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1074. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

. — On saura quelle circonstance le fit passer d’emblée de l’ancien Moniteur au Temps. […] Il lui fallait un journal ; il ne pouvait s’en passer ; car à son âge, et quand on est en plein déploiement de talent, on ne se tait que lorsque la mort vous y force. […] J’ai vu tout ce qui s’y est passé depuis 1852 jusqu’en 1860. […] Nefftzer de passer chez lui (car il ne pouvait aller lui-même) pour en entendre la lecture. […] Sainte-Beuve était passé aux orléanistes !

1075. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

les premiers mois d’inaction passés, comme le cerveau du poète va fermenter et se remplir ! […] que d’êtres inachevés, flottants, passeront dans ses rêves et lui feront signe de venir ! […] Soudain Ariel ou Puck, Scapin ou Dorine, Chérubin ou Fenella, merveilleux lutins, messagers malicieux et empressés, s’agiteront autour du maître, le tirailleront de mille côtés pour qu’il prenne garde à leurs êtres chéris, à leurs amants séparés, à leurs princesses malheureuses ; ils les évoqueront devant lui, comme dans l’Élysée antique le devin Tirésias, ou plutôt le vieil Anchise, évoquait les âmes des héros qui n’avaient pas vécu ; ils les feront passer par groupes, ombres fugitives, rieuses ou éplorées, demandant la vie, et, dans les limbes inexplicables de la pensée, attendant la lumière du jour. […] Boyer est mort fort chrétiennement ; sur quoi je vous dirai, en passant, que je dois réparation à la mémoire de la Champmeslé, qui mourut avec d’assez bons sentiments, après avoir renoncé à la comédie, très-repentante de sa vie passée, mais surtout fort affligée de mourir : du moins M.  […] Si l’on passe brusquement des tableaux de Rubens à ceux de M. 

1076. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

Antécédents héréditaires : Passés sous silence. […] Retrouver aujourd’hui cette prononciation enfantine, entendre sa voix comme je l’ai entendue dans ce passé effacé, lointain, où les souvenirs ne rencontrent que la mort, cela me fait peur ». […] Il est arrivé à ne distinguer que difficilement les poids avec lesquels il fait de la gymnastique, à ne reconnaître qu’avec un effort les gros des moyens, les moyens des petits. » « L’attention, cette prise de possession intelligentielle de ce qui se passe autour de nous, cette opération si simple, si facile, si alerte, si inconsciente de la santé des facultés cérébrales, l’attention, il n’en est plus le maître. […] Un de ceux-là voulut un jour me faire passer par la fenêtre : j’en eus assez et j’engageai les camarades à ne plus m’en adresser. » 25 Dorénavant il ne fréquenta ces dangereux sujets qu’à Charenton ou lieux similaires et jamais plus en pleine liberté. […] Si, des écrivains, des artistes proprement dits, nous passons aux professionnels du théâtre, nous accorderons dix-huit mois de service hospitalier à l’un de nos meilleurs « metteurs en scène » actuels, M. 

1077. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

A Lyon, où il fait souvent l’école buissonnière et passe des journées dans les bois ou le long de l’eau ; au collège de Sarlande, où il invente des histoires pour les « petits », à Paris même, où, fraîchement débarqué, de ses yeux de myope encore tout pleins de songerie, il s’essaye à regarder ce monde nouveau qu’il peindra si bien, le petit Chose, délicat et joli comme une fille, timide, fier, impressionnable, distrait, continue de rêver effrontément, fait des vers sur des cerises, des bottines et des prunes, chante le rouge-gorge et l’oiseau bleu, soupire le Miserere de l’amour, et adresse à Clairette et à Célimène des stances cavalières qui semblent d’un Musset mignard et où l’ironie, comme il convient, se mouille d’une petite larme. […] Tous les ans, le jour de la Fête-Dieu, le plafond de l’enfer s’entr’ouvre, et les damnés voient passer au-dessus de leurs têtes la procession des élus. […] Je m’arrête : tous les Contes y passeraient ; car il n’en est point qui ne renferme de ces traits inoubliables. […] et ce désastre passe inaperçu ? […] Alphonse Daudet ; mais il faut ajouter qu’une autre marque et plus particulière de son talent, c’est sans doute cette aisance avec laquelle il passe et nous fait passer d’une impression à l’autre et ébranle à la fois toutes les cordes de la lyre intérieure.

1078. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Mais Monsieur était si satisfait de pouvoir, tous les soirs qu’il passait à Paris, demander à dix ou douze personnes en particulier : « Eh bien ! […] Elle venait de s’installer aux Tuileries ; elle y avait fait choix de ses dames et de ses amies, que Mme de La Fayette, qui en était, nous énumère : Toutes ces personnes, dit l’aimable historien, passaient les après-dîners chez Madame. Elles avaient l’honneur de la suivre au Cours ; au retour de la promenade, on soupait chez Monsieur ; après le souper, tous les hommes de la Cour s’y rendaient, et on passait le soir parmi les plaisirs de la comédie, du jeu et des violons ; enfin on s’y divertissait avec tout l’agrément imaginable, et sans aucun mélange de chagrin. […] Tout ce que le respect, l’estime, la reconnaissance, l’ambition, l’intérêt, peuvent inspirer de réflexions affreuses, me passa mille fois dans l’esprit. […] Dans les quelques jours qu’elle passa à Saint-Cloud, au retour de son voyage d’Angleterre et à la veille de sa mort, La Fare nous la montre jouissant de la beauté de la saison et de la conversation de ses amis, « comme M. de Turenne, M. le duc de La Rochefoucauld, Mme de La Fayette, Tréville et plusieurs autres ».

1079. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

L’abbé Barthélemy, en introduisant et en faisant parler constamment un personnage du passé, se retranchait la ressource des considérations modernes et vraiment politiques ; mais, eût-il parlé en son propre nom, il se les fût également interdites : elles n’entraient pas dans la nature de son esprit. […] L’idée qu’on se faisait de la Grèce, de cette littérature et de cette contrée célèbre, n’a pas toujours été la même en France, et elle a passé depuis trois siècles par bien des variations et des vicissitudes. […] Nous en sommes au point de ne devoir songer ni au passé ni à l’avenir, et à peine au moment présent. Je vais aux Académies, en très peu de maisons, quelquefois aux promenades les plus solitaires, et je dis tous les soirs : Voilà encore un jour de passé. […] L’abbé Barthélemy, dans les dernières années de Louis XVI, privé du salon de Mme de Choiseul et ne pouvant vivre sans habitude, passait sa vie chez Mme de La Reynière.

1080. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

Les brasseries et l’École normale font cause commune, on se passe fraternellement des cartouches. […] Jusque-là, vous me permettrez de rester « badaud », et de rire à gorge déployée, — au rebord de ma fenêtre, — en voyant passer le bataillon de l’École normale allant délivrer la Littérature des mains des infidèles — et des Romantiques ! […] De grâce, qu’on cesse de ne chercher dans le culte des morts qu’une occasion d’insulte pour les vivants, et de faire de la littérature une veuve inconsolable qui n’a plus qu’à geindre et à se lamenter dans le cimetière du passé. […] Une chose reste constante : au temps qu’il faisait sa rhétorique au collège des Quatre-Nations, le petit Suttières passait ses jours de congé à Ferney, chez M. de Voltaire, son correspondant. Le petit vieillard regrettait fort l’ancien régime littéraire : — une fois par semaine, régulièrement, il venait se plaindre — poliment et spirituellement — au public que le présent ne valût pas le passé.

1081. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IV. Le théâtre des Gelosi » pp. 59-79

Elles se passaient dans des contrées tout à fait fantastiques qu’on appelait Sparte, le Maroc, l’Égypte, la Moscovie ou la Perse. […] Le faux page, en regardant dans cette glace, feint d’y voir s’y dessiner tous les événements passés, la jeunesse de Pantalon et son amour pour Olympia, Olympia abandonnée donnant le jour à une fille, cette fille grandissant, venant à Rome, se déguisant en page pour entrer chez son père, et s’écriant enfin : “Padre mio, io son quella e Olympia è mia madre !” […] C’est dans cette ville que se passe la pièce. […] Après un certain laps de temps, il revient avec le capitan, son ami, dont il se fait passer pour le valet. […] On les emploie tantôt pour occuper la scène pendant que des événements plus ou moins importants sont censés se passer dans la coulisse, tantôt pour égayer une fin d’acte.

1082. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Premières tentatives sur Jérusalem. »

On croyait (non sans raison) que le sang juif était chez eux très mélangé, et il passait pour constant que la Galilée ne pouvait produire un prophète 592. […] 598 Son spiritualisme absolu et son opinion arrêtée que la figure du vieux monde allait passer ne lui laissaient de goût que pour les choses du cœur. […] Mais la tour Antonia, quartier général de la force romaine, dominait toute l’enceinte et permettait de voir ce qui s’y passait 606. […] C’est là que Jésus passait ses journées, durant le temps qu’il restait à Jérusalem. […] Enfin, le laps de huit jours est beaucoup trop court pour expliquer tout ce qui dut se passer entre l’arrivée de Jésus dans cette ville et sa mort.

1083. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. de Lacretelle » pp. 341-357

C’est par là que Lamartine a régné — incontestable — dans un passé qui n’est pas loin de nous, et qu’il régnera de même dans l’avenir le plus éloigné. — Incontestable ! […] Il n’a pas le prestige agrandissant de la perspective, mais il peut s’en passer. […] Elle ressemble à celle du géant saint Christophe, qui fit un jour passer un fleuve à Jésus-Christ sur ses épaules. Lamartine a posé sur les siennes son époque tout entière, pour lui faire passer le fleuve de poésie fausse dans laquelle elle pataugeait et se noyait, et, d’une seule haleine, il l’a portée dans l’enivrante et haute atmosphère de la Poésie vraie, — de la Poésie éternelle, qu’en France, lorsqu’il vint, on ne connaissait plus ! […] et ne prit jamais la mesure du grand Balzac, qui passa devant lui éclairé à mi-corps de cette lumière dont il resplendit, à présent, tout entier !

1084. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

Or, voici comment il les caractérise : « Le principe païen, — dit-il, pages 17 et suivantes, — c’est la tentative de se passer de Dieu ; c’est l’effort pour se passer de Dieu. Le principe chrétien, c’est la rencontre directe de l’âme avec Dieu. » Et l’effort pour se passer de Dieu, dans les idées du comte de Gasparin, — le croira-t-on jamais ? […] Le grave et savant docteur Hurter, une des gloires solides de l’Allemagne, où les gloires ne le sont pas, a passé trente ans, comme un bénédictin dans sa cellule, à fouiller dans cette histoire d’Innocent III que le comte de Gasparin nous broche en quelques phrases, qui font à peine quelques pages, avec la légèreté dominatrice des orateurs ! […] Le vent qui a soufflé a passé sur ce sable et l’a emporté.

1085. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Goethe »

Cette jeune fille orpheline, vierge et mère, car elle élevait dix enfants, — ses frères et ses sœurs, — fit éprouver à Wolfgang Goethe ces deux minutes de passion par lesquelles tout ce qui a une nature complète doit passer pour devenir un homme. […] Or, tout le monde n’a pas les vices du cardinal de Retz à dix-huit ans… Lorsqu’on se renferme dans les données d’une passion qui ne pouvait pas aliéner un cerveau de la force de celui de Goethe au point de le lui faire brûler d’un coup de pistolet, y a-t-il donc réellement, dans son action honorable et prudente, de quoi changer subitement en posthume héros de moralité sensible un homme dont le cœur même fut littéraire, et auquel, cet amour passé qui dura le temps d’une bluette, la plus incroyable prospérité vint donner bientôt toute la dureté d’un caillou ? […] Baschet, — c’est le passage de sa vie de jeune homme encore incertaine à sa vie d’auteur triomphale et olympienne. » Goethe passait dieu. […] Il la perdit avant la jeunesse : fleur d’onze heures, à midi passée ! […] Il a fait passer dans ces physionomies dormantes qui, quand elles se passionnent, rêvent encore, dans ces profils qui se ressemblent tous comme se ressemblent des camées, les différences de l’intensité et l’acharnement de l’analyse.

1086. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Théodore de Banville »

Mais ici, excepté le filigrane d’un langage prodigieux de souplesse et de ténuité réussie, cherchez ce qu’il y a dans ces vers, — chalumeau où passe une haleine ! […] Si, de toute l’école romantique emportée des bibliothèques de l’avenir, par un cataclysme imprévu, il ne restait que Théodore de Banville, il passerait peut-être pour un grand poète ; car il est une poésie générale qui meurt avec toute époque et qu’on impute parfois, quand l’époque n’est plus, au poète qui n’a fait que la réfléchir. […] Nous indiquerons le grand morceau : Le triomphe de Bacchus à son retour des Indes, pris, sauf erreur, au vieux Baïf : Le chant de l’Orgie avec des cris au loin proclame Le beau Lyœus, le Dieu paré comme une femme, Qui, le thyrse en main, passe rêveur et triomphant, A demi couché sur le dos nu d’un éléphant, etc., etc, et, avec plus d’éloges encore, la pièce appelée Désespérance, où l’assonance la plus inattendue a presque sur l’esprit puissance de pensée, et dissout les nerfs dans la plus noble des mélancolies : Tombez dans mon cœur, souvenirs confus, Du haut des branches touffues ! […] Tu vins, et d’un ton compassé, Un pied sur l’avenir, l’autre sur le passé, Tu chantas à grands flots ces créations pures… Pour la beauté d’abord tu nous donnas Hélène, Forme terrible et pure, en son manteau de laine, Pour laquelle à jamais les hommes et les Dieux Se livrent sans relâche un combat odieux… Hélène qui, riant sur sa couche fatale, Tuait dans un baiser l’Asie orientale, Et serrant sur son sein l’enfant aux blonds cheveux, Étouffait un empire entre ses bras nerveux ! […] … Si Banville n’est pas l’impuissance à poste fixe dans un système, il aura passé la moitié de sa vie à se préparer poète.

1087. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Le Comte de Gobineau »

Ces trente ans sont passés, mais le silence dure toujours ! […] Il ne l’est pas, bien entendu, à la manière de Talleyrand, dont l’imperturbable visage, disait l’empereur Napoléon, ne trahissait rien de ce qui se passait intimement derrière lui, mais utopiquement, sinon réellement, à la manière de Zénon et d’Ëpictète. […] Car il est misanthrope, Gobineau, comme doit l’être tout homme de cœur et d’esprit qui a passé trente ans, et on les a passés deux fois quand on est diplomate, quand on a aux mains— à ses blanches et irréprochables mains — de la malpropreté des hommes et des affaires, de cette infâme cuisine politique qui fait mal au cœur aux estomacs les plus solides ; il est misanthrope, et c’est la plus belle plume de son aile que cette misanthropie, qui donne à son accent toute sa profondeur et à son talent toute sa vérité. […] Le monde, quoi qu’il fit, ne parviendrait pas à s’en défaire, ni peut-être même à s’en passer !

1088. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Mais, à quarante ans passés, il continue d’être le plus ingénu des bohèmes. […] Il la critiqua dans une dissertation adressée à une dame, mais destinée à passer de main en main. […] — Venez, je vous en veux faire passer l’envie. […] cela fait toujours passer une heure ou deux. […] Il était passé tabou.

1089. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Il avait dû passer de longs mois sans travailler. […] Il m’avait prié de passer chez lui. […] Il avait passé vingt ans loin de la maison paternelle. […] Tout a passé du dix-septième siècle. […] Leurs désirs, leurs besoins passaient dans mon âme, ou mon âme passait dans la leur.

1090. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — I »

Il y a dans Werther un passage qui m’a toujours frappé par son admirable justesse : Werther compare l’homme de génie qui passe au milieu de son siècle, à un fleuve abondant, rapide, aux crues inégales, aux ondes parfois débordées ; sur chaque rive se trouvent d’honnêtes propriétaires, gens de prudence et de bon sens, qui, soigneux de leurs jardins potagers ou de leurs plates-bandes de tulipes, craignent toujours que le fleuve ne déborde au temps des grandes eaux et ne détruise leur petit bien-être ; ils s’entendent donc pour lui pratiquer des saignées à droite et à gauche, pour lui creuser des fossés, des rigoles ; et les plus habiles profitent même de ces eaux détournées pour arroser leur héritage, et s’en font des viviers et des étangs à leur fantaisie. […] Sa vie se passa de la sorte, à penser d’abord, à penser surtout et toujours, puis à parler de ses pensées, à les écrire à ses amis, à ses maîtresses ; à les jeter dans des articles de journal, dans des articles d’encyclopédie, dans des romans imparfaits, dans des notes, dans des mémoires sur des points spéciaux ; lui, le génie le plus synthétique de son siècle, il ne laissa pas de monument. […] Ils me disaient : — Tu vieilliras ; — et je répondais en moi-même : — Ses ans passeront avec les miens. — Vous mourrez tous deux ; — et je disais : — Si mon amie meurt avant moi, je la pleurerai et je serai heureux en la pleurant. […] Il avait passé tout ce temps à jouir d’une petite retraite qu’il s’est faite dans la forêt.

1091. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre III. Soubrettes et bonnes à tout faire »

[René Maizeroy] Tomber des habiletés énervantes de Mendès aux maladresses de René Maizeroy : lourde chute, Des mains expertes et amusées d’une parfumée aimable on passe à la hâte grossière d’une fille qui, après trente ans d’exercice, ne sait même pas encore grimacer le sourire et feindre la joie. […] Le Sceptre, c’est, en un dialogue peut-être spirituel, l’histoire d’un archiduc qui, sur le point d’hériter un empire, recule devant la vie exceptionnelle, se fait passer pour mort et s’efforce de s’organiser une bonne petite existence bourgeoise. […] Voilà ce qui se passe dans ce livre. […] Claretie a mis au passé la plupart de ses verbes, Seulement cet homme a beaucoup de travail.

1092. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Louis Nicolardot » pp. 217-228

le compte des médecines qu’on a prises vérifié par un Purgon de cour ou un monsieur Fleurant, respectueux sujet en toutes ses parties, — mais c’est le journal de toute la vie, heure par heure, écrit non de la main d’un tiers, mais de la main même du Roi, — du Roi qui n’a pas passé un seul jour de son règne sans noter pieusement (pieusement envers lui-même) tout ce qu’il a fait dans la journée, et qui, mettant à le noter une exactitude qu’aucune circonstance, aucun événement n’a pu ni interrompre ni troubler, s’est peint, sans le savoir, avec une naïveté et une transparence qui envoient promener du coup tous les Tacites de la terre et se passent très bien de leurs profondeurs ! […] Il a copié fidèlement et intégralement le Journal de Louis XVI, et il l’a planté sous les yeux du public dans toute son authenticité, étonné lui-même de n’avoir pas été devancé par quelqu’un dans cette besogne si facile ; car bien des gens étaient passés par là ! […] L’homme passe dans l’entre-deux.

1093. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « De Cormenin (Timon) » pp. 179-190

Intellectuellement orateur, mais empêtré dans un corps qui ne l’était pas, — car le corps, c’est la moitié de l’orateur, — sagace comme le bel œil noir, un peu couvert, de son portrait, le dit, mais lourd, épais et gauche de tournure et de mains, comme le dit son portrait encore, cet indigéré de discours accumulés au fond de sa pensée et qui ne passaient pas assez vite dans ses organes pour qu’il les dardât de la tribune à ses adversaires, il les expectorait dans ses pamphlets, et Dieu sait avec quelle abondance, quelle facilité, quel jet de salive ! […] On se demande : « Où donc a passé Cormenin ? […] Esprit petit, vif, mais étroit, antithétique et pointu, qui passe sa vie à faire des oppositions et des parallèles, cette vieille rubrique des orateurs vides du xviiie  siècle, ce n’est toujours que l’homme du contentieux, comme on l’avait appelé spirituellement sous Louis-Philippe, et il a, comme écrivain, — je ne m’en doutais pas, je l’avoue, — l’imagination la plus commune, la plus faite à coups de mémoire et de livres. […] On dirait qu’au lieu d’être un pamphlétaire convaincu, sincère et fort, Cormenin-Timon n’était qu’un rhétoricien qui, dans ses Orateurs, a passé tout son temps à professer la rhétorique.

1094. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Paul Bourget »

Débutant à peu près au moment de la vie où lord Byron publiait ses Heures de Loisir, il avait cet avantage sur le Byron des Heures de loisir d’avoir déjà passé par les impressions que lord Byron ne connut qu’après Childe Harold. […] Quelque chose de laissé par les cheveux bouclés de Byron dans les vents de la mer Égée a peut-être passé sur ses cheveux ! […] C’est l’Amour aveugle qui s’étrangle avec son bandeau… C’est un peu trop ingénieux, peut-être ; c’est, qu’on me passe le mot ! […] Il faut toujours, pour faire un grand poète, du passé sur le cœur et sur la pensée…

1095. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XIX. »

Mais d’abord imitatrice du passé, cette poésie, dans sa nouveauté même, gardera les formes de l’art, les règles de l’harmonie, que l’ignorance populaire et l’invasion barbare devaient plus tard confondre et détruire. […] Mais bientôt l’élévation morale reparaît dans le vœu du chrétien, pour que le nouveau jour qui lui est accordé passe irréprochable, que la langue n’y fasse pas de mensonge, que la main, que les yeux n’y pèchent pas. […] Tu vois les jours passer en tourbillons rapides, et les éléments de ce monde périssable s’user, mourir, disparaître. […] » Consacré prêtre en Espagne, revenu en Italie pour se rapprocher de quelques amis, en commerce avec saint Jérôme et Augustin, Paulin passa seize années aux portes de la ville de Noie, dans une petite métairie, près du tombeau de l’ancien évêque saint Félix.

1096. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Et il passe le livre à un aide de camp. […] Ils regardaient, ils passaient, ils n’avaient pas vu. […] Passons. […] C’est un géant qui a passé par là. […] Apprendre à jouir du présent, de l’aujourd’hui, de l’heure, de la minute où nous passons dans ce qui passe.

1097. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « La course à la mort » pp. 214-219

Il ne reproche pas aux hommes de ne point le comprendre, il rêve à peine de vivre une existence enfin fortunée, dans des siècles passés, en des contrées distantes. […] Il oscille et hésite ; il est des heures où les dernières ondes de son sang, les regards profonds de celle qui passe dans sa vie, lui font pressentir l’éclosion d’une forte et douloureuse passion ; puis ce qui tressaille en lui s’apaise, il se dissèque, il analyse en lui les derniers frémissements de son âme et la voit se calmer sous son introspection ; puis des paroles ordinaires de Cécile N…, un geste disgracieux le repoussent et, se souvenant de l’ancienne théorie de Schopenhauer sur l’amour, il pénètre à cette vue profonde et clairement conçue que c’est l’hostilité et non l’attrait qui règne entre les sexes. […] Et si l’on veut remonter plus haut, si l’on réfléchit quel abîme sépare la littérature française de ce siècle de celle des époques passées, on trouvera au pessimisme contemporain assez d’ascendants pour se convaincre que la tristesse est l’essence même du nouvel art, et peut-être de tout art noble.

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