Murmurez-vous, lecteur, les mots de « vanité littéraire » ? […] Si ces trois moralistes ont peu de lecteurs, Bossuet, très grand nom, en a moins encore. […] Ohnet n’a pas réduit d’une unité le nombre de ses lectrices ni le chiffre de ses tirages. […] Elle avait appris de Boileau lui-même qu’il ne faut jamais présenter au lecteur que « des pensées vraies et des expressions justes ». […] Vous n’avez, cher lecteur, qu’à me continuer votre attention patiente.
La crédulité complaisante du lecteur ne sait auquel entendre. […] L’épanouissement des premières feuilles, la pousse des branches, rien ne manque à la curiosité du lecteur. […] Ici la déclamation était à craindre ; mais heureusement l’émotion a sauvé le poète et le lecteur. […] Comme le seul mouvement possible dans ce paysage est le mouvement des saisons, il est malaisé d’intéresser le lecteur. […] L’impression éprouvée, sincère et profonde, se grave lentement dans la pensée du lecteur.
Ernest Feydeau ; c’est un livre qui est de nature à faire beaucoup causer et discuter, à irriter, à passionner bien des lecteurs et des lectrices : ce livre a tout d’abord une qualité que n’ont pas tant d’autres ouvrages qu’on estime et qu’on loue, que l’on commence et qu’on n’achève pas, ou qu’on n’achève qu’avec froideur ; il palpite et il vit. […] De plus sérieux contradicteurs, et plus désintéressés, soutiennent qu’il est pénible, à travers ce déploiement continu de force et de talent, d’être constamment obligé (soi, lecteur) d’avoir en perspective ce qui est l’idée fixe de ce malheureux et maniaque Roger, c’est-à-dire l’image toute matérielle d’un partage physique ; que c’est une fin peu digne d’un art aussi vivant et aussi expressif, que c’est un but peu en proportion avec une monodie aussi déchirante.
Le lecteur, ce semble, peut faire sans beaucoup d’effort le reste du chemin, pour peu qu’il en ait envie. […] Plus d’un lecteur, à ces endroits, n’a pas vu qu’il y a chez elle un sourire. […] Des lecteurs du Journal des Débats dans lequel écrit M.
Il est cependant vrai que la critique en est venue à un point de faiblesse incroyable, et il y a des causes naturelles, que ces pages tenteront d’exposer familièrement au lecteur. […] L’inconscience souriante avec laquelle on voit des gens inconnus et improductifs accepter du jour au lendemain la critique des livres des autres est une des plus curieuses aberrations du cerveau humain, et il est très heureux que l’abus même de cette aberration lui ôte toute importance, sans quoi la communication des auteurs avec les lecteurs serait totalement aux mains d’une centaine de personnes. […] En attendant, les feuilles politiques à tirage faible continuent à publier des petits comptes rendus qui, d’ailleurs, ne déterminent aucun de leurs lecteurs à un achat quelconque, et qui sont griffonnés par n’importe qui.
Dans la fable des animaux, dans celle de l’alouette et de ses petits, dans celle du rat retiré du monde, ce n’est pas une ombre douteuse et confuse que le lecteur entrevoit, c’est la chose même. […] Il en a une bonne raison : c’est qu’il fallait inculquer au lecteur cette propriété des chèvres qui fait le fondement de sa fable. […] La Fontaine a déjà établi plusieurs fois qu’on revient toujours à son caractère ; mais de toutes les fables où il a cherché à établir cette vérité, celle-ci est sans contredit la meilleure : aussi y avons-nous souvent renvoyé le lecteur.
Je n’ai pas besoin de répéter ce que j’ai dit dans la première partie du chapitre précédent, pour peu que mes lecteurs se soient approprié mes idées. […] Mais je n’ai rien fait si je ne suis point parvenu à donner à mes lecteurs le sentiment de toutes ces choses. […] En un mot, il ne faut pas que le poète participe à une croyance qui n’est point la sienne, et qui ne peut pas être celle de ses lecteurs.
Les définitions ne sont guère que de puérils jeux d’esprit qui exercent l’écrivain aux dépens de son lecteur. […] Arrivé là, le lecteur se déroule et attend. […] Nos lecteurs jugeront. […] Le poète aura souvent l’air de vouloir convertir ou mystifier son lecteur. […] Il y a du bonheur dans son laisser-aller ; il y a un calme ineffable qui passe de l’âme du poète dans celle du lecteur.
Et vous, confrère et médecin, qui trouvez d’ailleurs, dites-vous, mes éloges du docteur Paulin justes et mérités, vous venez, après neuf ans, relever, par une diatribe bruyante, qui vise au grotesque et qui prend en s’affichant des airs de mascarade, quelques négligences et des rapidités inévitables de diction : vous venez en faire une sorte d’éclat et comme de découverte dans un journal quotidien, de telle sorte qu’il ne tenait qu’aux lecteurs de l’Événement, ce jour-là, de croire que je m’étais rendu coupable d’un méfait littéraire assez récent, d’une harangue tout à fait ridicule. […] le souvenir de tes vertus pratiques, de ta prodigue bonté, de ta délicatesse de sentiments, vivra à jamais chez tous ceux qui t’ont connu et ne mourra qu’avec eux. » Les lecteurs peuvent en juger maintenant.
Avant d’exposer à nos lecteurs un catalogue et une appréciation des principaux de ces ouvrages, constatons un fait assez curieux qui pourra leur fournir matière à de tristes réflexions. […] — Nous rapportons des faits ; lecteur, à vous les réflexions.
Vous imprimez à la suite de Paméla le catalogue des vertus dont elle donne l’exemple ; le lecteur bâille, oublie son plaisir, cesse de croire, et se demande si la céleste héroïne n’était pas un mannequin ecclésiastique arrangé pour lui débiter une leçon. […] Voilà le domaine de Fielding ; son art et son plaisir, comme celui de Molière, consistent à lever un coin du manteau ; ses personnages paradent d’un air raisonnable, et tout d’un coup, par une ouverture, le lecteur aperçoit le fourmillement intérieur des vanités, des folies, des concupiscences et des rancunes secrètes qui les font marcher. […] Vous persuadez à Tom Jones faussement, mais pour un instant, que mistress Williams, dont il a fait sa maîtresse, est sa mère, et vous laissez longtemps le lecteur enfoncé dans l’infamie de cette supposition. […] Son livre est comme un grand magasin de bric-à-brac où les curiosités de tout siècle, de toute espèce et de tout pays gisent entassées pêle-mêle : textes d’excommunication, consultations médicales, passages d’auteurs inconnus ou imaginaires, bribes d’érudition scolastique, enfilades d’histoires saugrenues, dissertations, apostrophes au lecteur. […] Le lecteur voit d’ici les sarcasmes des adversaires.
Vous auriez moins à craindre pour vos jeunes lectrices. […] Sa passion mixte pour la Pucelle, n’intéresse ni n’occupe le lecteur. […] Pourquoi s’offrir sans cesse aux yeux de ses lecteurs sous la livrée de l’indigence ? […] C’est pour le lecteur un moment de repos & un ornement de plus pour l’ouvrage. […] Le Poëte n’ose plus se le permettre ; le lecteur ne le permet plus au Poëte.
L’assiette de la littérature est établie, presque autant que sur des auteurs, sur de bons et probes et patients lecteurs. […] Pour que l’article soit drôle, il faut faire croire au lecteur que M. […] Tous deux sont amusants, et le lecteur se plaira à la truculence gauloise du premier, à la finesse académique du second. […] à mes lecteurs. […] Ici, plus d’un lecteur se récrie.
Obermann n’obtiendra jamais le nombre des lecteurs de Stendhal, ni même d’Adolphe. […] Paul Bourget, ils répondent au besoin, après tout légitime, d’une assez large catégorie de lecteurs ; mais, quand ils sont réussis (ce qui n’arrive pas toujours pour des auteurs d’un moindre talent qui exploitent le genre de façon industrielle) l’exigence de ces lecteurs les oblige à y maintenir — cela est très notable dans Cherbuliez par exemple — le souci de la composition et « l’intrigue », c’est-à-dire d’un drame susceptible d’intéresser le lecteur moyen. […] C’est, en tout cas, du Disciple que date, pour les lecteurs, son évolution. […] Un inconvénient : le lecteur se méfie un peu du roman à thèse. […] Proust avait des lecteurs, des admirateurs — et nombreux — avant cette publicité posthume.
Le lecteur éprouve de la haine et du dégoût pour elle à mesure qu’elle parle. […] et puisse chaque lecteur avoir une vingtaine de telles parentes ! […] Le lecteur le plus décidé à ne pas être averti est averti. […] Je recommande au lecteur la scène domestique où il donne l’ordre d’inviter mistress Rebecca Crawley. […] Cette prévision ôte au personnage une partie de sa vérité, et au lecteur une partie de son illusion.
Entre tant d’écrivains qui, depuis Herder, Ottfried Muller et Gœthe, ont continué et rectifié incessamment ce grand effort, que le lecteur considère seulement deux historiens et deux œuvres, l’une le commentaire sur Cromwell de Carlyle, l’autre le Port-Royal de Sainte-Beuve ; il verra avec quelle justesse, quelle sûreté, quelle profondeur, on peut découvrir une âme sous ses actions et sous ses œuvres ; comment, sous le vieux général, au lieu d’un ambitieux vulgairement hypocrite, on retrouve un homme travaillé par les rêveries troubles d’une imagination mélancolique, mais positif d’instinct et de facultés, anglais jusqu’au fond, étrange et incompréhensible pour quiconque n’a pas étudié le climat et la race ; comment avec une centaine de lettres éparses et une vingtaine de discours mutilés, on peut le suivre depuis sa ferme et ses attelages jusqu’à sa tente de général et à son trône de protecteur, dans sa transformation et dans son développement, dans les inquiétudes de sa conscience et dans ses résolutions d’homme d’État, tellement que le mécanisme de sa pensée et de ses actions devient visible, et que la tragédie intime, perpétuellement renouvelée et changeante, qui a labouré cette grande âme ténébreuse, passe, comme celles de Shakspeare, dans l’âme des assistants. […] Que le lecteur considère quelques-unes de ces grandes créations de l’esprit dans l’Inde, en Scandinavie, en Perse, à Rome, en Grèce, et il verra que partout l’art est une sorte de philosophie devenue sensible, la religion une sorte de poëme tenu pour vrai, la philosophie une sorte d’art et de religion, desséchée et réduite aux idées pures. […] Un seul homme, Stendhal, par une tournure d’esprit et d’éducation singulière, l’a entrepris, et encore aujourd’hui la plupart des lecteurs trouvent ses livres paradoxaux et obscurs ; son talent et ses idées étaient prématurés ; on n’a pas compris ses admirables divinations, ses mots profonds jetés en passant, la justesse étonnante de ses notations et de sa logique ; on n’a pas vu que sous des apparences de causeur et d’homme du monde, il expliquait les plus compliqués des mécanismes internes, qu’il mettait le doigt sur les grands ressorts, qu’il importait dans l’histoire du cœur les procédés scientifiques, l’art de chiffrer, de décomposer et de déduire, que le premier il marquait les causes fondamentales, j’entends les nationalités, les climats et les tempéraments ; bref, qu’il traitait des sentiments comme on doit en traiter, c’est-à-dire en naturaliste et en physicien, en faisant des classifications et en pesant des forces. À cause de tout cela, on l’a jugé sec et excentrique, et il est demeuré isolé, écrivant des romans, des voyages, des notes, pour lesquels il souhaitait et obtenait vingt lecteurs. […] C’est dans ses écrits, chez Sainte-Beuve, chez les critiques allemands que le lecteur verra tout le parti qu’on peut tirer d’un document littéraire ; quand ce document est riche et qu’on sait l’interpréter, on y trouve la psychologie d’une âme, souvent celle d’un siècle, et parfois celle d’une race.
Madame de Charrière, dans les Lettres de mistriss Henley, a su exprimer cette même mésintelligence intime par des contrastes qui sont encore des nuances, et qui n’ont rien de désagréable au lecteur. […] L’ouverture du roman a vraiment de la beauté : la douceur du paysage qu’admirent les deux enfants, la ferme de Saint-Andéol, le repas de famille et l’autorité patriarcale du père de Cavalier, l’arrivée des dragons et des miquelets sous ce toit béni, les horreurs qui suivent, la mère traînée sur la claie, tout cela s’enchaîne naturellement et conduit le lecteur à l’excès d’émotion par des sentiments bien placés et par un pathétique légitime. […] J’imagine qu’il voulait voir par une sorte de gageure jusqu’où, cette fois, il pourrait conduire du premier pas ses belles lectrices, et si les grandes dames ne reculeraient pas devant le tapis franc. — Il y a quelqu’un de très-connu qui a dit : « Quand je vois un tas de boue, j’y vas, et je crois que tout le monde est comme moi. » C’est là un bien vilain mot et une bien diabolique pensée ; je ne serais pourtant pas étonné du tout (et j’en pourrais donner au besoin plus d’une raison) que l’auteur, osant tout ce qu’il savait, se fût dit ce mot-là pour article premier de sa poétique, lorsqu’il transporta d’abord ses lecteurs dans la rue aux Fèves.
En effet, d’un bout à l’autre de sa philosophie, pour toute préparation il ne demande à ses lecteurs que « le bon sens naturel », joint à cette provision d’expérience courante que donne la pratique du monde. — Comme ils sont l’auditoire, ils sont les juges. « C’est le goût de la cour qu’il faut étudier, dit Molière350, il n’y a point de lieu où les décisions soient si justes… Du simple bon sens naturel et du commerce de tout le beau monde, on s’y fait une manière d’esprit qui, sans comparaison, juge plus finement les choses que tout le savoir enrouillé des pédants. » — À partir de ce moment, on peut dire que l’arbitre de la vérité et du goût n’est plus, comme auparavant, l’érudit, Scaliger par exemple, mais l’homme du monde, un La Rochefoucauld, un Tréville351. […] À tout le moins, il a cet avantage incontesté, qu’en partant de quelques termes usuels il conduit aisément et promptement tout lecteur, par une série de combinaisons simples, jusqu’aux combinaisons les plus hautes365. […] Obligé de s’accommoder à ses auditeurs, c’est-à-dire à des gens du monde qui ne sont point spéciaux et qui sont difficiles, il a dû porter à la perfection l’art de se faire écouter et de se faire entendre, c’est-à-dire l’art de composer et d’écrire Avec une industrie délicate et des précautions multipliées, il conduit ses lecteurs par un escalier d’idées doux et rectiligne, de degré en degré, sans omettre une seule marche, en commençant par la plus basse et ainsi de suite jusqu’à la plus haute, de façon qu’ils puissent toujours aller d’un pas égal et suivi, avec la sécurité et l’agrément d’une promenade. […] Dans un caractère vivant, il y a deux sortes de traits : les premiers, peu nombreux, qui lui sont communs avec tous les individus de sa classe et que tout spectateur ou lecteur peut aisément démêler ; les seconds, très nombreux, qui n’appartiennent qu’à lui et qu’on ne saisit pas sans quelque effort.
Je vais, dans ce chapitre, être obligé une fois de plus à une sèche nomenclature, mais il va de soi que cette étude n’est pas destinée à tous les lecteurs de ce recueil. […] Ils sont tellement fréquents qu’ils pourront faire croire à plus d’un lecteur que le noir est surtout un imitateur et que sa littérature merveilleuse n’est qu’un pastiche pur et simple. […] Le lecteur le constatera en cours de lecture. […] Je renvoie le lecteur à cette légende, non sans avoir souligné les quelques détails ci-dessous : 1° Noms donnés aux armes et aux montures des héros.
Je n’ai pas à continuer l’analyse du roman de Marianne : c’est un de ces livres que le lecteur, pas plus que l’auteur, n’est pressé d’achever ; il s’y sent un manque de passion qui désintéresse au fond et qui refroidit. […] Crébillon, ainsi que quelques auteurs de son âge, comptait trop sur la licence de ses sujets et sur son libertinage de ton pour se faire lire ; il croyait se donner le lecteur pour complice. Le vieil officier cherche à le détromper : il lui montre la différence qu’il y a entre un homme peu scrupuleux qui, dans la réalité, dans la conversation, se laisse animer et accepte les choses les plus fortes, et ce même homme, devenu tranquille, qui les apprécie en les lisant : « Il est vrai, dit-il, que ce lecteur est homme aussi : mais c’est alors un homme en repos qui a du goût, qui est délicat, qui s’attend qu’on fera rire son esprit, qui veut pourtant bien qu’on le débauche, mais honnêtement, avec des façons et avec de la décence. » C’est un éloge à donner à Marivaux que, venu à une époque si licencieuse, et lui qui a si bien connu le côté malin et coquin du cœur, il n’a, dans l’expression de ses tableaux, jamais dépassé les bornes.
Tandis qu’un peintre comme Saint-Simon commande l’opinion du lecteur par ses tableaux et ne laisse pas toujours de liberté au jugement, un narrateur plat, mais véridique et sans projet comme Dangeau, permet à cette impression du lecteur de naître, de se fortifier et de parler quelquefois aussi énergiquement toute seule qu’elle le ferait à la suite d’un plus éloquent. […] Il y a du trop, il y a de la futilité, diront les plus curieux lecteurs.
Un homme d’esprit dont j’entretenais assez récemment nos lecteurs, l’auteur de la Littérature française à l’étranger, M. […] On n’a jamais à craindre avec lui, même dans ses écarts, de ces contradictions qui tiennent aux sources de l’âme et qui choquent dans le lecteur ami des hommes quelque chose de plus sensible encore que le goût42. […] Rousseau, si sensible aux fautes d’impression, avertissait pourtant qu’on y prît garde, quand il dit quelque part dans ce volume : « Depuis que j’ai eu le malheur de me faire imprimer, je me suis toujours vu sortir de la presse beaucoup plus sot que je ne m’y étais mis ; sottise sur sottise, et les commentaires des sots lecteurs brochant sur le tout, me voilà joli garçon. » y.
Je n’ai pas à caractériser ici le dessein général et la pensée politique qui peut inspirer cet écrivain patriote, je ne cherche que le côté historique ; et quand il n’y aurait que les Mémoires authentiques où l’Impératrice Catherine a raconté les premières années de sa jeunesse et de sa vie si contrainte et si intriguée avant d’atteindre à l’empire, qui donc parmi les lecteurs sérieux et les observateurs de la nature humaine pourrait y rester indifférent ? […] Il n’y aurait pour cela qu’à partir de quelques principes généraux et convenus, à se montrer rigide et inexorable pour tout ce qui s’écarte de nos mœurs, de notre état de société et de civilisation, à faire la leçon d’un bout à l’autre, à condamner au nom d’un symbole whig ou d’un catéchisme libéral tout ce qui s’écarte de la droite ligne, une fois tirée : on arriverait ainsi à un effet certain et à une unité de conclusion qui séduit et satisfait toujours à première vue les lecteurs superficiels et les esprits tout d’une pièce. […] Elle ne le dit peut-être pas en propres termes, mais elle force tout lecteur à le dire : — une brute bizarre et bigarrée de folie. — Dès l’enfance, il parut si mal élevé qu’on crut que son gouverneur, le grand maréchal Brummer, Suédois de naissance, dès qu’il vit que le prince n’était point destiné au trône de Suède, mais à celui de Russie, changea de méthode et s’appliqua à lui gâter le cœur et l’esprit de propos délibéré : le maréchal en était bien innocent et n’en pouvait mais ; la nature de l’élève suffisait de reste à tous ses vices.
Elle se défend d’elle-même, parce qu’elle se fait accepter de tout lecteur, parce qu’elle est facile, agréable, et qu’elle court, qu’elle entre aisément, parce qu’elle dit ce qu’elle veut dire ni plus ni moins, qu’elle vous livre tout uniment, quoique souvent avec bien de la vivacité, le fait ou la pensée, et qu’elle ne laisse chemin faisant aucun point vague ; aucun recoin obscur. […] Il n’y a que les choses humaines exposées dans leur vérité, c’est-à-dire avec leur grandeur, leur variété, leur inépuisable fécondité, qui aient le droit de retenir le lecteur et qui le retiennent en effet. Si l’écrivain paraît une fois, il ennuie ou fait sourire de pitié les lecteurs sérieux.