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463. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

La gloire et la vertu consistent dans la puissance ; les scrupules sont faits pour les âmes viles ; le propre d’un cœur haut est de tout désirer et de tout oser. « Ici, la conscience est une souillure, la fortune tient lieu de vertu, la passion de loi, la complaisance de talent, le gain de gloire, et tout le reste est vain. » Ravi de cette grandeur d’âme, Séjan s’écrie : Royale princesse ; À présent que je vois votre sagesse ; votre jugement ; votre énergie, Votre décision et votre promptitude à saisir les moyens De votre bien et de votre grandeur, je proteste Que je me sens tout enflammé et tout brûlé D’amour pour vous125. […] On lit la formule de convocation, et le conseil note les noms de ceux qui manquent à l’appel ; puis il fait son rapport et annonce que César « confère à l’homme qu’il aime, au très-honoré Séjan » la dignité et la puissance tribunitienne. […] Deux phrases plus loin, la même insinuation revient plus précise. « Quelques-uns, dit Tibère, pourraient représenter sa sévérité publique comme l’effet d’une ambition ; dire que sous prétexte de nous servir, il écarte ce qui lui fait obstacle ; alléguer la puissance qu’il s’est acquise par les soldats prétoriens, par sa faction dans la cour et dans le sénat, par les places qu’il occupe, par celles qu’il confère à d’autres, par le soin qu’il a pris de nous pousser, de nous confiner malgré nous dans notre retraite, par le projet qu’il a conçu de devenir notre gendre. » Les Pères se lèvent : « Cela est étrange132 !  […] Après celle-là une autre, parfois toute contraire, et ainsi de suite ; il n’y a rien d’autre dans l’homme, point de puissance distincte et libre ; lui-même n’est que la série de ces impulsions précipitées et de ces imaginations fourmillantes ; la civilisation les a mutilées, atténuées, elle ne les a pas détruites ; secousses, heurts, emportements, parfois de loin en loin une sorte de demi-équilibre passager, voilà sa vraie vie, vie d’insensé, qui par intervalles simule la raison, mais qui véritablement est « de la même substance que ses songes » ; et voilà l’homme tel que Shakspeare l’a conçu. Aucun écrivain, non pas même Molière, n’a percé si avant par-dessous le simulacre de bon sens et de logique dont se revêt la machine humaine pour démêler les puissances brutes qui composent sa substance et son ressort.

464. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Il avait touché les sommets de sa puissance créatrice, et, quoi qu’il eût pu faire encore dans la suite, il n’aurait pas pu cependant étendre les limites tracées autour de son talent. […] Goethe ne cacha pas la grande supériorité de l’Anglais pour l’esprit, la connaissance du monde et la puissance de production. […] C’est à quoi devraient réfléchir d’autres puissances, qui veulent renfermer dans le tonneau le vin qui fermente. » — Mes amis, nous avons vu cela ! […] Il sait très bien quelle est l’étendue de sa puissance, la grandeur de sa situation, et il a raison de parler comme il sent. […] Il a une grande puissance pour voir la nature extérieure, et il me semble absolument aussi remarquable que MM. de Lamartine et Delavigne26.

465. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Des chants infernaux et des cantiques célestes invoquent tour à tour toute la puissance de la nature, puis Marguerite expire, et le pire des maux, le doute satanique, comme une dérision de l’homme, couvre tout. […] — Génie et fécondité sont deux choses très voisines en effet : car qu’est-ce que le génie, sinon une puissance de fécondité, grâce à laquelle naissent les œuvres qui peuvent se montrer avec honneur devant Dieu et devant la nature, et qui, à cause de cela même, produisent des résultats et ont de la durée ?  […] Il y a dix ou douze ans, dans ce temps heureux qui a suivi la guerre de la Délivrance, lorsque les poésies du Divan me tenaient sous leur puissance, j’étais assez fécond pour écrire souvent deux ou trois pièces en un jour, et cela, dans les champs, ou en voiture, ou à l’hôtel ; cela m’était indifférent. — Mais maintenant, pour faire la seconde partie de mon Faust, je ne peux plus travailler qu’aux premières heures du jour, lorsque je me sens rafraîchi et fortifié par le sommeil, et que les niaiseries de la vie quotidienne ne m’ont pas encore dérouté. […] L’Église chrétienne croit que, comme héritière du Christ, elle peut remettre aux hommes leurs péchés ; c’est là pour elle une puissance énorme ; maintenir cette puissance et cette croyance, et affermir ainsi l’édifice ecclésiastique, voilà la principale préoccupation du clergé chrétien. […] Il revient à Weimar, et il y trouve l’aisance et la puissance dans l’attachement du grand-duc.

466. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Talent mûri, éprouvé, simplifié, serrant son expression autour de sa pensée, comme on tend la voile pour aller plus vite, pour augmenter cette rapidité du récit qui est une beauté et une puissance, Μ. de Cassagnac a voulu rester chaste dans une histoire qui ne l’est pas. […] Pourquoi Cassagnac, qui a le sentiment du grand et la puissance de le peindre, n’a-t-il pas fait poser devant lui plus longtemps cette divine figure de Madame Royale ? […] L’historien fait l’apologie de ce suffrage universel, au fond duquel gisent tous les éléments d’ordre et de stabilité confusément et sans l’organisation définitive qui en assurerait l’harmonie, mais ne devait-il pas essayer de débrouiller ce chaos et d’élever le levier de la France à son summum de puissance et de lumière, dans les intérêts de l’avenir ? […] Il a été successivement pour et contre la réforme parlementaire ; il a parlé successivement pour et contre la puissance maritime de la France. […] Cette grande langue pure du xviie  siècle revenait à travers les formes haletantes du journalisme pour les étendre et les élever, et ce qui n’était, jusque-là, que de la puissance, devenait alors de la beauté !

467. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Ces régimes se confondent à l’état rudimentaire : il faut un chef, et il n’y a pas de communauté sans des privilégiés qui empruntent au chef quelque chose de son prestige, ou qui le lui donnent, ou plutôt qui le tiennent, avec lui, de quelque puissance surnaturelle. […] Nous ne leur prêterons pas davantage la vision de ce que l’esprit d’invention recelait en lui de puissance. […] Mais des machines qui marchent au pétrole, au charbon, à la « houille blanche », et qui convertissent en mouvement des énergies potentielles accumulées pendant des millions d’années, sont venues donner à notre organisme une extension si vaste et une puissance si formidable, si disproportionnée à sa dimension et à sa force, que sûrement il n’en avait rien été prévu dans le plan de structure de notre espèce : ce fut une chance unique, la plus grande réussite matérielle de l’homme sur la planète. […] Les origines de cette mécanique sont peut-être plus mystiques qu’on ne le croirait ; elle ne retrouvera sa direction vraie, elle ne rendra des services proportionnés à sa puissance, que si l’humanité qu’elle a courbée encore davantage vers la terre arrive par elle à se redresser, et à regarder le ciel. […] Tout au plus dira-t-on, comme nous venons de le faire, que le mysticisme ne saurait se répandre sans encourager une « volonté de puissance » très particulière.

468. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

Ne comptez pas le temps que j’aurais à régner : il est d’autant plus difficile de jouir avec modération de la puissance souveraine, que cette puissance doit avoir moins de durée pour nous. […] Le souverain des Romains, si peu de temps auparavant, le maître de l’univers, abandonnant le siège de sa puissance, sortait de l’empire, à travers son peuple, au milieu de sa capitale. […] « Il avait choisi pour maîtres de philosophie ces sages qui estiment que le seul bien est l’honnête, le seul mal le vice, et qui ne comptent la noblesse, la puissance, et tout ce qui est en dehors de l’âme, ni parmi les vrais biens, ni parmi les vrais maux.

469. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Joignez que sa puissance de travail, d’attention et de mémoire est prodigieuse. […] Taine dans presque tous ses ouvrages, le prince ne voit que le nombre, il ne voit pas la puissance avec laquelle ils sont enchaînés et classés  et qu’ils ne sont là que pour préparer et appuyer les généralisations les plus hardies. […] A le faire si raisonnable, il risque de lui enlever cette merveilleuse puissance d’imagination qui l’égale, dans son ordre, aux plus grands artistes, à Dante et à Michel-Ange. […] Vous ne pouvez imaginer d’autres conditions de vie que celles qui vous ont été faites ici-bas par une puissance inconnue.

470. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

Plus tard, la puissance d’abstraire se fortifiant, ces vastes imaginations se resserrèrent, et les mêmes objets furent désignés par les signes les plus petits ; Jupiter, Neptune et Cybèle devinrent si petits, si légers, que le premier vola sur les ailes d’un aigle, le second courut sur la mer porté dans un mince coquillage, et la troisième fut assise sur un lion. […] Les Italiens considérèrent la chose sous le même aspect que les anciens Latins, lorsqu’ils appelèrent les terres poderi, de podere, puissance ; c’est qu’elles étaient acquises par la force ; ce qui est encore prouvé par l’expression du moyen âge, presas terrarum, pour dire les champs avec leurs limites. […] C’est que le même homme est envisagé dans l’une, je supposé, sous le rapport de la figure, de la puissance, etc. ; dans l’autre, sous le rapport de son caractère, des choses qu’il a entreprises. […] Tite-Live n’a pas compris que dans un sénat héroïque, c’est-à-dire, aristocratique, un roi n’avait d’autre puissance que celle de créer des duumvirs ou commissaires pour juger les accusés ; le peuple des cités héroïques ne se composait que de nobles auxquels l’accusé déjà condamné pouvait toujours en appeler.

471. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tiercelin, Louis (1849-1915) »

Il a donné ensuite deux autres recueils : L’Oasis (1880) où il s’est montré profondément tendre et humain, et les Anniversaires (1887), qui révèlent une réelle puissance poétique et une grande souplesse de rythme.

472. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 142-143

Nous naissons tous sujets d’une double Puissance ; Chaque Peuple a son Culte, & chaque Etat ses Loix : Malgré l’audace impie & l’aveugle licence, Respectons les Autels, obéissons aux Loix.

473. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Avait-il raison, au contraire, comme le soutient sir Henry Bulwer, de saisir avec habileté le joint et de ne pas manquer l’occasion de diviser tes grandes puissances ? […] Lors donc qu’en présence de l’ultimatum des puissances coalisées et du mauvais vouloir de la Chambre nouvelle, il alla avec deux de ses collègues exposer au roi les embarras du cabinet et réclamer un surcroît d’appui, en offrant un semblant de démission, Louis XVIII le prit au mot, et il fut encore une fois décontenancé comme il ne l’avait jamais été sous Napoléon, et comme il l’avait été à Mons. — Ces attrapes et ces niches de Louis XVIII lui étaient restées sur le cœur ; il l’appelait par sobriquet le roi nichard. […] — On s’y plaint un peu de la publication des articles secrets du traité signé par les trois puissances qui interviennent un peu dans les affaires de la Grèce. — C’est pour nous autres, vieux diplomates, qu’il est singulier de voir dans les journaux les articles secrets d’un traité qui porte la clause de deux mois pour les ratifications ; — du reste, ce traité-là ne sera pas d’un grand secours pour les Grecs ; ce qui les aidera véritablement, c’est l’insurrection de la Dalmatie, si, comme je le crois, elle est générale dans cet inattaquable pays.

474. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

Mais elle n’arrête pas sa puissance à celui qui la fait surgir ; nous aussi, par les yeux, par l’ouïe, par le cœur, nous y participons, et d’avoir communié avec ce mirage, notre rythme intérieur a senti bondir sa force : l’approche de la Beauté nous approche de nous-même. […] Pourtant on ne peut nier la puissance de vers tels que ceux-ci : Crois, vie ou mort, que t’importe, En l’éblouissement d’amour ? […] Elle ne reporte guère chez lui à la chose présente, car elle n’arrête que rarement à un détail particulier et son apparition est trop rapide et trop intermittente pour faire retomber l’illusion évoquée ; mais, s’alliant avec le rythme personnel et la couleur d’esprit de ce poète, elle donne souvent à la strophe une puissance dont l’énergie inattendue ne permet point de sentir qu’elle rompt la trame de l’harmonie : elle est la sœur et la fille de cette morale de l’action qu’elle accompagne.

475. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

Alors sa puissance éclate et sa bonté se prodigue. […] Il y avait antagonisme natif entre ce dieu d’équilibre et d’ordre, dont les violences même tendaient à une règle, et les puissances litaniques, habituées à l’anarchie du Chaos. […] Une tradition, rapportée par Stobée, disait que celle fange charmante avait été détrempée de larmes : symbole mélancolique de toutes les puissances de douleur que la femme possède et qu’elle exerce sur l’homme.

476. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Napoléon est certes l’un des premiers en puissance et en qualité dans le premier ordre des hommes. […] Il y a un moment où la nature des choses se révolte et fait payer cher au génie lui-même ses abus de puissance et de bonheur. […] Encore l’horreur de l’événement moderne dépassait-elle l’horreur des événements anciens de toute la puissance des moyens de destruction imaginés par la science.

477. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Il le reconnaît du premier ordre pour la marche lumineuse de l’ensemble, pour la puissance de l’action et les principaux effets que le théâtre se propose, pour « ce grand fonds d’intérêt qu’il semble interrompre lui-même volontairement, et qu’il est toujours sûr de relever avec la même énergie ». […] Pénétré de la difficulté de l’invention sociale en tant qu’elle s’élève au-dessus d’une certaine agrégation première toute naturelle et grossière, et qu’elle arrive à la civilisation véritable, il ne la conçoit possible que grâce à de merveilleuses passions en quelques-uns et à une héroïque puissance de génie : « Il faut, pense-t-il, que les premiers législateurs des sociétés, même les plus imparfaites, aient été des hommes surnaturels ou des demi-dieux. » Grimm, en politique, se rapproche donc beaucoup plus de Machiavel que de Montesquieu, lequel accorde davantage au génie de l’humanité même. […] Des relations si intimes avec les puissances le mirent à même d’être souvent utile au mérite, et, si on le trouve parfois rigoureux ou quelque peu satirique dans ses jugements, les personnes qui l’ont le mieux connu assurent qu’il sut être bienveillant en secret ; il se plaisait à attirer l’attention de ses augustes correspondants sur les talents d’hommes de lettres et d’artistes à honorer ou à protéger.

478. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre VI. Le beau serviteur du vrai »

Le rhythme est une puissance. Puissance que le moyen âge connaît et subit non moins que l’antiquité. […] Il est curieux de constater cette puissance de la poésie aux pays où la sauvagerie est la plus épaisse, particulièrement en Angleterre, dans cette dernière profondeur féodale, penitus toto divisos orbe Britannos.

479. (1868) Curiosités esthétiques « VI. De l’essence du rire » pp. 359-387

Ainsi, notons bien ceci : en premier lieu, voici un auteur, — un chrétien, sans doute, — qui considère comme certain que le Sage y regarde de bien près avant de se permettre de rire, comme s’il devait lui en rester je ne sais quel malaise et quelle inquiétude, et, en second lieu, le comique disparaît au point de vue de la science et de la puissance absolues. […] Le comique, la puissance du rire est dans le rieur et nullement dans l’objet du rire. […] Ainsi, pour en finir avec toutes ces subtilités et toutes ces définitions, et pour conclure, je ferai remarquer une dernière fois qu’on retrouve l’idée dominante de supériorité dans le comique absolu comme dans le comique significatif, ainsi que je l’ai, trop longuement peut-être, expliqué ; — que, pour qu’il y ait comique, c’est-à-dire émanation, explosion, dégagement de comique, il faut qu’il y ait deux être en présence ; — que c’est spécialement dans le rieur, dans le spectateur, que gît le comique ; — que cependant, relativement à cette loi d’ignorance, il faut faire une exception pour les hommes qui ont fait métier de développer en eux le sentiment du comique et de le tirer d’eux-mêmes pour le divertissement de leurs semblables, lequel phénomène rentre dans la classe de tous les phénomènes artistiques qui dénotent dans l’être humain l’existence d’une dualité permanente, la puissance d’être à la fois soi et un autre.

480. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Préface de la seconde édition » pp. 3-24

Je dirai plus, les progrès des sciences rendent nécessaires les progrès de la morale ; car, en augmentant la puissance de l’homme, il faut fortifier le frein qui l’empêche d’en abuser. […] Premièrement, en parlant de la perfectibilité de l’esprit humain, je ne prétends pas dire que les modernes aient une puissance d’esprit plus grande que celle des anciens, mais seulement que la masse des idées en tout genre s’augmente avec les siècles.

481. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre III. Association des mots entre eux et des mots avec les idées »

La diversité des tempéraments, des classes, des occupations, des habitudes, l’inégale connaissance de la langue et du sens précis des mots font qu’ils n’ont pas pour tous la même puissance d’évocation et qu’ils n’évoquent pas les mêmes choses. […] Mais la puissance que les mots ont de tirer après eux des séries d’idées et d’images, est de première importance pour le style : selon l’art qu’on a de l’employer, il est terne ou expressif, plat ou relevé.

482. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Armand Silvestre »

Mais — ô puissance de la baguette magique que tes fées ont coutume de prêter aux poètes ! puissance du seul enlacement des mots et du sentiment qui les tressé et les enlace   elles sont adorables, ces romances où il n’y a rien que des rossignols, des lis, beaucoup de lis, des roses, des violettes, des raisins, des abeilles, l’aube, le crépuscule, l’automne et le printemps et, mêlée à toute la nature au point qu’elle ne s’en distingue presque plus, l’image de la femme aimée.

483. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre V. L’Analyse et la Physique. »

La physique mathématique et l’analyse pure ne sont pas seulement des puissances limitrophes, entretenant des rapports de bon voisinage ; elles se pénètrent mutuellement et leur esprit est le même. […] Sa puissance créatrice serait bientôt tarie.

484. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

De bonne heure, ils annoncèrent des espérances illimitées, et quand le peuple, en partie victime de leurs conseils impolitiques, eut été écrasé par la puissance assyrienne, ils proclamèrent qu’un règne sans bornes lui était réservé, qu’un jour Jérusalem serait la capitale du monde entier et que le genre humain se ferait juif. […] Des accents inconnus se font déjà entendre pour exalter le martyre et célébrer la puissance de « l’homme de douleur. » A propos de quelqu’un de ces sublimes patients qui, comme Jérémie, teignaient de leur sang les rues de Jérusalem, un inspiré fit un cantique sur les souffrances et le triomphe du « Serviteur de Dieu », où toute la force prophétique du génie d’Israël sembla concentrée 86. « Il s’élevait comme un faible arbuste, comme un rejeton qui monte d’un sol aride ; il n’avait ni grâce ni beauté.

485. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre III : Théorie psychologique de la matière et de l’esprit. »

Par suite, nos idées de cause, de puissance, d’activité se lient, non à des sensations, mais à des groupes de possibilités de sensations. […] « Il existe, prétend-il, une sorte d’harmonie préétablie entre le cours de la nature et la succession de nos idées, et quoique les puissances et les forces par lesquelles la première est gouvernée nous soient pleinement inconnues, nos pensées et nos conceptions ne laissent pas en définitive d’avoir suivi la même marche que les autres objets de la nature.

486. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIII » pp. 378-393

Elle ne prétendait pas faire oublier madame de Montespan par les saillies, par les moqueries, par les imitations chargées ; mais elle faisait sentir au roi un intérêt de cœur, elle lui faisait pressentir des jouissances inconnues, elle excitait dans son âme la puissance des sympathies ; la glorieuse, l’amante de la considération s’entendait bien avec l’amant de la gloire sur la valeur de cette jouissance, sur les moyens de se l’assurer. Cette sympathie, en s’exaltant dans leur âme, aidait le roi à concevoir le véritable amour où les puissances morales surpassent les jouissances physiques, et à substituer en lui des idées de bonheur aux idées de plaisir.

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