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1349. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre V. Des orateurs anciens et Modernes. » pp. 223-293

En général les Hatangueurs anciens sont babillards & verbeux ; mais ils le sont avec cette majesté, cette harmonie, cette vivacité de couleurs, cette abondance d’images qui fait tout pardonner. […] Les expressions, en passant par son imagination féconde & brillante prenoient cette couleur d’urbanité romaine dont il est le modèle le plus parfait.

1350. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XII : Distribution géographique (suite) »

Les groupes d’espèces qui appartiennent spécialement, soit à une certaine période, soit à de certaines régions, sont souvent caractérisés par des particularités d’organisation peu importantes qui leur sont communes : tels sont, par exemple, des détails extérieurs de forme et de couleur. […] On en vient à conclure qu’ils étaient très variables, et peut-être variables au point d’être amorphes, c’est-à-dire sans forme héréditaire déterminée, bien que peut-être ils aient été formés d’un aussi grand nombre d’éléments chimiques qu’aujourd’hui, et qu’ils aient présenté des aspects très divers, quant à la couleur et à la texture, mais sans jamais s’éloigner beaucoup d’une apparence purement minérale et inorganique.

1351. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

Il y a toujours de la composition dans les paysages de Ramond ; le plus souvent il n’y a que la couleur vraie donnée par le sujet.

1352. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

De plus, il avait encore deux petits flacons de ce vin grec que le marquis de Marignan lui avait laissé parvenir : Je m’en frottai un peu les mains, puis m’en lavai fort le visage, jusques à ce qu’il eût pris un peu de couleur rouge, et en bus, avec un petit morceau de pain, trois doigts, puis me regardai au miroir.

1353. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Il a fait un livre d’une teinte grise, livre le plus dénué de poésie et de couleur, mais d’une observation générale des plus vraies et tristement éternelle.

1354. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

. — Ce sont ces graves événements de l’intérieur des cabinets et des petits appartements, dont les premiers volumes du duc de Luynes nous donnent le fil continu et comme le canevas tout uni : il n’y a plus qu’à broder là-dessus des fleurs, si l’on veut, et à semer des couleurs.

1355. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Il y en a certainement qui ont autant d’imagination, autant de couleur, mais alors l’esprit ne paraît pas au niveau.

1356. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

Les toits coniques des temples heptagones, les escaliers, les terrasses, les remparts, peu à peu, se découpaient sur la pâleur de l’aube, et tout autour de la péninsule carthaginoise une ceinture d’écume blanche oscillait, tandis que la mer, couleur d’émeraude, semblait comme figée dans la fraîcheur du matin.

1357. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

cet homme, jeune encore d’air et d’années, est assis devant vous, de côté, près d’une fenêtre ; le soleil se couche ; un rayon glisse et l’effleure, et alors, sur cette tête si riche et si fière de sa brune parure, vous voyez tout à coup se dessiner, avec une précision désespérante, quelques mèches qu’on ne soupçonnait pas et qui ont beau être mêlées artistement aux autres plus naturelles : une couleur rougeâtre, sous cette lumière rasante, les a trahies.

1358. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Tout cela revient à dire que la disposition particulière des esprits et le moment précis de culture littéraire qui favorisaient et réclamaient les traductions en vers sont passés et ont fait place à une autre manière de voir, à un autre âge ; et ici, comme dans des ordres d’idées bien plus considérables et bien autrement importants, il n’est que vrai d’appliquer ce mot d’un ancien sage que je trouve heureusement cité, à savoir qu’on ne retourne jamais au même point et que le cours universel du monde ressemble à « un fleuve immense où il n’est pas donné à l’homme d’entrer deux fois. » Les choses allant de la sorte, on doit savoir d’autant plus de gré aux esprits non pas attardés, mais foncièrement religieux à l’art ou obstinément délicats, qui n’ont pas perdu la pensée, même devant un public si refroidi, de lutter de couleur, de relief et de sentiment avec de désespérants modèles.

1359. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

« Les dames, écrivait une plume bien informée41, qui se trouvaient en grand nombre à cette séance mémorable, ont pris sur-le-champ la cocarde bleu et rouge et, le soir, ont paru en habit à la polonaise avec ces deux couleurs.

1360. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Érudits comme nous le sommes devenus et occupés de la couleur historique, il y a pour nous, dans la représentation actuelle de Bérénice, un intérêt d’étude et de souvenir.

1361. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

Pourquoi un artiste de vers serait-il plus tôt maître de son métier qu’un artiste de couleurs ou de sonorités ?

1362. (1890) L’avenir de la science « XII »

Nullement : car elle contribue à esquisser la vie monastique ; elle entre comme un atome dans la grande masse de couleur noire nécessaire pour cela.

1363. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

Mais en même temps le pessimisme, qui teignait de noir les romans de Zola et de ses adeptes, leur souci du milieu où vivent les personnages qu’ils mettent en scène, leur effort pour élargir la langue littéraire jusqu’aux limites de la langue parlée, leur style même souvent si chatoyant de couleurs et de métaphores, tout cela permet de dire : C’est une queue du romantisme.

1364. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

C’est comme une intimité physique et intellectuelle, dans une sorte de demi-teinte où les lueurs fugitives des reverbères passant par les portières, jouent dans l’ombre avec la femme, disputent à une obscurité délicieuse et irritante sa joue, son front, une fanfiole de sa toilette et vous montrent un instant son visage de ténèbres, aux yeux emplis d’une douce couleur de violette.

1365. (1759) Observations sur l’art de traduire en général, et sur cet essai de traduction en particulier

On dira qu’un peintre, médiocre dans ses tableaux, peut exceller dans les copies ; mais il n’a besoin pour cela que d’une imitation servile ; le traducteur copie avec des couleurs qui lui sont propres.

1366. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

On se pique davantage de science et d’exactitude que d’imagination et de couleur.

1367. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

Des Mémoires de Sterne, esprit personnel et pourtant rayonnant, microcosme, à facettes irisées, d’un monde qu’il teignait des suaves couleurs de l’Idéal sans lui ôter les siennes si souvent ternes, quand elles ne sont pas cruelles et sombres ; des Mémoires de Sterne auraient complété le Tristram, comme les admirables Memoranda, mutilés si lâchement par Moore, complètent le Juan de Lord Byron.

1368. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Les deux parties précédentes étaient un discours sur l’amour ; ici, c’est l’amour même que l’artiste dans ces trois chapitres sur le sommeil dans l’amour, la solitude de l’amour, l’amour et la mort, s’efforce, sans abondonner son beau flux oratoire, de réaliser en images et en phrases comme un autre art le formulerait en marbre ou en couleurs, comme Watteau l’a incarné dans cet Embarquement pour Cythère dont M. 

1369. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Je vous prie de relire, dans la Préface des Méditations écrite en 1849, le récit d’une de ses excursions d’enfant, avec son père, à travers la montagne, et la visite au vieux gentilhomme qui vivait dans une si jolie maisonnette de curé et qui copiait ses vers sur de si beaux cahiers  et de savourer la couleur et l’accent du morceau. […] Comment cela   L’essence de la poésie  ce en dehors de quoi elle ne se distingue plus de la prose que par certaines cadences de mots  c’est peut-être le sentiment continu de correspondances secrètes, soit entre les objets de nos divers sens, formes, couleurs, sons et parfums, soit entre les phénomènes de l’univers physique et ceux du monde moral, ou encore entre les aspects de la nature et les fonctions de l’humanité. […] Sur la « fleur des eaux » :     Elle est pâle comme une joue Dont l’amour a bu les couleurs…     Les cygnes noirs nagent en troupe Pour voir de près fleurir ses yeux… Ou bien : Endormons-nous dans nos prières Comme le jour s’endort dans les parfums du soir. […] Mais ce que les Harmonies lamartiniennes ont en commun avec les hymnes du Rig-Véda, c’est, plus encore que certaines conceptions métaphysiques, la poésie, la couleur, l’abondance, la magnificence, l’accent… Oui, je trouve dans les Harmonies quelque chose qui n’est pas chez les poètes grecs, qui n’est pas dans Jean-Jacques, qui n’est pas dans Chateaubriand, qui n’est pas dans George Sand ni dans Victor Hugo : une sorte d’ébriété sacrée au spectacle et au contact de l’immense univers. […] Et les herbes, les fleurs, les lianes des bois S’étendaient en tapis, s’arrondissaient en toits, S’entrelaçaient aux troncs, se suspendaient aux roches, Sortaient de terre en grappe, en dentelles, en cloches, Entravaient nos sentiers par des réseaux de fleurs, Et nos yeux éblouis dans des flots de couleurs.

1370. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Le loup est dépeint dans cette fable sous des couleurs si odieuses que le plus naïf ou le plus ignorant lecteur ne peut que le détester et compatir au triste sort de l’agneau. […] Il en a eu sans doute le sentiment, et c’est pourquoi, dans la 628-E-8, sous couleur d’impressions de voyage, il avait abandonné le roman réaliste pour revenir au pur pamphlet sous une forme fantaisiste et discursive. […] Un dieu, je vous le déclare, et non un homme, qui a inventé de faire tenir ensemble dans un verre, Et la chaleur du soleil, et la couleur de la rose, et le goût du sang, et la tentation de l’eau qui est propre à être bue… Ah ! […] Mais il ne se borne pas à jouir des lignes et des couleurs : c’est l’âme même de ce pays qui lui est infiniment chère. […] Et la turquerie fournissait de très amusante couleur locale.

1371. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

C’est qu’elle lui représente ses propres formes exprimées par des traits, ses différents âges et sa vie, par des couleurs, ses émotions, par le choix des attitudes, les lieux et l’action des hommes, par les groupes et la perspective. […] On remarquera qu’il en est de la beauté de l’éloquence et de la haute poésie, comme de la beauté du corps humain ; ce n’est ni au fard, ni aux ressorts artificiels qu’il doit sa force et sa couleur, c’est à la santé. […] Le goût pourtant n’en est pas plus arbitraire : mais il nous a fallu plus de finesse pour discerner les nuances et les couleurs des choses. […] Ils dessinent nettement et sans dureté le contour de leurs pensées ; ils les parent d’ornements simples ; les relèvent des couleurs les plus vives : ils ont enfin ce je ne sais quoi de doux et d’animé qui ravit et échauffe leurs esprits d’une particulière inspiration. […] Les actions qui s’y sont passées ne nous sont transmises qu’à travers des voiles épais, et le temps change les couleurs des choses ainsi que l’espace nuance les aspects offerts en perspective.

1372. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Qu’on se représente ce cadre majestueux, rempli par un homme d’une intelligence supérieure, déjà éprouvé par tant de vicissitudes, et qui, avant trente ans, laissait derrière lui toute une odyssée voyageuse et une révolution ; rappelez-vous que cet homme était dans toute la verdeur d’un talent original, et que son imagination, dans toute sa richesse, prodiguait les couleurs qu’elle avait rassemblées sur cette palette intérieure que les grands écrivains portent en eux et qui s’enrichit de tous les spectacles qu’ils contemplent et de toutes les émotions qu’ils éprouvent ; puis ramenez votre pensée sur les dispositions intellectuelles et morales du public, sur le désenchantement qu’avait laissé dans les âmes l’essai qui venait d’être tenté, pour appliquer les doctrines du dix-huitième siècle, sur le vide profond des cœurs et des intelligences, et alors vous comprendrez l’effet que produisit l’apparition du Génie du christianisme. […] Cette imagination qui, dans une poétique enfance, s’était éveillée au fond du vieux château de Combourg, et au bord de la mer qui berce le rivage breton de sa plainte mélancolique, avait subi la double influence du spectacle d’un vieux monde qui tombait, et du monde nouveau qui lui avait offert ses fleuves immenses, ses forêts vierges aux profondeurs impénétrables, qui semblaient sortir des mains du Créateur, ses peuplades sauvages, sa jeune physionomie sur laquelle la main de l’homme n’avait pas encore imprimé de rides, de sorte qu’on retrouvait à chaque instant dans ses inspirations d’écrivain les harmonies mystérieuses qui naissent des contrastes, et les fraîches couleurs d’une aurore mêlée aux tons plus sévères du couchant. […] Lemercier ne voit dans le Génie du christianisme« qu’une œuvre dépourvue de bon sens, qu’un composé hétérogène de traductions des principaux poëmes des Hébreux, enluminé avec des couleurs empruntées à Bernardin de Saint-Pierre, et qui a dû son succès à l’esprit de parti. […] Un écrivain d’un esprit aussi délicat que pénétrant, pour qui ces souvenirs ont tout le charme des impressions de la jeunesse, a peint ces scènes avec une vérité de dessin et un éclat de couleur qui ne laisse rien à désirer88. « Souvent M. de Lamartine lui-même, dit-il, durant ses passages à Paris, lors de ses retours de la légation de Florence, était attiré à quelque inauguration de sa gloire ; et rien n’égalait le tressaillement d’admiration, la flatterie sincère dont il était environné, lorsque le soir, dans un salon de cent personnes, au milieu des plus gracieux visages et des plus éclatantes parures, dans l’intervalle des félicitations ou des allusions jetées à quelques députés présents, sur leurs discours de la veille ou du matin, lui, beau, jeune et reconnaissable entre tous, debout, la tête inclinée avec grâce, d’une voix mélodieuse, que nul débat n’avait encore fatiguée, il récitait ces chants, les premiers-nés de son génie, qu’on n’avait nulle part entendus et que la langue française n’oubliera jamais.

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