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497. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Riposte à Taxile Delord » pp. 401-403

Jeune homme, qui vous destinez aux lettres et qui en attendez douceur et honneur, écoutez de la bouche de quelqu’un qui les connaît bien et qui les a pratiquées et aimées depuis près de cinquante ans, — écoutez et retenez en votre cœur ces conseils et cette moralité : Soyez appliqué dès votre tendre enfance aux livres et aux études ; passez votre tendre jeunesse dans l’etude encore et dans la mélancolie de rêves à demi-étouffés ; adonnez-vous dans la solitude à exprimer naïvement et hardiment ce que vous ressentez, et ambitionnez, au prix de votre douleur, de doter, s’il se peut, la poésie de votre pays de quelque veine intime, encore inexplorée ; — recherchez les plus nobles amitiés, et portez-y la bienveillance et la sincérité d’une âme ouverte et désireuse avant tout d’admirer ; versez dans la critique, émule et sœur de votre poésie, vos effusions, votre sympathie et le plus pur de votre substance ; louez, servez de votre parole, déjà écoutée, les talents nouveaux, d’abord si combattus, et ne commencez à vous retirer d’eux que du jour où eux-mêmes se retirent de la droite voie et manquent à leurs promesses ; restez alors modéré et réservé envers eux ; mettez une distance convenable, respectueuse, des années entières de réflexion et d’intervalle entre vos jeunes espérances et vos derniers regrets ; — variez sans cesse vos études, cultivez en tous sens votre intelligence, ne la cantonnez ni dans un parti, ni dans une école, ni dans une seule idée ; ouvrez-lui des jours sur tous les horizons ; portez-vous avec une sorte d’inquiétude amicale et généreuse vers tout ce qui est moins connu, vers tout ce qui mérite de l’être, et consacrez-y une curiosité exacte et en même temps émue ; — ayez de la conscience et du sérieux en tout ; évitez la vanterie et jusqu’à l’ombre du charlatanisme ; — devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû, gardez constamment la seconde ligne : maintenez votre indépendance et votre humble dignité ; prêtez-vous pour un temps, s’il le faut, mais ne vous aliénez pas ; — n’approchez des personnages le plus en renom et le plus en crédit de votre temps, de ceux qui ont en main le pouvoir, qu’avec une modestie décente et digne ; acceptez peu, ne demandez rien ; tenez-vous à votre place, content d’observer ; mais payez quelquefois par les bonnes grâces de l’esprit ce que la fortune injuste vous a refusé de rendre sous une autre forme plus commode et moins délicate ; — voyez la société et ce qu’on appelle le monde pour en faire profiter les lettres ; cultivez les lettres en vue du monde, et en tâchant de leur donner le tour et l’agrément sans lequel elles ne vivent pas ; cédez parfois, si le cœur vous en dit, si une douce violence vous y oblige, à une complaisance aimable et de bon goût, jamais à l’intérêt ni au grossier trafic des amours-propres ; restez judicieux et clairvoyant jusque dans vos faiblesses, et si vous ne dites pas tout le vrai, n’écrivez jamais le faux ; — que la fatigue n’aille à aucun moment vous saisir ; ne vous croyez jamais arrivé ; à l’âge où d’autres se reposent, redoublez de courage et d’ardeur ; recommencez comme un débutant, courez une seconde et une troisième carrière, renouvelez-vous ; donnez au public, jour par jour, le résultat clair et manifeste de vos lectures, de vos comparaisons amassées, de vos jugements plus mûris et plus vrais ; faites que la vérité elle-même profite de la perte de vos illusions ; ne craignez pas de vous prodiguer ainsi et de livrer la mesure de votre force aux confrères du même métier qui savent le poids continu d’une œuvre fréquente, en apparence si légère… Et tout cela pour qu’approchant du terme, du but final où l’estime publique est la seule couronne, les jours où l’on parlera de vous avec le moins de passion et de haine, et où l’on se croira très clément et indulgent, dans une feuille tirée à des milliers d’exemplaires et qui s’adresse à tout un peuple de lecteurs qui ne vous ont pas lu, qui ne vous liront jamais, qui ne vous connaissent que de nom, vous serviez à défrayer les gaietés et, pour dire le mot, les gamineries d’un loustic libéral appelé Taxile Delord.

498. (1874) Premiers lundis. Tome II « Sextus. Par Madame H. Allart. »

Ces deux êtres choisis sont destinés l’un à l’autre, et, après fut le première venant de quelque malentendu, ils doivent tout vaincre pour s’unir.

499. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — E — Elskamp, Max (1862-1931) »

Je vous le demande : est-il plus belle gloire et destine plus enviable ?

500. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La doctrine symboliste » pp. 115-119

« Le poème destiné à produire une émotion esthétique sera symbolique.

501. (1887) Discours et conférences « Discours à la conférence Scientia : Banquet en l’honneur de M. Berthelot »

Quand on croyait que la terre était une plaine, recouverte par une voûte en berceau, où les étoiles filaient, à quelques lieues de nous, dans des rainures, il était vraiment bien superflu de raisonner sur l’homme et sa destinée.

502. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre II. Causes générales qui ont empêché les écrivains modernes de réussir dans l’histoire. — Première cause : beautés des sujets antiques. »

Ils se préparent, pour ainsi dire, des destinées humaines ; ils n’influent plus sur le sort des empires.

503. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XV. Le fils du sérigne »

Grand trou, creusé en entonnoir et peu profond, destiné à recevoir les eaux de pluie ou à atteindre une nappe d’eau peu éloignée.

504. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

À ceux qui ne voient que cette face du monde et de la destinée humaine, on comprend que l’esprit se trouble, que le cœur défaille, et qu’une mélancolie misanthropique devienne une disposition habituelle qui les jette tour à tour dans l’irritation ou dans le doute, dans le mépris ironique ou dans l’abattement. […] De là naît sa grandeur tragique ; elle est dans sa destinée plus que dans son caractère. […] Les autres personnages, amenés seulement pour concourir à ce grand tableau de la marche et de la destinée du crime, n’ont d’autre couleur que celle de la situation que leur donne l’histoire. […] Il a été institué légataire universel, parce que le défunt ignorait la destinée du second de ses neveux, qui avait quitté dès l’enfance la maison paternelle. […] Cette différence dans la marche des idées se peint dans tous les détails du caractère et de la destinée des personnages.

505. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Au lieu de s’arrêter à la contemplation stérile de l’idéal, il crée, pour cet idéal, un monde nouveau, destiné à le réfléchir dans toute sa pureté. […] L’une brille un jour et disparaît plus ou moins vite ; vient une autre qui a la même destinée, qui nous fait illusion au même titre et s’évanouit à son tour. […] Croyez-vous que l’homme que consument les feux de la zone torride soit appelé à la même destinée en ce monde que celui qui habite les déserts glacés de la Sibérie ? […] On peut plaindre les peuples, mais il ne faut pas accuser leur destinée, car ce sont eux qui la font. […] l’éclectisme n’est-il pas un rêve honnête, né dans mon esprit, condamné à y mourir et qui doit y accomplir toute sa destinée ?

506. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. — POST-SCRIPTUM. » pp. 269-272

Nous ferons certainement d’autres portraits contemporains, nous en avons déjà fait, en bon nombre, qui n’ont pu entrer dans les présents volumes, et, au moment même où nous achevons cette espèce de série, nous mettons sous presse un volume destiné à la compléter et à la poursuivre.

507. (1890) L’avenir de la science « A. M. Eugène Burnouf. Membre de l’Institut, professeur au Collège de France. »

Mais, si la science est la chose sérieuse, si les destinées de l’humanité et la perfection de l’individu y sont attachées, si elle est une religion, elle a, comme les choses religieuses, une valeur de tous les jours et de tous les instants.

508. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 516-521

La réunion de tous ces avantages doit rendre votre travail précieux à tous les Amateurs, & particuliérement aux Instituteurs de la Noblesse, destinée aux emplois politiques & militaires.

509. (1913) Le bovarysme « Deuxième partie : Le Bovarysme de la vérité — II »

Se croyant destiné à atteindre la vérité, l’homme à tout moment crée le réel.

510. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

Ainsi la consanguinité du fils avec le père et la mère, consanguinité aussi mystérieuse dans l’âme que dans les veines ; ainsi la loi de solidarité génératrice, qui enchaîne la cause à l’effet dans les parents, et l’effet à la cause dans les enfants ; ainsi la loi d’équité, autrement dit la reconnaissance, qui impose l’amour, non seulement affectueux, mais dévoué, au fils, pour la vie, l’allaitement, les soins, la tendresse, l’éducation, l’affection souvent pénible dont il a été l’objet dans son âge de faiblesse, d’ignorance, d’incapacité de subvenir à ses propres besoins ; ainsi la loi de mutualité, qui commande à l’homme mûr de rendre à sa mère et à son père les trésors de cœur qu’il en a reçus enfant ou jeune homme ; ainsi la piété filiale, nommée de ce nom dans toutes les langues pour assimiler le culte obligatoire et délicieux des enfants envers les auteurs de leur vie et les providences visibles de leur destinée au culte de Dieu ! […] La société politique, nullement délibérée, mais instinctive et fatale dans le sens divin du mot fatal (fatum, destinée), est un acte par lequel l’homme, né forcément sociable, se constitue en société avec ses semblables. […] C’est le décret de la souveraineté de la nature, et, en l’écrivant dans ton droit de vivre, elle a écrit en même temps ta destinée d’être sociable : car, sans la société naturelle, tu ne vivrais pas, et, sans la société légale, tu aurais bientôt cessé de vivre. […] Il s’approprie une partie de l’espace, dans une part à lui destinée par la mesure de ses membres qui le remplissent, et qui lui appartient, en s’agrandissant, à la mesure de ses bras, de ses pas, de ses mouvements dans le nid ; et, s’il en est dépossédé, il périt étouffé, faute de place au soleil.

511. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

Ils cessent de semer des moissons destinées à être récoltées par d’autres, et alors la disette décime cités et villages. […]  » Tous les moyens sont bons pour multiplier la copie destinée à se transformer en bon argent. […] Le régime industriel commençait à peine à se constituer en France qu’il engendra ainsi quantité de projets, de systèmes destinés à le corriger. Ce fut dans les cinquante premières années du siècle une éclosion printanière, presque une éruption de théories destinées à régénérer la société moderne.

512. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

Couturier (Henri l’Oiseleur), dont la voix de baryton s’accommode mal d’une partie vocale destinée à une basse véritable. […] Je crois aussi que cet opéra est destiné à la scène, j’ignore s’il fera de l’effet : cela dépendra de l’effet qu’il produira sur le public. […] Mais son infaillible instinct d’artiste et de poète lui a fait comprendre que la question de la destinée humaine, le désir d’une existence renouvelée, réparatrice de tous nos maux, la soif de la vérité, de la justice et de l’amour, étaient les grandes, les principales sources de poésie. […] Alors plus encore que maintenant on révérera la mémoire de quelques hommes qui s’émurent de notre longue misère, qui soupirèrent après une meilleure destinée, et qui mirent dans leurs œuvres, sciemment ou non, le frisson de l’amour et de la foi.

513. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

Ils en sont venus à mêler à la psychologie des héros, ou des groupes destinés à personnifier telle ou telle conception de l’existence, un ressort moral qui n’était plus seulement la passion ou les émois personnels de ces hommes, ni les réactions produites sur leur âme par ces mouvements. […] Tout comme le colossal auteur de la Comédie humaine, les plus puissamment musclés d’entre nos écrivains d’imagination ont voulu se mettre eux-mêmes tout entiers dans une œuvre de trame continue ; rassembler de nombreux personnages et poursuivre leurs destinées à travers des compositions successives, les montrer en action, et observer leurs mobiles ou le jeu de leur énergie au milieu des aventures les plus diverses. […] René Bazin pourrait se rattacher aux romanciers sociaux, puisqu’il analysa avec une émotion ennoblie de pitié et colorée de réalisme, la condition si attachante des ouvrières de la mode dans De toute son âme ; la dure et humble destinée des nourrices « déracinées » dans Donatienne ; la grave question, toujours actuelle, de la ruine agraire par l’exode du paysan vers la ville dans la Terre qui meurt. […] Il nous touche par la douleur, par les destinées qu’il nourrit, par les conditions qu’il mélange, par les antagonismes qu’il crée.

514. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

Triste destinée ! […] La ressemblance de leurs destinées fait mieux ressortir la dissemblance de leurs âmes ! […] Et notez bien qu’en caractérisant ainsi la force destructrice de cette machine, de cette locomotive à raisonnements qu’on appelle Proudhon, je n’exagère point jusqu’à la grandeur une destinée qui aurait pu être grande si une telle force avait été mise au service d’une autre métaphysique, si le raisonneur formidable avait choisi d’autres points de départ que les siens. […] Elle acceptait, le front bas ou le front haut, — à ses risques et périls, — sa destinée.

515. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Sa destinée errante, qui l’avait jetée et ramenée plus d’une fois de Rotten à Bruxelles, de Bruxelles à Rouen, puis à Lyon, à Bordeaux, sauf quelques stations d’assez courte durée à Paris, eut un dernier et notable épisode en 1838. […] … » Nous voilà tout d’abord entrés aussi avant que possible au cœur de cette poignante destinée. […] Par là ce portrait me paraît plus touchant et plus édifiant encore que les plus belles figures de Port-Royal… Ceux qui aiment par-dessus tout ces révélations intimes, ce spectacle des plus humbles destinées individuelles où la poésie et l’idéal sortent de la réalité la plus positive, — ceux-là vous doivent une reconnaissance d’autant plus vive… Tant de gens ne s’inquiètent que de ce qui brille, de ce qui fait du bruit ou du tapage… » — « Une seule chose m’étonne, écrit quelqu’un (une main de femme, qu’une grande amitié a liée à Mme Valmore), c’est qu’on puisse faire un choix dans ces lettres si ravissantes de bonté, de sensibilité, d’ignorance de sa propre valeur qui donne tant de prix à ces richesses morales.

516. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

L'abbé de Lamennais en 1832 « Vous êtes à l’âge où l’on se décide ; plus tard on subit le joug de la destinée qu’on s’est faite, on gémit dans le tombeau qu’on s’est creusé, sans pouvoir en soulever la pierre.  […] Et certes, il la connaît mieux cette cité de transition qu’il a laissée en arrière, et qu’il ne voit aujourd’hui que comme un amas de tentes mal dressées, il la connaît mieux que nos myopes turbulents qui, logés dans quelque pli, s’y cramponnent et s’y agitent ; qui, du sein des coteries intestines de leurs petits hôtels, s’imaginent qu’ils administrent ou qu’ils observent, savent le nom de chaque rue, l’étiquette de chaque coin, font chaque soir aux lumières une multitude de bruits contradictoires, et avec l’infinie quantité de leurs infiniment petits mouvements n’arriveront jamais à introduire la moindre résultante appréciable dans la loi des destinées sociales et humaines.  […] Entre les disciples les plus chers de M. de La Mennais, il en est deux surtout dont la destinée se lie à la sienne, et qu’on ne peut s’empêcher de nommer à côté de lui.

517. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Lorsque, dans ses écrits littéraires, imprimés à Bâle, destinés en partie à la jeunesse allemande et dédiés à des membres du gouvernement de son pays, il dit du siècle de Louis XIV notre littérature, on est un peu surpris au premier abord, et l’on est bientôt plus surpris que la littérature française, en retour, ne l’ait pas déjà revendiqué et n’ait pas dit de lui nôtre. […] — Soit qu’il nous peigne ce grand style de Pascal, si caractérisé entre tous par sa vérité, austère et nu pour l’ordinaire, paré de sa nudité même, et qu’il ajoute pour le fond : « Bien des paragraphes de Pascal sont des strophes d’un Byron chrétien ; » soit qu’il admire, avec les penseurs, dans La Rochefoucauld, ce talent de présenter chaque idée sous l’angle le plus ouvert, et cette force d’irradiation qui fait épanouir le point central en une vaste circonférence ; soit qu’il trouve chez La Bruyère, et à l’inverse de ce qui a lieu chez La Rochefoucauld, des lointains un peu illusoires créés par le pinceau, moins d’étendue réelle de pensée que l’expression n’en fait d’abord pressentir, et qu’il se montre aussi presque sévère pour un style si finement élaboré, dont il a souvent un peu lui-même les qualités et l’effort ; soit que, se souvenant sans doute d’une pensée de Mme Necker sur le style de Mme de Sévigné, il oppose d’un mot la forme de prose encore gracieusement flottante du xviie  siècle à cette élégance plus déterminée du suivant, qu’il appelle succincta vestis ; soit qu’en regard des lettres capricieuses et des mille dons de Mme de Sévigné, toute grâce, il dise des lettres de Mme de Maintenon en une phrase accomplie, assez pareille à la vie qu’elle exprime, et enveloppant tout ce qu’une critique infinie déduirait : « Le plus parfait naturel, une justesse admirable d’expression, une précision sévère, une grande connaissance du monde, donneront toujours beaucoup de valeur à cette correspondance, où l’on croit sentir la circonspection d’une position équivoque et la dignité d’une haute destinée ; » soit qu’il touche l’aimable figure de Vauvenargues d’un trait affectueux et reconnaissant, et qu’il dégage de sa philosophie généreuse et inconséquente les attraits qui le poussaient au christianisme ; soit qu’en style de Vauvenargues lui-même il recommande, dans les Éléments de Philosophie de d’Alembert, un style qui n’est orné que de sa clarté, mais d’une clarté si vive qu’elle est brillante ; — sur tous ces points et sur cent autres, je ne me lasse pas de repasser les jugements de l’auteur, qui sont comme autant de pierres précieuses, enchâssées, l’une après l’autre, dans la prise exacte de son ongle net et fin. […] Mais c’est à produire, à solliciter une impression entière et efficace qu’ils sont destinés ; et aussi n’en parlons-nous qu’avec rapidité et une sorte de crainte sous un point de vue autre.

518. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Il cite d’elle les vers qui terminent l’idylle du Ruisseau : Courez, Ruisseau, courez, fuyez-nous, reportez Vos ondes dans le sein des mers dont vous sortez ; Tandis que, pour remplir la dure destinée Où nous sommes assujettis, Nous irons reporter la vie infortunée Que le hasard nous a donnée, Dans le sein du néant d’où nous sommes sortis ! […] La destinée posthume de Mme Des Houlières ne manqua pas de vicissitudes ; elle semblait d’avance s’y attendre en se disant : Tandis que le soleil se lève encor pour nous, Je conviens que rien n’est plus doux Que de pouvoir sûrement croire Qu’après qu’un froid nuage aura couvert nos yeux, Rien de lâche, rien d’odieux Ne souillera notre mémoire ; Que, regrettés par nos amis, Dans leur cœur nous vivrons encore, Pour un tel avenir tous les soins sont permis ; C’est par cet endroit seul que l’amour-propre honore : Il faut laisser le reste entre les mains du sort. […] Il a voulu voir un pli essentiel et comme une marque de nature dans ce qui n’a été qu’une injure du sort et un accident ironique de la destinée.

519. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

Mémoires sur la mort de Louis XV La maladie d’un roi, d’un roi qui a une maîtresse, et une c… pour maîtresse, d’un roi dont les ministres et les courtisans n’existent que par cette maîtresse, dont les enfants sont opposés d’intérêts et d’inclination à cette maîtresse, est une trop grande époque pour un homme qui vit et qui est destiné à vivre à la Cour, pour ne pas mériter toutes ses observations. […] Destiné, comme je l’étais, à voir un jour le roi malade, je m’étais toujours proposé de suivre avec la plus grande attention toute la scène de sa maladie, et tous les différents mouvements qu’elle devait produire. […] La Faculté, rangée autour du lit, fit place, en se mettant en haie, au maître apothicaire, qui arrivait la canule à la main, suivi du garçon apothicaire qui portait respectueusement le corps de la seringue, et du garçon de la chambre qui portait la lumière destinée naturellement à éclairer la scène.

520. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Toutes ces productions sont destinées à être lues : elles ne passent pas par la bouche des jongleurs. […] Ils blessent des biches à voix humaine, suivent des sangliers magiques, se couchent dans des barques qui les portent au pays fatal où s’accomplira leur destinée de joie ou de misère. […] Qualités et défauts, tout en eux était « sociable », fait pour l’usage et le plaisir du plus grand nombre : tout destinait leurs œuvres à réussir dans le monde autant qu’en France.

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