Alors ma voisine me dit : « Quand une femme est arrivée au moment, où l’essai de ses robes ne lui prend plus tout son temps, où l’amour ne l’amuse plus, où la religion ne s’en est pas emparée, elle a besoin de s’occuper d’une maladie, et d’occuper un médecin de sa personne. » Mardi 4 juillet Là, en ce centre de Paris, au milieu de ces habitations, toutes vivantes à l’intérieur, là, en ce plein éclairage a giorno de la ville, sur cette Maison Tortoni ; 22, cette maison avec ses lanternes non allumées, avec ses volets blancs fermés, son petit perron aux trois marches, où dans mon enfance, se tenaient appuyés, un moment, sur les deux rampes, de vieux beaux mâchonnant un cure-dent, aujourd’hui vide, il me semble lire une bande de papier, écrite à la main : « Fermé pour cause de décès du Boulevard Italien. » Samedi 8 juillet Enterrement de Maupassant, dans cette église de Chaillot, où j’ai assisté au mariage de Louise L… que j’ai eu, un moment, l’idée d’épouser.
De nos jours, la religion d’un parnassien, fût-il d’ailleurs le plus sceptique et le plus athée des poètes, lui adresserait les mêmes reproches pour avoir fait rimer prière avec calvaire, ou demain avec festin ; il n’irait pas soumettre son scrupule à l’Académie, mais il le soumettrait peut-être à son « cénacle ».
Mais Socrate enseignait que les dieux sont invisibles, et l’Olympe de la religion officielle n’était guère pour lui qu’un symbole.
Il me semblait que je ne toucherais pas à ce Dieu de Gœthe avec cet athéisme sans que la religion qu’on a pour lui se révoltât.
Cette âme, cet Absolu, cette Réalité, qu’il les considère, suivant sa religion, comme Dieu personnel ou comme Conscience universelle, il s’efforce en tout cas, requis par l’Au-delà, de les imaginer, de les concevoir, de les appréhender derrière les formes illusoires de la nature visuelle.
La nature seule, à défaut de religion, ne proscrit-elle pas assez certaines abominations, au récit desquelles se complaisent les poètes latins ? […] En outre, le roman anglais, même quand il est supérieur, porte imprimé si avant le sceau d’une autre religion, d’un autre climat, d’une autre société, qu’à nous autres Latins il nous paraît forcément exotique.
Il en résulte des philosophies bancales, des religions vermoulues et des sciences en loques, — tout un fumier de rêves que l’homme recueille pieusement pour y semer des idées. […] Enfin, ne pouvant rien obtenir, ayant usé de la faim, de la soif, du fer, du feu et de la religion pour nous arracher un mensonge, les bourreaux nous ont amenés devant les juges.
Le sommeil de M. de Chateaubriand Une dame qui l’avait connu et qu’on interrogeait sur l’impression que lui avait faite le vicomte de Chateaubriand, pair de France, ministre des affaires étrangères, ambassadeur à Londres, à Berlin et à Rome, l’un des restaurateurs du Trône et de la Religion, l’un des plus grands écrivains du siècle, dont la renommée avait porté le nom en tout pays, lu en toutes les langues et jusque dans le sérail du Sultan, répondit très sincèrement : « M. de Chateaubriand… oui, il s’endormait après dîner pour qu’on fît attention à luix. » Je crois que ce mot, s’il eût touché l’illustre vicomte dans son orgueil et sa vanité, l’eut satisfait en sa philosophie. […] C’est ainsi qu’il a fixé, en termes sonores, ses pensées sur la nature, la religion et l’histoire. […] Il en a sur la politique, la religion, l’argent, sur l’amour.
« Je le répète, la religion et la raison, idées sublimes, sont des idées cependant, et il y a telle cause de désespoir extrême qui tue les idées d’abord et l’homme ensuite : la faim, par exemple. — J’espère être assez positif.
Si on s’intéresse aux généralisations de la physique moderne, comment ne s’intéresserait-on pas davantage encore aux grandes conclusions de la psychologie, qui touchent de si près à la morale, à la science sociale, enfin à la métaphysique et à la religion ?
Les trois livres que voici ne tendant à rien moins, en effet, qu’à instituer des parallèles entre la religion et l’athéisme, constituent de violents réquisitoires contre celui-ci et de brillants plaidoyers en faveur de celle-là. […] Quand pourrai-je, loin de mes moroses pensées, promener au soleil toute joie, et dans l’oubli d’hier, et de tant de religions inutiles, embrasser le bonheur qui viendra 39, etc.
En rapprochant de cette page le fragment de vers où se résume « L’Espoir en Dieu » (15 février 1838) : « malgré moi l’infini me tourmente », on a toute la religion de Musset, du Musset guéri, selon son expression, de la « vilaine maladie du doute ». Sa religion n’est, à vrai dire, qu’une religiosité peu exigeante, pas assez gênante.
Jules Tellier était Havrais, et l’on eût dit que la vue de la mer natale lui avait dès l’enfance communiqué un culte, j’allais dire une religion, pour le voyage. […] Pourtant les adeptes de cette presque religion, les meilleurs fils du monde, entre parenthèses, sont admis à ces festins mal balthazaresques, mais très acceptables encore… J’en présidai un… et je me tiens encore les côtes.
« Mon ami, disait Henri IV à M. de Sully, ta religion est bien malade : voilà les médecins qui l’abandonnent ! […] André Chénier a dicté ses plus beaux vers à la Conciergerie, une heure avant l’échafaud, Oui, la poésie est une toute-puissante consolatrice ; elle est comme une religion bienfaisante, elle est la modération des jours heureux, elle est le courage des jours de deuil, elle est plus que la puissance, elle est la force. […] Seulement, chacun cherchait l’oubli à sa manière : ceux-ci dans l’exil, ceux-là sur les tombeaux renversés de leurs ancêtres ; les uns à la guerre, où ils se montraient parmi les plus braves ; les autres dans les saturnales du Directoire ; quelques-uns dans la religion, à laquelle ce malheureux peuple revenait déjà ; d’autres enfin se consolaient par la culture des beaux-arts.
De cette dernière condition s’ensuit nécessairement qu’on ne saurait confondre la philosophie avec les religions. La religion admet, outre le témoignage de la raison, l’autorité de la tradition historique. […] Ce second groupe d’inclinations a bien varié avec le temps, en effet, d’abord communauté de famille, puis communauté de religion, enfin communauté de gouvernement, l’idée de la patrie a bien changé. […] Considérez un croyant appartenant à une religion quelconque.
Depuis que M. de Châteaubriand a défendu la religion comme jolie, d’autres hommes avec plus de succès ont défendu les rois comme utiles au bonheur des peuples, comme nécessaires dans notre état de civilisation : le Français ne passe pas sa vie au Forum comme le Grec ou le Romain, il regarde même le jury comme une corvée, etc.
Molière a pris la peine de répondre lui-même, dans la Critique de l’École des femmes, à ceux qui l’accusaient de tourner, dans ce discours, la religion en ridicule. « Pour le discours moral, dit-il, que vous appelez un sermon, il est certain que de vrais dévots, qui l’ont ouï, n’ont pas trouvé qu’il choquât ce que vous dites, et sans doute que les paroles d’enfer et de chaudières bouillantes sont assez justifiées par l’extravagance d’Arnolphe et par l’innocence de celle à qui il parle. » 26.
Samedi 15 septembre Ce soir, Daudet dit qu’il n’y a pas de livre, sur le compte duquel son jugement ne change pas, quand il le relit au bout de dix ans, et plaisante un peu l’immuabilité des religions littéraires de sa femme, restant constamment et fidèlement attachée à Leconte de Lisle, aux Goncourt, etc., et se servant du mot manie, pour caractériser ce manque d’évolution de l’esprit de sa femme.
Deux circonstances favorables, les usages de la religion chrétienne, et l’existence, désormais inoubliable, de la théorie nominaliste, nous paraissent expliquer cette clairvoyance plus grande des philosophes modernes.
Les dates, le fameux pour expier découvert dans une lettre d’Elvire, la religion, la philosophie, la littérature, toutes sortes de points sont invoqués et font à la fin un grand brouillamini. […] Quant à Isabelle elle disait : — Je suis née musulmane et je n’ai jamais changé de religion.
Vigoureuse et vaillante, la sève jaillit, une autre religion est née, celle des hommes et de l’univers : Celui qui me lira dans les siècles, un soir, Troublant mes vers, sous leur sommeil ou sous leur cendre, Et ranimant leur sens lointain pour mieux comprendre Comment ceux d’aujourd’hui s’étaient armés d’espoir ; Qu’il sache avec quel violent élan, ma joie S’est à travers les cris, les révoltes, les pleurs, Ruée au combat fier et mâle des douleurs, Pour en tirer l’amour, comme on conquiert sa proie. […] Balthazar commet une scandaleuse profanation en établissant un contact entre la demeure où, dans l’intérêt supérieur de la religion, il faut que les consciences étouffent, et le monde sans contrainte.
Comparer les textes, & les concilier entr’eux ; rapprocher les évenemens des prophéties qui les annoncent ; faire prévaloir l’évidence morale à l’impossibilité physique ; vaincre la répugnance de la raison par l’ascendant des témoignages ; prendre la tradition dans sa source, pour la présenter dans toute sa force ; exclure enfin du nombre des preuves de la vérité tout argument vague, foible ou non concluant, espece d’armes communes à toutes les religions, que le faux zele employe & dont l’impiété se joüe : tel seroit l’emploi du critique dans cette partie. […] Ainsi tout sujet tragique n’est pas susceptible de merveilleux : il n’y a que ceux dont la religion est la base, & dont l’intérêt tient pour ainsi dire au ciel & à la terre qui comportent ce moyen ; tel est celui de Polieucte que nous venons de citer ; tel est celui d’Athalie, où les prophéties de Joad sont dans la vraissemblance, quoique peut-être hors d’oeuvre ; tel est celui d’OEdipe, qui ne porte que sur un oracle. […] N’attendons pas ces efforts de la foiblesse de notre nature ; la religion seule en est capable, & ses sacrifices même ne sont rien moins que desintéressés.
Un autre savant, également positiviste, prouva en peu de temps à Mme Beuvron l’inanité des dogmes de notre religion, et M. […] Courageux, discret, sachant payer de sa personne, en un mot un de ces ironistes qui sont capables de toutes les compassions et de toutes les aumônes, pourvu que la religion n’intervienne pas et qu’on les laisse faire « au nom de l’humanité ».
Et notez que cette méthode que Daunou va énoncer s’applique à toute autre étude morale, qu’il l’étendra plus tard à l’enseignement de l’histoire, qu’il la préconisera en toute occasion, qu’il y restera opiniâtrément fidèle jusqu’au dernier jour ; c’était sa religion à lui : « Je juge, dit-il, de la Déclaration des droits comme d’un livre élémentaire, et j’y suis bien autorisé sans doute, puisqu’elle en : sera réellement un….