alors Le Brun, qui était de la lignée de Malherbe, se sentait saisi d’indignation, et il faisait justice de l’irrévérence dans cette épigramme, l’une des plus belles que je connaisse : Sur La Harpe, Qui venait de parler du grand Corneille, avec irrévérence. […] Il n’a pu à aucun moment, ou du moins ce n’est qu’à de rares moments qu’il a pu saisir toute l’autorité du rôle de critique, même en ce que ce rôle a de passager et de viager. […] On trouva en effet, dans les papiers saisis chez Robespierre, une lettre, pleine de flagorneries, que lui avait adressée La Harpe à l’occasion du discours prononcé, le 20 prairial an II, en l’honneur de l’Être suprême.
« Montrez-moi, lui dit Mirabeau qui y montait, ce que vous avez à dire. » Et jetant les yeux sur le discours, il y saisit une phrase dont il tira parti l’instant d’après, et qui est devenue le mouvement célèbre : « Je vois d’ici cette fenêtre d’où partit l’arquebuse fatale qui a donné le signal du massacre de la Saint-Barthélemy. » Il paraît que l’idée première était de Volney : Mirabeau, s’en emparant et la mettant en situation, en fit un foudre oratoire. […] En ces entretiens dont on aimerait à saisir quelques échos, l’esprit fin, sévère, et le moins épris de la gloire des César, des Mahomet ou des Alexandre, jetait sans s’en douter les germes qui devaient si brillamment éclore au souffle de l’avenir dans une imagination héroïque et féconde. […] Sans entrer le moins du monde dans la question astronomique et théologique, à ne prendre le livre que par le côté littéraire et moral, nous en saisirons aisément le faux, et cela en vaut la peine.
Parlant des auteurs de mémoires personnels, il a un morceau très vif contre Jean-Jacques Rousseau et Les Confessions, qu’il estime un livre dangereux et funeste : S’il existait, s’écrie-t-il, un livre où un homme regardé comme vertueux, et presque érigé en patron de secte, se fût peint comme très malheureux ; si cet homme, confessant sa vie, citait de lui un grand nombre de traits d’avilissement, d’infidélité, d’ingratitude ; s’il nous donnait de lui l’idée d’un caractère chagrin, orgueilleux, jaloux ; si, non content de révéler ses fautes qui lui appartiennent, il révélait celles d’autrui qui ne lui appartiennent pas ; si cet homme, doué d’ailleurs de talent comme orateur et comme écrivain, avait acquis une autorité comme philosophe ; s’il n’avait usé de l’un et de l’autre que pour prêcher l’ignorance et ramener l’homme à l’état de brute, et si une secte renouvelée d’Omar ou du Vieux de la Montagne se fût saisie de son nom pour appuyer son nouveau Coran et jeter un manteau de vertu sur la personne du crime, peut-être serait-il difficile, dans cette trop véridique histoire, de trouver un coin d’utilité… Volney, en parlant de la sorte, obéissait à ses premières impressions contre Rousseau, prises dans le monde de d’Holbach ; il parlait aussi avec la conviction d’un homme qui venait de voir l’abus que des fanatiques avaient fait du nom et des doctrines de Rousseau pendant la Révolution, et tout récemment pendant la Terreur. […] Les Grecs et les Romains aussi le préoccupent beaucoup ; il leur en veut de l’imitation violente qu’on en a faite, de ce soudain fanatisme qui a saisi toute une génération et qui tend à reproduire les haines farouches des anciennes nationalités. […] Le trait distinctif du colon français qui, jusque sur les confins du désert, sent le besoin de voisiner et de causer, y est vivement saisi : « En plusieurs endroits, ayant demandé à quelle distance était le colon le plus écarté : Il est dans le désert, me répondait-on, avec les ours, à une lieue de toute habitation, sans avoir personne avec qui causer. » Il y a aussi dans les Éclaircissements un chapitre curieux sur les sauvages ; en nous décrivant leurs mœurs et leurs habitudes, Volney ne perd pas l’occasion de revenir à la charge contre Rousseau et contre son paradoxe de parti pris en faveur de la vie de nature ; il donne la preuve de ce parti pris par des anecdotes qu’il savait d’original, et notamment par celle de la fameuse conversation de Jean-Jacques avec Diderot à Vincennes : « Et cet homme aujourd’hui, ajoute-t-il, trouve des sectateurs tellement voisins du fanatisme, qu’ils enverraient volontiers à Vincennes ceux qui n’admirent pas Les Confessions !
Maintenant que dans la société tout change continuellement et avec une rapidité vraiment nouvelle, et que les sources de l’imitation sont, pour ainsi dire, taries ; maintenant les esprits contemplatifs n’ont pas le temps de saisir et de s’approprier les inspirations de la société : telle est la cause de la difficulté qu’ils éprouvent à se mettre en harmonie avec ce qui est, car ce qui est aujourd’hui n’était pas encore hier. L’homme a besoin d’être aidé à produire ses pensées ; s’il n’a pas la confiance intime d’un appui dans l’opinion ou le sentiment de ses contemporains, il s’effraie de sa solitude ; s’il ne sent pas dans les autres l’influence qu’il se croyait appelé à exercer, le découragement vient le saisir, et il garde un silence qui le dévore : il n’est pas assez assuré dans sa propre conscience parce qu’il est éminemment un être social. […] Les hommes isolés peuvent obéir à mille mauvais penchants ; réunis, une révérentielle honte, comme disait Montaigne, vient les saisir, tant il est vrai que Dieu a placé un instinct moral dans la société.
On saisit en cela la ligne de force principale de l’ouvrage, qui entend ouvrir l’espace clos dans lequel l’esprit fin de siècle avait tenu la poésie. […] Tout ce que j’ai saisi, dans ce marécage, c’est que les Décadents aiment les majuscules. […] Le « Mercure de France » sut mieux que lui saisir l’heure. […] René Ghil, mais il serait difficile de n’être point saisi de respect, à la vue de l’œuvre gigantesque qu’il poursuit depuis vingt-cinq ans. […] Leur compréhension est ardue, et certes, l’on doit tout de même s’avouer déçu, alors que l’on a compris, saisi le sens de la devinette.
Il en revint avec un orgue, superbe occasion qu’il saisit… aux tuyaux. […] La seconde partie de cet admirable bréviaire d’art saisit le dernier moment dont est faite la beauté. […] Parles heurts, les différences perçues en pays étranger, on saisit mieux sa propre réalité et à quelle âme commune on appartient vraiment. […] C’est là qu’on saisit les plus palpitantes différences. […] Prends garde qu’une seule d’entre elles, si tu te hâtes de la saisir, ne te fasse oublier toutes les autres.
Moréas est un des bons poètes de ce temps, et celui qui dans ses Chants de la Pluie et du Soleil fait surgir si splendidement nue de la mer féconde Vénus Anadiomène, celui-là est plus apte que quiconque à comprendre cet Hellène et à saisir les nuances de celui qui — s’il fut archaïque — ne se ferma pas entièrement aux voix naturelles de la vie et aux chants très modestes des pâtres près des sources jonchées d’asphodèle.
Une imagination vive & gaie, un bon sens exquis, une connoissance bien étendue du Théatre, le naturel du dialogue, un art admirable de saisir les ridicules & de les peindre dans leur jour le plus brillant, la rendront toujours digne d'être proposée pour modele.
On aperçut qu’il n’y a pas lieu de tenir rigueur à un pouvoir qui nous fait concevoir les choses autres qu’elles ne sont si, à vrai dire, les choses ne comportent pas une réalité fixe, et, dans la troisième partie de cette étude on reprit avec complaisance l’examen des diverses conceptions au moyen desquelles l’esprit, par la vertu de ce pouvoir de déformation, nous ouvre sur les choses les perspectives où nous les saisissons.
Avide de saisir tout ce qui s’offrait à ses impressions, elle s’était bien gardée de ne pas connaître celles que peut inspirer l’aspect d’un beau site et d’une riante verdure ; elle demeurait en extase devant un point de vue qui lui plaisait ; elle écoutait avec ravissement le chant des oiseaux, elle aimait à contempler une belle fleur, et tout cela jusque dans les dernières années de sa vie. […] Le débarquement à Fréjus la vint saisir au milieu de ses craintes et replacer brusquement sur le char. […] Dans un cahier de souvenirs, dans un de ces albums alors plus rares qu’aujourd’hui et plus intimes, où on lit inscrits les noms des amis, et où l’on recherche de chacun d’eux, avec une curiosité mêlée de tristesse, quelques témoignages particuliers et déjà lointains, je saisis avec bonheur et je dérobe une page toute lumineuse signée du nom de Chateaubriand. […] Elle a laissé du moins tomber le mouchoir dont il se saisit, et elle est partie pour toujours !
« Mon visage s’amaigrit de mes angoisses ; la multitude de mes douleurs vieillit avant le temps ma face. » Ici on ne sait quel esprit soudain de jubilation et d’innocence saisit tout à coup le poète et le malade. […] Tous les gémissements les plus secrets du cœur humain ont trouvé leurs voix et leurs notes sur les lèvres et sur la harpe de ce barde sacré ; et, si l’on remonte à l’époque reculée où de tels chants retentissaient sur la terre ; si l’on pense qu’alors la poésie lyrique des nations les plus cultivées ne chantait que le vin, l’amour, le sang et les victoires des mules et des coursiers dans les jeux de l’Élide, on est saisi d’un profond étonnement aux accents mystiques du berger-prophète, qui parle au Dieu créateur comme un ami à son ami, qui comprend et loue ses merveilles, qui admire ses justices, qui implore ses miséricordes, et qui semble un écho anticipé de la poésie évangélique, répétant les douces paroles du Christ avant de les avoir entendues. […] Je jetai un cri et je me levai de mon bloc de pierre sur la pointe des pieds, pour mieux saisir dans la brise les sons aériens et mourants de ce roseau percé. […] J’en saisis quelques-uns au passage de la brise et je les répétai à voix basse, quoique étranger à ce deuil, avec la consonance compatissante qui associe l’étranger, enfant de douleurs, comme dit le poète, à toutes les douleurs de ses frères inconnus !
IV Cependant Alexandre, ayant tout préparé en Prusse pour son immense pensée, alla, en 1799, à Paris, enrôler avec lui un Français distingué, Amédée Bonpland, et partit avec lui pour l’Espagne, afin d’y solliciter de la cour de Madrid les faveurs nécessaires à l’accueil qu’il désirait obtenir des vice-royautés de l’Amérique, et d’y saisir l’occasion d’un passage que la France, en guerre avec l’Angleterre, ne lui offrait pas. […] Les habitants d’un vaisseau recherchent la vue d’un homme étranger ; ils voudraient entendre le son de la parole d’une bouche étrangère, venant d’un autre pays… c’est donc un événement qui saisit de joie, quand vient à passer un autre navire ; on se précipite sur le pont, on s’appelle, on se demande son nom, son pays, on se salue et bientôt on se voit réciproquement disparaître à l’horizon. […] Jadis, lorsque j’étudiais les étoiles, je fus saisi d’un mouvement de crainte, inconnu de ceux qui mènent une vie sédentaire ; il m’était douloureux de penser qu’il faudrait renoncer à l’espoir de contempler les belles constellations qui se trouvent au voisinage du pôle sud. […] Un état de demi-sommeil, c’est-à-dire un sommeil long mais très agité, et à chaque réveil des paroles d’affection, de consolation, et toujours cette grande clarté d’esprit qui saisit et distingue tout et qui observe son état.
On dirait qu’il a peur de séduire : il s’attache à saisir chaque idée par la face paradoxale ou choquante ; nous ne pouvons le lire sans nous sentir constamment taquiné, bravé, dans toutes les affirmations de notre raison. […] Il avait une rare puissance de raisonnement, une clarté et une précision de termes qui rappelaient les maîtres du xviie siècle, une plénitude de développement qui saisissait les esprits ; et parfois son austère parole était illuminée de sobres images. […] Trop souvent même, les intérêts personnels passèrent au premier plan ; et les orateurs de l’orléanisme nous apparaissent comme occupés surtout de saisir ou de retenir le pouvoir, divisés par leur ambition seule, et montant à l’assaut du ministère, sans s’inquiéter de discréditer la bourgeoisie qu’ils représentent tous au même titre, ou d’ébranler la dynastie dont ils sont tous également serviteurs. […] Victor Cousin703, tempérament imaginatif, passionnait l’histoire de la philosophie par de vives allusions que l’auditoire saisissait au vol.
Edgar Allan Poe7 Analyser l’œuvre d’Edgar Poe, discerner l’esthétique subtile, savante et parfaite, par laquelle il suscite, avec une certitude prévue, l’extrême de certaines émotions, remonter de ces moyens à ces effets, des artifices du style, de la psychologie, de la composition, aux propriétés intimes et essentielles, saisir enfin la cause dernière, l’âme même de Poe, complexe, ténébreuse, retorse et robuste, ayant d’un mécanisme d’acier le froid, le bleu, le fin et le dur, ce sera, d’une certaine manière, appliquer à cet artiste la loi du talion, le disséquer avec les instruments par lesquels il assume sur la plupart des esprits de ce siècle un ascendant impérieux et obéi. […] Comme la peur s’empare de tout un public silencieux à l’abaissement des feux de la rampe, le sommeil magnétique des convulsionnaires aux longs déchirements d’une cymbale, ces préfaces subjuguent, prédisposent et saisissent, entraînent dans la brume violette où surgit la vision d’Auguste Bedloe, au versant des molles collines que côtoie la frôle barque de la fée, aux voûtes sombres sous lesquelles Roderick Usher pâlit et s’étiole. […] Par l’intérêt, il sait saisir, abandonner, reprendre, tromper, stupéfier et accabler, allumer la cupidité, la cruelle joie de la chasse à l’homme, la soif de vengeance et la soif d’aventures, les effrois de l’horreur et la douceur lointaine du rêve. […] Son habileté à intéresser par des procédés de style, des âmes factices, des séries d’événements cauteleusement rapprochés, des suggestions et des surprises, perdrait vite tout ascendant, si le conteur n’avait tenu compte par instinct d’une loi de psychologie que l’école allemande a formulé presque mathématiquement et dont on peut saisir l’effet dans la diminution de plaisir à la répétition d’un morceau bissé, dans la lecture de moins en moins fructueuse d’un roman parcouru de suite.
Tout occupé des études présentes et de saisir au passage ce qu’une curiosité insatiable apportait de tous bords, on a perdu de vue, dans ce tumulte de l’avant-scène, les lignes essentielles et pures du cadre, les proportions discrètes et décentes où l’œil et l’âme ont besoin de se reposer. […] Ce scholiaste de Venise, en donnant beaucoup de détails sur les procédés, les libertés et les dissidences des grammairiens-éditeurs à l’égard d’Homère, introduisit, en quelque sorte, la critique moderne dans les secrets de ménage des Anciens : rien n’est plus périlleux que les secrets incomplétement saisis ; on les commente sans fin, on les pousse à perte de vue, on en abuse.
Mais aux jours glorieux, et quand l’éblouissement des mille reflets, déjouant le regard, n’ôte rien pourtant de cette précision éternelle qui les caractérise, comment les saisir ? […] Partout en Allemagne, on l’attend, on l’a cru voir passer dans chaque cavalier inconnu, les peuples prêts à saluer, comme toujours, l’homme du destin, les gouvernements attentifs à saisir le conquérant déchaîné.
Il avait dans le sang, il reçut parmi ses premières impressions d’enfance, quelque chose qui lui permit de comprendre la beauté antique : il la sentait toute voisine de lui et dans une parfaite harmonie avec son intime organisation ; où les autres ne voyaient que des souvenirs de collège ou des décors d’opéra, il saisissait sans effort les réalités concrètes. A son origine, sans doute, il doit ce caractère unique chez nous d’être plus Hellène que Latin : réfractaire même au génie proprement romain, et dans la poésie romaine incapable de saisir autre chose que les reflets de son aimable Grèce, la vraie patrie de son esprit : ses auteurs préférés, avec les purs Grecs, sont les poètes de l’alexandrinisme latin.
Voilà ce qui fait que toutes les méthodes des sciences, transportées chez nous, ne peuvent rien donner : elles produisent les définitions des types et des genres, et nous voulons saisir aussi le phénomène unique, caractériser l’individu. […] C’est avouer que, nulle mesure extérieure, nulle logique même ne pouvant saisir la beauté, rien ne pouvant ici remplacer la réaction du sentiment esthétique, il y aura toujours dans nos études une part fatale et légitime d’impressionnisme.
Il distingue dans ce crépuscule assez de la vie antérieure et assez de la vie ultérieure pour saisir ces deux bouts de fil sombre et y renouer son âme. […] Nous ne saisissons du réseau de l’Être que quelques mailles.
Par la conscience, je ne puis saisir en moi ni forme, ni figure, ni mouvement, et par les sens, au contraire, qui me donnent la figure et le mouvement, je ne puis saisir la pensée.
Il est aussi capable qu’un autre de saisir le fin des choses et d’en pénétrer la profondeur ; mais il ne se paie pas de mots et veut comprendre avant d’admirer. […] Le moindre auteur qui s’y aventure est saisi, attaqué, défendu avec la plus plaisante variété d’opinions.
ce n’est pas uniquement la peur de cet œil qui ne dort jamais, — qui s’ouvre au plafond entre deux lustres, — qui s’ouvre au parquet entre les deux roses d’un tapis, — et l’ombre menaçante de cette main retrouvée sur tous les murs et qui peut les saisir dans leur alcôve la mieux fermée, et les jeter, en deux temps, aux traîneaux fuyants de l’exil, qui empêchent les Russes de préparer leur histoire future en écrivant des Mémoires, — ces mines d’où l’Histoire doit sortir ! […] il n’en restait pas moins le seul ouvrage où l’histoire de la Russie, de ce pays ouvert aux voyageurs, mais fermé à la pensée, cette histoire qui ne s’écrit pas, avait été devinée, saisie au vol, et rapportée parmi nous sous la forme la plus individuellement éloquente.
Originalité, beauté, également puissantes, tels sont les deux caractères dont la révélation vous saisit à première vue. […] Il est impossible de ne pas être saisi de la beauté qu’engendre une telle unité de conception, de la profonde et intime originalité qui en résulte. « L’architecte avait vu, peu à peu, son autorité et son rôle s’amoindrir, écrit avec justesse M.
— Et elle le saisit à la gorge. […] tous les quatre saisirent le corps, l’enlevèrent, deux aux pieds, deux à la tête, On ne retourne pas plus vite une crêpe. […] — Dieu sans doute l’a dû saisir et condamner… Hélas ! […] » Saisis d’horreur, tous deux nous criâmes : Caïn ! […] … balbutia Bagrianof, saisi de terreur.