En art, il a le goût riche et fin, libre à la fois et compliqué, antique tout ensemble et moderne, tout à fait particulier et original. […] Considérant de près le désordre des partis et ce qui s’y développe si vite d’abject et de misérable, il rougit de voir des chefs qui ont quelque renom s’abaisser et s’avilir par de lâches complaisances : car, en ces circonstances, nous le savons comme lui, « c’est au commandant de suivre, courtiser et plier, à lui seul d’obéir ; tout le reste est libre et dissolu. » — « Il me plaît, dit ironiquement Montaigne, de voir combien il y a de lâcheté et de pusillanimité en l’ambition ; par combien d’abjection et de servitude il lui faut arriver à son but. » Méprisant l’ambition comme il le fait, il n’est pas fâché de la voir se démasquer ainsi dans ces pratiques et se dégrader à ses yeux. […] Il ne pouvait naître et fleurir que dans cette pleine liberté du xvie siècle, chez un esprit franc et ingénieux, gaillard et fin, brave et délicat, unique de trempe, qui parut libre et quelque peu licencieux, même en ce temps-là, et qui s’inspirait lui-même et s’enhardissait, sans s’y enivrer, à l’esprit pur et direct des sources antiques. […] Montaigne, ainsi que ferait Horace, leur conseille, tout en s’attendant de longue main à tout, de ne pas tant se préoccuper à l’avance, de profiter jusqu’au bout, dans un esprit libre et sain, des bons moments et des intervalles lucides ; il fait là-dessus de piquantes et justes comparaisons coup sur coup, et termine par celle-ci, qui me paraît la plus jolie, et qui d’ailleurs est tout à fait de circonstance et de saison : c’est folie et fièvre, dit-il, de « prendre votre robe fourrée dès la Saint-Jean, parce que vous en aurez besoin à Noël ».
Il en est résulté que de Brosses, l’ami de Buffon, n’est resté grand homme que dans sa province ; et, pour l’apprécier aujourd’hui en quelques-unes de ses qualités rares, c’est à ses Lettres écrites d’Italie qu’il faut s’adresser, lettres de jeunesse, écrites pour l’intimité et entre camarades, avec toute la liberté bourguignonne et le sel du pays natal, mais remplies aussi d’observations excellentese, de libres et fins jugements sur les arts, sur les mœurs et sur les hommes. […] Amateur déclaré de la science et de son accroissement, zélateur de la gloire de sa patrie et du bien de l’humanité, il procédait, dans ses plans généreux, de la libre impulsion de Bacon, et nullement de l’Encyclopédie ; il était patriote comme on l’eût été encore du temps de Colbert. […] J’ai vécu près d’un an à Rome ; je n’ai pas trouvé de séjour plus doux, plus libre, de gouvernement plus modéré. » Telle était la Rome des Médicis, même celle des Barberini, celle des Corsini et des Lambertini, la bonne ville pontificale d’avant les révolutions. […] La dispersion d’études chez le président de Brosses n’était donc pas celle d’un érudit ordinaire qui ne gouverne pas ses idées et que la poursuite même égare, mais plutôt le signe d’activité d’un amateur ardent et libre, qui travaillait selon l’occasion et la veine, pour son plaisir et non pour la gloire.
J’apprécie comme je le dois l’honneur que m’ont fait des membres du gouvernement en pensant que ces sortes d’entretiens libres et familiers ne seraient pas déplacés dans Le Moniteur ; sans rien changer à la forme des articles et sans en altérer l’esprit, je tâcherai de les rendre dignes du lieu où j’écris, et de les coordonner peut-être par quelques points avec le régime qui nous rouvre la carrière. […] Il fit ses études au collège des Oratoriens à Marseille ; et, s’il fallait choisir un élève qui exprimât dans son beau cette forme d’éducation qu’on recevait à l’Oratoire, libre, fleurie, variée, assez philosophique et moralement décente, on ne pourrait citer un meilleur exemple que celui de Barthélemy. […] Sans ambition, sans passion violente, entremêlant une libre étude, souvent opiniâtre, à des distractions de société, à des lectures en commun, à de petits concerts, négligé et oublié de son évêque, il vivait ordinairement à Aubagne au sein de sa famille et faisait de temps en temps à Marseille ou à Aix des voyages qui entretenaient ses relations avec les savants du pays. […] Les détails où il faut entrer sans cesse, et qui recommencent chaque jour, ne le lassent point ; loin d’être jamais un ennui, ils lui paraissent une source de plaisirs : Consacrons à l’amitié, dit-il, les moments dont les autres devoirs nous permettent de disposer ; moments délicieux qui arrivent si lentement et qui s’écoulent si vite, où tout ce qu’on dit est sincère, et tout ce qu’on promet est durable ; moments où les cœurs à découvert et libres de contrainte savent donner tant d’importance aux plus petites choses, et se confient sans peine des secrets qui resserrent leurs liens ; moments enfin où le silence même prouve que les âmes peuvent être heureuses par la seule présence l’une de l’autre ; car ce silence n’opère ni le dégoût ni l’ennui.
Elle n’y prenait pas une place à part ; elle n’avait pas su attacher aux traditions religieuses et aux fêtes nationales quelques empreintes immortelles d’imagination et d’art, ; elle n’était pas entrée dans la vie des Romains, moins poétique et moins libre que celle des Grecs : et, si elle s’était mêlée parfois à ces œuvres artificielles du théâtre que Rome victorieuse chercha comme une distraction, elle n’avait eu, sous cette forme, qu’un rôle secondaire, dont le cadre même devenait difficile et rare sous le pouvoir absolu d’Auguste. […] Car nous, durant les maux de la patrie, nous ne pouvons achever notre œuvre avec un esprit assez libre ; et l’illustre descendant de Memmius ne pourrait non plus, pour être attentif à pareille chose, manquer au salut public. » Mais ce magnifique essor du poëte, à l’ouverture de ses chants, est à la fois son premier salut et son adieu à l’enthousiasme lyrique. […] Ce que Suétone appelle d’immortels stigmates infligés par ce poëte à César, nous paraît surtout bassement obscène ; et il semble que la probité fière et libre du jeune patricien, revenu de Bithynie sans emploi et sans trésor, aurait dû lancer sur la corruption et les vices dont s’entourait César d’autres traits plus pénétrants et plus durables. […] Le mètre en est court et rapide, l’expression plus libre que passionnée, la mythologie moins inventive que celle de Sapho.
On ne peut plus supporter les spectateurs sur la scène604: et cette scène rendue libre appelle l’action, le décor, la figuration. […] Il a permis avec une douce indulgence la libre poursuite du plaisir sensuel, sous la seule condition de respecter les convenances sociales, du reste singulièrement élargies ; et voici que de la sensation physique toute pure, dans laquelle il avait simplifié l’amour, est sortie la satiété ; la vanité même, par où on en relevait la saveur, n’a pas suffi à dissiper l’impression de langueur accablante, d’écœurante monotonie, que dépose à la longue dans les cœurs le libertinage du siècle. […] Le monde ne peut subsister sans les convenances ; les convenances interdisent la libre expansion de l’individualité ; l’émotion intense, l’émotion sincère est de mauvais ton.
Maurice Barrès nous enchanta si fort, si profondément, il y a huit ou dix ans déjà, que je craignais une lassitude pareille à rouvrir Sous l’œil des barbares et l’Homme libre. […] Toutefois, sans gratitude, nous aimons toujours l’Homme libre et le Jardin de Bérénice. […] Au temps de L’Homme libre, il ne s’embarrassait guère de préface.
Les économistes pensaient que les institutions politiques des peuples ont sans doute une grande importance, qu’il n’est pas indifférent à un peuple d’être libre ou gouverné par un pouvoir arbitraire. […] Mais tandis que les sectes et les écoles se partageaient comme je viens de le dire, quelques esprits élevés et indépendants cherchaient la vérité à leurs risques et périls, dans des voies libres et particulières, auxiliaires plutôt que soldats des différentes opinions que nous venons de résumer. […] C’est de l’un des plus intéressants entre ces esprits libres, personnels, originaux, que nous allons, dans les pages qui suivent, exposer les principes et les idées.
Mais il est plus libre et plus hardi quand il accuse les amis de ceux qu’il n’ose pas… accuser. […] Theiner compte au nombre de ces intrigants ces pieuses filles des monastères d’Espagne, ces intrigantes du pied de la croix, auxquelles il reproche leurs prières, leurs ardeurs de zèle et de charité, et jusqu’à leurs prophéties sur les malheurs dont l’Église était menacée, on reste convaincu que la main qui signa le bref d’abolition était libre de toute amitié maladroite, et ne s’appesantit que sous celle des gouvernements qui la tinrent et qui la serrèrent. […] Seulement, plus libre avec un simple chrétien comme nous, nous dirons franchement à Crétineau-Joly qu’il devait se rappeler un peu plus qu’il avait affaire à un prêtre, et que, de laïque à religieux, dans une question qui intéresse la papauté et l’histoire, il n’y a point de Beaumarchais.
Malgré les orages de la liberté, les grands intérêts, et le plaisir de gouverner par la parole un peuple libre, il n’y eut pas un orateur qu’on pût citer avant Caton ; lui-même était encore hérissé et barbare. […] Cependant la langue d’un peuple guerrier tendait à la fierté et à la précision ; d’un peuple qui commandait aux rois, à une certaine magnificence ; d’un peuple qui discutait les intérêts du monde, à une certaine gravité ; d’un peuple libre et dont toutes les passions étaient énergiques et fortes, à l’énergie et à la vigueur : et lorsque cette langue fut enrichie de toutes les dépouilles des Grecs, lorsque les conquérants eurent trouvé dans les pays conquis des leçons, des maîtres et des modèles, et que les richesses du monde en introduisant à Rome la politesse et le luxe, y eurent fait germer le goût, alors l’éloquence s’éleva à la plus grande hauteur, et Rome put opposer Cicéron à Démosthène, comme César à Périclès, et Hortensius à Eschine. […] Il est triste que celui qui, dans Rome libre, avait été surnommé le père de la patrie, ait été forcé, dix-sept ans après, à louer l’oppresseur de la patrie.
. — La seconde propriété fut humaine, et dans le sens le plus exact ; elle consista pour l’homme dans la possession de ce qu’on ne peut lui ôter sans l’anéantir, dans le libre usage de sa volonté. […] Les hommes commencèrent, dès ce moment, à exercer leur liberté en réprimant les impulsions passionnées du corps, de manière à les étouffer ou à les mieux diriger, effort qui caractérise les agents libres. Le premier acte libre des hommes fut d’abandonner la vie vagabonde qu’ils menaient dans la vaste forêt qui couvrait la terre, et de s’accoutumer à une vie sédentaire, si opposée à leurs habitudes. — Le troisième genre de propriété fut celle de droit naturel.
Nous avons eu, comme l’Angleterre, une Révolution soulevée par les classes moyennes et inférieures de la société contre le haut clergé, la haute aristocratie et la royauté, un roi mort sur l’échafaud, des excès et des folies après des commencements justes et glorieux, une dictature militaire, une Restauration monarchique, une race incorrigible et antipathique à la nation, enfin une délivrance heureuse qui assure nos droits et nous rouvre un libre avenir. […] Or, en France, rien de tout cela : le passé ne pèse plus par aucun point sur le présent ; notre avenir est libre et dépend de nous.
Retté s’affirme poète et poète libre, ne se réclamant que de la loi essentielle et unique : le Rythme. […] Car ce qu’il ne dit pas, ce que nous devinons, ce sont les inflexibles règles de vie consciencieuse que ce libre esprit a su se découvrir, qui l’ont pacifié, qui l’ont amplifié, et l’ont naturellement amené jusqu’au cœur de la race.
Sa vie d’ailleurs, comme sa libre philosophie, ne l’a pas jeté dès la jeunesse sur les mêmes traces que le jeune et ardent lévite de Nazianze. […] C’est donc, pour ainsi dire, une variante de la poésie chrétienne à sa naissance, un mysticisme plus abstrait et plus libre sans vouloir être moins orthodoxe. […] Écarte de mon corps les maladies210 ; et puisses-tu écarter de ma vie l’assaut irrégulier des passions et les soucis qui rongent la pensée, afin que les ailes de mon âme ne retombent pas sous la malédiction de la terre, mais qu’élevant leur libre vol, je mène la danse sacrée, parmi les ineffables mystères de ton Fils ! […] Il garde une opinion à part, et longtemps laissée libre, sur l’époque de la création des âmes ; il partage le dissentiment d’Origène quant à l’éternité des peines. […] et accueille la mélodie des pieux concerts. » Voilà bien l’accent lyrique, sinon avec le torrent d’harmonie, le labyrinthe de souvenirs et d’images où nous entraîne Pindare, du moins avec la marche libre et mesurée de ces autres génies grecs imités par Horace, et dont il reste çà et là des tons brisés et des vers épars.
Donc l’homme n’est pas libre. […] Quand l’homme croit pouvoir quelque chose, il nie le tout-puissant ; dès qu’il se croit libre, demi-libre, un peu libre, tout comme il voudra, il nie Dieu. […] Il n’a pas de mérite parce qu’il n’est pas libre. […] L’homme n’est pas libre parce qu’il est prédestiné, il n’est pas méritant parce qu’il n’est pas libre ; il n’a pas besoin d’être libre puisqu’il n’a aucun mérite à avoir, il faut qu’il soit prédestiné puisqu’il n’est pas libre ; et il est prédestiné, esclave et imméritant parce qu’il n’y a que Dieu. […] Adam était libre, les hommes ne le sont pas.
Cette liberté au fond n’est donc qu’un vain mot ; le sauvage seul peut dire : « Je suis libre », mais à condition d’être sauvage et d’être seul, c’est-à-dire esclave de sa misère et des éléments. […] Rousseau attribue à ce mot, faisons-en beaucoup de ce qu’il y a de participation volontaire du peuple au commandement social ; moins il y a de cette révolte individuelle dans l’individu soi-disant libre, plus il est libre en effet, car il ne veut alors que ce qu’il doit vouloir, et il n’obéit qu’à ce qu’il veut dans l’intérêt de tous, qui est en réalité son premier intérêt. […] L’instinct dit à ce groupe humain à peine formé : « Réunis-toi à d’autres groupes pareils pour te protéger contre les éléments comme corps, contre les agressions et les injustices des hommes iniques et forts, comme être moral et libre. » De là l’association fondée alors sur la réciprocité des services : tu me sers, je te sers ; tu me défends, je te défends ; tes ennemis sont mes ennemis ; tes amis sont mes amis. […] Ce livre, par un homme de pensée libre, d’instruction variée, de goût sûr, de recherches patientes, M.
Il n’y eut de satisfaits que les esprits restés libres dans la querelle religieuse, et les princes qui trouvaient leur compte à ce que la satire de Rabelais affaiblit les catholiques sans fortifier les protestants, C’est pour ces esprits libres et avec l’agrément tacite des princes, que Gargantua fait bâtir l’abbaye de Thélème, dont la devise est : Fais ce que voudras. […] Il n’y eut de trompés que ceux qui avaient disposé de lui en espérance, et qui s’étaient imaginé que l’esprit le plus libre qui fût au monde s’enrôlerait sous le drapeau d’un parti. […] Le grec était la langue défendue : c’était une grâce de plus pour un esprit curieux et libre. […] Les partisans de son mépris des choses fortuites, c’est-à-dire de ce qui lui est commun avec le vieil esprit français, forment une suite de libres penseurs qui commence à Montaigne, et qu’a continuée de notre temps Paul-Louis Courier.
C’est donc avec les réserves les plus prudentes que j’esquisse quelques étapes : l’homme primitif, loin d’être libre, était totalement asservi aux lois les plus dures de la nature physique, au droit du plus fort ; par l’invention des armes et des outils, première application de son intelligence, il commence son émancipation ; par la religion, il essaie de vaincre les instincts de la bête ; puis il conquiert peu à peu, sous des formes très diverses et toujours relatives, la liberté de la personne, de la conscience, les droits politiques, l’indépendance économique… C’est-à-dire : tandis que les groupes vont grandissant peu à peu dans l’espace, les principes s’en vont à une conception toujours plus vaste de la liberté. Entre ces deux ordres de faits il y a un rapport mathématique : la parcelle est plus libre à mesure que grandit le groupe dont elle dépend. […] Mais la liberté n’est pas l’anarchie ; l’anarchie est une servitude de l’égoïsme ; être libre, c’est être délivré du mal ; la liberté est dans la discipline. […] « Vivre, sur un sol libre, avec des hommes libres », c’est le rêve de Faust.
C’est dans cette ferme et saine disposition de jugement qu’était Mallet, lorsque, la presse devenant libre, et l’Assemblée constituante aspirant à la souveraineté, il dut rendre compte de ses séances dans la partie politique du Mercure, dont il était rédacteur depuis cinq ans. […] Vingt fois, en sortant, pour aller les décrire, de ces séances qui se prolongeaient si avant dans la nuit, et perdant dans les ténèbres et dans le silence des rues de Versailles ou de Paris les agitations que j’avais partagées, je me suis avoué que si quelque chose pouvait arrêter et faire rétrograder la Révolution, c’était un tableau de ces séances retracé sans précaution et sans ménagement, par une âme et par une plume connues pour être libres. […] Quoique étranger et républicain, j’ai acquis, au prix de quatre ans écoulés sans que je fusse assuré en me couchant de me réveiller libre ou vivant le lendemain, au prix de trois décrets de prise de corps, de cent et quinze dénonciations, de deux scellés, de quatre assauts civiques dans ma maison, et de la confiscation de toutes mes propriétés en France, j’ai acquis, dis-je, les droits d’un royaliste ; et comme, à ce titre, il ne me reste plus à gagner que la guillotine, je pense que personne ne sera tenté de me le disputer. […] Mallet voudrait donc qu’en redoublant d’habileté et d’activité militaire, et en laissant les vieilles lenteurs stratégiques qui ont été si funestes, on proclamât en même temps, par une manifestation publique éclatante, qu’on ne va pas faire la guerre indistinctement à tout ce qui a trempé dans la Révolution ; il voudrait qu’on ne la déclarât, et à titre de guerre sociale, qu’à la Convention et au jacobinisme, qu’on ne proposât à la France que le rétablissement de la royauté, en laissant à toutes les nuances de royalistes, et même aux plus constitutionnels d’entre eux, le libre accès du retour ; en un mot, qu’on fît tout pour déraciner des esprits cette idée que c’est la cause des rois absolus qu’on maintient et qu’on veut faire prévaloir.
Ces suicides des Caton, des Brutus, lui inspirent des réflexions où il entre peut-être quelque idolâtrie classique et quelque prestige : « Il est certain, s’écrie-t-il, que les hommes sont devenus moins libres, moins courageux, moins portés aux grandes entreprises qu’ils n’étaient lorsque, par cette puissance qu’on prenait sur soi-même, on pouvait, à tous les instants, échapper à toute autre puissance. » Il le redira jusque dans L’Esprit des lois, à propos de ce qu’on appelait vertu chez les anciens : « Lorsqu’elle y était dans sa force, on y faisait des choses que nous ne voyons plus aujourd’hui, et qui étonnent nos petites âmes. » Montesquieu a deviné bien des choses antiques ou modernes, et de celles même qu’il avait le moins vues de son temps, soit pour les gouvernements libres, soit pour les guerres civiles, soit pour les gouvernements d’empire ; on ferait un extrait piquant de ces sortes de prédictions ou d’allusions prises de ses œuvres. […] Dans l’habitude et dans l’ordre des gouvernements libres et modérés, on continuerait d’y trouver des inspirations générales et des textes mémorables. […] Son maintien modeste et libre, a dit de Montesquieu un contemporain18, ressemblait à sa conversation.
L’orgueil, dit-on, est la cause de toutes les mauvaises doctrines : c’est pour se distinguer des autres hommes que l’on se fait incrédule et libre penseur ; on est bien aise d’avoir montré ainsi qu’on a secoué le joug. […] Les philosophes de bon sens sont les magistrats d’un État libre qui font le bien sans éclat, mais sans tempêtes, et qui, respectant tous les intérêts et tous les droits, sont par là même obligés de s’abstenir de grandes aventures. […] Kant lui-même, malgré son affreux pédantisme, est encore un penseur assez large et assez libre, et il est très-abondant en vues particulières, plus ou moins liées avec le tout. […] Il vous force à penser librement, comme certains démocrates qui veulent vous contraindre à être libre : c’est un fanatique de système, aussi bien que Spinoza ou Condillac.
Mais être impartial n’est pas être impassible ; et quoique libre de toute prédilection exclusive, ou plutôt parce qu’il en est libre, M.
A une époque comme celle-ci, où la marche est libre, dégagée, où il ne s’agit point de renverser le mauvais, mais seulement de ne plus le reconstruire, où les passions ardentes et aveugles ont cédé à une raison calme, patiente et vigoureuse, il faut se garder des fausses analogies ; et, puisqu’on a tout loisir d’étudier le passé, de le comparer avec le présent et d’en tirer des leçons, puisque l’expérience est invoquée à chaque instant, il importe de ne point s’abuser sur ces réponses de l’histoire, et que le passé, au lieu de nous éclairer, ne nous embrouille pas. […] Le malheur est que cette fausse vue, cette erreur d’observation et de jugement, combinée chez beaucoup d’hommes publics avec les intérêts et l’amour-propre, peut avoir pour conséquences pratiques d’entraver le libre et prompt développement des principes émis en lumière en juillet.
Dans les comédies anglaises, on trouve rarement des caractères vraiment anglais : la dignité d’un peuple libre s’oppose peut-être chez les Anglais, comme chez les Romains, à ce qu’ils laissent représenter leurs propres mœurs sur le théâtre. […] La nation étant plus une, l’écrivain prend l’habitude de s’adresser dans ses ouvrages au jugement et aux sentiments de toutes les classes ; enfin les pays libres sont et doivent être sérieux.
Elle est la grâce des intelligences vraiment libres. […] Car enfin nous avons vu retourner contre l’Église une petite partie du moins des procédés dont elle usa contre ses ennemis au temps où elle était toute-puissante ; et il s’est rencontré, par-ci par-là, des bedeaux et des capucins de la libre pensée.