vouloir mêler la morale à la science, ni juger la valeur d’une dissection anatomique par ses conséquences sociales et religieuses, il est permis cependant, en présence de certains zoologistes si pressés de rabaisser l’homme jusqu’au singe et de se servir, pour le succès de leur thèse, de l’exemple du nègre, que cette thèse intéresse particulièrement, il est permis, dis-je, de demander d’où vient cette répulsion universelle que l’humanité civilisée éprouve aujourd’hui contre l’esclavage.

435. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

Son intelligence s’est élargie, sa science s’est accrue ; il a étudié, appris, compris beaucoup de choses et de beaucoup de façons ; mais il n’a plus osé ni pu ni voulu vouloir. Parmi les hommes qui se consacrent aux travaux de la pensée et dont les sciences morales et philosophiques sont le domaine, rien de plus difficile à rencontrer aujourd’hui qu’une volonté au sein d’une intelligence, une conviction, une foi. […] Pièces de théâtre, romans, histoire, voyages, philosophie et sciences, tout y passait, tout l’intéressait ; mais il goûtait les Essais de Morale de Nicole plus que le reste ; à dix ans, il avait lu Jean-Jacques, mais sans trop en rien conclure contre la religion. […] Les temps antérieurs à Moïse et les formes nombreuses de la gentilité, la révélation spéciale du législateur hébreu, la révélation sans limite de Jésus et l’Église romaine qui en est la permanente dépositaire, se déroulent tour à tour devant lui et composent les pièces principales de ce merveilleux enseignement : tout le programme de la future science catholique est là. […] Mais ce qu’il y a d’incomplet dans l’exposition de l’auteur, ce qu’il y aura toujours d’inconnu dans la science historique future, n’est pas un motif, on le sent, pour que l’adhésion individuelle demeure indéfiniment suspendue.

436. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Les ouvrages anciens et modernes qui traitent des sujets de morale, de politique ou de science, prouvent évidemment les progrès successifs de la pensée, depuis que son histoire nous est connue. […] Les sciences et les arts sont une partie très importante des travaux intellectuels ; mais leurs découvertes, mais leurs succès n’exercent point une influence immédiate sur cette opinion publique qui décide de la destinée des nations. […] Ceux qui se livrent à l’étude des sciences positives, ne rencontrant point dans leur route les passions des hommes, s’accoutument à ne compter que ce qui est susceptible d’une démonstration mathématique. […] La méditation profonde qu’exigent les combinaisons des sciences exactes, détourne les savants de s’intéresser aux événements de la vie ; et rien ne convient mieux aux monarques absolus, que des hommes si profondément occupés des lois physiques du monde, qu’ils en abandonnent l’ordre moral à qui voudra s’en saisir. Sans doute les découvertes des sciences doivent à la longue donner une nouvelle force à cette haute philosophie11 qui juge les peuples et les rois ; mais cet avenir éloigné n’effraie point les tyrans : l’on en a vu plusieurs protéger les sciences et les arts ; tous ont redouté les ennemis naturels de la protection même, les penseurs et les philosophes.

437. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

La médecine était considérée, avec la théologie et la jurisprudence, comme une science à part, au-dessus de toutes les autres. […] La science était petite encore et peu expérimentée ; mais elle était bien vivante et promettait beaucoup. […] La science voyageait, elle s’offrait à tous généreusement. […] Ce grand esprit et ce grand cœur voulaient tous deux la sauver, l’un par la science, l’autre par l’amour. […] Encyclopédique et religieuse, comme la science de Brunetto et de l’Allighieri, la science du xixe  siècle allemand se propose pour fin le bonheur et la sagesse des hommes.

438. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

La liberté illimitée c’est l’anarchie : l’anarchie n’est pas une science, c’est une ignorance et une brutalité. […] L’orgueil est le péché de la science, et c’est par l’orgueil qu’elle croula. […] Chacun, suivant sa science, suivant son imagination, suivant sa foi et suivant son livre profane ou sacré, peut conjecturer ou croire. […] À l’âge de sept ans elle le confia aux leçons d’un philosophe consommé en science et en sagesse, dont il devint le disciple de prédilection. […] La science de l’économie politique, qui ne commence qu’à naître et à balbutier en Europe, était déjà parvenue à une haute théorie de principes et d’application en Chine.

439. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

L’empereur est sur son trône, l’empereur est aussi grand et aussi absolu dans le temple des sciences que dans la salle du conseil ; et c’est là ce qui sauve la république des sciences de Chine des enfances de vanité, des tracasseries de jalousie, des intrigues de cupidité et du fanatisme d’opinions et de systèmes, qui causent ailleurs tant de troubles et de misères. […] Cette qualité de chef de la littérature les met dans le cas de connaître par eux-mêmes les plus savants hommes de l’empire, de suivre tout ce qui a rapport aux sciences, de faire accueil aux grands ouvrages et aux grands écrivains, et de les affectionner. […] L’ouvrage destiné à faciliter au peuple tout entier la connaissance de la religion, des lois, des motifs des lois, de la politique, des sciences, des arts, des métiers, de l’agriculture, du commerce, de l’industrie, est divisé en quatre cent cinquante livres. […] Ce résumé encyclopédique est lui-même le résumé de deux cent mille volumes qui se multiplient tous les jours sur toutes les connaissances humaines, et cela dans une langue triple, tellement riche en mots et tellement parfaite en construction logique qu’elle est à elle seule une science dépassant presque la portée d’une vie d’étude. […] Nous avons reçu d’eux, en science, en arts, en industrie, la soie, la porcelaine, la poudre à canon, le gaz, l’imprimerie, le papier, les couleurs, la boussole, importations récentes en Europe, sans date en Chine.

440. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Comte, Taine, Michelet, Renan, Claude-Bernard, Sainte-Beuve, Jules Lemaître, Guyau, Alfred Giard, Émile Boutroux, Henri Poincaré, Anatole France l’initient à l’histoire, à la philosophie, à la science, à la critique, à l’ironie. […] Mais comme vous parlez non de politique, mais de lettres, d’arts et de sciences, le paradoxe n’est pas soutenable. […] Sans doute, Monsieur, vous importe-t-il peu que je vous dise mon avis sur ce point et si je suis ou non démocrate, anticlérical, humanitaire, prêta mourir pour la République ; si j’exige de la science qu’elle tienne lieu de métaphysique. […] Le siècle du transformisme, etc., etc., etc., est un grand siècle par l’intelligence, par l’art, par la science… Quant à lui assigner un rang, je n’ose. […] Mais il est vrai aussi que ce temps dans sa frénésie à s’affranchir de toute discipline et sa superstition pour ce qu’il a appelé la Science, sans trop savoir ce qu’il entendait par là, a compromis son génie, altéré son art, et conduit le monde à l’abêtissement.

441. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Or, où est au juste la différence entre les qualités hétérogènes qui se succèdent dans notre perception concrète et les changements homogènes que la science met derrière ces perceptions dans l’espace ? […] Ce n’est pas là une donnée de l’intuition immédiate ; mais ce n’est pas davantage une exigence de la science, car la science, au contraire, se propose de retrouver les articulations naturelles d’un univers que nous avons découpé artificiellement. […] Science et conscience sont, au fond, d’accord, pourvu qu’on envisage la conscience dans ses données les plus immédiates et la science dans ses aspirations les plus lointaines. […] À côté de la conscience et de la science, il y a la vie. […] S’il y a d’ailleurs une vérité que la science ait mise au-dessus de toute contestation, c’est celle d’une action réciproque de toutes les parties de la matière les unes sur les autres.

442. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

L’histoire n’est pas une science, c’est un art. […] et pourquoi condamner la science en cet honnête homme ? […] Il ne faut pas faire de la science une religion. […] Je parle de la science pure. […] Sa science est authentique et de première main.

443. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 407-409

Buffon, [George-Louis le Clere de] Intendant du Jardin Royal des Plantes, de l’Académie Françoise & de celle des Sciences, dont il est Trésorier perpétuel, né à Montbart en Bourgogne, en 17.. […] Sa maniere & son style ont su faire goûter aux esprits les plus frivoles une science d’observations, qui n’avoit été négligée, que parce que ses prédécesseurs n’avoient pas eu, comme lui, le talent de la rendre piquante & de l’embellir.

444. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 406-407

La science, l'érudition, & l'amour du travail, sont des titres à l'estime publique ; mais ces qualités ne sont pas capables de justifier l'orgueil qui le dominoit & qui transpire souvent dans ses Ouvrages. […] « Quand il avoit communiqué à quelqu'un la moindre chose concernant les Belles-Lettres ou quelque autre Science, il vouloit non seulement qu'on lui en fût gré, mais même qu'on lui en témoignât une reconnoissance publique dans les Livres qu'on publioit, & qu'on le fît toujours avec de grands éloges….

445. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

La conception s’autorisait du nombre et de la diversité des récentes acquisitions de la science. […] On leur doit cet usage de traiter spirituellement les questions sérieuses, — c’est-à-dire à contresens, car comment traiterait-on spirituellement la question de la misère ou celle de l’avenir de la science ?  […] C’est à répandre aussi cette religion de la science que le grand Buffon a contribué par son Histoire naturelle. […] Une science nouvelle était née de lui : la science de la vie. […] Janet, Histoire de la science politique, Paris, 1858 ; et 2e édit., 1872 ; — Robert Flint, La Philosophie de l’histoire en France, trad. française, Paris, 1878 ; — H.

446. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Le bon goût dans les choses littéraires, et la méthode, cet autre bon goût qui est particulier aux sciences, le xvie  siècle n’en sut point le prix ni l’usage. […] Sa réputation de capacité et de science s’étendait déjà hors des écoles. […] J’ai dit que le xvie  siècle possédait tout, mais c’était en bloc ; la science s’y faisait en gros, en grand, et ne s’y débitait pas. […] La science humaine dans tout son fin et son retors et son déniaisé, pour parler comme lui, voilà l’objet propre, le champ unique de Naudé. […] Il y prélude d’instinct à ses coups d’État et à son prochain code de la science des princes par la prédilection qu’il marque pour le plus advisé de nos rois, pour l’Euclide et l’Archiméde de la politique, comme il le qualifie.

447. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Et puis, nous l’avouerons, comme science, la philosophie nous affecte de moins en moins : qu’il nous suffise d’y voir toujours un noble et nécessaire exercice, une gymnastique de la pensée que doit pratiquer pendant un temps toute vigoureuse jeunesse. […] Cousin, et qui y règne aujourd’hui à peu près seul comme un vice-roi émancipé, ce n’est pas ce représentant de la science que nous discuterons en M.  […] Un rude sacrifice s’est accompli en lui ; il a fait pour le bien, il a pris sa science au sérieux et a voulu que rien de téméraire et de hasardé n’y restât. […] il s’y fondera à côté de la science une gloire plus durable ; Pétrarque doit la sienne à ses vers vulgaires, qui seuls ont vécu. […] Comme science, elle est perpétuellement à recommencer pour chacun.

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