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1793. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

La banqueroute, dans Grandeur et Décadence de César Birotteau, vous fait palpiter comme l’histoire d’une chute d’empire ; la lutte du château et de la chaumière des Paysans offre autant de péripéties que le siège de Troie. […] Il avait fait deux voyages en Italie ; l’impression que durent produire sur lui ce ciel pur, ces mers plus azurées encore que le ciel, ces grands horizons, ces arbres au feuillage luisant et robuste, ces ruines si magnifiques dans leur écroulement, toute cette nature énérgique, colorée et chaude, où erraient, comme des ombres muettes, des peuples pliant sous le faix de la servitude et sous la grandeur de leur passé, il n’en dit rien alors, mais la poésie s’amassait silencieusement dans son cœur. […] Grèce est un pays charmant, bien cultivé, bien boisé, peuplé d’habitants doux et hospitaliers : je mentirais ; mais je te dirai que c’est un pays d’un caractère superbe, hérissé de rochers arides, mais d’une forme imposante, avec des plaines désertes, mais d’une grandeur et d’une beauté magnifiques, et couverte de broussailles, de lauriers-roses tout en fleurs, de myrtes et de thuyas ; que les habitants y sont voleurs, canailles, mais qu’ils ont des têtes et des attitudes fort imposantes ; qu’il y a des ruines superbes… « Cependant tout cela n’est rien comparativement à la partie de l’Égypte où nous sommes.

1794. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

Cet effort ne peut aboutir à créer de l’énergie, ou, s’il en crée, la quantité créée n’appartient pas à l’ordre de grandeur sur lequel ont prise nos sens et nos instruments de mesure, notre expérience et notre science.

1795. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Il la mena voir la grande église d’Avignon, où il y avait un vieux Christ en bois peint, de grandeur naturelle. […] C’était un balourd, assez instruit, qui vivait au milieu d’une société sans grandeur.

1796. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Comme Pascal se rapetisse et qu’il devient médiocre sous cette grandeur d’une loi de la nature érigée en sacrement par des sages qui trouvèrent ce moyen de faire respecter les ordres méconnus de la vie ! […] La glorification de ce curé paterne et bénin affirmait un tel mépris de la grandeur, une telle tendresse pour l’infinie, pour le laid et pour le sale qu’elle en devenait, du coup, l’œuvre définitive et suprême de la dégénérescence religieuse, — et après cela, de tristes fidèles s’étaient dit que la religion n’est, plus qu’un souvenir historique, qu’elle gît dans les vieux légendaires, dans les Heures à images, dans la Patrologie, dans quelques architectures, dans quelques pierres taillées, dans quelques têtes de jadis, peintes sur fond d’or.

1797. (1925) Comment on devient écrivain

Titien a-t-il moins de grandeur parce que Giorgione, en quelques œuvres, a exprimé une forme d’art par lui reprise durant une longue vie ? […] Nous avons dans ce genre de beaux livres, comme le Siècle de Louis XIV de Voltaire, le Discours de Bossuet, les Etudes de Chateaubriand et Grandeur et décadence des Romains.

1798. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

Depuis longtemps, il semblait que la liberté de discussion, la pratique des affaires, l’importance des intérêts engagés et la grandeur des récompenses offertes dussent provoquer sa croissance ; mais elle avortait, encroûtée dans la pédanterie théologique, ou restreinte dans les préoccupations locales, et le secret des séances parlementaires lui ôtait la moitié de sa force en lui ôtant la plénitude du jour.

1799. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

C’est le Russe, le Russe d’Alexandre, civilisé et discipliné par sa force même ; croissant, comme un vaste chêne du Nord, sans changer de place, mais étouffant par sa croissance naturelle les plantes étiolées qui veulent faire obstacle à sa grandeur.

1800. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Il faut noter dans ce cas un phénomène très singulier : par suite de la tension continuelle de son esprit sur le problème des billets de banque et du cours forcé, il finit par avoir toujours devant les yeux l’image des billets eux-mêmes, avec toutes leurs variétés de forme, de grandeur et de couleur.

1801. (1842) Discours sur l’esprit positif

Le sentiment fondamental de l’invariabilité des lois naturelles devait, en effet, se développer d’abord envers les phénomènes les plus simples et les plus généraux, dont la régularité et la grandeur supérieures nous manifestent le seul ordre réel qui soit complètement indépendant de toute modification humaine.

1802. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Autre chose est en effet une simple variation de grandeur, autre chose un changement de forme.

1803. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Je cherche donc une parole abrégée, qui puisse mieux énoncer la grandeur de cet être infiniment adorable et mon extrême anéantissement devant lui ; mais je n’en trouve point, tellement que je demeure dans un bégaiement muet. la poésie pure est silence, comme la mystique.

1804. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

En revanche, avec quel tact infaillible dans l’éloge, il traite du Palais des Machines, ce presque chef-d’œuvre de force légère et de grâce sui generis : « Étudiez, écrit-il, la légèreté de la structure, le jet hardi et la courbe gracieuse des formes qui fendent l’espace, pareilles aux ailes déployées d’un oiseau dans son vol, et essayez de détailler votre impression : les idées éveillées en votre esprit sont celles déjà force, de la grandeur et de l’aisance ; l’harmonie des proportions, en dissimulant l’étendue de la surface couverte, donne à l’invention gigantesque le prestige de l’élégance et, ce qui retient et captive, c’est, sans contredit, la jouissance esthétique ».

1805. (1905) Promenades philosophiques. Première série

La grandeur de Bacon est l’œuvre réelle de Joseph de Maistre. […] La grandeur de ce rôle est incomparable, et peu importe vraiment que, parmi tant de têtes, quelques-unes aient été manquées à la gravure ou écrasées à la frappe.

1806. (1802) Études sur Molière pp. -355

Tranchons le différend ; Louis XIV, pour l’intérêt de sa grandeur, de son amour-propre, et surtout pour la gloire de son protégé, n’eût-il pas mieux fait de ne pas permettre que sur le théâtre même de la cour, il annonçât un ordre positif du monarque ? […] Louis le Grand, le demi-dieu de son siècle, toujours poursuivi, malgré sa grandeur et sa divinité, par le tyran des cours, par l’ennui, dit un jour, en se réveillant, je veux des fêtes ; soudain une salle magnifique s’élève à frais immenses dans le palais des Tuileries, sous les ordres de Ratabon et de Vigaroni.

1807. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Mais elle le sera d’autant plus que nous aurons davantage épuré l’essence des sentiments que nous aurons dramatisés…   L’apparente placidité de notre interlocuteur s’était échauffée à la discussion ; les veines des tempes, très en relief, battaient à coups redoublés, et je reconnus là la trace de cette sensibilité nerveuse qui se mêle dans toute l’œuvre de Mæterlinck, à la saine grandeur des pensées et à l’énergie musclée de la forme. […] On est plus ou moins grand poète, justement en raison de la grandeur, de la noblesse et de la beauté des symboles qu’on crée !

1808. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Quand ils seront arrivés à grandeur naturelle, je les envoie dans le monde to shift for themselves.

1809. (1932) Le clavecin de Diderot

Elle avait la meilleure place dans la chapelle, où, sous forme de statue de marbre, elle se tenait droite, plus grande que grandeur nature.

1810. (1883) Le roman naturaliste

En ce sens, on a pu dire « que le monde de l’art était plus vrai que celui de la nature et de l’histoire », parce qu’on y voit s’évanouir la contradiction choquante qu’accuse impitoyablement la condition humaine entre la grandeur du but où nos aspirations nous poussent, et la faiblesse dérisoire des moyens dont nous disposons pour l’atteindre. […] Mieux encore, il avait su voir et il avait su rendre, dans Madame Bovary, — toujours Madame Bovary, — ce qu’il y avait de digne de respect dans l’humble témoignage des « pauvres mains entr’ouvertes » de la vieille Catherine Elisabeth Nicaise Leroux ; ce qu’il y avait de profondeur d’affection paternelle sous l’écorce rugueuse du père Rouault ; ce qu’il y avait de dévouement dans l’amour timide et discret de ce pauvre petit Justin pour Emma Bovary ; ce qu’il y avait de réelle grandeur enfin dans la placidité un peu hautaine du docteur Larivière, « plein de cette majesté débonnaire que donne la conscience d’un grand talent, de la fortune, et quarante ans d’une existence laborieuse et irréprochable ». […] C’est un des signes de la vraie grandeur.

1811. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Tous ceux qui ont connu Mistral ont été frappés par l’expression de simplicité et de grandeur que dégageait sa personne. […] Les spectacles du Théâtre d’Orange inaugurés par Mariéton, qui a bien sacrifié à cette entreprise une trentaine de mille francs de sa fortune personnelle, eurent au début une véritable grandeur.

1812. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Elle s’est poursuivie jusqu’au jour où l’esprit religieux se tourna du dehors au dedans, du statique au dynamique, par une conversion analogue à celle qu’exécuta la pure intelligence quand elle passa de la considération des grandeurs finies au calcul différentiel.

1813. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Il exprimait que cet auteur possédait la raillerie fine, la politesse exquise, la conformité dans les mœurs, et toutes les grâces de la diction, attribuées à Ménandre, dont les ouvrages marquèrent la troisième époque de la comédie, mais qu’il manquait de sa vivacité, de son sel piquant, de sa force comique, et de sa grandeur dans les caractères. […] Les lois se hâteront de réprimer votre hardiesse, et leur sévérité prouvera que vos comédies furent aussi préjudiciables que je le pense. — Erreur, erreur, vous dis-je : on examinera la date des règlements ; on y verra que mes plus fortes pièces obtinrent des récompenses sous le gouvernement des libres héros d’Athènes, et qu’on les aura supprimées vers l’époque où le parti de Lysandre et les corruptions du roi Philippe firent décliner notre grandeur et notre indépendance.

1814. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

Et puis il y a dans l’épopée idyllique de Baggesen plus que de la grâce, plus que des images riantes ; il y a par moments de la grandeur.

1815. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Beauzée Articles de l’Encyclopédie Compilation établie à partir de l’édition numérisée de l’ARTFL Beauzée, articles de l’Encyclopédie FORMATION Formation (Grammaire) FORMATION, s.f. terme de Grammaire, c’est la maniere de faire prendre à un mot toutes les formes dont il est susceptible, pour lui faire exprimer toutes les idées accessoires que l’on peut joindre à l’idée fondamentale qu’il renferme dans sa signification.

1816. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

La grandeur théâtrale des faits, le tragique et le pompeux de l’époque, les mots à la Plutarque, le mépris contagieux de la mort, la vie intense et furieuse… tout cela me montait au cerveau comme un vin brutal… Pour rendre la Révolution haïssable aux jeunes âmes, c’est bien de la flétrir, mais il ne faudrait pas la raconter.

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