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900. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Elle essaye de décrire « le charme d’une prison » où l’on est délivré de tout soin importun, de toute distraction fâcheuse, « où l’on ne doit compte qu’à son propre cœur de l’emploi de tous les moments. » Elle trouve, pour exprimer ce sentiment particulier de quiétude, des paroles qui eussent fait honneur aux anciens sages : « Rendu à soi-même, à la vérité, sans avoir d’obstacles à vaincre, de combats à soutenir, on peut, sans blesser les droits ou les affections de qui que ce soit, abandonner son âme à sa propre rectitude, retrouver son indépendance morale au sein d’une apparente captivité, et l’exercer avec une plénitude que les rapports sociaux altèrent presque toujours. » Elle se plaît à revenir sur cette idée, si chère à sa passion, qu’elle est présentement dispensée de toute lutte, à l’endroit qui lui est le plus sensible, et qu’elle peut s’abandonner sans scrupule et sans danger à une effusion innocente. […] Il avait d’abord préparé cette restitution, nous dit-il, pour son propre usage. […] Mme Roland, selon moi, si l’on veut bien laisser de côté en elle la Romaine et si on la sépare un moment des circonstances et des accidents extraordinaires qui ont compliqué sa destinée, nous a donné dans le récit de sa jeunesse, de sa propre éducation et de ce qu’elle enseignait à sa fille un tableau qui est comme l’image d’une quantité d’autres existences individuelles, et il faudrait retrancher peu de chose pour y trouver un modèle d’étude, de moralité, d’énergie bien dirigée, de santé de l’âme et de l’esprit mise à un excellent régime.

901. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

L’on veut de la franchise, de la gaîté, un air naturel et ouvert ; sans cela, personne ne vous parle, et tout le monde est sur ses gardes. » Et encore, dans une lettre au comte de Bruhl (16 septembre 1741) : « Je dois avertir Votre Excellence que M. de Loss n’est pas l’homme propre à traiter avec le Cardinal et les Français ; il a de cette finesse allemande que l’on voit du premier coup d’œil et qui n’inspire que de la méfiance, ce qui nuit plus que chose du monde aux affaires. […] Les catalogues du temps parlent d’un modèle de galère qu’il avait inventé avec un manège et un rouage propre à la faire voguer. […] Dans un passage des Rêveries que le comte Vitzthum a rétabli exactement selon le manuscrit, on lit cet hommage rendu à la valeur française : « C’est le propre de la nation française d’attaquer… La valeur et le feu qui animent cette nation ne s’est jamais démenti, et, depuis Jules César, qui en est convenu lui-même, je ne sais aucun exemple qu’ils n’aient bien mordu sur ce que l’on leur a présenté. […] III, pape 182, du Recueil des Lettres et Mémoires publiés par Grimoard ; il parle de nous dans le même sens avec une part d’éloges, mais très librement sur les défauts. — Dans les Mémoires de Rochambeau (tome I, pages 53, 121, on voit que les armées françaises, à cette époque, étaient fort peu manœuvrières : aussi le maréchal de Saxe « aimait-il à réduire les batailles rangées à des attaques de postes, auxquelles il croyait notre infanterie plus propre qu’à des mouvements réguliers en plaine. » 15.

902. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

Regarde-toi au milieu de ces secrètes et intérieures insinuations qui stimulent si souvent ton âme, au milieu de toutes les pensées pures et lumineuses qui dardent si souvent sur ton esprit, au milieu de tous les faits et de tous les tableaux des êtres pensants, visibles et invisibles, au milieu de tous les merveilleux phénomènes de la nature physique, au milieu de tes propres œuvres et de tes propres productions ; regarde-toi comme au milieu d’autant de religions ou au milieu d’autant d’objets qui tendent à se rallier à l’immuable vérité. […] Tous les trois se prirent de préférence au côté spiritualiste, rêveur, enthousiaste, de leur auteur, et le fécondèrent selon leur propre génie. […] Un des caractères les plus propres à la manière de Lamartine, c’est une facilité dans l’abondance, une sorte de fraîcheur dans l’extase, et avec tant de souffle l’absence d’échauffement.

903. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Ce qui la caractérise en ce moment cette littérature, et la rend un phénomène tout à fait propre à ce temps-ci, c’est la naïveté et souvent l’audace de sa requête, d’être nécessiteuse et de passer en demande toutes les bornes du nécessaire, de se mêler avec une passion effrénée de la gloire ou plutôt de la célébrité, de s’amalgamer intimement avec l’orgueil littéraire, de se donner à lui pour mesure et de le prendre pour mesure lui-même dans l’émulation de leurs exigences accumulées ; c’est de se rencontrer là où on la supposerait et où on l’excuse le moins, dans les branches les plus fleuries de l’imagination, dans celles qui sembleraient tenir aux parties les plus délicates et les plus fines du talent. […] Chacun s’exagérant son importance se met à évaluer son propre génie en sommes rondes ; le jet de chaque orgueil retombe en pluie d’or. […] Quoi donc d’étonnant que la librairie, ainsi placée entre toutes les causes de ruine, entre son propre charlatanisme, les exigences des auteurs, les exactions des journaux, et enfin la contrefaçon étrangère, ait succombé ? […] Il est donc urgent que tous les hommes honnêtes se tiennent, chacun d’abord dans sa propre dignité (on le peut toujours), et entre eux, autant qu’il se pourra et quel que soit le point de départ, par des convenances fidèles et une intelligence sympathique.

904. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Fauriel, soit enfin en son propre lieu, dans la chaire du Collége de France, d’appliquer à l’histoire littéraire moderne les résultats de ses instincts divers, de ses études variées, et il a fini par les concentrer exclusivement sur l’histoire de la littérature française, dont il publie une introduction développée et approfondie pour les temps qui précèdent le douzième siècle164 ; dans le moment actuel de son enseignement oral, il en est arrivé au seizième. […] Ampère en vint à s’établir définitivement au cœur de l’histoire littéraire comme en son domaine propre, il se trouva y apporter précisément cette faculté d’enchaînement, ce besoin instinctif des rapports et des lois, cette sagacité investigatrice des origines et des causes, dont son noble père avait fourni de si hautes preuves dans un autre ordre de vérités. […] Le poëte, sous le critique, se retrouve, et ne fait qu’un avec lui par l’esprit et la vie, et le sens propre qu’il découvre et rend aux choses à chaque moment. Cette intelligence secrète et sentie que n’ont pas eue tant d’estimables historiens, pourtant réputés à bon droit critiques, ce don, cet art particulier dont la sobre magie se dissimule à chaque pas, qui ne convertit pas tout en or, mais qui rend à tout ce qu’il touche la qualité propre et la vraie valeur, tient de très-près à l’esprit poétique, modéré et corrigé comme je l’entends.

905. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

La classe libre d’intelligences actives et vacantes qui se sont succédé dans la société française à côté de la littérature qu’elles soutenaient, qu’elles encadraient, et que, jusqu’à un certain point, elles formaient ; cette dynastie flottante d’esprits délicats et vifs aujourd’hui perdus, qui à leur manière ont régné, mais dont le propre est de ne pas laisser de nom, se résume très-bien pour nous dans un homme et peut s’appeler M.  […] Il n’est point du tout propre à toutes sortes d’idées ; il ne l’est point aux longs travaux. […] Il en résulte (pour me juger en beau) que je ne suis propre qu’à la perfection. […] Espérons, à tant de titres, qu’elle aura cours désormais, qu’elle entrera en échange habituel chez les meilleurs, et enfin qu’il vérifiera à nos yeux sa propre parole : « Quelques mots dignes de mémoire peuvent suffire pour illustrer un grand esprit160. »  1er Décembre 1838.

906. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Mais ce siècle et même son propre esprit ont combattu, gêné, comprimé son tempérament. […] On ne trouve d’examen impartial que chez Corneille, parlant de ses propres pièces, et chez D’Aubignac, qui mêla dans sa Pratique du théâtre la critique à la théorie. […] Peu à peu, le public prit conscience de la valeur exacte des Satires : elles l’aidèrent à débrouiller son propre goût, elles en hâtèrent la maturité et en fixèrent l’orientation. Il y prit le courage de s’ennuyer librement, et de se plaire sans scrupule, selon la propre et intrinsèque vertu des œuvres.

907. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Les limites dans lesquelles leur sens propre peut s’exercer et se mouvoir publiquement sont fort étroites, et, comme cette contrainte est inséparable de leur grandeur et même la préserve, ils s’y résignent facilement ou plutôt n’ont point à s’y résigner, car ils ne la considèrent pas comme une contrainte. […] A sept ans, il jouait au soldat en latin ; à onze ans, il avait terminé sa rhétorique (au collège Sainte-Marie, de Bourges) et « maniait le latin comme sa propre langue ». […] Jadis, quand j’étais beaucoup plus jeune, je concevais mal ce génie-là ; je n’en saisissais point la beauté propre. […] Ce qui fait la grandeur d’un général en chef, outre l’intelligence calculatrice et organisatrice qu’il doit posséder à un degré remarquable, c’est qu’il doit agir, et dans les conditions les plus terribles, les plus propres à paralyser la volonté.

908. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Voici ce que j’appris de Baju, moins de lui-même, toujours silencieux sur son propre compte, que des amis présents. […] Ils sentaient la moisissure propre et l’humidité, mais on n’y était pas étourdi par le bruit des voix et l’on pouvait s’attarder dans la lecture des journaux, toujours libres. […] « C’est alors que Baju vint, et, en vue de congréger “les forces éparses en un faisceau unique”, pour me servir de ses propres expressions rapportées au commencement de ce travail, fonda le Décadent, au milieu de quelles difficultés, avec combien de bravoure et de furie, ce n’est rien que de le dire. […] « Nous postposerons, à la suite, des variantes contradictoires propres, comme il nous semble, pour atténuer les lacunes et masquer les effondrements, heureux si nous érigeâmes ce “Grande signum et insigne” qu’atteste, dans une prose épiphanique, le Missel de Cluny, si nous pûmes restituer aux Lettres humaines ces Reliquaires jusqu’alors épars : les Rythmes effeuillés du Divin Jeune Homme, pareils aux clous d’or que sème, en la frappant du pied, l’Hippogriphe conculcateur de l’Omnipotente Béotie.

909. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Le dimanche suivant, pour obtenir la faveur d’être placé à côté de la rose, il vint à l’école en costume propre : lui-même avait lavé sa jaquette dans le Rhône de grand malin. […] L’espace manquait dans son modeste appartement pour ces hôtes nouveaux ; les plus petits enfants furent pendant quelque temps couchés dans son propre lit ; puis, par des prodiges d’intelligence et d’activité, elle réussit à constituer cet étonnant établissement qui renferme aujourd’hui soixante Alsaciennes ou Lorraines âgées de dix-huit mois à dix-huit ans. […] M. l’abbé Carton a trouvé moyen, dans cette triste zone de la banlieue parisienne, de créer un véritable paradis, un asile propre, bien bâti, presque gai, où cinquante vieillards des deux sexes sont logés, chauffés, blanchis, habillés et nourris. […] La vue du malheureux qui allait disparaître lui rend des forces ; un instant après il le dépose sur le quai, dont il rougit les dalles de son propre sang.

910. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Ce pouvoir périt dans ses mains, par ses propres fautes ; aussitôt grande rumeur ; il faut que toute l’Europe s’arme pour le lui restituer dans sa pureté et sa plénitude… Quelque usage d’ailleurs que ses conseillers en fassent, à quelques excès qu’ils se portent, de quelques inepties ou de quelques violences qu’ils se rendent coupables, ils n’en seront responsables qu’à Dieu ; et si la nation espagnole, ruinée, persécutée, réduite aux abois, poussée au désespoir, se relève enfin, et, sans attenter à la personne de son roi, sans porter atteinte à ses droits héréditaires, invoque et consacre un nouvel état de choses, cette nation ne sera plus qu’un assemblage de bandits qu’il faudra châtier et museler de nouveau. […] M. de Broglie relève la naïveté de l’argument qui est tout en l’honneur des cadets : « Cet argument, dit-il, appartient en propre à M. le rapporteur, il est juste d’en prévenir ; car, même dans une discussion sur le droit d’aînesse, Dieu nous garde de ne pas laisser à chacun ce qui lui revient !  […] M. de Broglie eut en ces années (1828-1829) un véritable rêve d’homme de bien, de philosophe élevé qui croit à Dieu, à la vérité idéale et suprême, à la vérité et à l’ordre ici-bas, à la perfectibilité de l’esprit humain, à la sagesse et au progrès de son propre temps, au triomphe graduel et ménagé de la raison dans toutes les branches de la société et de la science, dans l’ensemble de la civilisation même : « N’en déplaise aux détracteurs officieux de notre temps et de notre pays, écrivait-il en 1828, tout va bien, chaque jour les saines idées gagnent du terrain ; l’esprit public se forme et se propage à vue d’œil. » Il s’agissait, dans ce cas, d’une simple pétition sur les juges auditeurs ; mais on sent la satisfaction généreuse qui déborde du cœur d’un homme de bien. […] Lucas sur le système pénal, et en particulier sur la peine de mort, il essaie de fixer dans ses limites et de rattacher à son principe le droit qu’a la société de punir, qu’il recherche les raisons qui rendent la vie humaine respectable encore jusque chez les criminels, et qu’il s’inquiète des moyens de régénérer ceux mêmes qu’on châtie ; soit que, réfutant la théorie brutalement matérialiste de Broussais, il se complaise à rétablir les titres authentiques, selon lui, et irréfragables, de la spiritualité et de l’énergie propre de l’âme ; soit enfin qu’abordant, à propos de l’Othello de M. de Vigny, la question de l’art dramatique en France, il se félicite de la disposition du public, et que, de ce côté aussi, il marque sa foi en un certain bon sens général qui semble mûr pour le vrai et pour le beau.

911. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Quant à la société, c’est-à-dire à la généralité des hommes réunis et établis en civilisation, ils demandent qu’on fasse comme eux tous en arrivant, qu’on se mette à leur suite dans les cadres déjà tracés, ou, si l’on veut en sortir, qu’alors, pour justifier cette prétention et cette exception, on les serve hautement ou qu’on les amuse ; et, jusqu’à ce qu’ils aient découvert en quelqu’un ce don singulier de charme ou ce mérite de haute utilité, ils sont naturellement fort inattentifs et occupés chacun de sa propre affaire. […] Mais la fin de l’Épître est surtout heureuse ; le jeune compositeur s’y montre dévoré souvent du désir d’écrire, de composer pour son propre compte, tandis qu’il est obligé d’imprimer les autres : Hélas ! […] Une des pièces sérieuses qui me semblent le plus propres à démontrer ses qualités et ses défauts est celle qui a pour titre : Un quart d’heure de dévotion. […] Le caractère propre de la muse populaire, c’est qu’elle soit avant tout pacifique, consolante, aimante ; que la chanson de chaque métier, par exemple, en exprime la joie, l’orgueil même et la douce satisfaction ; qu’elle en accompagne et en soulage le labeur ; qu’elle en marque les moments et les rende plus égayés et plus légers.

912. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Après que les événements sont accomplis, quand les révolutions ont eu leur cours et se sont chargées de tirer toutes les conséquences, ces choses d’un jour, dont la portée ne se sentait pas, prennent une signification presque prophétique, et nous pouvons dire aujourd’hui : L’ancienne société n’aurait pas mérité, à ce degré, de périr, si elle n’avait pas assisté ce soir-là, et cent fois de suite, avec transport, à cette gaie, folle, indécente et insolente moquerie d’elle-même, et si elle n’avait pas pris une si magnifique part à sa propre mystification27. […] Quand on veut pourtant bien apprécier les qualités propres du talent de Beaumarchais, et ses limites du côté de la poésie et de l’idéal, il convient de lire, après ces scènes de la comtesse et de Chérubin, celles du premier chant du Don Juan de Byron, où ce jeune Don Juan à l’état de Chérubin engage sa première aventure avec l’amie de sa mère et la femme de Don Alfonso, avec Doña Julia. […] La plupart des noms propres n’ont été dans leur origine que des sobriquets. […] Je ne sais si j’ai bien fait toucher du doigt au lecteur tous les points singuliers et les traits distinctifs de cette destinée et de cette fortune bizarre du Mariage de Figaro, une représentation arrachée, malgré le roi et les magistrats, par la Cour, par le public et par l’auteur, triomphante et déréglée, se tournant contre ses propres spectateurs, s’aidant tour à tour de tous les moyens auxiliaires de scandale, de sensibilité et de bienfaisance, et menant au plus beau moment son héros à Saint-Lazare ; traitement infamant et indigne, dont il se trouve toutefois presque consolé, puisqu’il en est sorti une ordonnance de comptant de deux millions cent cinquante mille livres.

913. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

La combinaison propre à Volney et qui lui donne son cachet distinct, est celle-ci : il fut disciple à la fois de Fréret et de d’Holbach. […] On le dit, mais ce n’est pas lui qui nous l’apprend : jamais homme, jamais voyageur ne fut plus sobre et plus discret sur ses propres impressions que Volney. […] Je n’ai donc point représenté les pays plus beaux qu’ils ne m’ont paru : je n’ai point peint les hommes meilleurs ou plus méchants que je ne les ai vus ; et j’ai peut-être été propre à les voir tels qu’ils sont, puisque je n’ai reçu d’eux ni bienfaits ni outrages. […] Elle a garni son pied d’une masse de chair qui, glissant sur la bouc, et n’étant pas propre à grimper, ne lui rend praticable qu’un sol sec, uni et sablonneux comme celui de l’Arabie.

914. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

La simplicité propre à la poésie peut être touffue comme le chêne. […] Il faut qu’il se propose à lui-même sa propre énigme et qu’il s’en inquiète. […] Sa propre végétation l’effare ; sa propre tempête l’épouvante.

915. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

C’est que former son talent compte aujourd’hui pour peu de chose ; c’est un génie qu’il faut être d’emblée, et le préjugé court qu’un génie est nécessairement un esprit indompté, tumultueux, semblable aux éléments déchaînés, de préférence un peu fou… « Ce que je regrette aujourd’hui, c’est qu’aucune voix ne soit assez forte ou assez autorisée pour rétablir un peu d’ordre dans la confusion générale, remettre la littérature à sa place, et dans la littérature, apprendre, sans pédanterie et avec le ton persuasif d’une belle foi d’artiste, à discerner la beauté propre à chaque genre. » De cette confusion, la responsabilité se répand de Victor Hugo à M.  […] Et s’il nous arrive dans l’exubérance de notre jeune foi de prendre à notre insu des postures d’apôtres, l’on voudra bien nous pardonner, considérant que nos exagérations ne servant pas notre propre gloire ne peuvent provenir d’un hypocrite calcul mais plutôt d’un débordement de nos bonnes volontés. […] Ce qui fut mauvais et contraire à notre génie propre dans les influences reçues de l’étranger, une influence étrangère le neutralisa. […] « Le but a été encore ici de trouver le rythme individuel, je ne dis pas de chaque poète, mais de chaque poème… l’accompagnement musical uniquement et exclusivement propre à chaque vibration intime de l’âme… Le symbolisme nous a donné de belles, de fortes œuvres.

916. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Il n’est pas permis de décapiter les assises du genre humain de leur juge naturel qui doit appliquer aux âmes des hommes leur propre jurisprudence d’ici-bas. […] Un autre poète aurait montré peut-être quelque point de vue inconnu, tout en restant ancré et solide dans le dogme : Jésus-Christ, par exemple, s’effaçant devant les saints parvis, mais les coupables n’osant entrer dans l’effrayante lumière, et se damnant eux-mêmes comme ils l’ont fait pendant la vie, se précipitant en enfer pour se cacher à leurs propres yeux, et criant : « Plus noir ! […] Faire donner à l’expression réduite, autant qu’elle peut l’être, à elle-même, car elle ne vit pas absolument d’une vie qui lui appartienne, mais lui faire donner tout ce qu’elle peut donner, quand elle est réduite à sa propre puissance et à son propre charme, voilà le beau problème poétique qui vient d’être résolu dans une expérimentation de génie.

917. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

Il faut que notre propre cerveau soit atteint, pour que nous allions jusqu’à confondre supériorité avec difformité. […] A cette aube de ton existence, que tu vas brusquement changer en crépuscule, prends conscience de ta propre vie. […] Ne penses-tu pas que ce rôle de courtier du mensonge que l’on veut te faire remplir, va te diminuer à tes propres yeux ? […] Et j’attends l’heure prochaine où il prononcera à son tour non plus la vieille prière de mendicité : « Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien », mais l’invocation superbe de l’homme à sa propre énergie : « Je veux prendre chaque jour, sans souci des maîtres ni des dieux, le pain de la chair et le pain de la pensée dans la lumière, dans la force et dans la joie %100 ».‌

918. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

Or cette concentration est justement le propre des nations modernes : ce qui les distingue, ce n’est pas tant leur grand « volume » que leur grande « densité »68. […] Il manque à leurs idées sociales une maîtresse pièce de l’égalitarisme tel que nous l’avons défini : et c’est le sentiment de la valeur propre à l’individu, le respect du for intérieur, le culte de la liberté personnelle. — Or, l’étroitesse même de leur cercle d’action n’est-elle pas une des raisons pour lesquelles le trait essentiel des républiques d’aujourd’hui fait défaut à la république d’autrefois ? […] L’individu, dont l’influence personnelle n’est plus qu’un élément imperceptible de la volonté sociale qui imprime au gouvernement sa direction, se replie en quelque sorte sur lui-même et met au-dessus de tout sa liberté propre. […] Estime-t-on trop haut, les mille actions incessantes des formes sociales si l’on conclut que cette « universalité », propre à l’empire romain, en faisait un terrain tout préparé pour la floraison des doctrines stoïcienne et chrétienne, et désignait à jamais Rome comme le siège consacré des idées « catholiques ? 

919. (1886) Le naturalisme

Bien avant que cette transition commençât à s’accomplir. — quoique déterminée par la révolution littéraire française, la nôtre eut une originalité propre. […] C’est un produit naturel comme le fils, en qui s’unissent en une seule substance le sang paternel et le sang maternel, donnant pour résultat un individu doté d’une spontanéité et d’une vie propres. […] Sa personnalité littéraire, ce que Zola appelle le tempérament, intervient ensuite et coule le métal de la réalité dans son propre moule. […] C’est chose étrange de voir chaque école passer une indulgente éponge sur ses propres immondices et montrer du doigt celles des autres ! […] Il en arrive de même dans la vie où les mauvaises actions sont punies par leurs propres conséquences.

920. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

Creusez en vous-même, étudiez et sondez votre propre duplicité, plongez en tous sens au fond de l’abîme de votre cœur, et vous n’y trouverez pas autre chose que ce que Pascal vous a rendu en des traits si énergiques et si saillants. […] Vinet et à ses amis, et que les théologiens protestants ont volontiers accueillie, c’est que les Pensées de Pascal, dans l’état où les a mises la controverse récente, et ramenées plus que jamais à l’état de purs fragments grandioses et nus, sont par là même plus propres à un genre de démonstration chrétienne qui prend l’individu au vif, et peuvent devenir la base d’une apologétique véritable, tout entière fondée sur la nature humaine.

921. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre V : Rapports du physique et du moral. »

C’est là, d’ailleurs, un fait d’observation générale, que celui qui travaille de la tête est moins propre au travail des bras. […] Bain expose ses idées propres.

922. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface d’avril 1823 »

Il rejeta donc l’idée d’entonner ses propres louanges par la bouche complaisante de messieurs ses éditeurs. […] Il allait clore cette trop longue note, lorsque son libraire, au moment d’envoyer l’ouvrage aux journaux, est venu lui demander pour eux quelques petits articles de complaisance sur son propre ouvrage, ajoutant, pour dissiper tous les scrupules de l’auteur, que son écriture ne serait pas compromise, et qu’il les recopierait lui-même.

923. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre premier. »

C’est donc la faute à Jupiter si nous ne nous apercevons pas de nos propres défauts. […] V. 4 Besogne, (autrefois besongne) n’est pas le mot propre ; mais, à cela près, la fable est charmante d’un bout à l’autre.

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