Moreau (de Tours) a pris l’apparence pour la réalité, l’accident pour la substance, les symptômes plus ou moins variables pour le fond et pour l’essence. […] Sur ce premier point, je fais observer d’abord que, parmi les faits cités, il en est qui n’ont absolument rien de particulier : « Montesquieu, dit-on, jetait les bases de l’Esprit des lois au fond d’une chaise de poste. » Qu’y a-t-il là d’extraordinaire ? […] J’ajoute que, sans être de son avis, sur le fond de la question, je crois qu’il a rencontré, chemin faisant, beaucoup de vérités particulières, qui sont plus instructives et plus intéressantes que la thèse chimérique qu’il prétend établir.
Il y a sans doute une certaine naïveté dans la forme ; mais il a parfaitement raison ; je dirai de même, et avec autant d’ingénuité, que c’est surtout dans l’exceptionnel qu’il faut un fond de vérité générale qui nous persuade que, si anormal qu’il soit, il est vrai encore, et qui, par là, lui rende en quelque sorte son autorité sur nous et par suite son intérêt. […] Dans les livres de philosophie, on va chercher des idées générales, dans les romans réalistes des observations, dans les romans idéalistes de beaux sentiments, dans les poètes tout cela et de plus des inventions de rythme, des trouvailles de mélodie, d’harmonie, toute une technique, qui ici, a autant d’importance que le fond ; et de cette technique on ne jouit, à cette technique on ne se plaît, à cette technique on ne se joue amoureusement, que si soi-même on s’en est mêlé, que si on s’y est essayé, que si l’on en a mesuré les difficultés, que si l’on y a atteint soi-même à quelques petits succès relatifs ; comme il n’y a que les musiciens qui comprennent la musique, et les autres, quand ils croient y entendre quelque chose, sont des snobs, il n’y a que les hommes qui ont été un peu versificateurs qui comprennent les poètes. […] Et enfin on s’aperçoit assez souvent, surtout chez les femmes, qu’un très grand goût de lectures romanesques n’est qu’une surface et qu’en leur fond on les trouvera très réalistes et très pratiques ; je dis assez souvent.
Fervaques et Bachaumont ont voulu, pour plus d’intérêt aux yeux du public, donner à leur livre une forme romanesque ; mais, pour eux, au fond, la grande affaire était de peindre la société des dernières années de l’Empire. […] Arsène Houssaye aurait appris une foule de choses à qui n’allait point à Mabille ou chez Μ. le duc de Persigny, mais son coup d’œil et son coup de pinceau n’entraient pas jusqu’à la grande nature humaine, qui est au fond et même le fond de toute société, si civilisée, si corrompue, si chinoise qu’une société puisse être.
Les heures de la nuit s’écoulaient, et je ne m’en apercevais pas ; je suivais avec anxiété ma pensée, qui de couche en couche descendait vers le fond de ma conscience, et, dissipant l’une après l’autre toutes les illusions qui m’en avaient jusque-là dérobé la vue, m’en rendait de moment en moment les détours plus visibles ! […] Je sus alors qu’au fond de moi-même il n’y avait plus rien qui fût debout. […] Il était si possédé de sa passion, qu’il l’apercevait en tout le monde et l’imposait au genre humain ; le fond de l’homme, à ses yeux, est la connaissance de la vérité morale.
Nous tâcherons d’en retracer la scène, les accidents principaux, et d’en ranimer quelques acteurs du fond de ces vastes cimetières appelés journaux, où ils gisent presque sans nom. […] Avec un esprit si supérieur, n’allez-vous pas quelquefois au fond de tout, c’est-à-dire jusqu’à la peine ? […] Mais l’un dans sa plaine, du fond de son château assez mince, en vue de ses jardins taillés et peu ombragés, détruit et raille. […] Un trait essentiel de la vaste hospitalité de Coppet, c’était un fond d’ordre au milieu de tant de variété et de diversion ; on sentait toute l’aisance de la richesse sans rien de ces profusions qui minent trop souvent et dégradent de près de brillantes existences. […] Pur écrivain de société, il ne va au fond de rien, et quand il a une plaisanterie, il la délaie ; ce qui ôte aussi de la gentillesse. — Mme de Staël, qui, du reste, gardait si peu de ressentiment, en voulut, par exception, à M. de Feletz.
On étoit si peu accoutumé alors à la bonne critique, que son Cymbalum Mundi fut regardé comme une Production étonnante ; dans le fond, ce n’est autre chose qu’un Recueil de Dialogues satiriques qui n’offrent rien de juste & de piquant.
Ce prétendu Poëte n’étoit au fond qu’un Rimeur, dont les Vers n’ont guere été connus que de lui seul & de l’Imprimeur, qui fut forcé de les lire avant de les mettre sous presse.
C'est servir essentiellement les Lettres, que de contribuer à leur accroissement par les bonnes Productions étrangeres ; on n'est pas toujours aussi heureux, quand on n'y contribue que de son propre fond.
Un jeune rossignol chante au fond de mon cœur. […] Il subissait l’influence des romantiques, et il était au fond le moins romantique des hommes. […] Il est si enfant, qu’il est capable de trouver amusant, au fond, de gagner son souper en filant. […] Mais je vous écris cet écrit du fond du système cellulaire. […] Et elle a délaissé Musset, qu’elle trouvait aussi démodé par le fond que par la forme.
Voilà pour les assassins de mon roman dont, au fond, j’ai voulu faire quelque chose comme une réponse aux romans russes. […] Au fond, je ne suis guère plus un homme qu’elles ne sont des femmes. […] Non en public, parbleu, pas à haute voix, mais au fond, dans les aveux, qu’on se chuchote dans la cave de sa conscience. […] Je signale aux musiciens une délicieuse cantilène que le prisonnier entend au loin, du fond de son cachot. […] Ils plongeaient leurs regards dans la vaste cour au fond de laquelle s’élevait le monument.
Ici, forme et fond, pensée et langue, tout est à lui. […] Au fond, Alberoni n’est pas un esprit souple. […] Mais, de plus, il a un fond de nature fière, qui rejette parfois le bruit et la fanfaronnade. […] Et puis, que sont-ils au fond ? […] Hommes du monde, comment songeraient-ils à regarder ce qu’il y a au fond de la vie du monde ?
Cet intérêt consistera dans l’étrangeté même des mœurs qui sont le fond de leurs ouvrages. […] Quelles bonnes après-midi, seuls, à l’ombre, dans le fond du jardin ! […] gémit-elle, du fond de ses chutes, après l’innocence perdue ? […] Baudelaire est au fond de l’ornière sur laquelle penche M. […] Le pis est, pour la forme comme pour le fond, que le poète ne paraît pas sincère ; et quel intérêt peut offrir ce vice à froid ?
Robert Dreyfus montre avec esprit qu’au fond M. […] Mais individualiste, au fond, ce féodal l’a toujours été. […] Cette sagesse était le fond de la morale grecque. […] Il y a un fond de bon sens dans ces théories. […] En réalité, si l’on va au fond des choses, M.
Cette querelle est au fond ce qu’il y a de plus faux et de plus injuste. […] Au fond l’autorité de Louis XIV et la sienne étaient extrêmement bornées par les mœurs et par les institutions. […] Racine, qui n’avait point fait de satires, et qui depuis tant d’années avait quitté le théâtre, était cependant le plus détesté ; il était dévot, janséniste, courtisan, et beaucoup plus malin que Boileau, qui, au fond, était doux, franc et bon homme. […] Quelques années auparavant, Quinault avait déjà donné l’Amant indiscret, pièce qui eut beaucoup de succès, et qui est au fond la même chose que l’Étourdi de Molière. […] Ce fond est mis en œuvre avec la gaîté libre et franche, l’esprit naturel qui était à la mode dans ce temps-là.
Ce Religieux a composé une Vie du Maréchal Fabert, où la même plume se montre avec les mêmes défauts, ainsi que dans son Histoire des Loix & des Tribunaux, très-capable d’intéresser par le fond des choses, mais dégoûtante par la pesanteur de l’élocution.
On a de lui un Recueil de Mémoires & de Plaidoyers, dont l’éloquence feroit plus à l’abri des reproches, si trop de négligence n’en affoiblissoit le style, si le fond des choses annonçoit plus d’examen & de réflexions, & si la maniere de les rendre étoit toujours conforme à la gravité qu’exigent ces sortes d’Ecrits.
Ses Amusemens philosophiques offrent une variété de sujets qui plairoit davantage, par les vûes excellentes qui y étincellent de temps en temps, pour peu que le style en fût plus naturel, & dégagé d’un entortillage que l’Auteur a peut-être pris pour de la force, mais qui n’est, dans le fond, qu’un effort pénible d’imagination, qui conduit à l’obscurité.
Il faut que les fleurs papillotent avec le fond qui, s’il est blanc surtout, forme comme une multitude de petites lumières éparses.
Le manteau royal qui couvre sa poitrine et ses épaules, descendant entre le fond du tableau et ses jambes, qu’on voit depuis le milieu de la cuisse, achève de détacher ces parties de la toile, et celles-ci entraînent les autres.
. — Pendant tout le dix-septième siècle, cette théorie subsiste encore au fond de toutes les âmes sous forme d’habitude fixe et de respect inné ; on ne la soumet pas à l’examen. […] Mais voici que les rôles s’intervertissent ; du premier rang, la tradition descend au second, et du second rang, la raison monte au premier. — D’un côté la religion et la monarchie, par leurs excès et leurs méfaits sous Louis XIV, par leur relâchement et leur insuffisance sous Louis XV, démolissent pièce à pièce le fond de vénération héréditaire et d’obéissance filiale qui leur servait de base et qui les soutenait dans une région supérieure, au-dessus de toute contestation et de tout examen ; c’est pourquoi, insensiblement, l’autorité de la tradition décroît et disparaît. De l’autre côté la science, par ses découvertes grandioses et multipliées, construit pièce à pièce le fond de confiance et de déférence universelles qui, de l’état de curiosité intéressante, l’élève au rang de pouvoir public ; ainsi, par degrés, l’autorité de la raison grandit et prend toute la place. — Il arrive un moment où, la seconde autorité ayant dépossédé la première, les idées mères que la tradition se réservait tombent sous les prises de la raison. […] Ce qu’on peut dire de mieux en faveur « d’une nation policée394 », c’est que ses lois, coutumes et pratiques se composent « pour moitié d’abus, et pour « moitié d’usages tolérables » Mais sous ces législations positives qui toutes se contredisent entre elles et dont chacune se contredit elle-même, il est une loi naturelle sous-entendue dans les codes, appliquée dans les mœurs, écrite dans les cœurs. « Montrez-moi un pays où il soit honnête de me ravir le fruit de mon travail, de violer sa promesse, de mentir pour nuire, de calomnier, d’assassiner, d’empoisonner, d’être ingrat envers son bienfaiteur, de battre son père et sa mère quand ils vous présentent à manger. » — « Ce qui est juste ou injuste paraît tel à l’univers entier », et, dans la pire société, toujours la force se met à quelques égards au service du droit, de même que, dans la pire religion, toujours le dogme extravagant proclame en quelque façon un architecte suprême Ainsi les religions et les sociétés, dissoutes par l’examen, laissent apercevoir au fond du creuset, les unes un résidu de vérité, les autres un résidu de justice, reliquat petit, mais précieux, sorte de lingot d’or que la tradition conserve, que la raison épure, et qui, peu à peu, dégagé de ses alliages, élaboré, employé à tous les usages, doit fournir seul toute la substance de la religion et tous les fils de la société. […] » — On reconnaît, à travers la théorie, l’accent personnel, la rancune du plébéien pauvre, aigri, qui entrant dans le monde, a trouvé les places prises et n’a pas su se faire la sienne, qui marque dans ses confessions le jour à partir duquel il a cessé de sentir la faim, qui, faute de mieux, vit en concubinage avec une servante et met ses cinq enfants à l’hôpital, tour à tour valet, commis, bohême, précepteur, copiste, toujours aux aguets et aux expédients pour maintenir son indépendance, révolté par le contraste de la condition qu’il subit et de l’âme qu’il se sent, n’échappant à l’envie que par le dénigrement, et gardant au fond de son cœur une amertume ancienne « contre les riches et les heureux du monde, comme s’ils l’eussent été à ses dépens et que leur prétendu bonheur eût été usurpé sur le sien421 » Non seulement la propriété est injuste par son origine, mais encore, par une seconde injustice, elle attire à soi la puissance, et sa malfaisance grandit comme un chancre sous la partialité de la loi. « Tous les avantages de la société422 ne sont-ils pas pour les puissants et pour les riches ?
De tous temps, il y a eu des esprits oisifs et rêveurs qui ont prétendu ainsi refaire de fond en comble le monde religieux, politique ou social à leur image. […] XXIX Arrêtons-nous, car cet abîme des utopies antisociales n’a pas de fond. […] XXX Un livre où le traducteur cite ces pages, qui font rougir la pudeur et refluer tout instinct de famille jusqu’au fond du cœur scandalisé : « Partout où il arrivera que les femmes soient communes, les enfants communs, les biens de toutes espèces communs, et où l’on aura retranché des relations de la vie jusqu’au nom même de propriété… on peut assurer que là est le comble de la vertu… Un tel État, qu’il ait pour habitants les dieux ou des enfants des dieux, est l’asile du bonheur parfait ; il faut en approcher le plus possible ! […] Carthage, société de commerce et de navigation, comme aujourd’hui la Grande-Bretagne, ne pouvait être qu’un gouvernement mixte de marins, de soldats, de sénateurs enrichis, de pauvres acharnés à s’enrichir ; un gouvernement à trois ou quatre pouvoirs contrebalancés par des intérêts ; l’or devait être au fond de toutes ses expéditions comme au fond de toutes ses pensées.
De bonne heure, dès 1641, épuisé de travail, il ressent les atteintes de la maladie qui n’aura pas sur le fond de son œuvre l’influence capitale qu’on prétend parfois, mais qui, du moins, exaspérant sa sensibilité, donnera à son style un frémissement singulier. […] Ne parlant qu’à la raison, il a fondé solidement ses arguments sur des bases éternelles, sur les principes essentiels de la moralité et de l’intelligence humaines, sur notre impérissable sens du vrai et du bien : il a dû pour cela sonder ces questions théologiques qu’il débattait, jusqu’à ce qu’il eût découvert le fond solide des lieux communs où la vie morale de l’homme est nécessairement comprise. […] Ses idées sur la religion, au fond, n’ont rien de nouveau : pas même ses idées morales, politiques, sociales. […] D’autres théories de Pascal sont celles du temps : sa doctrine politique, au fond, se réduit à des opinions assez répandues parmi le tiers état intelligent depuis la fin du xvie siècle, et elle se retrouvera, l’accent seulement étant changé, dans la Politique de Bossuet. […] Toutes les remarques portent, et il n’y en a point qui ne donnent à penser longuement, quand il explique le mécanisme de l’amour-propre, ou qu’il montre l’imagination et les nerfs plus maîtres de nous que notre raison, quand il nous promène à travers le monde cherchant une morale fixe, des lois communes, quand il sonde l’institution sociale, le principe monarchique, pour ne trouver au fond, à l’origine, que la force, et qu’il autorise si superbement le respect traditionnel des lois, de la hiérarchie, de l’hérédité dynastique.
Au fond les romanciers voudraient n’avoir qu’à être des romanciers pour être profonds. […] Au fond c’est partout le même débat. […] C’est uniquement, au fond, parce qu’elle est résolue. […] Mais l’une et l’autre sont conjointes et ont exactement le même procédé) : « Ma seconde maxime était d’être le plus ferme et le plus résolu en mes actions que je pourrais, … Au fond sa grande maxime de méthode est aussi d’être le plus ferme et le plus résolu en ses pensées qu’il le pourrait. […] Je ne veux point dans cette simple note entrer dans le fond du débat bergsonien.
Il étoit réservé à Racine de faire de l’amour le fond de ses tragédies. […] Tout ce que nous avons dit de la tragédie, on peut le dire également de l’opéra, que Saint-Evremont appelle une sottise, en ajoutant, qu’une sottise chargée de musique, de danses, de machine, de décorations, est une sottise magnifique ; mais toujours sottise ; que c’est un vilain fond sous de beaux dehors. […] Le peu de comique qui s’y trouve est noble, & naît du fond du sujet : il n’y a de comique qu’entre les deux amans Darviane & Rosalie. […] M. de Voltaire, en parlant de la comédie & des comédiens, n’a point traité pleinement le fond de la question ; il s’est étendu sur l’historique. […] On voit qu’il ne s’explique qu’à demi ; qu’il craint d’ajouter à la fermentation qu’il a déjà causée ; & que, dans le fond de l’ame, il ne voudroit de théâtre nulle part.