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412. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Du moins aura-t-il, sans précisément le vouloir, jeté un pont entre le statique et le dynamique, et justifié l’emploi du même mot dans des cas aussi différents. […] A cet élan il semble que l’âme hindoue se soit essayée par deux méthodes différentes. […] Bien différent est l’amour mystique de l’humanité. […] Si c’est possible, ce ne pourra être que par l’emploi simultané ou successif de deux méthodes très différentes. […] Il y aura là deux atmosphères de sentiment distinctes, deux parfums différents, et dans les deux cas l’amour sera qualifié par son essence, non par son objet.

413. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Ces penchants sont très différents en effet, et assez nombreux. […] Il était très différent et même contraire. […] Ils avisent telle époque éloignée, qui, parce qu’elle est éloignée, est très différente de la leur, et, parce qu’elle est très différente, semble meilleure, et c’est elle qu’ils prennent pour en faire le progrès de demain. […] Très différent en cela de Saint-Simon, à qui du reste ou n’a pas eu tort de le comparer. […] Il n’est, pour peindre la race dont on est, que de se connaître soi-même, et de se décrire naïvement en ses différentes parties.

414. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De l’amitié. »

Enfin, deux amis d’un sexe différent, qui n’ont aucun intérêt commun, aucun sentiment absolument pareil, semblent devoir se rapprocher par cette opposition même ; mais si l’amour les captive, je ne sais quel sentiment, mêlé d’amour propre et d’égoïsme, fait trouver à un homme ou à une femme liés par l’amitié, peu de plaisir à s’entendre parler de la passion qui les occupe ; ces sortes de liens ou ne se maintiennent pas, ou cessent, alors qu’on n’aime plus l’objet dont on s’entretenait, on s’aperçoit tout à coup que lui seul vous réunissait. […] Dès qu’un homme et une femme ne sont point attachés ailleurs par l’amour, ils cherchent dans leur amitié tout le dévouement de ce sentiment, et il y a une sorte d’exigence naturelle, entre deux personnes d’un sexe différent, qui fait demander par degrés, et sans s’en apercevoir, ce que la passion seule peut donner, quelque éloigné que l’un et l’autre soit de la ressentir ; on se soumet d’avance et sans peine à la préférence que son ami accorde à sa maîtresse ; mais on ne s’accoutume pas à voir les bornes, que la nature même de son sentiment met aux preuves de son amitié ; on croit donner plus qu’on ne reçoit, par cela même qu’on est plus frappé de l’un que de l’autre, et l’égalité est aussi difficile à établir sous ce rapport que sous tous les autres ; cependant elle est le but où tendent ceux qui se livrent à ce lien.

415. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

Une fois il a saisi la solution d’un problème qui l’occupait depuis longtemps, une autrefois une beauté nouvelle l’a frappé dans un ouvrage inconnu ; enfin, ses jours sont marqués entre eux par les différents plaisirs qu’il a conquis par sa pensée : et ce qui distingue surtout cette espèce de jouissance, c’est que l’avoir éprouvée la veille, vaut la certitude de la retrouver le lendemain. […] L’homme passionné et l’homme stupide éprouvent par l’étude le même degré d’ennui, l’intérêt leur manque à tous les deux ; car, par des causes différentes, les idées des autres ne trouvent en eux aucune idée correspondante : l’âme fatiguée s’abandonne enfin à l’impulsion qui l’entraîne et consacre sa solitude à la pensée qui la poursuit ; mais elle ne tarde pas à se repentir de sa faiblesse ; la méditation de l’homme passionné enfante des monstres, comme celle du savant crée des prodiges.

416. (1890) L’avenir de la science « XI »

Partout une langue ancienne a fait place à un idiome vulgaire, qui ne constitue pas à vrai dire une langue différente, mais plutôt un âge différent de celle qui l’a précédé ; celle-ci plus savante, plus synthétique, chargée de flexions qui expriment les rapports les plus délicats de la pensée, plus riche même dans son ordre d’idées, bien que cet ordre d’idées fût comparativement plus restreint ; image en un mot de la spontanéité primitive, où l’esprit confondait les éléments dans une obscure unité et perdait dans le tout la vue analytique des parties ; le dialecte moderne, au contraire, correspondant à un progrès d’analyse, plus clair, plus explicite, séparant ce que les anciens assemblaient, brisant les mécanismes de l’ancienne langue pour donner à chaque idée et à chaque relation son expression isolée.

417. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre II. Recherche des vérités générales » pp. 113-119

Application différente de la même loi. […] Dans la seconde moitié du siècle dernier renaissent en France des goûts qu’on n’y connaissait plus ; on s’y éprend à la fois des voyages, de l’agriculture, des idylles, des jardins anglais, des romans champêtres, des sites sauvages qualifiés de « romantiques », des tableaux représentant la vie du village : choses d’ordre différent, mais qui se ressemblent et qu’on peut réunir sous une seule formule en disant : la France revient à la nature extérieure.

418. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 8-23

On dira peut-être que l’amour sur la Scène tragique, conduisant aux malheurs, aux crimes, & aux remords, cesse d’être dangereux, & devient un principe fécond pour développer avec succès les différentes impressions dont l’ame humaine est susceptible. […] Voilà Racine, qui, venant après Sophocle, Euripide, Corneille, se forme sur leurs différens caracteres, &, sans être ni Copiste ni Original, partage la gloire des plus grands Originaux.

419. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre II. Des éloges religieux, ou des hymnes. »

Ainsi, chez tous les peuples, les hymnes prennent, pour ainsi dire, la teinte du climat ; et une nature, ou sauvage, ou riante, influant par les sensations sur les idées, y détermine les différents éloges qu’on fait de la divinité2. […] Les objets qui l’environnent et qui le frappent, c’est l’architecture qu’il a créée, les métaux qu’il a tirés du sein de la terre, les richesses qu’il a cherchées au-delà de l’océan, les différentes parties du monde unies par la navigation, enfin tout ce qu’a de brillant le tableau de la société, des lois et des arts ; mais dans les campagnes, l’homme disparaît, et la divinité seule se montre.

420. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIV. Panégyrique de Trajan, par Pline le jeune. »

Ceux qui ont reçu de la nature une âme forte, ceux qui ont le bonheur ou le malheur de sentir tout avec énergie, ceux qui admirent avec transport et qui s’indignent de même, ceux qui voient tous les objets de très haut, qui les mesurent avec rapidité et s’élancent ensuite ailleurs, qui s’occupent beaucoup plus de l’ensemble des choses que de leurs détails, ceux dont les idées naissent en foule, tombent et se précipitent les unes sur les autres, et qui veulent un genre d’éloquence fait pour leur manière de sentir et de voir, ceux-là sans doute ne seront pas contents de l’ouvrage de Pline ; ils y trouveront peut-être peu d’élévation, peu de chaleur, peu de rapidité, presqu’aucun de ces traits qui vont chercher l’âme et y laissent une impression forte et profonde ; mais aussi il y a des hommes dont l’imagination est douce et l’âme tranquille, qui sont plus sensibles à la grâce qu’à la force, qui veulent des mouvements légers et point de secousses, que l’esprit amuse, et qu’un sentiment trop vif fatigue ; ceux-là ne manqueront pas de porter un jugement différent. […] « Trop longtemps les sujets et le prince ont eu des intérêts différents ; aujourd’hui le prince ne peut plus être heureux sans les sujets, ni les sujets sans le prince40.

421. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

D’autres, obstinément repliés sur eux-mêmes, ne sauront, sous des formes différentes, que retracer l’histoire de leur âme. […] Mais qui parle de réalité, et de quelle réalité parle-t-on, s’il est vrai qu’elle apparaisse différente à chaque individu ? […] C’est une illusion de croire que nous soyons très différents des autres, hélas ! et c’en est une aussi de croire que nous puissions, dans le court espace d’une vie d’homme, devenir très différents de nous-mêmes. […] Vous savez quelles réponses ils ont rapportées, et qu’elles sont toutes différentes.

422. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Il ne pourrait exister pour lui que des états plus intenses que d’autres, ce qui est tout différent. […] Sans insister sur ces différentes phases, qu’avons-nous dans l’esprit, quand nous pensons ces idées générales ? […] Ce sentiment tout à fait analogue est localisé d’une manière toute différente. […] Or c’est là un moment initial différent du moment de l’effort senti, qui est un effet. […] Mais on applique aussi le mot « distraction » à des cas tout différents.

423. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Elle est encore plus différente de la musique aux autres arts. […] Ils représentent des types d’art très différents. […] Les deux définitions sont très différentes. […] Benoit, mais son orientation paraît très différente. […] L’évolution du roman anglais serait un peu différente.

424. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Être différent, voilà une raison suffisante de fixer l’attention. […] Somme toute, c’est la même idée, mais traduite par des moyens différents, que chez Mme de Noailles. […] Les circonstances sont différentes, le décor est autre… surtout l’accent ; mais la psychologie foncière est identique. […] Il est si tentant de donner une image de soi-même différente de celle qu’on attendait. […] Plasticité… dira-t-on… Et certes j’y souscris, mais plasticité d’ordre unique et vraiment merveilleuse puisque, tout en épousant la forme de qui régla cette inspiration, elle fait passer dans une langue différente l’essentiel de celle-ci.

425. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Il est très exact que Victor Hugo a célébré avec la même ferveur les opinions les plus différentes. […] Il a répété sa pensée sous des formes différentes, mais elle seule, toujours la même ; et il l’a répétée douze fois. […] Vous voyez comme ce titre est différent de Méditations ou même de Feuilles d’automne. […] Cependant, il ne faudrait pas adresser à Leconte de Lisle un reproche qu’on lui a fait souvent, en confondant l’un avec l’autre deux mots très différents. […] Et vous allez voir combien la poésie d’un François Coppée est différente de celle d’un Heredia, ou celle d’un Sully Prudhomme différente de celle des deux autres.

426. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

On lui suscita quelques chagrins à son retour ; ce qui ne l’empêcha pas de servir ensuite chez différens peuples. […] Cet ouvrage amuse l’imagination du lecteur par un grand nombre de planches qui représentent les mœurs des François & leurs différens usages dans tous les tems ; mais les explications ne sont pas aussi piquantes que les figures. […] On peut joindre à ce livre les Mœurs & coutumes des François dans les différens tems de la Monarchie, par l’Abbé le Gendre, in-12. […] Venons aux différens Etats qui divisent l’Italie & commençons par Venise. […] L’auteur s’étoit appliqué pendant 24. ans à coufronter toutes les différentes rélations de ce vaste Empire.

427. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Croce, non pas que je lui aie emprunté celles-là de mes idées qui sont le plus semblables aux siennes ; non, j’y suis arrivé par mon propre effort et par une voie différente ; mais il a affermi et précisé mes convictions ; même là où je le combats, je sais tout ce qu’on apprend d’un pareil adversaire. […] Pour lui, Minerve sort tout armée du cerveau de Jupiter ; c’est pourquoi il se moque de la technique, des limites prescrites aux différents arts, et des genres littéraires. […] Nous avons donc chaque fois un cas particulier, et c’est par d’insensibles nuances qu’on va depuis la création géniale, qui relègue les sources dans l’oubli, jusqu’au démarquage pur et simple d’un grand poète par un esprit qui lui est inférieur ou qui est d’une nature essentiellement différente. […] Ce que je reproche à D’Annunzio, ce ne sont pas ces emprunts comme tels (ils répondent fort bien à son tempérament lyrique), mais c’est la façon dont il en a encombré un récit de caractère tout différent. […] Un autre exemple, d’un genre différent : au milieu des atrocités, souvent sadiques, de La Nave, il y a une scène consacrée à la gloire de Venise et de la marine italienne (sujet très cher à D’Annunzio) ; c’est la prophétie de la diaconesse Ema (dans le troisième épisode).

428. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

La religion différente était le seul obstacle aux yeux de ma famille, d’une orthodoxie sévère, et aussi aux yeux de la mère de mademoiselle B… Quant à elle, cette diversité du culte natal n’était pas un empêchement ; car, élevée dans l’intimité journalière de quatre personnes zélées catholiques, elle n’avait pas tardé à subir elle-même l’influence secrète du catholicisme du coin du feu, et elle était résolue à adopter la religion de ses amies aussitôt qu’elle pourrait le faire sans affliger sa mère. […] Je prenais une part très vive et très confidentielle aux différentes phases et aux différents orages que cette révolution suscitait dans le peuple, dans le parlement et dans le palais. […] Le cavalier servant et l’époux, selon l’usage aussi du pays, s’entendaient pour adorer, l’un d’un culte conjugal, l’autre d’un culte de pure assiduité, l’idole commune d’attachements différents, mais aussi ardents l’un que l’autre. […] C’était comme un lai des sirventes, comme une légende du moyen âge, dont les seuls événements étaient ses impressions et ses amours, ses songes dans les différentes terres et dans les différentes mers qu’il avait parcourues.

429. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Se créer un style personnel et improviser sur n’importe quel sujet sont deux talents de nature différente et presque opposée. […] Il est utile de distinguer les degrés différents atteints par les différentes classes qui forment le public ; il est bon d’évaluer, autant que faire se peut, le nombre des privilégiés à qui les jouissances du beau ont été largement accessibles et l’épaisseur souvent énorme des masses ignorantes qui n’ont pu les connaître que sous leur forme la plus grossière. […] Quelle est la proportion entre les différentes branches se rattachant à la littérature ? […] Or, si un enseignement historique exclusif, aidé d’une rhétorique assortie, a pu avoir pareilles conséquences, on peut imaginer combien il importe de noter dans l’enseignement littéraire l’espace accordé aux différentes branches. […] Mais le mouvement s’arrêterait sans ces démolitions et reconstructions partielles que les différentes générations opèrent à mesure de leur entrée dans le monde.

430. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

L’homme, par un instinct occulte, mais universel, semble avoir senti, dès le commencement des temps, le besoin d’exprimer dans un langage différent ces choses différentes. […] XV Un mot maintenant sur ce qu’on appelle les différents genres de poésie d’école. […] L’ordre des matières, qui est le fil dans le labyrinthe, n’en sera toutefois brisé qu’en apparence pour l’ouvrage tout entier ; car nous aurons soin de ne point entrecroiser, dans le même entretien, des sujets appartenant à des temps, à des nations, à des auteurs différents, ce qui jetterait la confusion dans l’ouvrage, mais de consacrer chaque entretien tout entier ou plusieurs entretiens à un seul et même sujet ; nous placerons en tête ou en marge de chacun des entretiens l’époque à laquelle il se rapporte, en sorte qu’à la fin du Cours chacun des lecteurs pourra, en faisant relier ensemble les livraisons, rétablir sans peine l’ordre chronologique, interverti un moment pour la liberté et pour l’agrément de la conversation littéraire. XVIII Un sujet aussi vaste que l’inventaire de toutes les littératures comporte essentiellement quelques-unes de ces grandes divisions qui sont la distribution de la lumière entre les différentes parties d’un même sujet. […] En ne les perdant pas de vue dans les différentes excursions que nous allons faire ensemble à travers les œuvres de l’esprit humain, nous saurons toujours où nous sommes, et nous pourrons pressentir peut-être où nous allons.

431. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

La critique-est l’art d’apprécier les différentes autorités, assez souvent contradictoires, sur lesquelles nos connaissances sont appuyées. . […] Ils se répandent dans les différentes professions de la société : les uns se font commerçants ou militaires, d’autres suivent la cour ou le barreau ; c’està-dire que les dix-neuf vingtièmes passent leur vie sans lire un auteur latin, et oublient ce qu’ils ont si péniblement appris. […] Il traitera de l’invention, de l’élocution ou du style, du style historique, du style oratoire, du style didactique, du style épistolaire ; des différentes parties de l’oraison, l’exorde, l’exposition, la démonstration, la réfutation, la péroraison ; du récit, du pathétique, de l’action, ou des différentes parties de la déclamation, le geste et la voix ; de la poésie dramatique, du dialogue, de la tragédie, de la comédie, du poème lyrique et du poëme pastoral, de l’élégie, de l’ode, de l’idylle, de l’épître, de la satire, de la fable, du madrigal, de la chanson ou vaudeville et de l’épigramme. […] Un écolier aura à rendre cette expression, maison Cornélienne, qu’après avoir cherche dans son Dictionnaire le mot maison, entre les différentes traductions de ce mot, il s’arrête au mot domus ; son travail de recherche lui aura été fort peu utile : rien ne le choquera dans la phrase où il insérera ce mot, rien ne l’avertira du ridicule de son choix ; comment, avant de savoir le latin, s’apercevra-t-il de la bizarrerie d’une phrase latine de sa composition ? Qu’au contraire il ait à traduire le gens Corneliana, s’il est embarrassé entre les différentes acceptions du mot gens, il aura, pour se diriger et s’éclairer, le sens du reste de la phrase dont il cherchera à se donner l’explication en français, et sera conduit à choisir la seule traduction du mot gens qui puisse entrer dans une phrase française raisonnable.

432. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Ce sont les relations de ces différentes personnes entre elles qui en forment la vie. […] Cela revient à rechercher la conception que les différents groupes sociaux se font de l’amour et du mariage ; et il est à peine besoin de faire remarquer quel rôle immense cette conception changeante joue dans l’histoire littéraire de la France. […] Les contes d’autrefois, les fabliaux ainsi que les romans, depuis ceux de la Table ronde jusqu’à ceux qui s’étalent sous des couvertures neuves dans les vitrines des libraires, ont aussi de mille manières exploité la mine inépuisable que leur offrent des sentiments toujours les mêmes et cependant toujours nouveaux par la forme qu’ils prennent aux différentes époques. […] Sans vouloir dérouler la longue histoire des façons, diverses dont l’amour a été compris par les différentes époques, il est permis de choisir quelques exemples pour montrer les phases extrêmes par où ont passé ce sentiment et son expression.

433. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

D’ailleurs, presque toujours, l’interprétation n’est qu’une variété de l’invention : on ne comprend pas un texte un peu difficile sans le traduire, soit en d’autres termes de la même langue, soit, et plus souvent, en des termes empruntés à une langue différente, c’est-à-dire sans penser par soi-même une idée qui est au sens de la phrase ce que l’hypothèse est à la vérité, et cette idée s’exprime progressivement par des mots toujours adéquats à son état présent. […] De deux choses l’une alors : ou ces deux pensées se confondent, et l’expression trouvée devient l’expression définitive d’une pensée mixte, incohérente ; — ou bien elles restent distinctes : c’est que l’esprit, sous le prétexte de comparer à sa pensée les termes qu’il a d’abord trouvés pour l’exprimer, compare deux pensées qu’il sait différentes par leur origine, et aperçoit ainsi les rapports et les différences de nature qu’elles peuvent présenter248. […] Si, au contraire, les deux pensées sont jugées différentes, l’expression provisoire est par là même condamnée ; nous disons qu’elle dénature notre pensée, ou qu’elle la dépasse, ou qu’elle l’amoindrit ; nous ne l’acceptons pas, et nous nous mettons à la recherche d’une expression meilleure. […] Rien n’appartient en propre au langage : il relie entre elles les différentes périodes de la pensée ; il sert de médiateur entre le moi passé et le moi présent comme entre mes semblables et moi ; il fait ma personnalité intellectuelle [ch.

434. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

Cette histoire peut, d’après les idées modernes, peut, me semble-t-il, se raconter de trois manières différentes : d’abord, elle peut se raconter comme Apulée l’a racontée, et à peu près aussi La Fontaine (mais vous verrez qu’il y a une réserve à faire), se raconter comme un conte des Mille et une Nuits, en décrivant tout ce qui est arrivé à Psyché parce qu’elle a été curieuse, ce qui lui a valu des mésaventures qui ont été très dures. […] Voilà les différentes façons dont on peut traiter Psyché, et j’entends par là que ce vieux mythe populaire de Psyché contient tout cela, comme les mythes populaires contiennent des sens très grands et très profonds, en quelque sorte d’une façon inconsciente. […] Nous verrons cela à la fin du dix-huitième siècle, nous le verrons au dix-neuvième, et vous en connaissez les différentes péripéties et les différents aspects.

435. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

J’en demande humblement pardon aux esprits académiques de tout genre qui habitent les différents ateliers de notre fabrique artistique. […] Dans leur guerre à l’imagination, ils obéissent à des mobiles différents ; et deux fanatismes inverses les conduisent à la même immolation. […] Ici nous trouverons un nombril qui s’égare vers les côtes, là un sein qui pointe trop vers l’aisselle ; ici, — chose moins excusable (car généralement ces différentes tricheries ont une excuse plus ou moins plausible et toujours facilement devinable dans le goût immodéré du style), — ici, dis-je, nous sommes tout à fait déconcertés par une jambe sans nom, toute maigre, sans muscles, sans formes, et sans pli au jarret (Jupiter et Antiope). […] Ces différentes peintures servent à constater la prodigieuse certitude à laquelle le maître est arrivé.

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