Taine, préface de l’Intelligence, I (Hachette, édit.).
Il le prit, sa diète était finie, et avec elle finirent les hallucinations ; mais il pense que, s’il avait continué, ses agréables chimères auraient de plus en plus complètement répondu aux bonnes dispositions qu’il commençait à avoir pour elles, et que finalement il eût pu soutenir avec elles ces relations de tousses sens réunis, sans être sûr pourtant que le contrôle impartial de son intelligence eût pu se maintenir. »
C’est une des intelligences les plus profondes, les plus complètes et les plus complexes de ce temps-ci, que cet homme qui aurait pu être, à son gré, un condottiere comme Carmagnola, un politique comme César Borgia, un rêveur à la Machiavel, un corsaire comme Lara, et qui s’est contenté d’être un solitaire, écrivant des histoires pour lui-même et pour ses amis, faisant bon marché de l’argent et de la gloire, et, prodigue éperdu, semant à tous les vents assez de génie pour laisser croire qu’il en a le mépris… En M.
Sommes-nous au clair sur ses parents, sur ses ancêtres, sur leur dose d’intelligence ?
Quelle intelligence et quelle vigueur !
Vous ne savez pas qu’un paysage est plat ou sublime ; qu’un paysage où l’intelligence de la lumière n’est pas supérieure est un très-mauvais tableau ; qu’un paysage faible de couleur, et par conséquent sans effet, est un très-mauvais tableau ; qu’un paysage qui ne dit rien à mon âme, qui n’est pas dans les détails de la plus grande force, d’une vérité surprenante, est un très-mauvais tableau ; qu’un paysage où les animaux et les autres figures sont maltraités, est un très-mauvais tableau, si le reste poussé au plus haut degré de perfection, ne rachète ces défauts ; qu’il faut y avoir égard pour la lumière, la couleur, les objets, les ciels, au moment du jour, au temps de la saison ; qu’il faut s’entendre à peindre des ciels, à charger ces ciels de nuages tantôt épais, tantôt légers ; à couvrir l’atmosphère de brouillards, à y perdre les objets, à teindre sa masse de la lumière du soleil ; à rendre tous les incidens de la nature, toutes les scènes champêtres, à susciter un orage, à inonder une campagne, à déraciner les arbres, à montrer la chaumière, le troupeau, et le berger entraînés par les eaux ; à imaginer les scènes de commisération analogues à ce ravage ; à montrer les pertes, les périls, les secours sous des formes intéressantes et pathétiques.
Chapitre premier Nos diversités disparaissent au 4 août 1914 On n’a jamais vu, dans aucune époque, une armée aussi frémissante d’intelligence et de rêve que la nôtre durant cette guerre.
Seul entre les religions, l’Évangile ne pénètre dans la région de l’intelligence pure que dans la mesure où le réclament les besoins du cœur et ceux de la pratique. […] Il y a un abîme entre la faculté de juger et celle de vouloir, entre l’intelligence et la volonté. […] Nous voyons les esprits ordinaires se grouper toujours autour de quelque intelligence supérieure, et en recevoir la loi ou l’impulsion. […] Mais si, usant des ressources de notre intelligence, nous l’élaborons, nous l’assimilons à notre être, alors elle arrive à devenir nôtre. […] Peu d’auteurs, ce me semble, sont faits pour donner à l’intelligence des joies aussi vives.
Je demande grâce pour nos vieux maîtres, pour nos inimitables devanciers ; mais grâce aussi pour le progrès, pour la liberté de l’intelligence ; grâce pour ses créations, pour ses découvertes, pour ses conquêtes ! […] Dans les siècles de création, les intelligences marchent avec un remarquable ensemble ; c’est une même pensée qui les anime, un même esprit qui les pousse. […] À la condition de se modérer, de se contenir, qui n’est pas moins la règle de l’intelligence que celle du cœur, qui régit le monde littéraire comme le monde politique. […] Leur style se rapporte à un certain type commun qu’ils ont reproduit avec plus ou moins de variété, plus ou moins d’éclat, mais qui leur a suffi pour exprimer toutes les idées, tous les sentiments qui sont du domaine de l’intelligence et du cœur. […] Il n’y a, en vérité, dans toute cette cohue d’histrions, que le petit page, le spirituel et ambitieux Galleoto, qui rachète à force d’intelligence, de gentillesse, de sincérité, de malice active et entreprenante, la triste infériorité de ses pareils.
Sans doute la générosité, l’enthousiasme, le désintéressement dans l’ordre des affections générales et dans celui de l’intelligence, ne manqueront jamais au monde, n’y manqueront pas plus que la corruption, l’égoïsme et l’influence masquée de toutes les roueries. […] Mirabeau et Sieyès, ces deux intelligences les plus puissantes, tournèrent court bientôt : après un an environ de révolution ouverte, Mirabeau était passé à la conservation, et Sieyès au silence déjà ironique. […] Il en est de même de certaines idées si ancrées qu’elles semblent moins tenir à l’intelligence qu’au caractère. […] C’est le caractère encore plus que l’intelligence qui décide alors, et qui reprend le dessus ; au fait et à l’œuvre, on retombe dans de certains plis. […] « Vous parlerai-je du plaisir sans cesse renaissant que me donnait une confiance entière en elle, jamais exigée, reçue au bout de trois mois comme le premier jour, justifiée par une discrétion à toute épreuve, par une intelligence admirable de tous les sentiments, les besoins, les vœux de mon cœur ; et tout cela mêlé à un sentiment si tendre, à une opinion si exaltée, à un culte, si j’ose dire, si doux et si flatteur, surtout de la personne la plus parfaitement naturelle et sincère qui ait jamais existé ?
André Gide aura voulu montrer avec une ironie de pince-sans-rire ce que deviendrait l’éthique de Nietzsche pratiquée par des gens d’intelligence médiocre. […] Il va, lui, l’ancien antiintellectualiste des Cahiers d’André Walter, jusqu’à blâmer les préjugés d’aujourd’hui contre la part de la raison, de l’intelligence et de la volonté, de la composition en un mot, dans l’œuvre d’art digne de ce nom. […] André Gide citait ce mot de Goethe : « Il n’y a pas de si grands crimes que je ne me sois senti à certains jours capable de commettre », et il ajoutait : « Les plus grandes intelligences sont aussi les plus capables de grands crimes, que d’ordinaire elles ne commettent pas, par sagesse, par amour, et parce qu’elles s’y limiteraient. » Il semble au contraire que les hommes les plus capables de crimes sont de simples brutes et que si l’idée d’un crime peut traverser une grande intelligence, c’est là, comme le pensait Taine, un vestige de l’animalité primitive. […] C’est là le divertissement supérieur de la libre intelligence, et le réalisme vulgaire ou la grosse machinerie du récit prennent par comparaison figure de corvées. […] …De l’Intelligence.
Le talent particulier qu’il a eu de mettre à la portée de tout le monde les matieres les plus abstraites, de revêtir de la clarté & des agrémens du style les sujets les plus ingrats ; de répandre dans ses Ouvrages les connoissances les plus étendues sans affectation, avec ordre & dans la plus grande précision ; de dominer, par l’aisance de son esprit, tout ce qui se présentoit sous sa plume, dans les genres les plus opposés & les plus difficiles ; lui assure la gloire d’une intelligence prompte, fine, profonde, & celle du mérite rare d’avoir su communiquer aux autres, sans effort, ce qui paroissoit, avant lui, au dessus de la pénétration du commun des Lecteurs.
La Poésie galante paroissoit être plus du ressort de son génie ; c’est pourquoi son Théatre lyrique réunit tous les suffrages ; & personne, depuis Quinault, n’a mieux saisi le vrai caractere, n’a mieux développé le goût, n’a porté plus loin l’intelligence nécessaire dans cette partie de nos Spectacles.
Il faut qu’il sache se maintenir, au-dessus du tumulte, inébranlable, austère et bienveillant ; indulgent quelquefois, chose difficile, impartial toujours, chose plus difficile encore ; qu’il ait dans le cœur cette sympathique intelligence des révolutions qui implique le dédain de l’émeute, ce grave respect du peuple qui s’allie au mépris de la foule ; que son esprit ne concède rien aux petites colères ni petites vanités ; que son éloge comme son blâme prenne souvent à rebours, tantôt l’esprit de cour, tantôt l’esprit de faction.
Quant aux actions des intelligences chrétiennes, il ne nous sera pas difficile de prouver bientôt qu’elles sont plus vastes et plus fortes que celles des dieux mythologiques.
Cet ouvrage n’est pas une compilation informe ; il est fait avec intelligence.
L’intérêt de ces trois visages est mesuré avec une intelligence infinie ; il n’est pas possible de donner un grain d’action ou de passion à l’une, sans les désaccorder toutes en ce point.
Il faudroit connoître le monde presqu’aussi-bien que l’intelligence qui l’a créé, et qui a décidé de son arrangement, pour imaginer la perfection où la nature est capable d’arriver à la faveur d’une combinaison de hazards favorables à ses productions, et de circonstances heureuses dans leur nutrition.
Et nous le remercions, parce qu’il nous a appris, grâce à cette méthode et grâce à son enthousiasme contagieux, à aimer toutes les formes de l’intelligence humaine.
Ainsi par le simple secours de l’intelligence, et sans avoir besoin de celui de la mémoire, qui devient inutile lorsque les faits manquent pour frapper nos sens, nous avons rempli la lacune que présentait l’histoire universelle dans ses origines, tant pour l’ancienne Égypte que pour l’Orient plus ancien encore.
et comment Bonald a-t-il osé contredire non seulement la logique, mais l’évidence, en soutenant que l’ouïe est « le sens de l’intelligence » ? […] Les mots ne sont pas des souvenirs, ce sont des instruments de travail, ce sont les outils de l’intelligence. […] Bain, Les sens et l’intelligence, p. 538-539, trad. française. […] Voir principalement Bain, Les sens et l’intelligence, p. 297-298 et 305. trad. franc. ; Taine, De l’intelligence, t. […] Taine, « pour qu’une image soit reconnue comme intérieure, il faut qu’elle subisse le contre-poids d’une sensation ; ce contrepoids manquant, elle paraîtra extérieure » (De l’intelligence, I, II, I, 4) ; or ce « réducteur » fait défaut à la parole intérieure au moins dans la méditation ; elle paraît alors intérieure eu dépit de l’absence de tout son matériel.
Alors, renonçant aux plus élégantes perversités de l’intelligence, nous rentrons chez nous comme après une équipée dangereuse. […] Son allégresse était la flamme de son intelligence ; et les défaillances de la réalité matérielle n’y portèrent pas atteinte. […] Les beaux gestes sont de qualité animale ; les hommes les souillent d’intelligence. […] Il se partageait ainsi, passionnément et avec une aménité naturelle, entre le labeur de son métier et les camarades de son intelligence. […] Son visage est tout éclairé des joies sereines de l’intelligence.
Mais si par hasard vous le reconnaissiez, et que, selon sa cordiale et gracieuse habitude, il vous mît sa grosse main sur l’épaule, et qu’il vous retînt par le collet de votre habit, à la manière de Socrate, pour vous sourire ou pour causer un moment avec vous, alors ce geste, ce sourire, ce regard, cette physionomie, ce son de voix, vous révélaient un tout autre homme, et, si vous étiez le moins du monde physionomiste, c’est-à-dire sachant lire les caractères de Dieu sur le livre du visage humain, vous ne pouviez vous empêcher de regarder et de regarder encore cette délicieuse laideur transfigurée par l’intelligence, qui, de traits vulgaires et presque informes, faisait tout à coup, à force de cœur et d’âme, un visage qu’on aurait voulu embrasser ! […] De son œil malicieux et fin, il les regarde avec un sourire d’intelligence qui leur dit : Je suis un d’entre vous, je suis votre compère, je suis votre ménétrier. […] Rousseau l’établi de l’horloger, pour étendre et pour polir leur intelligence, et pour apprendre la langue du pays des idées, du beau, des arts, avant de parler, d’écrire ou de chanter pour l’univers pensant. […] « Cette famille, poursuivait-il, avait véritablement aussi des puretés de mœurs et des dignités de sentiment à la hauteur de ce qu’elle appelait son origine. » Il citait, entre autres, comme un type de distinction, d’intelligence et de cœur, une de ses tantes, qui lui servit de mère à l’âge où le cœur des mères est à l’âme de leurs enfants grandis ce que la mamelle est à leurs lèvres quand ils sont au berceau. […] Ce fut alors que je pris cette intelligence nette et active des affaires qui a si souvent étonné en moi ceux qui ne peuvent pas ajuster deux flèches sur le même arc.
Entre deux peuples comme entre deux hommes, il ne peut y avoir amitié étroite et solidarité qu’alors que leurs intelligences ont pris le contact. […] Après la sympathie, le trait distinctif de ces réalistes est l’intelligence des dessous, de l’entour de la vie. […] Il mène à la victoire toute une pléiade d’intelligences, groupées autour de lui au Lycée, maintenues sous sa domination à l’Arzamas. […] Elle fournit une pierre de touche qui décèle de prime abord l’intelligence et le caractère de chacun. […] Le talent restait entier, l’intelligence vigoureuse et curieuse ; mais cette intelligence flottait en quelque sorte, elle semblait chercher une voie perdue, comme il arrive pour d’autres au début de la vie.