De grâce, restez à vos places. […] Que désire votre grâce ? […] Je vis par grâce, et sans savoir si le morceau de pain amer que je mange ne m’étouffera pas d’angoisses ; j’ai eu tort, mais je n’en suis que plus infortuné.
Et de là vient la puissance pathétique de ces effusions de tendresse douloureuse, lorsqu’il peint la grâce si charmante et si tôt flétrie de Madame, de ces effusions de sympathie admirative, lorsqu’il conte les victoires, l’héroïsme, la simplicité du prince de Condé : si ce n’est pas de l’histoire, c’est à coup sûr de la poésie. […] Simplement par la même raison que son orthodoxie laisse à l’homme le libre arbitre, la décision et la responsabilité de ses actes, tout en proclamant la nécessité de la grâce et la prescience divine. […] A l’ordinaire, il improvisait, et ce qu’il pouvait y avoir de séduction, de tendresse, de grâce ondoyante et captivante, d’abondance d’idées et de sentiments, dans ces homélies familières qu’il « parlait » si inépuisablement, ses écrits et particulièrement ses lettres de direction peuvent nous l’apprendre.
Les analogies sont frappantes : de part et d’autre, c’est la même élégance forcée et maniérée de gens qui, ne possédant pas encore le parfait bon goût, tendaient à la grâce par l’affectation. […] Grâce à toi, les jolis yeux de mon amie se gonflent gentiment de larmes et deviennent tout rouges ! […] Je ne crois pas que Fénelon emploie un mot juste quand il parle de ses grâces « négligées » ; c’est un artiste soigneux jusqu’à l’excès et, comme disaient ses contemporains, un docte. […] On fera donc des omissions ; elles sont inévitables, et il faut de part et d’autre en reconnaître la nécessité de bonne grâce. […] Guizot aime à citer les sources, les anciennes chroniques ; c’est une des grâces principales de sa belle et charmante histoire.
« Remettez-vous, de grâce, monsieur, les hommes comme vous ne manquent jamais de maîtres », disait Malherbe à un courtisan qui déplorait avec affectation la mort de deux princes au berceau. […] Parce qu’elles se sont transmis de génération en génération une élégance et une grâce incomparables, on les a tenues quittes de toutes les vaillantes vertus que notre temps demande. […] Grâce à son talent, elle était sur un piédestal, mais ce piédestal reposait sur un sol mouvant et douteux. […] Madame de Girardin, par un don spécial, savait rire à belles dents sans compromettre ni la grâce ni l’élégance. […] Celui-ci, d’après la Constitution, n’avait pas le droit de grâce ou de commutation, et ne put qu’envoyer un message au conseil des Cinq-Cents, qui, à son tour, nomma une commission pour examiner l’affaire.
Puis Watteau fut le traducteur des tristesses élégantes : il consacra l’adorable grâce de ses dessins à des poèmes légers et doux, qui rappelleraient certains andante des quatuors de Mozart. […] Et voici la tranquille grâce d’une danse : dans une fugue4 sautillent les mélodies ; c’est la danse paisible et charmante de trois couples. […] Mais le caractère constant de ces œuvres est la sereine grâce ; des allegrettos brefs et légers, des menuets adorablement corrects : partout la délicate plaisanterie d’une âme ingénue. […] Sa conversation est un jeu de mobiles imagés, un jeu discret et charmant, s’exerçant à l’aise sur les sujets les plus divers, sans rien perdre jamais de son artifice et de sa grâce poétiques. […] France se sont amusés à traiter tour à tour tous les genres, nous donnant, à leur gré, des poèmes, ou des contes, ou des rêveries philosophiques, ou bien encore nous intéressant, avec mille grâces délicates, aux subtils détours de leurs impressions.
Autour du corps elles sont posées comme des arcs légers et de délicats cerceaux ; elles l’entourent ainsi qu’un bras, il est au milieu d’elles comme empêché parmi les cercles de sa grâce. […] C’est la véritable action de grâces, semblable à la fonction respiratoire : « Ô continuation de notre cœur ! […] L’action de grâces descelle la pierre de mon cœur ! […] Les poèmes lyriques de Claudel ne forment qu’une immense action de grâces. […] Mais on aimera la grâce de l’élusion, le mouvement pur de la parole.
Il vit à Paris, chez son ambassadeur, cette régulière et brillante société qui donna le ton à l’Europe ; il visita Boileau, Malebranche, contempla avec une curiosité un peu malicieuse les révérences des dames fardées et maniérées de Versailles, la grâce et les civilités presque fades des gentilshommes beaux parleurs et beaux danseurs. […] Bientôt cette curiosité raffinée et délicate le conduisit aux médailles. « Il y a une parenté, dit-il, entre elles et la poésie », car elles servent à commenter les anciens auteurs ; telle effigie des Grâces rend visible un vers d’Horace. […] Il n’y a point de société ni de conversation qui puisse subsister dans le monde sans bonté ou quelque autre chose qui en ait l’apparence et en tienne la place ; pour cette raison, les hommes ont été forcés d’inventer une sorte de bienveillance qui est ce que nous désignons par le mot d’urbanité. » Il vient ici d’expliquer involontairement sa grâce et son succès. […] En lisant ces essais, on l’imagine encore plus aimable qu’il n’est ; nulle prétention ; jamais d’efforts ; des ménagements infinis qu’on emploie sans le vouloir et qu’on obtient sans les demander ; le don d’être enjoué et agréable ; un badinage fin, des railleries sans aigreur, une gaieté soutenue ; l’art de prendre en toute chose la fleur la plus épanouie et la plus fraîche, et de la respirer sans la froisser ni la ternir ; la science, la politique, l’expérience, la morale apportant leurs plus beaux fruits, les parant, les offrant au moment choisi, promptes à se retirer dès que la conversation les a goûtés et avant qu’elle ne s’en lasse ; les dames placées au premier rang929, arbitres des délicatesses, entourées d’hommages, achevant la politesse des hommes et l’éclat du monde par l’attrait de leurs toilettes, la finesse de leur esprit et la grâce de leurs sourires : voilà le spectacle intérieur où l’écrivain s’est formé et s’est complu.
S’il est un morceau, dans les deux pièces de début de Racine, qui révèle son génie, c’est ce couplet d’Antigone, où, malgré quelque uniformité dans le tour, et un certain manque de couleur poétique, on reconnaît, à la douceur et à la grâce des vers, ce cœur auquel toutes les passions humaines semblent avoir dit leur secret : Je m’en souviens, Hémon, et je vous fais justice ; C’est moi que vous serviez en servant Polynice : Il m’était cher alors comme il l’est aujourd’hui, Et je prenais pour moi ce qu’on faisait pour lui. […] Pour le juger à son prix, il faut fermer les oreilles aux séductions de sa poésie, et chercher sous les grâces de l’exécution ce travail de fondation, qu’il en regardait comme la plus solide partie. […] Il faut voir avec quelle satisfaction modeste il parle de la conformité de ses pièces avec ces règles ; je ne sais de plus aimable que l’air timide dont il demande grâce pour les légères infractions qu’il s’est permises. […] La variété de ce style, qui en est la qualité la plus éminente, cette force où la force sied, cet éclat tempéré, ces grâces, cette souplesse, cette mollesse même où la situation le veut, qu’est-ce autre chose que la conformité du langage dramatique avec la vie ?
» Grâce à l’obligeance de M. […] On crut remarquer qu’il ne faisait grâce qu’aux romans édités par M. […] Aux fauteuils ou au balcon, Mmes Pierson, (qui s’est trouvé mal pendant la scène du délirium), Massin, Léonide Leblanc, Schneider, Alice Régnault, Fargueil, et bien d’autres : des toilettes et des visages rivalisant de grâce et de fraîcheur. […] Grâce à leur combinaison, tout le mal vient de Virginie, qui guette sans cesse sa proie, qui ne manque aucune occasion de la pousser à sa perte.
Quand il s’est soulagé, purifié, la grâce intervient. […] Il ne s’agissait pas seulement de congruisme, de grâce efficace, de grâce suffisante et autres solennelles fariboles inventées pour amuser le tapis et permettre aux moines de babiller. […] Il faut le garder sous les verrous. » Plus tard il s’informe si le prisonnier ne demande aucune grâce. […] Grâce à lui, désormais et définitivement, la science fait partie de la pensée littéraire. […] Autrefois les classiques connurent la grâce forte et tranquille.
Il en est pourtant dont la grâce vraiment enchanteresse ne saurait s’oublier : « En Amérique, dit l’auteur, quand la marée s’est retirée, surpris quelquefois de trouver une fleur dans le fond d’un rocher stérile sur lequel le flot vient de se briser, vous voulez cueillir cette aigrette flottante qui résiste si bien aux orages et qui méprise la rosée du ciel ; tout à coup la fleur se retire des doigts indiscrets qui viennent de la toucher.
Lamartine a dit, en parlant du souffle de la poésie : Ce vent qui sur nos âmes passe, Souffle à l’aurore ou souffle tard ; Il aime à jouer avec grâce Dans des cheveux qu’un myrte enlace Ou dans la barbe du vieillard.
Et, de grâce, ne nous accablez pas tant sous les romans russes.
Il ne renonce pas à l’élégance, mais quel sentiment hardi de la réalité, quelle énergie redoutable dans ses peintures, soit qu’il chante la Belle d’août et qu’avec une grâce funèbre il associe toute la nature éplorée aux malheurs de son héroïne ; — soit que, dans l’étrange pièce intitulée : Amarum, il attaque le débauché, le secoue, le flagelle, et l’enferme, épouvanté, au fond du sépulcre infect ; — soit que, devant un épi de folle avoine, son ironie vengeresse châtie l’oisiveté insolente, toujours il y a chez lui une pensée généreuse, une imagination agreste, un langage imprégné des plus franches odeurs du terroir.
» Comme on le voit, Ipocrito reçoit de bonne grâce les présents qu’on lui fait de toutes parts ; comme Tartuffe, il a soin d’ajouter : « Je vous remercie pour le bon exemple que vous donnez.
Enfin, pour faire admirer ses grâces, on se jeta dans la minauderie.
Adam s’endort : Dieu tire du sein même de notre premier père une nouvelle créature, et la lui présente à son réveil : « La grâce est dans sa démarche, le ciel dans ses yeux, et la dignité et l’amour dans tous ses mouvements.
Le même ange va trouver ensuite une vierge qui demeurait en Israël , et lui dit : « Je vous salue, ô pleine de grâce !
J’aimerais autant qu’au sortir de là, pour compléter l’absurdité, on envoyât les élèves apprendre la grâce chez Vestris ou Gardel, ou tel autre maître à danser qu’on voudra.
nous excusons facilement bien des genres d’illusion dans un homme, et l’illusion de la jeunesse, et l’illusion de l’admiration pour l’être supérieur qui fascine jusqu’au point de faire croire qu’on est digne d’en écrire la vie, et l’illusion même du plus mince talent, dont les premières révélations portent dans l’âme un trouble qui ne manque pas de grâce quoique demain cela doive être de la vanité ; mais à laquelle de ces illusions innocentes devons-nous l’histoire d’Émile Bégin ?
disent ses amis… Au xixe siècle, en l’an de grâce 1866, Dumas fils, qui lave, brosse et vernit ses moindres petits mots avant de les risquer dans la circulation, tutoie le printemps et la nature et leur parle comme si c’étaient des personnes !
Otez l’histoire exquise des Amants fortunés, un petit chef-d’œuvre tombé du ciel bleu des Légendes dans le livre d’Avellaneda, et demandez-vous donc où la grâce des récits du vieux Cervantes s’en est allée ?
C’est plutôt, dans ‘la grâce d’une jeunesse qui fait tout pardonner, un de ces terribles mauvais garçons dont les guenilles ont soif de splendeur et qui serait un magnifique Sardanapale de la canaille dans le pillage du genre humain !
Littérairement trop martelé, trop retentissant des hugotismes qui tyrannisent la mémoire ou la pensée de l’auteur, il a parfois des pages d’une certaine grâce et même d’une certaine force ; mais tout cela se noie et se perd dans l’absurdité d’un système (si on ose ainsi nommer de telles billevesées) qui a eu sur Paul Meurice la même influence que sur son livre et sur son héros.