Je trouve dans un livre récent, mélange de lumière et d’ombre, cette page charmante sur Cervantes qui y est classé parmi les premiers génies ; « L’Idéal est chez Cervantes comme chez Dante ; mais traité d’impossible, et raillé.
Élevé dès l’enfance à l’ombre du sanctuaire, il n’a grandi que pour en être l’honneur et le défenseur, sans hésiter et sans s’écarter jamais.
Quelques grands noms de négociateurs et de plénipotentiaires apparaissaient de loin, dominaient l’attention et acquéraient la gloire ; mais au dedans, et sous eux, toute une armée ou plutôt un état-major de rédacteurs ou secrétaires inconnus travaillait dans l’ombre.
D’autres y passeront sans y marquer leur place ; La mémoire de l’homme est l’oublieuse glace D’où les ombres s’en vont avec rapidité.
On dresse des procès-verbaux de tout, et grande exactitude pour l’authenticité y est observée. » Racine acceptait et rapportait ces faits favorables aux amis sans concevoir ni admettre l’ombre d’un doute ; il ne manquait pas de se redire tout bas à lui-même : Et quel temps fut jamais si fertile en miracles ?
69 Celui-ci paraît l’avoir adorée fidèlement et sans qu’on puisse apercevoir ombre de distraction ou de faiblesse, durant ses années de voyage ou de guerre.
Les Arabes du désert le saluent sous le nom de Bounaberdi, et en font, dit-on, une espèce d’apparition mystérieuse qui se détache pour eux dans la grande ombre de leur prophète.
On a comparé aussi les nombreuses et agréables citations que fait M. de Bausset des écrivains du grand siècle, à des îles verdoyantes et fraîches qui ornent le courant du récit et s’y prolongent encore par leurs ombres.
Parmi les romances de Millevoye, les amateurs distinguent, pour la tendresse du coloris et de l’expression, celle de Morgane (dans le poëme de Charlemagne) ; la fée y rappelle au chevalier la bonheur du premier soir : L’anneau d’azur du serment fut le gage : Le jour tomba ; l’astre mystérieux Vint argenter les ombres du bocage, Et l’univers disparut à nos yeux.
En m’attachant avec une sorte d’austérité, à l’examen de tout ce qui doit détourner de l’amour de la gloire, j’ai eu besoin d’un grand effort de réflexion, l’enthousiasme me distrayait, tant de noms célèbres s’offraient à ma pensée ; tant d’ombres glorieuses, qui semblaient s’offenser de voir braver leur éclat, pour pénétrer jusques à la source de leur bonheur.
Ses cheveux, d’un blond tendre, ont gardé les inflexions du premier âge autour d’un front de vingt-cinq ans ; ils jettent une ombre légère et mobile sur sa figure.
Ce soldat que les loisirs d’une prison firent écrivain, trouva le style qui convenait à son âme douce et forte : un style familier et vigoureux, sans ombre de prétention ni d’effets.
Et l’on découvre aussi parfois, dans son esprit si lucide, une ombre de songerie germanique.
Avec la ruine de la littérature du sentiment, de la peinture de genre et de la musique langoureuse, avec le retour de l’intellectualité française à ce genre d’ouvrages insolents, dont parle Stendhal, qui forcent le lecteur à penser au lieu d’émouvoir simplement ses nerfs, avec l’avènement de l’artiste aux suprématies morales dans une époque où les hiérarchies se meurent, le spectre grimaçant de l’ancien bohème, outrageant la noblesse vivante de l’artiste, avec celui du névrosé, de l’égotiste et de l’arriviste va reculer définitivement au fond de la région des ombres.
Je ne parle qu’avec quelque réserve ; car, en reconnaissant les parties sérieuses, il faut prendre garde de les supposer et de les créer comme l’ont fait tant de commentateurs, ce qui doit bien prêter à rire à Rabelais, s’il se soucie de nous chez les Ombres.
Dans le méchant libelle dont Cosnac avait envoyé chercher les ballots en Hollande, il y avait une phrase entre autres, qui n’était pas si mal tournée : « Elle a, disait-on de Madame, un certain air languissant, et quand elle parle à quelqu’un, comme elle est tout aimable, on dirait qu’elle demande le cœur, quelque indifférente chose qu’elle puisse dire. » Cette douceur du regard de Madame avait opéré sur l’âme assez peu sensible de Cosnac, et, sans y mêler ombre de sentiment galant, il s’était laissé prendre le cœur à celle qui le demandait si doucement et si souverainement.
La première phrase du discours de réception de Ducis (4 mars 1779) fut saluée d’un long applaudissement : « Messieurs, il est des grands hommes à qui l’on succède et que personne ne remplace… » Ainsi Voltaire fut remplacé et célébré par celui même dont il avait tant de fois parlé comme d’un auteur wisigoth ou allobroge et ne sachant pas écrire : Vous avez vu sans doute Hamlet, écrivait-il à d’Argental lors de la première pièce de Ducis qui eut du succès ; les Ombres vont devenir à la mode ; j’ai ouvert modestement la carrière, on va y courir à bride abattue : domandava acqua, non tempesta.
Il faut l’avouer, les exemples que l’on avait mis en scène n’étaient propres à illustrer qu’un cas particulier des effets de la faculté bovaryque, tandis qu’ils repoussaient dans l’ombre tous les cas où le pouvoir de se concevoir autre emporte avec lui le pouvoir de s’égaler au modèle, d’acquérir par le moyen d’un phénomène d’aimantation des qualités nouvelles.
A proprement parler, le sujet n’est qu’une ombre de substance, l’image mobile de l’être éternellement immobile.
Et puis ces diables sont de mauvais goût, insupportables de figures et de caractère ; ils forment une guirlande ovale dont l’intérieur est vide, nulle masse d’ombre ni de lumière.
Rollinat qui jette à l’ombre les poètes actuels, je veux bien convenir de l’énorme trou que fait dans son livre et dans sa tête l’absence d’idéal religieux, de tous les idéals le plus élevé et le plus beau !
Mais, pour l’oublier, je me réfugie à l’ombre du vrai chef-d’œuvre de ces Lettres, — dans cette Notre-Dame (précisément) du Refuge, dans laquelle il a renfermé si gentiment M. de Sacy.
Il suffit de rappeler cette monodie de Shirley, dans son Ajax furieux : « Les gloires de notre vie mortelle sont des ombres, non des réalités ; il n’y a pas d’armure à l’épreuve du destin.
Et j’ai eu soin de laisser dans l’ombre ce qu’elles ont entre elles de commun. […] Vous trouverez là la poésie la plus gracieuse, la plus libre, la plus hardie, — et pas l’ombre de romanesque. […] Cette fois, pas l’ombre d’un Thouvenin. […] Pas l’ombre de thèse, mais la vie comme elle est, de la vérité et des larmes, et, partout, une indulgente équité de moraliste clairvoyant. […] Ce pauvre homme qui, seul, entre ces créatures d’ombre, porte en lui cette lumière, la conscience, devient tout à coup grand et vénérable.