. — Le Livre de l’Exilé (1875).
La pensée première de ce livre n’est pas une vue particulière : c’est ma foi aux grandes traditions classiques alors que sa ferveur était pure de toute arrière-pensée offensive, et que je songeais plus à en jouir qu’à la défendre.
Ce Livre est plein de recherches satisfaisantes, qui supposent un Auteur laborieux, intelligent, bon Logicien, & un Ecrivain qui fait s’exprimer avec autant de méthode que de force & de netteté.
Ce piétinage difficile, fatigant, par des chemins obscurs et épineux , ne lui allait pas, et surtout une chose l’en eût dégoûté : l’habitude était alors de toucher les honoraires de la main à la main, un écu de trois livres pour une consultation. […] En tête de cette traduction, restée manuscrite, il disait (janvier 1794) : J’entreprends la traduction de ce livre (De Cive) sans savoir si j’aurai le temps ou le courage ou la volonté de le finir. […] [NdA] C’est la même idée qu’a rendue admirablement Virgile au livre second des Géorgiques, vers 65, quand il peint les rejetons de l’arbre qui restent stériles tant qu’ils sont trop près, étouffés et comme brûlés sous l’ombre maternelle : Nunc altae frondes et rami matris opacant, Crescentique adimunt foetus uruntque ferentem 50.
Vers la fin de son livre, on dirait que Joinville, en le dictant98, s’accoutume peu à peu à être auteur ; parlant de saint Louis et des maisons religieuses de tout genre, des monastères de tout ordre qu’il fonda, il dit : « Et ainsi que l’écrivain qui a fait son livre et qui l’enlumine d’or et d’azuram, enlumina ledit roi son royaume de belles abbayes qu’il y fit. » Voilà une comparaison littéraire proprement dite ; et elle est encore vive et riante. […] [1re éd.] qui a fait son livre l'enlumine d'or et d'azur
Madame faisait donc une notable exception lorsque, dans son plan de vie, elle accordait une si grande place et si régulière à la méditation du saint livre. Elle s’était choisi trois jours par semaine pour ce salutaire usage : « Après une visite à mon fils, dit-elle (27 novembre 1717), j’ai été me mettre à table, et après dîner j’ai pris ma Bible et j’ai lu quatre chapitres du livre de Job, quatre psaumes et deux chapitres de saint Jean. […] Je crois, ajoute mon exact informateur, que ce livre a été un essai de conciliation : mais comme il penchait plutôt du côté des réformés suisses, il n’a pas produit l’effet voulu ; bref il a été réputé calviniste, quoique n’étant pas dans l’extrême de cette doctrine.
La préface m’en avait plu, j’ai voulu lire la pièce : le livre m’est tombé des mains. […] Tous les gens du métier savent que le livre intitulé Bolaeana a été écrit par de Losme de Monchesnay ; à la page 3 des Mémoires, ce Monchesnay s’appelle Moncheux. […] … ouvrez un livre d’histoire ou l’Almanach royal, et vous verrez qu’à cette date de 1754 celui qui succéda à M. de Machault fut M. de Séchelles.
dans l’élégance de Pellisson, on croit sentir qu’il apprit d’abord la meilleure langue française, surtout par les livres. […] L’un d’eux (M. de Malleville) fut le premier à y manquer ; il parla un peu indiscrètement des conférences et de ce qu’on y agitait entre soi à Faret, auteur de L’Honnête homme, et qui y porta son livre, alors nouvellement imprimé. […] Je ne lui demanderais, s’il réimprimait son livre, qu’un peu plus de curiosité et de complaisance dans l’anecdote.
Ce cas est tout à fait celui de la femme distinguée dont le livre de MM. de Goncourt m’a rafraîchi le souvenir, et que depuis longtemps je désirais remettre en lumière, sans me croire suffisamment instruit à son sujet. […] Sur la fin il accorda à Diderot une pension de mille livres, à l’effet de payer un secrétaire pendant sa vie, et réversible sur sa femme après sa mort. […] Si vous avez été assez heureuse pour mettre votre projet à exécution, vous êtes presque dans le même état que moi ; vous êtes présentement à errer sur les bords de la même belle rivière, peut-être avec les mêmes livres à la main, un Racine, je suppose, ou un Virgile, et vous méprisez tout autre plaisir et amusement.
N’aimer en littérature qu’à s’occuper du présent et du livre du jour, c’est aimer la mode, c’est suivre et courir le succès, ce n’est pas aimer les Lettres elles-mêmes, dont le propre est la perpétuité, la mémoire et la variété dans le souvenir. […] La Description d’une petite métairie excéderait ici les bornes permises ; mais ce que je tenais à faire remarquer, c’est que, dans ce livre, où il y a trace à peine de formes exotiques, Sismondi a eu à son service une langue technique, appropriée, colorée même (relativement à l’époque), une langue voisine des choses qu’il voyait sans cesse et au sein desquelles il habitait. […] Sismondi commençait, en ce temps, à connaître Mme de Staël, et, s’ouvrant à elle de son amour, il lui dit, en réponse aux offres de service qu’elle lui faisait, que déjà elle lui en rendait un très-grand auquel elle n’avait pas songé, par son roman de Delphine ; qu’il le ferait lire à sa mère, et que le livre plaiderait en sa faveur.
Fromentin, agréable et attachant à lire d’un bout à l’autre, mérite qu’on le reprenne avec réflexion : il nous offre, dans la suite des peintures variées qui s’y succèdent, une belle image du talent et aussi une application de la théorie de l’auteur ; il nous livre le résultat excellent de sa manière, en même temps qu’il nous dévoile sa pensée particulière sur l’art. […] La placer en un lieu reconnaissable, c’est la faire mentir à son esprit ; c’est traduire en histoire un livre anté-historique. […] Mais le sommet, en quelque sorte, du livre, le point culminant, c’est la station du peintre sur la hauteur, au pied de la tour de l’Est : l’aspect grandiose du pays, dans sa sévérité majestueuse et toute-puissante, y est exprimé en des traits qui se transmettent et qu’on n’oublie plus ; le génie du climat y apparaît, s’y révèle tout entier et s’y fait comprendre.
Autrefois, quand on ouvrait un livre de ce genre, un roman nouveau, on voulait être touché, ému, intéressé : maintenant, et depuis longtemps, on veut être empoigné, c’est le mot, — violent et dur comme la chose. […] Et quelquefois, à la fin de juin, par un jour brûlant, dans la robuste épaisseur d’un arbre en pleines feuilles, je voyais un petit oiseau muet et de couleur douteuse, peureux, dépaysé, qui errait tout seul et prenait son vol : c’était l’oiseau du printemps qui nous quittait. » Augustin, le précepteur de Dominique, est un très jeune homme, d’une nature tout opposée à celle de son élève : c’est un homme de livres, de logique, de science, un cerveau ; après bien des labeurs, après des âpretés et des difficultés sans nombre de carrière et de destinée, il arrivera un jour à se faire un nom parmi les écrivains sérieux de son pays, à se faire une haute situation même ; ce sera un politique, un économiste, un conseiller d’État, un ministre, que sais-je ? […] Je ne suis plus tout à fait juge ; il faut être jeune pour se bien mettre au point de vue de tels livres, quand ils sont, comme celui-ci, tout de sentiment : chaque lecteur alors ajoute, retranche, rêve à son gré, et devient proprement collaborateur dans sa lecture.
Comme le livre n’est destiné qu’à ceux de sa nationalité qui lisent le français et qu’il s’adresse, en revanche, à tous les lecteurs français dont la majorité est loin de posséder l’allemand, il eût été de meilleure grâce à M. d’Arneth d’en faire une publication toute française. […] Là-dessus aucune négligence, et n’imitez personne ; suivez ce que vous avez vu et appris ici. » Elle ne cesse de conseiller à sa fille des lectures fortes, des lectures suivies ; elle attend tous les mois en vain la liste des livres sérieux que l’abbé de Vermond s’était chargé de procurer à la jeune princesse, et qui, on le sait aujourd’hui par les catalogues, étaient si absents de ses bibliothèques particulières : « Tâchez de tapisser un peu votre tête de bonnes lectures ; elles vous sont plus nécessaires qu’à une autre, … n’ayant aucun autre acquit, ni la musique, ni le dessin, ni la danse, peinture et autres sciences agréables. » Il est permis sans doute, surtout à son âge, de s’amuser, mais d’en faire son unique soin et de n’être occupée qu’à « tuer le temps entre promenades et visites », elle en reconnaîtra le vide et en sera un jour aux regrets. […] On nous épluche trop pour ne pas être toujours sur ses gardes. (2 juin 1775.) » A propos de parure, il y a une histoire de bracelets qui préoccupe avec raison la très-sage souveraine : « Toutes les nouvelles de Paris annoncent que vous avez fait un achat de bracelets de 250 mille livres ; que, pour cet effet, vous avez dérangé vos finances et vous êtes chargée de dettes, et que vous avez, pour y remédier, donné de vos diamants à très-bas prix ; on suppose après que vous entraînez le roi à tant de profusions inutiles, qui depuis quelque temps augmentent de nouveau et mettent l’État dans la détresse où il se trouve.
Sa première fougue de tempérament passée, les livres devinrent bientôt sa passion principale et dominante. […] La plus grande ou plutôt la seule incommodité de La Chesnaie est l’éloignement de la paroisse. » Sous tous ces vœux de petitesse et d’humilité et à travers ces alternatives, il est clair qu’un combat se livre en lui ; est-il fait ou non pour le sacerdoce ? […] Peyrat, alors précepteur dans une famille dont La Mennais était l’hôte, je lis : « M. de La Mennais s’intéressait à nos études ; il fit traduire à mon élève dix vers du sixième livre de l’Énéide.
Adolphe est un des livres que nous aimons le plus dans leur tristesse ; en mainte occasion nous avons parlé de l’auteur avec intérêt, avec sympathie, et comme étant nous-même de ceux qui entrent le plus dans quelques-unes de ses faiblesses. […] Il n’y a pas un livre un peu utile qui ne soit à ma disposition, et les bibliothécaires sont les gens les plus prévenants du monde. […] Moi, je vous recommande tous mes livres allemands.
Une fortune considérable pour le temps, et qui montait, dit-on, à plus de trois cent mille livres, lui procurait une honorable indépendance. […] Elle y trouva le petit bossu, qui lui dit en substance qu’une dame de la Cour dont il faisait la miniature lui avait proposé de s’introduire chez Mlle Le Couvreur comme peintre, et de lui donner un philtre qui éloignerait d’elle le comte de Saxe ; que, là-dessus, deux personnes masquées, à qui il avait eu affaire pour le détail de l’exécution, lui avaient déclaré qu’il ne s’agissait pas d’un philtre, mais bien d’un poison ; qu’à cet effet on déposerait, à un certain jour, dans un if des Tuileries, des pastilles empoisonnées ; que l’abbé les irait prendre, et que, s’il les donnait à Mlle Le Couvreur, on lui assurait 600 livres de pension et une somme de 6 000 livres.
Aujourd’hui la postérité, indifférente aux considérations de personnes, ne voit plus que le livre ; elle le classe dans la série des témoignages et des peintures immortelles de la passion, et il n’en est pas un si grand nombre qu’on ne les puisse compter. […] Quelque jour, écrivait-elle à son ami, je vous conterai des choses qu’on ne trouve point dans les romans de Prévost ni dans ceux de Richardson… Quelque soirée, cet hiver, quand nous serons bien tristes, bien tournés à la réflexion, je vous donnerai le passe-temps d’entendre un récit qui vous intéresserait si vous le trouviez dans un livre, mais qui vous fera concevoir une grande horreur pour l’espèce humaine… Je devais naturellement me dévouer à haïr, j’ai mal rempli ma destinée. […] Le mérite inappréciable des lettres de Mlle de Lespinasse, c’est qu’on n’y trouve point ce qu’on trouve dans les livres ni dans les romans ; on y a le drame pur au naturel, tel qu’il se révèle çà et là chez quelques êtres doués : la surface de la vie tout à coup se déchire, et on lit à nu.
Brochures, pamphlets, articles de journaux, chansons, graves histoires, scènes historiques (car la comédie, à ce moment, avait passé du théâtre dans les livres), allusions de toutes sortes, c’était à qui atteindrait et piquerait l’ennemi de dessous le réseau habile dont il cherchait à nous envelopper. […] Ce n’est qu’un livre de tout jeune homme, qui compose dans le goût du jour et qui n’y met encore rien du sien. […] quand je considère où nous en sommes venus à vingt-cinq ans de distance, quand je repense à cette vigueur de l’attaque et à cette confiance excessive avec laquelle on remettait alors à la bourgeoisie éclairée un rôle qu’elle n’a pas su tenir, la plume m’échappe des mains, et j’ai trois fois rejeté le livre au moment d’extraire ce que j’en voulais d’abord citer.
Jasmin, en s’élevant à ce genre de compositions nouvelles, suivait encore son naturel sans doute, mais il s’était mis à le diriger, à le perfectionner ; cet homme, qui avait lu peu de livres, avait médité en lisant à celui du cœur et de la nature, et il entrait dans la voie de l’art véritable, où un travail secret et persévérant préside à ce qui paraîtra le plus éloquemment facile et le plus heureusement trouvé. […] Il est vrai qu’un poème comme Jocelyn, exécuté et traité avec le soin que Jasmin apporte aux siens, coûterait huit ou dix années de la vie, et l’on n’aurait guère le temps de faire à travers cela une dizaine de volumes sur les Girondins ou les Jacobins, et une révolution de février, la chose et le livre à la fois, et toute cette série d’improvisations que nous savons et que nous oublions, ou que nous voudrions oublier. […] Je livre aux hommes compétents la définition pour ce qu’elle vaut, et je leur laisse le soin de la dégager ou de la modifier.
Enfant, dans les voyages presque annuels qu’il faisait à Boulogne-sur-Mer, j’ai eu plus d’une fois le plaisir d’entendre au dessert son odyssée : et, ce qui me frappait déjà chez un homme qu’on était accoutumé à considérer comme un des chefs du parti royaliste et religieux, c’est qu’il ajoutait que dans sa prison, et se croyant à la veille de périr, il avait fait demander et avait lu, comme livre de consolation, les Essais de Montaigne. […] — Deux livres. — Eh bien ! […] Michaud, ni un apôtre, ni un docteur, je ne suis pas même un disciple bien fervent ; je suis venu à Jérusalem, je dois l’avouer, non pour réformer les erreurs de ma vie, mais pour corriger les fautes d’un livre d’histoire.
Necker, j’ai trouvé que c’était un casse-tête » ; et dont Voltaire écrivait dans le même temps : « Vous qui parlez, avez-vous lu le livre de Necker, et si vous l’avez lu, l’avez-vous entendu tout courant ? » Le même Voltaire écrivant à l’abbé Morellet et voulant, il est vrai, le flatter comme ami de Turgot et comme adversaire de Necker, relevait dans l’ouvrage une suite de phrases étranges : Je ne vous dirai point, d’après un beau livre nouveau, que les calculs de la nature sont plus grands que les nôtres ; que nous la calomnions légèrement ; … qu’un œil vigilant, capable de suivre la variété des circonstances, peut fonder sur une harmonie le plus grand bien de l’État ; qu’il faut suivre la vérité par un intérêt énergique, en se conformant à sa route onduleuse, parce que l’architecture sociale se refuse à l’unité des moyens, et que la simplicité d’une conception est précieuse à la paresse, etc. […] Il écrivit d’abord sur l’administration et sur la politique ; mais bientôt, cherchant dans ses instincts méditatifs une diversion plus haute et plus vaste aux ennuis de l’inaction, il fit son livre De l’importance des idées religieuses et combattit les fausses doctrines répandues autour de lui.
… Édouard Drumont est l’auteur d’un livre d’archéologie et d’histoire, couronné dernièrement par l’Académie. Au fond, ce n’est pas là grand chose pour moi, qui méprise les opinions collectives et toutes les espèces de rassemblements, — ceux des Instituts comme ceux de la rue, — mais, je suis forcé de le dire : le mérite du livre existe, quoique reconnu et même couronné… En publiant les Lettres et Dépêches de l’ambassade d’Espagne 54, Drumont est un des premiers à bénéficier de la levée de ces scellés incompréhensibles mis, pendant si longtemps, sur les papiers du duc de Saint-Simon par d’imbécilles gouvernements. […] Écoutez sa voix majestueuse et toute-puissante qui retentit et fait tout taire, dès les premières lignes de ce Mémoire, qui se trouve involontairement un livre sublime : « De tout temps — dit-il — il y a eu des bâtards, parce que de tout temps la nature humaine est corrompue.
J’ai un vague souvenir de l’avoir lue dans un de ses livres, mais donnée comme citation, sans doute. […] Certes, Virginie est une grande intelligence ; mais peu d’images et peu de souvenirs lui suffisent, comme au Sage peu de livres. […] Comparant, ainsi que nous en avons le droit, l’humanité à l’homme, nous voyons que les nations primitives, ainsi que Virginie, ne conçoivent pas la caricature et n’ont pas de comédies (les livres sacrés, à quelques nations qu’ils appartiennent, ne rient jamais), et que, s’avançant peu à peu vers les pics nébuleux de l’intelligence, ou se penchant sur les fournaises ténébreuses de la métaphysique, les nations se mettent à rire diaboliquement du rire de Melmoth ; et, enfin, que si dans ces mêmes nations ultra-civilisées, une intelligence, poussée par une ambition supérieure, veut franchir les limites de l’orgueil mondain et s’élancer hardiment vers la poésie pure, dans cette poésie, limpide et profonde comme la nature, le rire fera défaut comme dans l’âme du Sage.
Dans un ouvrage composé il y a quelques années, j’avais rassemblé les diverses remarques que j’avais été à même de faire sur le grand écrivain, sur son talent prodigieux et son caractère singulier : lorsque ce livre parut, il choqua quelques admirateurs de M. de Chateaubriand, comme si j’avais voulu nuire à cette admiration dans la partie où elle mérite de persister et de survivre. […] Il est certain qu’il aime mieux les erreurs que les vérités dont son livre est rempli, parce que ses erreurs sont plus siennes ; il en est plus l’auteur.