Tout à coup, du côté où l’on s’y attendait le moins, la nouvelle d’une victoire arrive. […] Pour Monseigneur le duc de Bourgogne, qui est, je crois, un peu sujet aux distractions, je m’étonne que, dans les premiers moments de sa joie, il ne prît pas quelque dame pour une bille, et qu’il ne lui donnât pas un coup du billard qu’il avait à la main. […] Tout porte à croire, en effet, que ce fut le roi d’Espagne qui, oubliant les longs services de Mme des Ursins, et à bout de sa domination dont il n’osait s’affranchir, donna l’ordre à sa nouvelle épouse de prendre tout sur elle ; et cette dernière qui, ainsi qu’Alberoni, son conseiller, était de la race des joueurs intrépides en politique, n’hésita pas un seul instant à faire pour son coup d’essai cette exécution de maître.
Sa disgrâce, en 1707, après vingt-quatre ans de service, lui semble donc complète, et il la déplore avec des accents où la servilité elle-même se déguise sous des airs de sentiment : Mon malheur est sans exemple… Ce qu’il y a de plus épouvantable pour ce qui me regarde, c’est que le roi a toujours paru content de moi et touché de mes soins ; il l’a dit en son particulier même à qui l’a voulu entendre ; j’ai toujours été favorablement traité, même avec privauté et distinction ; un mois même avant ce dernier coup, il me dit tout haut dans son cabinet, devant toute la Cour, que j’avais toujours bien fait ; et cependant en voilà la récompense ! […] On a raconté aussi que plus tard, dans un séjour de Louis XIV à Fontainebleau, le roi ayant blâmé un bois qui masquait la vue, la même scène se renouvela avec quelque variante : peu de jours après l’observation du roi, d’Antin, alors directeur des Bâtiments, avait préparé avec art son coup de théâtre : il avait fait scier tous les arbres près de la racine ; des cordes étaient attachées aux troncs, et toute une armée de bûcherons invisibles attendait en silence. […] À l’instant, au signal d’un coup de sifflet, on vit tomber toute la forêt comme dans une décoration d’opéra. — « Ah !
Cet abbé Boileau me paraît offrir la brusquerie, le trait, le coup de boutoir satirique de son frère, sans la finesse toutefois et sans l’application toute judicieuse et sérieuse. […] Mais cette seule pensée tuait cette foule de beaux esprits et de rimeurs à la mode qui ne devaient qu’au hasard et à la multitude des coups de plume quelques traits heureux, et qui ne vivaient que du relâchement et de la tolérance. […] Pour jouir de tout l’agrément du Lutrin, j’aime à me le figurer débité par Boileau avec ses vers descriptifs et pittoresques, tantôt sombres et noirs comme la nuit : Mais la Nuit aussitôt de ses ailes affreuses Couvre des Bourguignons les campagnes vineuses ; tantôt frais et joyeux dans leurs rimes toutes matinales : Les cloches dans les airs, de leurs voix argentines, Appelaient à grand bruit les chantres à matines ; avec ces effets de savant artifice et de légèreté, quand, à la fin du troisième chant, après tant d’efforts, la lourde machine étant replacée sur son banc, Le sacristain achève en deux coups de rabot, Et le pupitre enfin tourne sur son pivot ; ou avec ces contrastes de destruction et d’arrachement pénible, quand le poète, à la fin du quatrième chant, nous dit : La masse est emportée, et ses ais arrachés Sont aux yeux des mortels chez le chantre cachés.
Vieux, arrivé au terme d’une existence jusque-là des plus favorisées et des plus également douces, l’abbé Barthélemy se vit tout d’un coup privé par la Révolution de la fortune, de l’aisance et de la liberté ; dans ces instants d’ennui et de retraite, il eut l’idée d’écrire des Mémoires sur sa vie, restés inachevés, mais suffisants, et qui sont la source où l’on apprend le mieux à le connaître. […] Cependant il revient peu à peu de ce coup d’électricité ; il s’oriente, il choisit et discerne entre les objets de sa recherche : « Dans les commencements je ne voyais Rome qu’à travers un brouillard pétrifié ; aujourd’hui c’est un nuage qui laisse échapper quelques traits de lumière. » C’est en se dirigeant particulièrement vers son objet principal, les médailles, qu’il réussit à augmenter peu à peu son trésor. […] Mme de Choiseul, aidée cette fois de Mme de Grammont pour complice, trouve le moyen d’avoir la clef pendant son absence, et le cabinet philosophique, décoré, comme par un coup de baguette, de toutes sortes de jolis meubles ou même d’ouvrages de leurs mains, est métamorphosé à l’instant en un boudoir enchanté.
Pline parlant encore d’un tableau d’Aristide qui representoit une femme percée d’un coup de poignard, et dont l’enfant sucçoit encore la mammelle, s’énonce avec autant de goût et de sentiment que Rubens l’auroit pû faire en parlant d’un beau tableau de Raphaël. […] Ils y avoient fait asseoir celui d’entr’eux qui avoit fait le coup, et ils le portoient en triomphe, tandis qu’un autre amour qui s’étoit mis en embuscade dans la cuirasse d’Alexandre, les attendoit au passage pour leur faire peur. […] C’est un homme qui se meurt, mais qui vient de recevoir le coup dont il meurt.
Je n’en étais pas sûr avant d’avoir lu ce premier volume de l’ouvrage d’Édelestand du Méril, mais comment en douter après ce livre, qui va faire autorité désormais, après ce vigoureux coup de râteau jeté sur ce que l’auteur appelle « l’époque primitive de la comédie », et qui, passant sur la Chine, les Indes et les îles de la Grèce, ne nous ramène qu’Aristophane ! […] J’ai dit ce que je pensais de ses résumés historiques dont le groupement rappelle la vaste manière de Macaulay, de ses jugements, à grands coups de scalpel à fond, sur ces immenses et ruminantes pécores orientales (la Chine et l’Inde) qui n’ont ni rire ni comédie, quoiqu’elles aient des spectacles ; mais je n’ai pas dit comme je le sais la force d’imagination et d’observation équilibrées qui distingue cette encyclopédie de facultés qu’on appelle Édelestand du Méril, car peut-être ne me croirait-on pas. […] Selon la méthode de Taine, qui indigne du Méril, mais qui l’indigne si doux, le talent lui-même n’est plus qu’un champignon d’une espèce particulière, qui pousse tout à coup quand l’humus se trouve contenir du phosphore, qu’aucun nuage ne neutralise l’action du soleil et que l’air ambiant est suffisamment saturé d’oxygène.
Mais elle-même ne s’atteste que par les coups dont elle nous frappe. […] On a beau être un artiste redoutable, au point de vue le plus arrêté, à la volonté la plus soutenue ; et s’être juré d’être athée comme Shelley, forcené comme Leopardi, impersonnel comme Shakespeare, indifférent à tout excepté à la beauté comme Gœthe, on va quelque temps ainsi, misérable et superbe, comédien à l’aise dans le masque réussi de ces traits grimés ; mais il arrive que tout à coup, au bas d’une de ses poésies le plus amèrement calmes ou le plus cruellement sauvages, on se retrouve chrétien dans une demi-teinte inattendue, dans un dernier mot qui détonne, — mais qui détonne pour nous délicieusement dans le cœur : Ah ! […] » Et après ce coup de baguette magique, il ajoute, quelques pages plus loin, avec un accent ineffable, que « vous êtes à peine debout qu’un vieux reste d’ivresse (l’ivresse d’hier) vous suit et vous retarde, comme le boulet de votre récente servitude ».
Tout à coup, il aperçut à l’étalage d’un bouquiniste, entre un Crevier dépareillé et l’Almanach des cuisinières, un pauvre livre étranger, honteux, ignoré, antique habitant des quais, dont personne, sauf le vent, n’avait encore tourné les feuilles : Recherches sur l’entendement humain, d’après les principes du sens commun, par le docteur Thomas Reid. […] Vous préparez les expériences de ce médecin, qui, pressant ou lâchant la cervelle saillante d’un trépané, supprimait et ranimait en lui la pensée, à l’instant, d’un coup de pouce, ouvrant et fermant tour à tour l’intelligence aussi sûrement qu’un robinet ! […] On les voit trembler sous ses coups d’aile, et les yeux, malgré eux, suivent le miroitement des feuilles, qui tour à tour montrent et cachent au soleil leur dessous blanchâtre et leur dos luisant. — Que s’est-il passé en moi-même ?
on découvre du premier coup de quel phénomène il a parlé ? […] Il est aperçu en lui-même, et il est aperçu du premier coup. […] Les fleurs, la fraîcheur de la chambre, l’ennui de bâiller seul, la gaieté du ciel, toutes ces idées, avec tous leurs détails, passent et reviennent dans votre tête, agréables ou fâcheuses, avec des commencements et des chocs de désirs contraires ; tout à coup vous apercevez un volume nouveau, les Contemplations de Victor Hugo.
Un autre parle tout à coup au meurtrier comme s’il était présent, et lui reproche de ne pas s’être laissé attendrir par les vertus d’un si excellent prince. […] Il peint des Français témoins du supplice, et par un mélange affreux de férocité et de tendresse, changés tout à coup en cannibales, dévorant la chair sanglante de l’assassin. […] dit-il au vieillard, plus de festin, plus de joie ; je viens de rencontrer un de nos frères égorgé dans la rue… »« et moi aussi, dit l’orateur, j’ai vu le plus affreux des spectacles : j’ai vu dans Paris, au milieu de la pompe et de l’appareil des fêtes, j’ai vu : un corps sanglant et percé de coups.
Quand le temps a porté un coup aux Empires, quelque grand nom s’attache à leurs débris et les couvre.
Autrement il eût provoqué du premier coup l’incrédulité. […] On ne comprend pas du premier coup où le poète en veut venir. […] Ici, je le sens, il ne faut pas se prononcer à la légère ; il faut mesurer ses coups, pour ne pas frapper à faux. […] Le modèle ne révèle pas du premier coup son aspect le plus heureux et le plus vrai. […] La résignation où il s’est réfugié ne serait-elle par ébranlée par ce coup inattendu ?
Coup d’œil sur le monde politique, ancien et moderne, considéré relativement au but de la Science nouvelle.
Et voilà l’éternelle histoire… » Non, cela n’est pas aussi nécessaire que le croient certaines âmes sous le coup de l’orage ; il est des félicités douces, permises, obscures ; celles-là, il est vrai, ne se chantent pas : elles se pratiquent en silence. […] et presque heureuse, Colombe aux plumes d’or, femme aux tendres douleurs ; Elle meurt tout à coup d’elle-même peureuse, Et, douce, elle s’enferme au linceul de ses fleurs.
Aujourd’hui, c’est un coin politique et historique ; demain, une poésie ou une rêverie mélancolique ; après-demain, quelque roman sanguinaire ou licencieux, puis tout d’un coup une chaste et grave et religieuse production ; il faut que la pauvre critique aille toujours à travers cela, il faut qu’elle s’en tire, qu’elle s’en teigne tour à tour, qu’elle voie assez de chaque objet pour en jaser pertinemment et d’un ton approprié. […] Mais le ménagement a manqué ; l’innovation, par moments, est allée jusqu’à la gageure ; il semble que le poëte se soit amusé à outrer les coups.
Il protège les sots contre le bourreau comique qui leur enfonce aux applaudissements des sages, ses coups d’épingle dans le corps, et lui arrachant l’épingle, il la plonge agrandie et transformée en glaive de feu dans le sein du bourreau, et dans celui des sages qui applaudissent129. — L’humoriste installe sa propre personne sur le trône130, parce que le petit monde intérieur, plus vaste que le vaste monde extérieur, ouvre à l’imagination un champ infini ; mais s’il élève son moi, c’est pour l’abaisser et l’anéantir poétiquement comme le reste de l’univers. — Il déborde de sensibilité131 : lorsque, planant sur le monde, il se balance dans sa légère nuée poétique, ses larmes brûlantes tombent comme une pluie d’été qui rafraîchit la terre. […] Nous avons remplacé par cette métaphore équivalent celle que voici, qui nous paraît moins claire : Le satirique ordinaire attache quelques bévues ou quelques fautes de goût sur son pilori, pour leur jeter, au lieu d’œufs pourris, quelques saillies pleines de sel… Mais le thyrse de l’humoriste n’est ni un bâton de chef d’orchestre, ni un fouet, et ses coups tombent au hasard.
Il souhaite que le monde les entende et qu’elles fassent coup, non seulement en France, mais en Europe. […] Elle est incroyable, et encore plus, incompréhensible de la part de ce catholique… du lendemain. — de ce lendemain qui ne vient jamais, dit saint Augustin, mais qu’on attend toujours ; — et qui, du coup de cette thèse, renonce à une de ses attitudes favorites et renie le catholicisme, avant de l’avoir pratiqué !
Béranger venait de nier la présence réelle, c’est-à-dire d’un coup tout le Christianisme dans son dogme générateur, et le concubinat, passé presque à l’état d’institution, avait eu l’ambition du sacrement. […] Il portait dans la lutte de terribles coups.
Il s’agit de l’éducation des hommes par l’histoire, par cette histoire qui nous fait aimer la patrie et qui nous l’enfonce dans le cœur à coups de grands exemples, à coups de grands hommes morts pour elle et dont l’âme vibre en certains mots qui les peignent, — ne les eussent-ils pas dits !
Il semblait donc vraiment que le xviiie siècle, en nous jetant dans le monde, nous eût imprimé sur la tête — tant il nous avait inclinés vers lui — ce terrible coup de pouce du chirurgien qui gauchit le cerveau de l’enfant et décide de sa triste destinée ! […] Il ne comprend pas que cela était de situation, et qu’en politique et en histoire la situation a une telle force, que de grands esprits comme Napoléon, qui l’ont sentie contre la leur, ont incliné, du coup, vers une superstitieuse fatalité !
Excepté leur étude sur Marie-Antoinette, dans laquelle ils se haussent par le sujet et par l’émotion jusqu’à la grande histoire, MM. de Goncourt ne firent que celle des frivolités de ce siècle frivole, — qui rendit frivole jusqu’à l’âme de Marie-Antoinette, retrouvée tout à coup si sérieuse et si héroïque devant l’échafaud ! […] Mais quelques brillants coups de plume dans la grande histoire auraient pu le faire pressentir.
Ceux-là tous qui, pour une raison ou pour une autre, ont mis le bout de leur plume dans ce périlleux sujet d’histoire, en ont reçu à la tête un tel coup qu’ils en ont perdu l’équilibre, qu’ils en ont été plus ou moins terrassés. […] En action historique, les idées générales, les influences sociales ont besoin d’un homme… Quoique la France fût éperdue d’égalité, à cette heure maudite, et qu’elle eût commencé déjà le nivellement par l’échafaud, elle n’en reconnut pas moins la supériorité et la souveraineté de l’homme qui, à un jour donné, avait créé cette chose inouïe, universelle et compacte, qui s’étendit tout à coup sur la France entière comme une voûte qui ne permettait plus de respirer, et qu’on appela du même nom que le sentiment dont elle transissait les âmes : la Terreur !
Élevé pour être un soldat, il était de sentiment ce que furent tous les hommes de sa génération qui avaient reçu sur leurs berceaux le coup de soleil de l’Empire. […] Les Œuvres complètes de Carrel diminuent son nom et son souvenir — coup de cymbale retentissant et passager — dans la mémoire des hommes.
II Que grâces lui soient rendues, à cette Correspondance qui balaie, du coup, les anecdotes et les anecdotiers sur Balzac, les anecdotes et les anecdotiers qui s’attachent à toute célébrité et sont la vermine de toute gloire. […] Que n’a-t-on pas dit du matérialisme ardent de sa nature, de son amour effréné, de son amour d’alchimiste pour l’or, de son besoin furieux de luxe, de richesse, de millions ; et, pour en acquérir, de ses entreprises insensées et… avortées ; de ses illusions, de ses dettes, qui n’étaient pas des illusions, de ses manies, de ses vices, de sa vie cachée, qui impatientait la curiosité et dans laquelle il se retranchait, ce grand travailleur comme il n’en exista peut-être jamais, contre les importunités de toute sorte qui l’assiégeaient et surtout contre cet affreux coup de sonnette du créancier, qui a bien, après tout, le droit de sonner, mais qui n’en rend pas moins fou le débiteur de génie, qui a besoin de toute sa tête, même pour le payer ?