Dans le cabinet de travail, sous une lumière qui fait jaunes les visages, et poussiéreux les objets, je découvre encadrée, dans le fouillis des dessins et des images couvrant les murs, la réduction de mon portrait par Bracquemond.
Mais pour voir cela et le comprendre, il faut être un peu plus qu’un poète qui se contente d’une fausse image, ou bien qu’un révolutionnaire, dont l’idée est plus fausse encore.
D’un tribut dû c’est la trop faible image ; Mais la figure aux yeux trompés du sage Vaut souvent mieux que la réalité. […] En général, d’après les observations qu’on a pu recueillir, ce qui passe obscurément devant notre esprit, ce sont les images de notre vie tout entière, et particulièrement de notre enfance et de notre jeunesse. […] Ailleurs je trouve une petite définition du stoïcisme, une définition par images qui est d’une jolie allure et d’une fière pensée. […] Seulement Aurel pense par images et elle écrit : « Où sont donc les devoirs ? […] Ces raisonnements descendent profondément dans le cœur, à la condition que celui-ci ne soit pas occupé par l’image d’un jeune homme.
Sa matière, j’entends par là les idées ou les sentiments qu’elle remue d’ordinaire ; et sa forme, c’est ce qui en rend l’expression proprement éloquente : c’est le rythme et c’est l’image. […] puisqu’il se sert de mots, et que ces mots sont des sons, et qu’ils traduisent ou plutôt qu’ils évoquent des images, les théoriciens de l’art pour l’art n’auraient-ils pas peut-être raison ? […] Désormais, dans son œuvre, poème ou tableau, l’artiste a la prétention de mettre quelque chose de lui-même ; son monogramme ou sa marque, sa signature, son empreinte ; et, très différent en ce point de ces pieux « tailleurs d’images » dont le ciseau subtil a ouvré les pierres de nos cathédrales, ou de ces « primitifs » qui se faisaient de leurs tableaux, comme nous le disions l’autre jour, un moyen de salut, l’intérêt ou la curiosité que soulève son œuvre, c’est vers lui que l’artiste moderne en prétend dériver le profit. […] et puisque cette société travaille à changer de structure et de forme, quoi de plus naturel que de retrouver dans l’histoire de sa littérature l’image de ses idées religieuses, politiques, sociales ?
En 1763, au milieu des réjouissances de la paix, pendant qu’on représentait au Théâtre-Français une petite pièce charmante, intitulée L’Anglais à Bordeaux, Le Kain imagina d’attrister Paris par l’image de ce meurtre abominable ; il se flattait que la gaîté et les grâces de l’Anglais à bordeaux feraient supporter l’horreur de la mort de César ; c’était une espèce de conspiration contre le public, à qui l’on faisait acheter bien cher le plaisir de voir la petite pièce. […] De quel œil pouvaient-ils regarder le sénat, quand ils se retraçaient l’image du fondateur de l’empire, du meilleur des hommes, égorgé par les sénateurs ? […] L’objet du théâtre est de tracer une image fidèle du cœur humain et de la société ; le roman n’en donne que des idées fausses ; il n’est propre qu’à égarer l’esprit, qu’à corrompre le cœur.
Ni Mme de Rambouillet, « l’incomparable Arthénice », ni sa fille, Julie d’Angennes, pour qui soupira si longtemps Montausier, ni tant d’aimables femmes, formées aux conversations de la célèbre « chambre bleue », ne supportent qu’on leur offre à l’esprit, dans la causerie ou dans les livres, l’image toute nue de ce que, dans la réalité de la vie quotidienne, chacun de nous s’efforce à cacher. […] C’est pourquoi cette pensée d’une part, et de l’autre cette langue, deviennent la plus ressemblante image qu’il y ait de l’esprit français, si cet esprit, comme nous avons tâché de le montrer, est surtout un esprit de « sociabilité ». […] L’Artiste. — Mais il y avait un « artiste » en La Bruyère ; — nous dirions aujourd’hui un styliste ; — bien plus encore qu’un moraliste ; — et nous en trouvons la preuve dans cette étrange parole : — « Moyse, Homère, Platon, Virgile, Horace ne sont au dessus des autres écrivains que par leurs images. » — Boileau, qui eût été volontiers de cet avis, y avait mis du moins la restriction : Avant donc que d’écrire, apprenez à penser. […] — N’y a-t-il pris qu’une satisfaction d’artiste à « défigurer » l’antiquité selon l’image qu’il s’en formait ?
Chez les Romains, en ceci assez pareils aux Grecs, Calpurnie, la femme de Pline le Jeune, était assurément une femme lettrée et des plus cultivées par l’étude, mais à l’usage et en l’honneur de son mari seulement : à force de tendresse conjugale et de chasteté même, elle s’était faite tout entière à son image, lisant et relisant, sachant par cœur ses œuvres, ses plaidoyers, les récitant, chantant ses Vers sur la lyre, et, quand il faisait quelque lecture publique ou conférence, l’allant écouter comme qui dirait dans une loge grillée ou derrière un rideau, pour y saisir avidement et boire de toutes ses oreilles les applaudissements donnés à son cher époux.
Ils fouillent, pour exprimer leur pensée, dans tous les siècles et dans tous les pays ; ils emportent le discours jusqu’aux témérités les plus abandonnées ; ils enveloppent et chargent toute idée d’une image éclatante qui traîne et luit autour d’elle comme une robe de brocart constellée de pierreries.
C’est ainsi que les vrais poètes changent d’objet sans changer d’amour, parce qu’ils impriment sur tout ce qu’ils adorent l’image que Dieu a gravée dans leur âme.
Quelquefois il résistait avec une obstination impénitente à raturer un mot ou une image. « Non, non, disait-il en persistant, cela les amusera à Paris ; il faut scandaliser un peu cette pruderie de leur langue !
Le temps n’est, suivant la grande parole de Timée, qu’une image mobile de l’éternité.
Sa mémoire le rendit religieux ; la mémoire des enfants n’est qu’image.
Quand le plus grand homme de l’Allemagne moderne eut vieilli sans perdre une seule des facultés de son âme et sans perdre un seul des cheveux blanchis de sa large tête, le ciel lui envoya Eckermann, comme le soir envoie au voyageur son ombre prolongée qui le suit dans sa route afin de lui certifier son image.
Chacun se reconnaît dans son image et l’intérêt qui s’attache à l’événement n’a aucun besoin de rien feindre pour être touché.
Les images peuvent être charmantes.
C’est dans ces deux amants que Rousseau personnifiait l’amour, et qu’il se repaissait de ses images.
Car, ainsi que Wagner nous dit dans sa Communication à mes amis, ce sont ses poèmes et l’intuition d’une œuvre qu’il portait en lui déjà, qui l’ont amené à faire des réflexions théoriques, à chercher à se rendre compte de ce qui lui répugnait dans les manifestations soi-disant artistiques de notre temps, et à se faire une image très nette de ce qui devait être l’œuvre d’art de l’avenir.
Celle-ci est une manière de se représenter, à notre image, les raisons explicatives qui nécessitent et les phénomènes et leur ordre.
On se fait en général l’image d’un bœuf, d’un lutteur savatier, mais le vrai est plus joli, plus original que l’imagination.
Il sera toujours plus agréable de se figurer le génie sous la forme d’une langue de feu, que sous l’image d’une névrose.
Car le côté curieux de cette représentation, ce n’est pas la nature telle que vos yeux la voient, c’est la plus jolie, la plus spirituelle, la plus blonde, la plus colorée peinture qui soit, à ce point que, si par un progrès qu’on peut prévoir, on parvenait à fixer ces images colorées, il n’y aurait plus d’art de peindre.
Le voici, aussitôt, qui se met à parler de la parenté de ces images avec Giotto, avec les primitifs, à parler d’une perspective commune à ces deux arts — obtenus chez les Italiens, par des moyens plus timides, moins choquants — d’une perspective qui met en vue le centre de la composition, et permet de la peupler avec un monde, au lieu d’y placer deux ou trois têtes mangeant tout.
» Il reproche à son tour en images sublimes leur dureté de cœur et leur commisération accusatrice à ses faux amis : « Vous ai-je priés de venir ?
Il flotte alors entre eux, pour ainsi parler, je ne sais quelle image d’eux-mêmes, imprécise et brouillée, mais cependant assez ressemblante, ou même dont je ne suis pas bien sûr qu’elle ne fût pas moins fidèle, si les traits en étaient plus caractérisés. […] Ce qui n’est pas moins vrai, c’est qu’en fait, au xviie siècle, on ne prit pas autrement le livre des Maximes ; on le trouva d’une ressemblance entière ; et, au fond, si l’on y veut bien regarder d’un peu près, la raison en est que le jansénisme avait accoutumé les esprits à cette image de la nature humaine. […] que je vois tenir en plus de prix qu’elle ne vaut, qui est seule quasi parmi nous en usage, certaine image de prudhomie scolastique, serve des préceptes, contrainte sous l’espérance et la crainte. […] Moins libre en son plan, moins capricieux en sa diversité, plus clair et mieux ordonné, l’Esprit des lois serait sans doute un livre mieux fait, qui donnerait moins de prise à la critique ; il serait moins de Montesquieu, si l’on peut ainsi dire, image ou portrait moins fidèle de son génie fragmentaire.