La couleur même ne signifie plus rien ; on peut peindre en bleu ou en noir. […] Malgré l’épidémie de suicide que Werther a fait éclater, au lendemain de sa publication, il serait bien regrettable que Gœthe n’eût pas écrit ces pages de verve délirante, Werther, noir flacon précieux, où le grand poète a scellé le plus pur de ses larmes et de son sang81 ». […] Même à l’époque où il dirigeait l’École normale, on le voyait au café Voltaire, en « habit noir, lorgnon, pantalon gris-perle, bottes fines et luisantes », en homme qui « a lu le Brummel de son ami secret, le romantique Barbey d’Aurevilly ». […] Et celui-ci allait soulever à deux mains une belle coupe d’or à deux anses, afin de boire du vin, et la mort n’était point présente à son esprit ; et, en effet, qui eût pensé qu’un homme, seul au milieu de convives nombreux, eût osé, quelle que fût sa force, lui envoyer la mort et la Ker noire ? […] Le voici : Mais qui pourrait compter le nombre de haillons, De pièces, de lambeaux, de sales guenillons, De chiffons ramassés dans la plus noire ordure, Dont la femme, aux bons jours, composait sa parure ?
un monsieur en habit noir, très correct, qui avait la figure tatouée, et, sur la tête, des plumes de perroquet. […] Malgré tout, Paul Verlaine n’est pas devenu méchant ; ses accès de noire misanthropie, ses silences entête sauvages s’évanouissent vite au moindre rayon de soleil, — quel qu’il soit. […] Les trois couleurs devant l’aigle noir, ça suffit, on se bat ! […] Les voyez-vous rouler dans le noir ridicule et avec eux leurs copains élus, ces conseillers municipaux et autres Marsoulans qui barrent dans les grammaires le nom du nommé Dieu ! […] Il fait nuit presque noire.
André Walter, dont le journal en deux cahiers — cahier blanc et cahier noir — était livré au public, avait eu le chagrin d’aimer vainement sa cousine Emmanuèle, qui ne s’en était même point aperçue et qui avait épousé un M. […] « D’ordinaire, dit Taine, leur cristallin quoique opaque laisse déjà passer un peu de lumière ; l’aveugle de Cheselden distinguait au moins trois couleurs : le blanc, le noir et l’écarlate3 ». […] Mais si je ne le crois pas possédé du démon, en dépit de sa prédilection pour la magie noire du manichéen et apocalyptique William Blake, je conviens qu’il me paraît quelquefois un peu méphistophélique ; Je ne puis lui reconnaître, comme le fait M.
Quand j’ai défini le cercle, je me représente sans peine un cercle noir ou un cercle blanc, un cercle en carton, en fer ou en cuivre, un cercle transparent ou un cercle opaque, — mais non pas un cercle carré, parce que la loi de génération du cercle exclut la possibilité de limiter cette figure avec des lignes droites. […] Quand je dis : « cette table est noire », c’est bien de la table que je parle : je l’ai vue noire, et mon jugement traduit ce que j’ai vu. Mais si je dis : « cette table n’est pas blanche », je n’exprime sûrement pas quelque chose que j’aie perçu, car j’ai vu du noir, et non pas une absence de blanc.
Pendant le jour, leurs ruisseaux élèvent un torrent de fumée rougeâtre ; aux heures de la nuit la flamme rouge tourbillonnante pousse avec fracas des roches dans la profonde mer… C’est merveille de le voir, le prodigieux reptile, lié comme il l’est sous les hautes cimes, sous les noires forêts de l’Etna, sous la plaine, rugissant sous les chaînes qui labourent et aiguillonnent tout son dos prosterné. […] Ce sont là des excès hors de proportion avec nos organes émoussés et avec noire civilisation réfléchie. […] Démèter signifie la terre mère ; et les épithètes des rituels l’appellent la noire, la profonde et la souterraine, la nourrice des jeunes êtres, la porteuse de fruits, la verdoyante. […] Il a foudroyé les Titans, le monstrueux Typhoée aux cent têtes de dragons, les noires exhalaisons qui, nées de la terre, s’entrelaçaient comme des serpents et envahissaient la voûte céleste.
Ce sont elles qui imprimèrent une teinte mâle et sombre à la tragédie des Sept Chefs devant Thèbes, dont Boileau nous transmit si bien la forte couleur dans ces vers : « Sur un bouclier noir sept chefs impitoyables « Épouvantent les dieux de serments effroyables : « Près d’un taureau mourant qu’ils viennent d’égorger « Tous, la main dans le sang, jurent de se venger : « Ils en jurent la Peur, le dieu Mars, et Bellone. […] Dans Voltaire, l’offense est trop affaiblie et trop récente pour nécessiter une si noire vengeance. […] Dans Crébillon, au contraire, la haine d’Atrée, nourrissant pendant vingt années son noir projet, et le soin recherché d’élever le fils de son frère pour l’égorger ensuite, sont hors du naturel et du possible ; car le temps change et use les plus fortes passions comme tout le reste. […] L’étonnement que de noirs attentats nous excite fait honneur à l’humanité : car les hommes rassemblés s’indignent tellement contre les barbaries, qu’on serait tenté de se persuader que les forfaits sont plus rares parmi les individus séparés. […] Œdipe a déroulé la trame mystérieuse de ses noirs destins ; il a vu pour la dernière fois le soleil ; lui-même s’est arraché les yeux dans l’accès de son désespoir ; et si vous entendiez les derniers accents que ce héros, le plus déplorable qu’ait enfanté la Melpomène antique, adresse à ses deux filles, qu’il reconnaît en frémissant pour ses sœurs, vous vous écrieriez tous ensemble avec Boileau : « Ainsi, pour nous charmer, la Tragédie en pleurs « D’Œdipe tout sanglant fit parler les douleurs !
Toute une saison s’écoula dans ces noires préoccupations entrecoupées de quelques espérances. […] Le canon des Invalides, en annonçant ces nouvelles, dissipait ce nuage noir et rempli de menaces qui obscurcissait l’horizon. […] Les branches anciennes se couvrent encore de feuillage, mais aucun rameau ne s’élance du tronc noir que les aimées ont durci ; cet écrivain éparpille son temps et son travail sur les grandes routes du monde et sur celles de la renommée. […] Après avoir mis dans le ciel des autres personnages, par son aveugle jalousie, ce point noir d’où peut sortir l’orage, et qui entretient l’intérêt en faisant craindre à chaque instant le coup de tonnerre qui changerait la pastorale en drame, elle tourne contre elle-même ses mains désespérées. […] Victor Hugo nous apprend sérieusement que monseigneur Myriel, ayant rencontré une grosse araignée noire, lui dit avec un soupir mélancolique : « Pauvre bête, ce n’est pas toi qui t’es faite si laide », et qu’une autre fois il se donna une entorse pour éviter d’écraser une fourmi.
Monsieur, elles sont noires comme je ne sais quoi. […] En défiant la médecine, il défiait la maladie, en niant les remèdes, il s’efforçait de nier le mal, cherchant ainsi à surmonter cette humeur noire, croissante, que tous ses contemporains ont observée en lui, et qui l’a fait surnommer par les pamphlétaires l’Élomire hypocondre, cette humeur qui l’avait envahi dans la vigueur de l’âge comme un avant-coureur prématuré de la mort. […] En effet, après cette consultation, M. de Pourceaugnac est fou, littéralement fou ; il ne voit plus devant ses yeux que des médecins habillés de noir, des lavements, des purgations, des détersions, des évacuations, enfin toute la médecine. […] Tout cela, cette « blancheur de lys », qu’Arnolphe prédisait à Agnès, si elle était femme fidèle, ce « charbon noir » que deviendra son âme si elle est coquette, sans compter l’usage singulier que fait Molière des « chaudières bouillantes » où l’on plonge à jamais les femmes mal-vivantes, tout cela, c’étaient les métaphores ordinaires en usage parmi les directeurs de conscience de ce temps-là ; et Molière a si bien pris les plus générales et les plus durables, que je crois bien qu’on les retrouverait encore de ce temps-ci. […] Vous êtes plus humains, plus modestes, plus éclairés, plus instruits qu’autrefois, vous n’êtes plus si entêtés de la Faculté, et même vous savez bien qu’il existe des lumières en dehors de la Faculté ; et à preuve, quand il arrive un docteur, blanc ou noir, qui, sans avoir pris ses grades, se pique de guérir les cancers, vous examinez son remède, et vos règles ne sont pas aussi absolutistes.
Et Lorenzaccio porte à son toquet noir l’aigrette-éclair du génie ! […] Mais l’auteur des Ténèbres, en ses plus noires mélancolies, évoque des clartés. […] Même, à cause des hasards d’un ajustement à la hâte, on verrait là, certainement, des Hermès coiffés du chapeau de Tabarin, des Bakkhos à la face barbouillée, non de la pourpre des lies, mais de la neige des farines, et, noirs comme l’aube ou éblouissants comme le matin, des Hadès-Scaramouches ou des Pierrots-Apollons. […] Je n’oublierai pas, surgi parmi les premiers, Emmanuel des Essarts qui, avant Théodore de Banville, restaura la ballade, et depuis témoigna par mainte œuvre de charme et de force, d’élévation fougueuse, l’activité d’un très pur esprit ; ni Émile Blémont, qui entreprit presque solitairement son œuvre, en un éloignement de toute notoriété facilement acquise, et la continue en une tranquillité de douleur à l’écart et de pensée qui ne se mêle pas à la vie ; ni Charles Frémine, assis entre Olivier Basselin et Pierre Dupont sous des pommiers en fleurs ; ni Raoul Gineste, de qui la grâce furtive et onglée imite les chats qu’il regarde disputer à la plume le noir encrier d’où sortent les vers ; ni Maurice Montégut, furieux, violent, plutôt dramaturge en effet que poète, débordant de passion forcenée. […] Une autre montrait le petit signe noir qu’elle a dans de la chair de lys, près de l’aisselle.
Le prince de Ligne a dit de lui : « Vauvenargues est trop triste pour un homme de guerre ; il voyait trop noir. » Il y supposait de la prétention de la part de Vauvenargues, mais ce n’était que de la mélancolie sur un fond sérieux et de la mauvaise santé.
Vous me dites que vous avez du noir dans l’âme, parce que vous avez langui dans les horreurs d’une vocation forcée.
Le vent venait de l’ouest, où l’horizon paraissait d’un rouge ardent, comme si le soleil eût voulu se lever dans cette partie ; le côté de l’est était tout noir.
Les autres sont des corbeaux qui se disputent quelques plumes de cygne du siècle passé qu’ils ont volées, et qu’ils ajustent comme ils peuvent à leurs queues noires. » À Le Kain il écrivait en 1765 : « Je vous souhaite un autre siècle, d’autres auteurs, d’autres acteurs et d’autres spectateurs. » Ce fut bien autre chose quand il crut voir qu’on abandonnait Racine pour Shakespeare, il poussa des cris d’aigle : « La canaille se mêle de vouloir avoir de l’esprit, écrivait-il en janvier 1778 au censeur Marin ; elle fait taire les honnêtes gens et les gens de goût.
Au midi, une armée de pics crénelés, d’arêtes tranchées au vif, de tours carrées, d’aiguilles, d’escarpements perpendiculaires, se dresse sous un manteau de neige ; les glaciers étincellent entre les rocs sombres ; les noires saillies se détachent avec un relief extraordinaire sur l’azur profond.
Elle a beaucoup de peine à nettoyer ma montre avec un vieux gant ; elle me fait voir que le fond en est toujours noir.
A Plombières, il contracta amitié et familiarité avec le seigneur d’Andelot de Franche-Comté, qui offrait cette singularité frappante d’avoir un côté de la barbe et des sourcils tout blanc, l’autre noir.
Il voulait la vérité dans toute sa simplicité, non dans sa vulgarité ; ses bêtes d’aversion à lui, c’était le vulgaire et l’affecte, tandis que la bête noire de la bonne compagnie, c’est l’énergie dans tous les genres.
Mitis, de ses Père Joseph ; je ne parle pas même de Béranger avec ses Missionnaires et ses Hommes noirs, déjà un peu effacés ; mais lorsque plus tard un romancier célèbre, à l’imagination robuste, a jeté dans la circulation le type odieux de Rodin qui, toutes les fois qu’on le lui représente encore, émeut le peuple bien autrement que Tartuffe parce que c’est un type plus réellement contemporain, il ne fit que s’inspirer des animosités et des rancunes de sa jeunesse.
Beugnot sont ici en défaut sur un point : Mme Roland n’était pas blonde, elle avait les cheveux et les yeux noirs, comme elle le dit elle-même ; mais, sauf cette légère inadvertance, l’impression charmante et morale qui ressortait de toute sa personne est vivement et fidèlement rendue par M.
Il est très vrai que depuis ce moment il n’a plus considéré le duc de Noailles que comme un abîme de perversité, une âme caverneuse et noire, un démon capable de tout ; pour avoir été trompé et abusé par lui comme il l’avait été, il le supposait plus malin, plus rusé et plus ténébreux que le serpent.
Tout au milieu, il y a mêlé l’Iris odorant de Nossis, sur les tablettes de laquelle Amour lui-même enduisit la cire ; il y a mis la marjolaine de Rhianus qui exhale l’agrément, et le jaune safran d’Érinne aux couleurs virginales…, et Damagète, cette violette noire, et le doux myrte de Callimaque, toujours plein d’un miel épais… Il a cueilli, pour y ajouter, la grappe enivrante d’Hégésippe…, et la pomme mûre des rameaux de Diotime, et la grenade à peine en fleur de Ménécrate… La ronce d’Archiloque aux dards sanglants et quelques gouttes de son amertume y relèvent la chanson de nectar et les mille brins d’élégie d’Anacréon… Le bluet foncé de Polyclète… et le jeune troëne d’Antipater n’y manquent pas…, ni surtout la branche d’or du toujours divin Platon, où tous les fruits de talent resplendissent.
Eugénie, qui a été forcée de quitter son couvent, et qui devient comme l’ange tutélaire des siens, attire constamment et repose le regard avec sa douce figure, sa longue robe noire, ses cheveux voilés de gaze, sa grande croix d’abbesse si noblement portée.
Pour ceux qui n’ont vu que les portraits, il est impossible de ne pas trouver entre ces deux femmes, dont les œuvres sont si différentes de caractère, une grande ressemblance de physionomie, ne serait-ce que dans le noir des yeux et dans la coiffure.
Et comme ces régents en robes noires et à bonnets carrés avaient du moins sur lui l’avantage de savoir le grec et le latin, il s’évertuait à démontrer que pour bien juger d’un écrivain, il faut le prendre dans une traduction.