Ce drame repose dans le mystérieux amour de Chatterton et de Kitty Bell ; cet amour qui se devine toujours et ne se dit jamais ; cet amour de deux êtres si purs qu’ils n’oseront jamais se parler, ni rester seuls qu’au moment de la mort, amour qui n’a pour expression que de timides regards, pour message qu’une Bible, pour messagers que deux enfants, pour caresses que la trace des lèvres et des larmes que ces fronts innocents portent de la jeune mère au jeune poète ; amour que le quaker repousse toujours d’une main tremblante et gronde d’une voix attendrie.
C’était le temps du tonitruant succès de ce grand roman d’aventures à travers un monde que jusque-là la littérature n’avait pas osé aborder.
Ayant découvert de nombreuses sources chez certains auteurs qu’on croyait « originaux », elle a prétendu que la valeur artistique de ces auteurs s’en trouvait diminuée ; à la vérité, elle n’a pas encore osé le prétendre de Molière, ni de La Fontaine, ni de Shakespeare ; mais elle s’en est prise à Desportes, puis à Du Bellay, à Chateaubriand, à Victor Hugo, à D’Annunzio, à bien d’autres encore, et sans se demander jamais comment le poète a utilisé ses sources.
Poe s’étonne, en une page théorique, que personne n’ait osé toucher à la forme du vers ; et n’est-il pas assez étonnant qu’au milieu de l’évolution perpétuelle des formes, des idées, des frontières, des négoces, des forces motrices, des hégémonies, d’un perpétuel renouvellement du langage tel qu’un grammairien intitule quelques essais la Vie des mots (conforme en ce sens à Horace), seul le vers reste en général immobile et immuable, et qu’il faille des cataclysmes populaires et des invasions de barbares et dix mille maux pour qu’il se modifie. […] Elle est parce qu’il fit de fort beaux vers, et qu’il sut tout entier se traduire, qu’il l’osa et y réussit. […] Lui aussi cherchait à s’évader, il n’osa toucher au vers et choisit le poème en prose ; s’il eût vécu, peut-être eût-il élargi ses tendances de liberté. […] Le seul point peut-être qui offrirait quelque intérêt, mais celui-là se retrouve en la vie de presque tout écrivain d’exception, serait d’énumérer et d’expliquer quels furent les éditeurs, inconnus, besogneux, fantastiques parfois, éphémères presque toujours qui osèrent seuls risquer les responsabilités financières de ces livres, et démontrer que sauf vers la fin de la vie de Villiers, ce furent dans les plus jeunes et les moins pécuniaires des revues, dans des papiers de lettres aussi audacieux qu’éphémères, que furent publiés contes, romans et drames, dont ils comptèrent parmi les meilleurs ornements et sacrifices, dont ils demeurent pour les bibliographes les plus efficaces curiosités. […] Mallarmé en lègue aussi, en même temps qu’un grand exemple, car il s’était mis, seul, à oser avoir sa pensée propre devant toute une littéraire presque disciplinée.
Il nous paraît avoir accompli à ce point de vue, dans l’histoire de la musique, le même progrès qu’avait accompli dans l’histoire de l’art plastique le premier sculpteur qui osa renoncer au relief pour créer le groupe libre. » L’analogie est on ne peut plus heureuse. […] C’est le même Nietzsche, à qui nous devons la plus pénétrante étude du génie du maître de Bayreuth, qui le premier a osé dire : « Wagner est un névrosé. » Hélas ! […] Peut-être paraîtrait-il osé ?
Il mêle à des phrases d’une extrême correction des termes d’argot qu’il souligne encore d’un « si j’ose m’exprimer ainsi ». […] Dans Révoltée, Pierre Rousseau, le bravo homme marié à une peste et torturé par elle, cœur d’or dans une nature fruste, l’un de ces timides qui trouveraient à dire tant de choses et de si éloquentes, s’ils osaient ! […] Seulement, tandis qu’on a coutume d’attribuer l’origine de cette désunion uniquement au mauvais esprit du siècle, Mgr Ireland ose dire qu’il y a aussi de la faute de l’Église.
Et c’était cette papauté boiteuse et mal assise qui osait tenir tête au roi de France, à l’empereur d’Allemagne, et qui y réussissait très souvent, tant ce sont choses qui comptent dans le monde que l’habileté diplomatique et la ténacité invincible ; en deux mots, l’intelligence et la volonté. […] D’un autre côté, j’ose supplier les personnes honorables et bienfaisantes qui se préparent à être testatrices de se montrer moins impérieuses, tyranniques et limitatives. […] Carnegie est tout plein de son sujet, si j’ose m’exprimer ainsi, et s’en entretient lui-même, dans le même temps qu’il en entretient les autres, avec une extrême complaisance ; et d’autre part, on sait que son livre a eu un succès immense en Amérique ; y est devenu tout de suite livre classique et livre national et que M.
Je le sais bien, mais je n’oserais pas le dire, de peur d’offenser l’esprit humain dans l’une ou dans l’autre de ses facultés également divines.
Les peintres de scandale par amour du scandale trouvent des amateurs qui les achètent, mais personne qui ose élever la voix pour les défendre.
Il réfléchit un peu ; puis, avec le doigt, il osa frapper contre la vitre : pas de réponse ; il frappa plus fort. « — Quand je devrais casser de vitre, il faut en finir. » Comme il frappait très fort, il crut entrevoir, au milieu de l’obscurité, comme une ombre blanche qui traversait sa chambre.
Il suffit de citer la puissante autorité de Robert Brown qui, parlant de l’un des organes des Protéacées, dit que son importance générique est, « comme celle de tous les autres organes, très inégale, et en quelques cas elle semble s’effacer entièrement, comme il arrive, je crois, non pas seulement chez cette famille naturelle, mais chez presque toutes. » Dans un autre ouvrage, il dit encore que les divers genres des Connaracées « diffèrent les uns des autres en ce qu’ils ont un seul ou plusieurs ovaires, par la présence ou l’absence d’albumen, et par leur préfloraison imbriquée ou valvulaire ; chacun de ces caractères, pris isolément, est fréquemment d’une importance plus que générique, bien que tous ensemble ils soient à peine suffisants pour séparer les Cnestis des Connarus. » Parmi les insectes, les antennes, ainsi que l’a remarqué Westwood, ont une grande constance de structure chez toute une des principales divisions des Hyménoptères ; mais dans une autre division elles diffèrent extrêmement, et leurs différences sont d’une valeur tout à fait subordonnée en classification ; cependant nul n’oserait dire que chez ces deux groupes du même ordre les antennes soient d’une importance physiologique plus ou moins grande.
Le charme n’en a pas moins opéré ; et comme il arrive quand un artiste de génie a produit une Oeuvre qui nous dépasse, dont nous ne réussissons pas à nous assimiler l’esprit, mais qui nous fait sentir la vulgarité de nos précédentes admirations, ainsi la religion statique a beau subsister, elle n’est déjà plus entièrement ce qu’elle était, elle n’ose surtout plus s’avouer quand le vrai grand mysticisme a paru.
Les prunelles à renversement de Jimmy l’Intellectuel, dont la misère physiologique est pitoyable — le marchand qui le vendit le nommait l’Intellectuel, comme on dit : le Soldat, la Bonne, le Gendarme — oscillent entre le désespoir et la peur ; de ses yeux d’oiseau métaphysique, selon l’expression de Remy de Gourmont, un Bergson, à genoux sur son ventre, si l’on ose dire, couve tout un bataillon de Marquises affalées sur un divan un peu passé. […] Et si certains osent douter encore du sentiment qui anime ce Roman sur le Rhin, qu’ils relisent les lignes qu’en pleine guerre Barrès lui consacrait ; ils surprendront, notamment à travers l’Agonie dans les étangs (les Saints de la France) 71, cette humanité qu’à chaque ligne il exprimait. « Il me faut encore deux ou trois ans pour y repenser, disait Barrès de ce livre, j’ai trouvé la pensée à placer dans le chant: à Charmes, cela se fera très vite. » Il espérait aussi avoir le temps de publier lui-même ses Mémoires.
Vous n’osez pas me dire « Croyez parce qu’il faut croire, croyez parce que je le veux, croyez parce que croyez », qui est le vrai et franc langage de l’autorité. […] Il n’a pas osé dire un labyrinthe. […] C’est ainsi, et non autrement, que l’Angleterre, la Scandinavie, la Hollande, la Suisse, les États-Unis ont pu contracter une âme nouvelle4. » — Religion nouvelle imposée par la force, deux cents ans dans cet état, puis proclamation de la liberté des cultes : voilà le secret, que les révolutionnaires de 1789 n’ont point vu ou n’ont point osé voir. […] Chose curieuse, ce que les révolutionnaires n’osaient pas faire en religion, ils le faisaient en politique.
Ô comique salutaire, comique des excellents et des sages, toi qui nous sais tous soumis à des lois dures et sans trêve, comique ennemi du lâche ricanement et de la béate indifférence, nous révèles-tu assez ton maître, le brave et splendide écrivain dont j’ose parler en ce moment ? […] Le vieillard et l’étranger le savent et n’osent point troubler cette quiétude lumineuse, et échangent leurs hésitations et leur douleur dans l’ombre. […] Il ose à peine toucher ces fins profils penchés sous les cornettes, oiseau au vol plié, dont la blancheur les fait rêver parfois que c’est le Saint-Esprit en forme de colombe descendu sur chacune .
Ismenos, à tes rives chantantes Ils osent infliger l’opprobre de leurs tentes ; Ils foulent sous leurs pieds les tombeaux des aïeux. […] Voilà donc qui est bien entendu : les Bretons étaient doués pour le théâtre et ils l’ont aimé passionnément, je n’ose dire aussi passionnément que les Parisiens, parce que je déteste l’hyperbole, mais cependant, avec une vive ardeur. […] Si l’on avait fait passer devant Pyrrhus des éléphants chargés de dépouilles de Troie pendant un petit quart d’heure, le public s’en serait aperçu ; mais on n’a pas encore osé aller jusque-là.
En transcrivant, je remarquais tout à l’heure, et vous avez remarqué aussi bien que moi, un « ils sentirent leur fin venir, chacun son tour » qui n’est peut-être pas français, si j’ose dire. — J’ai noté plus haut : « Quoiqu’il vaudrait bien mieux laisser le médecin seul avec son sujet » ; et je doute peu qu’il eût valu mieux écrire : « Quoiqu’il fallût… » — J’ai jeté un coup de crayon à côté de : « Quand ici j’ai tombé, comment dirai-je ?
Je vous le dis, pourquoi ne vous l’ai-je pas dit plus tôt, — cette timidité bête qui fait qu’on est muet devant la femme qu’on aime, fait aussi qu’on renferme en soi ses amours littéraires ; — c’est peut-être la raison qui fait que je n’ai jamais osé aller vous rendre une seule visite quand j’étais à Paris. […] Alors l’acteur se décidait à lui faire visite mais, trouvant l’atelier d’une saleté telle qu’il n’osait s’asseoir à terre, il faisait apporter sa couverture de voyage sur laquelle il saluait Hokousaï.
Pour Troïlus, il est tout tremblant ; il pâlit quand il voit revenir le messager ; il doute de son bonheur et n’ose croire les assurances qu’on lui en donne. « Tout comme les fleurs par le froid de la nuit — fermées, s’inclinent bas sur leur tige. — Mais le soleil brillant les redresse, — et elles s’ouvrent par rangées sous son doux passage. » Ainsi tout d’un coup son cœur s’épanouit de joie.
Je le suppliai de lui dire qu’une indisposition m’empêchait de l’aller saluer ; mais que les bontés qu’il avait eues pour moi, il y avait six ans, me faisaient prendre la liberté de m’adresser à lui pour me produire au nazir ou surintendant, sûr que j’étais de n’y pouvoir aller par un meilleur canal ; que je le suppliais très-humblement de représenter à ce ministre l’ordre que j’avais eu du feu roi, d’aller en mon pays faire faire de riches ouvrages de pierreries et de les apporter moi-même, ce que j’avais fait d’une manière à oser me persuader qu’il n’était pas possible de faire mieux.
Pas une femme n’ose presque regarder la musique en face.
Lui qui se distingue habituellement par la franchise et la simplicité hardie de l’expression, il s’épuise en efforts pour déguiser sa pensée, pour envelopper d’un nuage l’objet qu’il n’ose nommer. […] Les stances marchent d’un pas timide ; les strophes osent à peine déployer leurs ailes et rasent d’un vol boiteux le champ d’où elles sont parties.
C’est ainsi que la première n’est représentée au Parlement qu’avec une mauvaise conscience, qu’elle y est un amour (du passe) qui n’ose pas dire son nom, tandis que la dernière puise une partie de sa force, même spirituelle, dans sa puissance et son allure parlementaires. […] Brisson, qui était révisionniste dès avant la découverte du faux Henry, prolongea de deux ans l’agitation de l’affaire Dreyfus parce qu’il n’osa prendre de décision sans être sûr de l’avis des cadres (maçonnerie, conseils généraux, vieux républicains), alors violemment antirévisionnistes.
Et Flaubert n’aurait même pas osé mettre dans la bouche d’Homais les propos sous-pharmaceutiques et sous-vétérinaires du discours de Chambord sur les lubricités royales et les méfaits de la bande noire.