Peut-être aussi contribuèrent-ils en posant, si je puis ainsi dire, la religion du point d’honneur, à réintégrer quelque idée de la justice dans ce monde nouveau qui était en train de se fonder alors sur l’intérêt comme sur sa seule base. […] Mais si quelqu’un avance, comme Lessius ou comme Escobar, que nous sommes alors excusables de tuer, qui ne voit, qu’avec la question de savoir si nous nous ferons justice nous-mêmes, c’est celle de l’homicide, c’est celle du droit de punir, c’est celle du fondement de la justice des hommes qui se pose ? […] Il n’a pas manqué davantage à la justice en ne les imputant qu’aux seuls Jésuites et en n’enveloppant qu’eux, si je puis ainsi dire, dans le réquisitoire qu’il dressait contre la casuistique. […] et, comme autrefois, on craint que, dans les âmes faibles, en jetant des semences de découragement, ou de terreur de la justice divine, ils ne fassent désespérer de la vertu, du salut, et de la religion. […] Et c’était justice, puisque aussi bien cette bonne fortune n’est jamais échue qu’à de très grands écrivains.
A aucune époque (c’est une justice qu’il peut se rendre), il n’a regardé le renversement comme un but ; mais il l’a toujours accepté comme une chance. […] L’abbé Morellet, un écrivain que l’on a toujours rencontré, disait M. de Rémusat, dans la route de la vérité et de la justice 212, avait composé, en 1764, des réflexions sur les avantages de la liberté d’écrire et d’imprimer sur les matières de l’administration ; son livre ne put être imprimé que dix ans après, sous le ministère de M. […] « Qu’on cesse donc de s’étonner, écrivait M. de Rémusat en terminant, si ceux que tourmente l’amour de ce qu’ils croient la justice ont consacré publiquement, leur voix à répandre dans tous les cœurs le sentiment qui les anime.
S’il est un morceau, dans les deux pièces de début de Racine, qui révèle son génie, c’est ce couplet d’Antigone, où, malgré quelque uniformité dans le tour, et un certain manque de couleur poétique, on reconnaît, à la douceur et à la grâce des vers, ce cœur auquel toutes les passions humaines semblent avoir dit leur secret : Je m’en souviens, Hémon, et je vous fais justice ; C’est moi que vous serviez en servant Polynice : Il m’était cher alors comme il l’est aujourd’hui, Et je prenais pour moi ce qu’on faisait pour lui. […] Ainsi, l’effet moral des deux théâtres est le même : il y a pour la conscience le même profit à reconnaître la justice de l’expiation qu’à applaudir à la justice de la récompense.
À un Dieu qui tranchait sans doute sur tous les autres par sa justice en même temps que par sa puissance, mais dont la puissance s’exerçait en faveur de son peuple et dont la justice concernait avant tout ses sujets, succéda un Dieu d’amour, et qui aimait l’humanité entière. […] Nous trouvons cet élan chez les prophètes : ils eurent la passion de la justice, ils la réclamèrent au nom du Dieu d’Israël ; et le christianisme, qui prit la suite du judaïsme, dut en grande partie aux prophètes juifs d’avoir un mysticisme agissant, capable de marcher à la conquête du monde.
Ici, il y a quelque chose de plus ; ce n’est pas le désir de l’innocenter ou de le soustraire au pouvoir de la justice, c’est le besoin de réconforter son âme déchue, de le consoler comme on console un frère, comme le Christ nous a ordonné de nous consoler les uns les autres. […] Accordons un regard d’ensemble au curieux mouvement qui les a préparés ; nous retiendrons, parmi leurs compagnons de seconde ligne, des noms moins favorisés du talent ou de la fortune, sur lesquels la justice nous commandera de revenir dans la suite de ces études. […] — En Russie, l’écrivain qui veut réformer agit comme la justice, par démonstration mélancolique, avec des retours d’indulgence sur les maux qu’il dévoile. […] Je crois que Tourguénef a été égaré par sa sensibilité, en peignant les caractères des nihilistes ; il a été mieux servi par sa raison en faisant justice de leurs idées, de leurs déclamations puériles, de leurs espérances aveugles. […] Que ceux-là y renoncent qui répugnent à visiter les hospices, les salles de justice, les prisons, qui ont peur de traverser la nuit les cimetières.
Il nous instruit plus spécialement sur une question de moindre portée, mais fort débattue : celle du tort que la jalousie personnelle a pu faire à la justice littéraire dans les appréciations de Sainte-Beuve sur ces beaux génies. […] Ici, les affirmations de la religion naturelle : Providence, justice divine, décrets absolus de la conscience morale, vie future avec ses récompenses et ses châtiments, divinité de Jésus prouvée par la sublimité de la morale de l’Evangile, s’appuient sur un argument plus sentimental. […] Le fond réel et vivant de leur foi, c’est qu’il y a une puissance souveraine qui a les yeux sur l’homme, qui veille sur lui, et qui, dans le conflit universel de l’iniquité et de la justice, réserve à la justice le dernier mot. […] L’Etat est, par vocation, le protecteur, l’ami de toutes les forces, de toutes les influences morales susceptibles de fonder ou de favoriser la moralité de l’individu, l’ordre de la famille, les rapports de justice, d’équité et de bienveillance entre les citoyens. […] Notre grand et cher Gabriel Fauré est injustement négligé par le public allemand ; il n’y a, au-delà du Rhin, que certains professionnels pour rendre pleine justice à son génie.
Il est aussi un grand diocèse, messieurs, celui-là sans circonscription fixe, qui s’étend par toute la France, par tout le monde, qui a ses ramifications et ses enclaves jusque dans les diocèses de messeigneurs les prélats ; qui gagne et s’augmente sans cesse, insensiblement et peu à peu, plutôt encore que par violence et avec éclat ; qui comprend dans sa largeur et sa latitude des esprits émancipés à divers degrés, mais tous d’accord sur ce point qu’il est besoin avant tout d’être affranchi d’une autorité absolue et d’une soumission aveugle ; un diocèse immense (ou, si vous aimez mieux, une province indéterminée, illimitée) ; qui compte par milliers des déistes, des spiritualistes et disciples de la religion dite naturelle, des panthéistes, des positivistes, des réalistes, … des sceptiques et chercheurs de toute sorte, des adeptes du sens commun et des sectateurs de la science pure : ce diocèse (ce lieu que vous nommerez comme vous le voulez), il est partout, il vient de se déclarer assez manifestement au cœur de l’Autriche elle-même par des actes d’émancipation et de justice, et je conseillerais à tous ceux qui aiment les comparaisons et qui ne fuient pas la lumière, de lire le discours prononcé par le savant médecin et professeur Rokitansky dans la Chambre des seigneurs de Vienne, le 30 mars dernier, sur le sujet même qui nous occupe, la séparation de la science et de l’Église. […] M. le rapporteur a déjà fait justice des assertions peu précises sur lesquelles la pétition prétend s’appuyer.
Ce matin même, Crispo, conseiller intime et suprême du duc dans toutes les matières qui concernent la justice, me fit appeler et me répéta quelques bonnes et aimables paroles du duc, prononcées en public, la veille, et témoignant de toute son estime et de toute son affection pour moi ; paroles qui ont été confirmées par beaucoup d’autres. […] « Cette couronne, dit-il, elle est avec justice sur le front homérique de votre oncle, et il serait plus difficile de l’en arracher que d’arracher à Hercule sa massue !
Un autre conjuré s’avançant, Marie lui dit : « Si David est coupable, je suis prête à le livrer à la justice. — Voilà la justice », répliqua le conjuré en ôtant une corde de dessous son manteau.
Le temps de la justice et de l’apothéose est venu pour Cicéron, le temps de l’impartialité n’est pas venu et ne viendra pas de plusieurs siècles encore pour Voltaire. […] Elle protégea au-delà de la justice le vieux poëte tragique Crébillon, talent âpre et sauvage, prétendit l’opposer à Voltaire pour effacer Zaïre, Mérope, Mahomet sous l’ombre de Crébillon.
Quoique, dans votre préface, vous nous traitiez impitoyablement de mousses et de lierres rampants, je n’en rendrai pas moins justice à votre aimable talent, et je parlerai de votre œuvre michelangesque comme je parlais autrefois de vos Odes. […] Hugo et Voltaire se rencontrent dans l’amour de la justice et de l’humanité.
La France était lasse décidément et voulait en finir ; on s’aperçut comme soudainement alors que la raison était de son côté, « tant la justice et le droit ont de puissance sur les hommes, selon la remarque judicieuse de Villeroi, spécialement après que les maux les ont faits sages ».
Scherer lui-même avait peut-être besoin d’être signalé à la classe plus nombreuse de lecteurs auxquels je désire qu’il s’adresse dorénavant, et j’ai tenu à le faire sans retard ; c’était justice à la fois et plaisir ; j’aime assez à sonner le premier coup de cloche, comme on sait.
« On a de lui cinquante et un ouvrages, dit Voltaire ; ce sont ses Oraisons funèbres et son Discours sur l’Histoire universelle qui l’ont conduit à l’immortalité. » D’Alembert, Thomas, La Harpe, lui rendent pleine justice à cet égard, mais à cet égard seulement.
Ce jugement n’est pas tout sans doute ; l’humanité n’est qu’un interprète souvent inexact de la justice absolue.
Il vient d’épuiser la plainte, il a poussé des cris d’aigle, il a évoqué contre eux la justice éternelle ; on s’attend à une exécration, à un anathème ; écoutez : Me voici comme Job sur sa funèbre couche ; La malédiction va sortir de ma bouche, Le cri de l’opprimé va monter jusqu’à toi ; Ô terre, sois témoin !
Ce n’est que justice que cette gloire plus humble, mais non moins durable, du second.
Il faut voir encore comme en toute occasion le poëte a conscience de lui-même, comme il a foi en sa gloire, et avec quelle sécurité sincère, du milieu de la tourbe qui l’importune, il se fonde sur la justice des âges : Ceux dont le présent est l’idole Ne laissent point de souvenir ; Dans un succès vain et frivole Ils ont usé leur avenir.
Le catholicisme de M. d’Aurevilly ne contient pas une parcelle de charité — ni peut-être de justice.
Il dit que « la grande mission de la femme ici-bas étant d’enfanter, d’incarner la vie individuelle, elle prend tout par individu, rien collectivement et par masses », qu’elle sent à merveille l’amour, la sainteté, la chevalerie, et difficilement le droit ; enfin qu’elle est toujours plus haut ou plus bas que la justice.
» Et enfin : « … Sur vous qui aimez Dieu se lèvera le soleil de la justice.
Le père Thierry me conseillait l’indulgence systématique, non par habileté, mais par équité. « Vous serez tout de même complaisant pour vos amis : la justice veut donc que vous le soyez pour tous. » Il suffit, pensai-je, d’être juste même pour les compagnons.
Par là elle contredit les idées proprement morales d’égalité, de justice, d’unité morale, de fusion des âmes, de renoncement à la personnalité.
Plus d’une fois l’individu qui ne cherche dans ses attaques contre la société qu’une satisfaction de ses désirs antisociaux se persuade à lui-même qu’il obéit à une préoccupation de justice sociale, qu’il poursuit un idéal de sociabilité supérieure, et par contre, tel autre qui prétend ou qui croit même poursuivre un but social, un idéal politique et moral supérieur, ne recherche au fond qu’une occasion de renverser ce qui existe et jouit surtout du plaisir de la destruction.