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799. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Il ne compose pas : il n’organise pas l’unité diffuse du sujet par la dépendance et la proportion des parties ; il suit l’action, il ne la conduit pas. […] Roland essayant de briser son épée, battant sa coulpe, tendant son gant à Dieu son Seigneur, et rendant enfin son âme aux mains de saint Gabriel : toute cette partie est d’un pathétique naturel, élevé, sobre, vraiment puissant. […] Ces trois poèmes de Garin, Girbert et Anséis, qui sont, le premier surtout, la partie ancienne, épique, et comme le cœur de la geste, ont le caractère de réalité le plus saisissant, bien qu’on n’ait pu encore leur trouver aucun fondement dans l’histoire. […] Par ce procédé, la plus grande partie de la matière épique ou romanesque se trouva répartie à la fin du moyen âge en trois cycles principaux : la geste royale, consacrée à la triade carolingienne, Pépin, Charles et Louis ; la geste de Guillaume, que remplissaient surtout les luttes contre les Sarrasins en Languedoc et en Provence ; la geste enfin de Doon de Mayence, ou des traîtres, qui rassemble, preux ou lâches, parjures ou généreux, tous les vassaux rebelles et les ennemis implacables de la royauté. […] Un des procédés les plus commodes consiste à intercaler dans un poème tout ou partie d’un autre : l’histoire de Raoul de Cambrai pénètre ainsi dans la geste des Lorrains.

800. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Mais cette armée innombrable et tumultueuse des écoliers, 30 000, dit-on, au xive siècle pour Paris seulement, cette armée se recrute en majeure partie dans la bourgeoisie, dans les couches profondes du peuple. […] Il semble que la moralité sombre, et si l’honnêteté bourgeoise, si la philosophie chrétienne ou antique la maintiennent encore dans quelques parties du xive  siècle, le siècle suivant touchera le fond du nihilisme moral. […] La royauté même, dans la seconde partie du siècle, se mit avec ces petites gens. […] La phrase s’étoffe, prend du poids, s’essaie à l’ampleur, aux allures soutenues, au juste équilibre des parties : une forme oratoire se crée. […] Les traductions d’Oresme sont faites en partie d’après le latin de ce moine helléniste.

801. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

On l’a dit22, en réalité ce vers n’a pas une longueur, immuable ; certes, mais c’est au même titre qu’un « récit » : musical dont on peut presser ou ralentir telle partie : s’il varie, c’est dans des limites restreintes. […] C’est à l’alexandrin qu’il doit, en partie du moins, cette fermeté. […] N’est-il donc pas dangereux, (qu’on me trouve, si l’on veut, très prudhomme) ne pourrait-il être tout à fait néfaste de propager imprudemment un principe, en partie très vrai, mais en partie très contestable ? […] Quelques-uns remplacent le mouvement des toniques par un autre mouvement fondé sur l’accent oratoire, — j’en ai parlé plus haut, — ou par les modulations naturelles de la voix en chacune des parties de la phrase ; ils gardent ainsi à leurs poèmes une certaine base musicale, assez faible, il est vrai ; cependant d’autres affirment se trouver fort bien de n’avoir plus de base du tout. […] Il semble dès l’abord que si l’on ne peut concevoir la mélodie sans un rythme, elle ne peut exister non plus en dehors de l’harmonie, — puisqu’elle est son autant que mouvement, — et qu’on ne peut donc lui opposer l’harmonie qu’en opposant une partie à un ensemble.

802. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

Voilà donc une distinction marquée entre la cour et la partie dissolue de la capitale d’une part, et de l’autre les femmes de mœurs réglées, qu’on désignait en général par le mot de précieuses ; et celles-ci subdivisées en illustres, en grandes précieuses, en précieuses ridicules. […] « La première partie d’une précieuse, dit Somaise, est d’avoir de l’esprit, ou la prétention d’en montrer. » « Une précieuse, dit de Pure, est un précis de l’esprit et un extrait de l’intelligence humaine. […] Les discours de Cathos et de Madelon, dans Les Précieuses de Molière, renferment les plus ridicules, une partie des autres a passé dans la langue et ne la dépare point. […] Je vous donne ici une partie de ceux qu’elles corrigèrent : Teste, tête. […] Des cinq filles de madame de Rambouillet, trois étaient religieuses, la quatrième était madame de Montausier, la cinquième et la plus jeune était mariée depuis un an au comte de Grignan, il faut même que le mot de madame soit rétabli, pour que Ménage ait pu dire ensuite que tout l’hôtel de Rambouillet était présent ; car madame de Rambouillet était une grande partie de ce tout.

803. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Abandonnant les vaines explications que nous ont données les philosophes de leur existence, nous l’expliquerons par des causes en partie physiques, en partie morales, que César et Tacite ont remarquées en parlant de la stature gigantesque des anciens Germains. […] Les hommes s’engagent dans des rapports de bienfaisance, lorsqu’ils espèrent retenir une partie du bienfait, ou en tirer une grande utilité ; tel est le genre de bienfait que l’on doit attendre dans la vie sociale. […] Dans sa première et sa seconde partie, cet axiome éclaire l’histoire des querelles qui agitent les aristocraties. […] Enfin le même axiome nous fait connaître dans sa dernière partie le secret motif pour lequel les Empereurs, en commençant par Auguste, firent des lois innombrables pour des cas particuliers ; et pourquoi chez les modernes tous les états monarchiques ou républicains ont reçu le corps du droit romain, et celui du droit canonique. […] S’ils eussent conservé des mœurs humaines, comme le peuple de Dieu, ils seraient, comme lui, restés en Asie ; cette partie du monde est si vaste, et les hommes étaient alors si peu nombreux, qu’ils n’avaient aucune nécessité de l’abandonner ; il n’est point dans la nature que l’on quitte par caprice le pays de sa naissance.

804. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

À l’effet de subvenir aux dépenses extraordinaires de la guerre, on a créé des offices triennaux qui se vendent : Rosny, pour en tirer au profit du roi le plus d’argent comptant possible, s’astreint jusqu’à faire lui-même l’office de greffier du Conseil, et de trésorier, comme on disait, des parties casuelles (c’est-à-dire des droits perçus pour le roi), vendant lui-même les offices, donnant de sa main à l’acheteur un billet adressé au trésorier, afin que celui-ci reçoive l’argent et délivre la quittance, « tellement que nul du Conseil n’y puisse gratifier son parent ni son ami ». […] On a devant soi neuf belles et pleines années (1601-1610) : la vie de Rosny devient l’histoire de Henri IV, ou du moins une très grande partie de cette histoire, il devient difficile de l’en séparer par une biographie distincte et réduite à de justes mesures. […] Il semble aussi que, pour cette partie capitale de sa carrière, les confidences directes de Sully leur manquent souvent, qu’elles deviennent moins fréquentes, moins explicites. […] Or, combien que j’y reconnaisse une partie de ses défauts, et que je sois contraint de lui tenir quelquefois la main haute quand je suis en mauvaise humeur, qu’il me lâche ou qu’il s’échappe en ses fantaisies, néanmoins je ne laisse pas de l’aimer, d’en endurer, de l’estimer et de m’en bien et utilement servir, pource que d’ailleurs je reconnais que véritablement il aime ma personne, qu’il a intérêt que je vive, et désire avec passion la gloire, l’honneur et la grandeur de moi et de mon royaume ; aussi qu’il n’a rien de malin dans le cœur, a l’esprit fort industrieux et fertile en expédients, est grand ménager de mon bien ; homme fort laborieux et diligent, qui essaye de ne rien ignorer et de se rendre capable de toutes sortes d’affaires, de paix et de guerre ; qui écrit et parle assez bien, d’un style qui me plaît, pource qu’il sent son soldat et son homme d’État : bref, il faut que je vous confesse que, nonobstant toutes ses bizarreries et promptitudes, je ne trouve personne qui me console si puissamment que lui en tous mes chagrins, ennuis et fâcheries.

805. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

Au xviie  siècle, Claude Ménard crut avoir trouvé un bon manuscrit et s’appliqua à le publier plus fidèlement (1617) ; ce n’était pourtant qu’un texte encore inexact et fort rajeuni, ou plutôt privé en partie de sa jeunesse. […] Cette Histoire de saint Louis est composée de deux parties. […] La seconde partie nous le montre dans son expédition « et ses grandes chevaleries », et nous fait principalement assister à la croisade, où Joinville l’accompagna durant six ans. […] Un nouveau manuscrit de Joinville qui lui a été signalé lui a permis de rétablir, en quelques parties, le texte plus exactement encore que ne l’avait fait Daunou.

806. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

Daru fut nommé ministre secrétaire d’État, ce qui fit trêve quelque temps dans son intendance générale des armées ; mais il en reprit de fait les fonctions pendant la dernière partie de la campagne de 1812 ; et au mois de novembre 1813, devant l’imminence du danger, il quitta la secrétairerie d’État et devint ministre directeur de l’administration de la Guerre, position moindre ; mais était-ce descendre, et l’idée en venait-elle seulement à M.  […] Daru, j’ai cherché à me bien rendre compte et de la nature et du détail même de certaines de ses fonctions, soit dans leur partie obéissante et passive, de pure exactitude, soit dans leur portion mobile et indéterminée où l’exécution même demandait un degré d’initiative et des combinaisons qui se renouvelaient sans cesse : je voulais ensuite rendre à mes lecteurs, dans une page générale et pourtant précise, l’impression que j’aurais reçue de cette analyse première. […] C’est ce qu’il a fait, au moins en partie, m’assure-t-on, mais sans autoriser, je crois, d’ici à un long temps, la publication de ces récits. […] Daru avait sur les bras l’administration de la Grande Armée et d’une partie notable de l’Europe, ses amis de France le choisissaient ainsi volontiers pour confident de leurs ennuis et de leurs peines.

807. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

Aucune des deux parties n’entendait abandonner la lutte, qui devint de plus en plus inquiétante pour nos oreilles durant toute la visite. […] Mais le tissu habituel de ses lettres est plus uni et ne roule que sur de minces détails touchés avec complaisance et qui perdraient à être détachés ; une partie du charme est dans la suite même et dans l’effet de l’ensemble. […] Il y mêla et y fit entrer avec adresse quelques parties plus gaies et d’une satire assez amusante, qu’il tâcha d’accommoder au goût du monde. […] La composition et la publication de son premier recueil n’avaient fait que le mettre en train et en verve ; il sentait que ce n’était qu’en écrivant, et en écrivant des vers, qu’il pouvait échapper complètement à sa mélancolie : Il y a, disait-il vers ce temps, il y a dans la peine et le travail poétique un plaisir que le poète seul connaît : les tours et les détours, les expédients et les inventions de toute sorte auxquels a recours l’esprit, à la poursuite des termes les plus propres, mais qui se cachent et qui ne se laissent point prendre aisément ; — savoir arrêter les fugitives images qui remplissent le miroir de l’âme, les retenir, les serrer de près, et les forcer de se fixer jusqu’à ce que le crayon en ait tiré dans toutes leurs parties une ressemblance fidèle ; alors disposer ses tableaux avec un tel art que chacun soit vu dans son jour le plus propice, et qu’il brille presque autant par la place qui lui est faite, que par le travail et le talent qu’il nous a coûtés : ce sont là des occupations d’un esprit de poète, si chères, si ravissantes pour sa pensée, et de nature à le distraire si adroitement des sujets de tristesse, que, perdu dans ses propres rêveries, heureux homme !

808. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Je sais bien que Socrate, en son temps, se détournait des sophistes, des prétendus sages qui raisonnaient à perte de vue sur le principe des choses, sur les vents, les eaux, les saisons ; Socrate avait raison de se passer de la mauvaise physique de son temps, de ses hypothèses ambitieuses et prématurées, pour ne s’occuper que de l’homme intérieur et lui prêcher le fameux « Connais-toi toi-même ». « C’est une grande simplesse, a dit Montaigne tout socratique en ce point, d’apprendre à nos enfants “Quid moveant Pisces…”, la science des astres et le mouvement de la huitième sphère, avant les leurs propres. » À cela je répondrai encore que Montaigne n’avait pas tort de préférer de beaucoup l’étude morale à celle d’une astronomie compliquée et en partie fausse. […] Il y eut un temps où l’on pensa que les chapeaux étaient une partie utile du costume ; ils tenaient chaud à la tête et la protégeaient contre les rayons du soleil, contre la pluie, la neige, la grêle, etc. — Quoique, pour le dire en passant, ce ne soit pas le plus ancien usage ; car parmi les restes sans nombre de l’Antiquité, bustes, statues, bas-reliefs, médailles, on ne voit jamais que la figure humaine soit représentée avec un chapeau ni rien qui y ressemble, à moins que ce ne soit une tête de soldat, laquelle alors a un casque ; et ce n’est point, évidemment, comme faisant partie du costume ordinaire, mais comme protection contre les chocs du combat. […] Mais, regret ou non, il en faut prendre son parti, et, comme l’a dit il y a longtemps Euripide (c’est bien lui en effet qui l’a dit, et non pas un autre) : « Il n’y a pas à se fâcher contre les choses, car cela ne leur fait rien du tout50. » L’esprit des générations a donc changé, c’est un fait ; elles sont devenues peut-être plus capables d’une direction précise et appropriée ; elles en ont plus besoin aussi, et il me semble que la pensée qui a présidé à l’Instruction présente et qui s’y diversifie en nombreuses applications est de nature à convenir à ces générations nouvelles, à soutenir, à développer leur bon sens, leurs qualités intelligentes et solides, à tirer le meilleur parti de leur faculté de travail, à les préparer sans illusion, mais sans faiblesse, pour la société telle qu’elle est faite, pour le monde physique tel quelles ont à le connaître et à le posséder : — et tout cela en respectant le plus possible la partie délicate à côté de l’utile, et en laissant aussi debout que jamais ces antiques images du beau, impérissables et toujours vivantes pour qui sait les adorer. […] Cependant je regretterais de ne point citer quelque chose de la partie neuve et qui m’a le plus intéressé, de celle qui traite de l’introduction régulière des sciences (géométrie, cosmographie, chimie, physique) dans les classes des lettres, dans la division supérieure, c’est-à-dire à partir de la troisième jusqu’à la rhétorique.

809. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Le Journal de son voyage, publié très tard pour la première fois, en 1774, n’a rien de curieux littérairement ; mais moralement, et pour la connaissance de l’homme, il est plein d’intérêt, C’est un simple récit, en partie dicté, et de l’écriture d’un secrétaire, en partie de la main de Montaigne, et dont une portion considérable, plus d’un tiers, est même écrite par lui en italien, pour s’y exercer et s’y entretenir. […] Quant à l’air, il remerciait Dieu de l’avoir trouvé si doux, car il inclinait plutôt sur trop de chaud que de froid, et en tout ce voyage, jusques lors, n’avions eu que trois jours de froid et de pluie environ une heure ; mais que du demeurant, s’il avait à promener sa fille, qui n’a que huit ans, il l’aimerait autant en ce chemin qu’en une allée de son jardin ; et quant aux logis, il ne vit jamais contrée où ils fussent si dru semés et si beaux, ayant toujours logé dans belles villes bien fournies de vivres, devin, et à meilleure raison qu’ailleurs. » Montaigne, à la veille de quitter l’Allemagne et le Tyrol autrichien, écrit une lettre à François Hotman, ce célèbre jurisconsulte qu’il avait rencontré à Bâle, pour lui exprimer sa satisfaction de tout ce qu’il a vu dans le pays et le regret qu’il avait d’en partir si tôt, quoique ce fût en Italie qu’il allât ; ajoutant qu’excepté quelques exactions à peu près inévitables des hôteliers guides et truchements, « tout le demeurant lui semblait plein de commodité et de courtoisie, et surtout de justice et de sûreté. » Cette première partie de son voyage, dont il se montrait si enchanté, n’avait fait que le mettre en goût et en appétit de découverte. […] Voici le beau passage de cette seconde partie du Journal, et qui mérite de faire pendant à celui que nous avons déjà vu au sortir du Tyrol.

810. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Delécluze pour quantité de personnes et de noms et cette partie de son livre n’a qu’une valeur médiocre et incertaine. […] Il se trompe sur le compte de ses derniers et jeunes amis, jusqu’à les qualifier au rebours du trait dominant. —  L’ardent Bersot, dira-t-il de l’aimable, du bon, de l’honnête, du judicieux et vif, mais non pas ardent Bersot. — On s’y perdrait encore une fois à vouloir relever tous les à-peu-près et toutes les inexactitudes de cette partie des Souvenirs de M.  […] Je vais droit à la partie originale et neuve, la seule qui vit pour nous de l’intérêt et qui ajoute quelque chose qu’on savait. […] Mais Beyle n’est point dans ce cas ; il n’a laissé que des livres décousus, ayant des parties très-remarquables, mais sans ensemble, rien qui ressemble à un monument.

811. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

A défaut de l’élégance et de la distinction de la forme, il a le fond, la connaissance et l’amour de son sujet, de son monde, le sentiment des parties touchantes que ce petit monde populaire ou bourgeois peut receler sous son enveloppe vulgaire ; suivez-le, ayez patience, et vous serez souvent étonné de vous sentir ému là où vous aviez commencé par être un peu heurté ou rebuté. […] Il salue et honore en eux ses pareils agrandis, ses pères : heureux qui trouve ainsi à personnifier dans le passé ce à quoi il aspire en idée dans le présent, ce qu’il est déjà en partie, ce qu’il voudrait être ! […] Je ne parle ni des cannes, ni des tabatières, qui peuvent avoir leur mérite, ni des coiffures ou perruques, ces parties intégrantes du costume ; mais les plus futiles objets, billets de théâtre, billets de faire-part, boutons de veste, etc., tout peut devenir matière à cette sorte d’avarice doublée d’amour-propre, et qui finit par être un tic, la Collection. […] Si l’histoire de la Révolution française était perdue, on la retrouverait en partie rien que par les assiettes, par ce qui s’y voit peint et figuré.

812. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Ce qu’il m’appartient de noter, c’est l’heureux esprit de sagesse qui présida à toute cette première partie de l’œuvre qui consistait à réunir et à fondre, à effacer les divisions entre l’un et l’autre Clergé, celui qui rentrait et reparaissait tout orthodoxe et pur, et celui qui, pour avoir été docile et constitutionnel, avait maintenant à se faire pardonner d’avoir obéi aux lois. […] Etait-il possible en 1801, comme l’abbé de Pradt l’expose, comme Napoléon lui-même semble depuis l’avoir reconnu, d’adopter un autre mode que celui du Concordat, une manière moins solennelle, moins éclatante, mais plus neuve, plus hardie dans sa simplicité, rentrant moins dans les anciennes ornières, constituant « une liberté protectrice et non directrice », et qui aurait suffi à donner pleine satisfaction alors à la religion et à la majeure partie de la société, sans être grosse des périls et des conflits qui succédèrent ? […] Un groupe de jeunes écrivains catholiques distingués, de doctrinaires du parti, qui, à l’envi du Globe, s’étaient essayés dans le Correspondant sur la fin de la Restauration, se joignirent, sans s’y confondre, avec le groupe des amis de M. de Lamennais : à côté du vigoureux et sombre Breton, du doux, aimable et savant abbé Gerbet, du brillant et valeureux Lacordaire, du jeune comte leur ami91, alors dans toute la fraîcheur acérée de son talent, on eut Edmond de Cazalès, riche esprit, cœur plus riche encore ; Louis de Carné, esprit sage, écrivain consciencieux, s’instruisant toujours, désireux d’acquérir et de combiner tout ce qui est bien, se nuisant par là peut-être à la longue ; on eut un Franz de Champagny, jouteur sincère, peintre studieux, sévère pour les Césars comme un élève de Tacite qui eût été chrétien ; plusieurs Kergorlay, au nom jadis hostile, mais tous d’une autre génération plus adoucie, tous réconciliés entièrement ou en partie avec le siècle. […] Cette partie des Mémoires d’un témoin fort peu considérable sans doute, mais dont les amis curent grande influence, n’est pas sans quelque intérêt pour l’histoire du temps. — En vérité, on rougit pour son pays de penser quelle a pu être à un moment, et à l’aide d’une active amie (Mme du Cayla), l’influence politique d’un sot panaché et d’un niais comme ce vicomte Sosthènes ; on hésiterait à, parler ainsi d’un galant homme, si lui-même il n’avait pris à tâche de se dresser son monument et comme sa pyramide ridiculement solennelle, dans ses futiles et interminables Mémoires.

813. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

Villars avait des ennemis ; il les méritait par son bonheur à la guerre, qui ne s’était démenti et ne devait se démentir que cette fois, et par cet air de jactance qui accusait des défauts en partie réels, et qui recouvrait des qualités dont les malveillants se gardaient bien de convenir ; mais il est certain qu’il valait infiniment mieux que n’affectaient de le montrer les mauvais propos des courtisans et des jaloux. […] Il eut le déboire, il est vrai, de perdre Bouchain presque sous ses yeux, sans pouvoir le secourir ; désagréable échec, et même assez grave en ce qu’il livrait passage à l’ennemi entre l’Escaut et la Sambre, et lui permettait désormais de porter la guerre sur une partie de la frontière moins susceptible de défense. […] Dans toute sa carrière active antérieure, il a montré l’instinct et le sentiment de la grande guerre, de brillantes et solides parties, des talents de plus d’un genre qui le classent comme capitaine à une belle place entre ceux qui viennent après les plus grands. […] Mais il est beau que sa fortune fasse la fortune publique. » Et songeant moi-même à Villars, à Masséna, à ces grands hommes de guerre qui ont eu des vices, mais qui peuvent aussi montrer dans leur vie ces nobles pages, Rivoli, Essling et Zurich, ou bien Friedlingen, Hochstett et Denain, je dirai qu’il convient de leur appliquer les paroles de Périclès dans l’Éloge funèbre des guerriers morts pour Athènes : « A ceux qui ont de moins bonnes parties il est juste que la valeur déployée contre les ennemis de la patrie soit comptée en première ligne ; car le mal disparaît dans le bien, et ils ont été plus utiles en un seul jour par ce service public, qu’ils n’ont pu nuire dans toute leur vie parleurs inconvénients particuliers. » C’est la conclusion qui me paraît la plus digne pour ce chapitre d’histoire.

814. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

Selon Vaugelas, il y a donc usage et usage ; il exclut le trivial, et il définit le bon de cette sorte : « C’est la façon de parler de la plus saine partie de la Cour, conformément à la façon d’écrire de la plus saine partie des auteurs du temps. » Sous le terme général de Cour, il comprend les femmes comme les hommes et « plusieurs personnes de la ville où le Prince réside », et à qui l’air de la Cour arrive par une communication prochaine et naturelle. […] Et toutefois je ne demeure pas d’accord que toute leur utilité soit bornée d’un si petit espace de temps, non-seulement parce qu’il n’y a nulle proportion entre ce qui se change et ce qui demeure dans le cours de vingt-cinq ou trente années, le changement n’arrivant pas à la millième partie de ce qui demeure, mais à cause que je pose des principes qui n’auront pas moins de durée que notre langue et notre Empire. » Que vous en semble ? […] Patru qui, par son goût, méritait une partie de ces éloges, était beaucoup trop mou et trop paresseux pour accomplir jamais de telles promesses.

815. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Eudore Soulié, Dussieux, Lavallée, soit au nom et dans l’intérêt de Dangeau, soit par goût et admiration pour Mme de Maintenon, l’ont pris rudement à partie et lui ont refusé tout ce qu’on peut lui enlever de considération et de crédit. […] Elle a sa manière de composer, de grouper, non seulement de saisir et de faire saillir les détails, mais d’embrasser et de gouverner les ensembles : Saint-Simon en possède toutes les parties. […] Il faut couler sur cette première partie. […] Je n’opposerai que quelques remarques à tout ce que l’exact critique a dit là-dessus de fondé et en partie d’incontestable.

816. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Le mieux serait assurément de tout concilier, de garder du passé les vues justes, les pensées ingénieuses et sensées, nées d’un premier et d’un second coup d’œil, impressions de goût qu’on ne remplacera pas, et d’y joindre les aperçus que suggèrent les faits nouveaux, d’accroître ainsi le trésor des jugements, sans en détruire une partie à mesure qu’on en construit une autre ; mais cette sagesse est rare ; la mesure n’est la qualité et le don que de quelques-uns. […] Il pouvait bien, dans sa personne et dans son geste, avoir des parties peu agréables : on ne se fait point soi-même ; mais, en écrivant, il était maître et exquis. […] Un volume in-18, en deux parties ; chez Dentu, Palais-Royal. […] Il n’a justifié qu’en partie tous ces éloges anticipés.

817. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Le mélange de sensualité, en partie voluptueuse, en partie gourmande, de décence pourtant (le genre admis) et de malice anticléricale, rappelle sans abus le meilleur sel des fabliaux. […] Le troisième nous transporte au haut d’une maison dont la façade est peinte en couleur bleu de ciel ; dans sa petite chambre, sous la tuile, Jasmin, qui n’est qu’apprenti encore, à la lueur d’une lampe dont le reflet se joue aux feuilles du tilleul voisin (toujours de gaies images), Jasmin passe une partie de ses nuits à lire, à rêver, à versifier déjà. […] La partie politique de son recueil est celle qui a le moins d’originalité : la langue d’abord en devient aisément toute française, car le patois n’a point, dans son fonds, ce vocabulaire moderne.

818. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

La maréchale tient dans l’action toute la partie moralisante, et elle en use avec un à-propos qui ne manque jamais son but ; Athénaïs et Eugène sont le caprice et la poésie, qui ont quelque peine à se laisser régler, mais qui finissent par obéir, tout en sachant attendrir leur maître. […] Le couvent, pour elle, c’est quelque chose de gai, d’aimable, de gémissant comme Saint-Cyr ; c’est une volière de colombes amies, ce sont d’ordinaire les curiosités et les babils d’une volage innocence. « La partie du jardin, qu’on nommait pompeusement le bois, n’était qu’un bouquet d’arbres placés devant une très-petite maison tout à fait séparée du couvent, quoique renfermée dans ses murs ; mais c’est une habitude des religieuses de se plaire à donner de grands noms au peu qu’elles possèdent ; accoutumées aux privations, les moindres choses leur paraissent considérables. » Le couvent de Blanche, le couvent d’Eugénie sont ainsi faits. […] La Comtesse de Fargy se compose de deux parties entremêlées, la partie d’observation, d’obstacle et d’expérience, menée par Mme de Nançay et par son vieil ami M. d’Entrague, et l’histoire sentimentale du marquis de Fargy et de son père.

819. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre III. La poésie : V. Hugo et le Parnasse »

Il aime à dresser l’une contre l’autre deux parties symétriques, contraires de sens ou de couleur879. […] Hugo apparaîtra aussi dans les trois recueils : on y verra comment les mots sonores se groupent en vers expressifs, avec quelle science la distribution des coupes dans le vers, l’ordonnance des strophes ou des parties dans la pièce règlent le mouvement, selon la nature du sentiment ou de la pensée, avec quelle justesse se fait presque toujours l’adaptation d’une certaine structure métrique au caractère du sujet. Il faudrait trop d’exemples pour mettre en lumière cette partie du génie de V. […] Manuel qui tenta d’enfermer dans de petits tableaux, discrètement teintés d’émotion, les mœurs du peuple parisien, les scènes de la rue et de l’atelier ; mais l’idéalisme du poète le condamnait à dérober une partie de ses modèles derrière la noblesse de son propre sentiment.

820. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

À mesure qu’il était contraint de resserrer le cadre, je ne dis pas des discussions, mais des plus simples réflexions politiques, il développa sa partie littéraire, qui devint désormais le principal ou plutôt l’unique instrument de son succès. […] C’était un auxiliaire destiné à corriger en partie l’esprit antivoltairien des autres. […] Ayant une fois pris à partie Mme de Genlis, il dit qu’on serait embarrassé de prononcer sur son sexe, qu’elle n’avait plus de sexe, ou quelque chose d’approchant. […] La partie positive chez Hoffman mérite toujours d’être lue.

821. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Il y a eu, au milieu du xviiie  siècle, un homme jeune et déjà mûr, d’un grand cœur et d’un esprit fait pour tout embrasser, qui s’était formé lui-même et qui ne s’en était pas enorgueilli, fier à la fois et modeste, stoïque et tendre, parlant le langage des grands hommes du siècle précédent, ce langage qui semblait n’être ici que l’expression naturelle et nécessaire de ses propres pensées ; sincèrement et librement religieux sans rien braver, sans rien prêcher ; réconciliant, en un mot, dans sa personne bien des parties opposées de la nature en montrant l’harmonie. […] Il veut remonter aux racines et aux principes des choses, et à cet effet il va parcourir, selon son expression, « toutes les parties de l’esprit et toutes celles de l’âme ». […] Parmi les personnes qui ont le plus feuilleté Vauvenargues et qui aiment à citer de lui des Pensées, il en est peu, on ose l’affirmer, qui aient étudié exactement cette première partie de ses écrits, et qui aient bien cherché à se rendre compte de sa théorie véritable. […] Il a reconnu les vices et les défauts des hommes, mais il les a reconnus avec douleur, sans cette joie maligne qui ressemble à une satisfaction et à une absolution qu’on se donne en secret, de même qu’il a maintenu les grandes lignes, les parties saines et fortes de la nature, sans cet air de jactance par lequel on semble s’exalter en soi et s’applaudir.

822. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

Pourtant la vie intérieure et privée de Frédéric est entièrement connue ; toutes les parties de son caractère sont éclairées ; on a ses lettres, ses vers, ses pamphlets, boutades et facéties, ses confidences de toutes sortes ; il n’a rien fait pour les supprimer, et il est impossible de ne pas reconnaître en lui un autre personnage bien essentiel, et qui est au cœur même de l’homme. […] — Assez, lui dit Frédéric, qui reprend ici l’avantage du bon sens et du bon goût au moral : Je ne suis, je vous assure, ni une espèce ni un candidat de grand homme ; je ne suis qu’un simple individu qui n’est connu que d’une petite partie du continent, et dont le nom, selon toutes les apparences, ne servira jamais qu’à décorer quelque arbre de généalogie, pour tomber ensuite dans l’obscurité et dans l’oubli. […] Dans la seconde partie de la correspondance, lorsqu’ils la renouèrent après la brouille, on trouve un tout autre caractère que dans la première moitié. […] Laissons, au sujet de Frédéric, ces noms tant redits et qui veulent être injurieux ou flatteurs, ces noms trop contestables de l’empereur Julien et de Marc Aurèle ; n’allons pas, d’un autre côté, chercher le nom de Lucien, dont il n’offrirait que des parodies et des travestissements étranges ; et, si nous voulons le désigner classiquement, définissons-le dans ses meilleures parties un écrivain du plus grand caractère, dont la trempe n’est qu’à lui, mais qui, par l’habitude et le tour de la pensée, tient à la fois de Polybe, de Lucrèce et de Bayle.

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