Töpffer n’a jamais cherché qu’à l’avoir naturelle : Je ne suis qu’un Scythe, s’écrie-t-il comme Anacharsis, et l’harmonie des vers d’Homère me ravit et m’enchante ! […] De bonne heure j’ai voulu écrire, et j’ai écrit ; mais sans me faire illusion sur ma médiocrité et mon impuissance, uniquement pour ce charme de composer, d’exprimer, de chercher aux sentiments, aux pensers, aux rêves de choses ou de personnes, une façon de les dire à mon gré, de leur trouver une figure selon mon cœur. […] Sans y mettre tant d’artificiel il procède comme Courier, ou plutôt c’est un Montaigne né près du Léman, et qui cherche à racheter sa rudesse et certains sons rauques par du mordant et du vif.
Dans Le Pressoir, cette jolie comédie-idylle de Mme Sand, un paysan dit d’une jeune fille sans fortune dont il ne veut pas pour son fils : « J’avoue qu’elle est charmante et très douce. » Ce dernier mot, dit d’une certaine façon villageoise, fait un gracieux effet : et pourtant c’est un peu cherché et calculé en fait de naturel : celui de l’abbé Prévost coulait de source. […] Les offres du roi de Prusse, Frédéric, qui recrutait alors des académiciens et des soldats, vinrent le chercher sans trop le tenter. […] Quiconque a, dans sa jeunesse, conçu un idéal romanesque et tendre, et l’a vu se flétrir devant soi et se briser sous ses pieds en avançant ; quiconque a plus ou moins connu, en tout genre, les écarts, les engagements téméraires et les difficultés sans issue, et n’a pas cherché à se faire de ses fautes une théorie ni un trône d’orgueil ; quiconque (et le nombre en est grand) a connu les assujettissements pénibles de la vie littéraire et le poids des corvées même honorablement laborieuses, au lieu du joug léger des muses ; ceux-là auront pour l’abbé Prévost un culte particulier comme envers un ancêtre et un patron indulgent.
Sans faire entrer dans son analyse de l’homme d’autres éléments que les besoins physiques et, au moral, le mobile de l’ambition ou de la vanité, il a pourtant compris que cette bonne compagnie, définie comme on l’entendait alors, et devenue le plus tiède et le plus tempéré des climats, était mortelle au génie, à la grandeur, à la force naturelle en toutes choses : Ne cherchez pas le génie, dit-il, l’esprit, un caractère marqué dans ce qu’on appelle la bonne compagnie. […] Les grands hommes n’ont jamais vécu dans les cercles de la bonne compagnie ; ils y paraissent, mais les entraves dont elle accable l’homme supérieur l’en écartent : il vit en famille, avec sa maîtresse (voilà la marque et le petit signe libertin du xviiie siècle, qui se mêle à tout), avec des amis particuliers ; il cherche la confiance, et il n’a pas besoin des petits succès de la société pour s’assurer de sa valeur… Ce qui ne peint pas moins M. de Meilhan que son moment de société, c’est que dans ce regret général qu’il exprime de voir les caractères s’effacer de la sorte, il trouve moyen de songer même à la disparition prochaine des grands fats et des Alcibiades qui vont chaque jour en diminuant ; il le dit d’ailleurs d’une manière piquante : Il est des genres dans la société qui se perdent ; c’est ainsi que certains poissons, après avoir longtemps abondé sur les côtes, disparaissent pour des siècles. […] [NdA] On ne le pouvait dans un journal, je le puis dans un livre. — On lit dans les Considérations sur l’esprit et les mœurs de M. de Meilhan, à propos des femmes célèbres par leur galanterie, qui n’ont jamais eu pour amant leur égal et qui cherchent l’éclat par des choix disproportionnés : « Un mari disait à sa femme : Je vous permets tout, hors les princes et les laquais.
Sanchez n’aurait pas cherché ailleurs les principes qui lui manquaient. […] Dans les académies savantes, ce sont, au contraire, des vérités nouvelles qu’on cherche à découvrir, et celui qui invente ne se plie pas sans peine à des lois que la convention a dictées. […] M. de Haller vit avec inquiétude son ami livré à un sommeil que le froid aurait pu rendre funeste ; il chercha comment il pourrait le dérober à ce danger.
« J’en suis fâché, observait Ramond ; il a changé le paysage : il n’y a point de platanes dans ces glaces de l’Apennin. » On aurait peu à dire de ces élégies de Ramond, sinon que ce n’est pas vulgaire ni commun ; mais il y a du vague, des intentions cherchées plutôt que trouvées, de grandes inexpériences de style et d’harmonie. […] En ne considérant même ce pèlerinage que dans le sens philosophique, n’a-t-on pas quelques réflexions satisfaisantes à faire dans un lieu où la faible et souffrante humanité vient chercher des secours contre les maux de l’âme, un lieu que les consciences effrayées regardent comme un port assuré contre les orages qui les tourmentent, où l’infortuné dévoré de scrupules trouve contre des remords, peut-être imaginaires et factices, des remèdes sûrs, et par cela même précieux ? […] Ces cabanes, ces moissons, ces prés sont un miracle au-dessus des forces d’une grossière industrie : chez un peuple simple et crédule, il fallait chercher ailleurs les puissances capables de le produire.
Dante chercha à lui donner des accents nouveaux, plus énergiques, plus en rapport avec la précision du latin, à l’élever au-dessus des patois et des idiomes particuliers en en faisant une sorte de langue composite qui fût universelle par toute l’Italie ; et en même temps il la chargea d’exprimer des vérités, des raisonnements ou spéculations si abstruses et si hardies qu’il obligea les savants eux-mêmes à respecter ce nouvel écrivain aussi érudit et aussi scientifique que pas un d’eux. […] Mais nous autres que la philosophie du Moyen Âge intéresse moins que ce qui y perce d’imagination gracieuse et d’éternelle sensibilité humaine, ce sera toujours à un point de vue plus réel et plus ému que nous nous plairons, au milieu de toutes les difficultés et des énigmes du voyage, à noter des endroits comme ceux-ci, où le poète, guidé par Béatrix dans les cercles du ciel, et approchant de la dernière béatitude, se montre ingénument suspendu à son regard, et nous la montre, elle, dans l’attitude de la vigilance et de la plus tendre maternité : Comme l’oiseau, au-dedans de son feuillage chéri, posé sur le nid de ses doux nouveau-nés, la nuit, quand toutes choses se dérobent ; qui, pour voir l’aspect des lieux désirés, et pour trouver la nourriture qu’il y va chercher pour les siens et qui le paiera de toutes ses peines, prévient le moment sur la branche entr’ouverte, et d’une ardente affection attend le soleil, regardant fixement jusqu’à ce que l’aube paraisse : ainsi ma dame se tenait droite et attentive, tournée vers l’horizon, etc., etc. […] Mesnard a cherché à éviter, en infusant çà et là une nuance, je ne dirai pas de paraphrase, mais d’éclaircissement dans le texte, et il en résulte que la lecture continue de son Enfer est aussi agréable que peut l’être une lecture continue de Dante.
Une circonstance cruelle est l’entrée de l’hiver pour aller au loin, dans mon état, chercher un gîte. […] Il cherche par moments à mesurer le progrès de ce mal bizarre, qui entamait si avant sa raison sans altérer sensiblement son talent. […] Ne cherchez avec lui ni la légèreté du ton ni l’élégance naturelle.
Pour lui, d’autres astres ont présidé à son berceau ; il a grandi sous d’autres influences : « Placé dans la vie civile, dit-il encore, d’autres idées, d’autres instincts m’ont fait chercher ailleurs que dans la prépotence par la guerre la grandeur et la force de mon pays. […] Il faut que, pour votre compte, vous cherchiez et que vous répétiez au Gouvernement de chercher les moyens de guérir un tel mal… Je ne puis trop vous prier de réfléchir que nous ne sommes pas dans un moment de raison, où les moyens tout raisonnés du système représentatif suffisent… Je suis persuadé qu’une guerre serait utile, bien entendu si l’on ; parvenait à la limiter. » Et il terminait par une épigramme, selon sa manière : « La France est, pour le moment, dans le genre sentimental bien plus que dans le genre rationnel.
Le caractère des dessins que je n’ai pas qualité pour juger est pur, simple, linéaire ; l’artiste, évidemment, s’est attaché à interpréter le plus possible son auteur dans le sens délicat et chaste, dans l’intention du beau pur ; il ne faut chercher ici rien de ce que les gravures du Régent faisaient saillir, l’ingénuité traduite spirituellement, galamment, et même avec une pointe de libertinage. […] Il fallait être un bien mauvais païen, un vrai fils de Lucien et comme qui dirait de Voltaire, pour chercher chicane à un conteur dévot, de si bon goût en fait de superstitions et si bien appris. […] Et pourquoi s’obstiner absolument à donner le prix, à chercher un vainqueur et un vaincu ?
Retournons la méthode, partons de cette vérité acquise et cherchons sur ce principe ce que doit être la poésie. […] Quand on ne cherche que le vrai, on ne mêle pas son émotion à ses arguments ; on respecte trop la vérité universelle pour y empreindre ses sentiments personnels ; c’est une lumière pure, dont on s’écarte pour ne pas l’offusquer. […] Ils parlent eux-mêmes, avec esprit, véhémence ou tendresse ; ils discutent, et les réponses jaillissent sans qu’on les cherche ; ils délibèrent, et les raisonnements pressés s’ordonnent sans qu’on les range : le poëte écoute et ressent leurs émotions ; il raconte les détails, car les détails apparaissent d’eux-mêmes quand l’image de l’objet est vive et expresse.
Il m’est impossible d’y voir autre chose que de l’éloquence en vers, de l’éloquence cherchée sur un thème quelconque, c’est-à-dire de la forte rhétorique : du Lucain ou du Claudien en français. […] Ronsard, s’il eût trouvé les trois pièces chez des modèles, n’eût pas cherché à approprier le thème à sa nature, en créant une quatrième œuvre, pareille et, différente : il eût successivement fait un Lac, une Tristesse, un Souvenir. […] Mais si l’on veut être juste envers la Pléiade, on se souviendra qu’avant le romantisme, Ronsard est en somme notre plus certain lyrique ; en second lieu, qu’il est à peu près notre unique lyrique qui ait cherché son inspiration hors de la religion, hors même des faits historiques et de l’héroïsme, le seul qui ait tâché de tirer son œuvre des sources intimes du tempérament ; enfin, que Ronsard, c’est vraiment la première ébauche et la période, si l’on peut dire, préhistorique du classicisme : qu’alors dans la langue, dans la poésie, apparaissent une multitude de formes dont quelques-unes survivront, et deviendront les types parfaits, et stables pour un temps, de la poésie.
Mais il nous faut chercher l’inspiration qui anima son éloquence. […] Cet homme inébranlable au milieu des factions, qui ne cherchait pas le nom de bonhomme, sachant être ferme à ses propres risques, et que les grands soucis ne détournaient pas des petits devoirs, eut ie culte et la passion des lettres : il se consola de sa disgrâce en faisant des vers latins. […] Mais il a de la vigueur, un enchaînement solide et efficace de raisons, et je ne sais pourquoi, quand on a ses discours du temps de la Ligue, notamment son Exhortation à la paix, ou sa Suasion de l’arrêt rendu en Parlement pour la manutention de la loi salique, on va chercher dans la Harangue de d’Aubray un modèle de l’éloquence politique du temps.
Il a cherché le mot propre, le mot fort, avec une opiniâtreté méticuleuse. […] Le « Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences » est la biographie d’une pensée ; et du seul caractère narratif et descriptif de l’ouvrage sortent visiblement deux traits de la physionomie intellectuelle de Descartes : au lieu d’une exposition théorique de sa méthode, il nous en décrit la formation dans son esprit, et présente ses idées comme autant d’actes successifs de son intelligence, de façon à nous donner en même temps qu’une connaissance abstraite la sensation d’une énergie qui se déploie ; le tempérament actif des hommes de ce temps est devenu chez Descartes une puissance créatrice d’idées et de « chaînes » d’idées. […] Le but de tout exercice de la pensée est le vrai : en littérature comme en philosophie, dès qu’on pense, dès qu’on parle, ce ne peut être que pour chercher ou exposer la vérité.
Ces romans ne valent que si l’on y cherche les passions et les idées de Mme de Staël : si on les considère dans leur objectivité d’œuvres d’art, ce sont de purs poncifs. […] Dieu, en son infinité, est bien cet objet d’amour infini qu’elle a cherché à travers tant d’expériences douloureuses. […] Le livre de l’Allemagne (1810) est vraiment un beau et fort livre, si on ne cherche dans un livre que de la pensée : c’est le livre par lequel Mme de Staël vivra.
S’ils diffèrent une fois d’impression, il donne raison à ce public contre lui-même ; au lieu d’aider la foule à s’affranchir, à s’éclairer, à s’élever, il la flatte dans la médiocrité de ses goûts, il l’entretient dans l’illusion béate qu’il n’y a rien de curieux à chercher au théâtre que les satisfactions du vaudeville et du mélodrame. […] On cherche à rendre le vers plus souple encore, et capable d’harmonies plus fines, plus particulièrement expressives. […] Une forte, fine psychologie, vécue et sentie, non livresque et scénique, d’où l’émotion sortait d’elle-même sans violences et sans ficelles, voilà le mérite éminent des trois œuvres principales976 qu’il a écrites, où par surcroît il a mis toutes les grâces de son esprit et sa forme exquise de style : Révoltée, d’abord, où des parties supérieures semblaient réaliser soudain le théâtre qu’on cherchait, expression intense et simple de la vie intérieure : le Député Leveau (1891), étude vraie encore, peut-être plus facile et plus grosse ; le Mariage blanc (1891), hypothèse psychologique d’une infinie délicatesse et d’une profondeur morale qui ont été méconnues.
I Cherchons du moins à saisir pourquoi M. […] Je cherche seulement à me rendre compte du singulier attrait de la critique de M. […] Une chose lui plaît parce qu’elle lui plaît ; ne cherchez rien au-delà.
L’Italie moderne avait ses classiques, et l’Espagne avait tout droit de croire qu’elle aussi possédait les siens, quand la France se cherchait encore. […] C’est un homme à part ; ses pièces touchent au tragique, et personne n’a le courage de chercher à les imiter. […] On a fort discuté au sujet des opinions de Byron sur Pope, et on a cherché à expliquer cette espèce de contradiction par laquelle le chantre de Don Juan et de Childe-Harold exaltait l’école purement classique et la déclarait la seule bonne, tout en procédant lui-même si différemment.
Couronnée à l’âge de neuf mois, déjà disputée en mariage par les partis anglais et français, qui cherchaient à prévaloir en Écosse, elle fut bientôt, par l’influence de sa mère Marie de Guise, sœur des illustres Guises, accordée au dauphin de France, fils de Henri II. […] Captive, ne l’accusez pas de conspirer contre Élisabeth ; car, dans ses idées de droit divin et de royauté absolue, de souveraine à souveraine, l’une des deux fût-elle prisonnière de l’autre, ce n’est pas conspirer que de chercher le triomphe de sa cause, c’est simplement poursuivre la guerre. […] Que reprocher d’ailleurs à celle qui, après dix-neuf ans de supplice et de torture morale, dans la nuit qui précéda sa mort, chercha dans la vie des saints, que ses filles avaient coutume de lui lire tous les soirs, un grand coupable à qui Dieu eût pardonné ?
Dans le méchant libelle dont Cosnac avait envoyé chercher les ballots en Hollande, il y avait une phrase entre autres, qui n’était pas si mal tournée : « Elle a, disait-on de Madame, un certain air languissant, et quand elle parle à quelqu’un, comme elle est tout aimable, on dirait qu’elle demande le cœur, quelque indifférente chose qu’elle puisse dire. » Cette douceur du regard de Madame avait opéré sur l’âme assez peu sensible de Cosnac, et, sans y mêler ombre de sentiment galant, il s’était laissé prendre le cœur à celle qui le demandait si doucement et si souverainement. […] On était allé chercher en toute hâte à Paris M. de Condom, Bossuet. […] Madame aimait l’esprit, le distinguait en lui-même, l’allait chercher, le réveillait chez les vieux poètes, comme Corneille, le favorisait et l’enhardissait chez les jeunes, comme Racine ; elle avait pleuré à Andromaque, dès la première lecture que le jeune auteur lui en fit : « Pardonnez-moi, madame, disait Racine en tête de sa tragédie, si j’ose me vanter de cet heureux commencement de sa destinée. » Dans toutes les cours qui avaient précédé de peu celle de Madame, à Chantilly, à l’hôtel Rambouillet et à l’entour, il y avait un mélange d’un goût déjà ancien, et qui allait devenir suranné : avec Madame, commence proprement le goût moderne de Louis XIV ; elle contribua à le fixer dans sa pureté.
En revanche, ne cherchez dans son Roméo ni l’alouette, ni le rossignol, ni la scène du balcon. […] Comme on ne pouvait songer à chercher un égal, on avait eu le bon goût de se tourner vers un homme de talent et de bien, jouissant de la considération universelle. […] C’était le temps où Bonaparte, qui avait fort goûté Ducis, et qui lui avait fait beaucoup d’avances pendant son séjour à Paris après la première campagne d’Italie, jusqu’à vouloir l’emmener avec lui dans l’expédition d’Égypte, fondait un gouvernement nouveau et cherchait à y rattacher tout ce qui avait nom et gloire.
Sa description, dont je ne cite qu’une partie et que les curieux peuvent chercher en entier (chap. […] Nous cherchâmes un asile dans le vestibule du temple, et bientôt nous vîmes la foudre briser à coups redoublés cette barrière de ténèbres et de feux suspendue sur nos têtes ; des nuages épais rouler par masses dans les airs, etc… Tout grondait, le tonnerre, les vents, les flots, les antres, etc… L’aquilon ayant redoublé ses efforts, l’orage alla porter ses fureurs dans les climats brûlants de l’Afrique. […] Le vieux Ducis disait de Chateaubriand, qui lui avait accordé un éloge : « Ce qu’il a dit de moi n’est point une chose vulgaire, ni dite vulgairement : il a le secret des mots puissants. » C’est ce secret que cherche Barthélemy et qu’il n’atteint pas.
Sans doute, lorsqu’il s’agit de la théorie abstraite de l’induction ou de la déduction, la philosophie est sur son propre terrain, et elle seule peut accomplir cette œuvre difficile ; mais, lorsque, passant du sujet à l’objet, elle cherche à quelles règles ces procédés doivent obéir pour discerner la vérité dans telle ou telle science, quels sont en mathématiques les principes de la méthode analytique, en physique ceux de la méthode expérimentale, la philosophie ne peut plus alors se passer du concours des sciences ; et, sur ce terrain pratique, les savants seront nécessairement les meilleurs logiciens. […] Quoi de plus ingénieux que ce que Bacon nous dit des faits clandestins, qui sont ceux, dit-il, où la nature cherchée se trouve dans son état le plus faible et le plus imparfait ? […] Celui-ci avait dit que l’hypothèse dans les sciences joue de plus en plus un rôle subalterne ; on lui répondit avec raison que « l’hypothèse est toujours le premier pas qu’il faut faire pour procéder à chaque nouvelle coordination des faits », qu’à la vérité « l’hypothèse ne précède pas l’observation, car la perception desfaits est elle-même une condition indispensable de la production des hypothèses », mais qu’elle la suit, et qu’elle-même précède le raisonnement sur les faits, « car on ne peut raisonner sur les faits observés qu’au moyen d’une idée préalablement adoptée : on ne cherche à démontrer que les théorèmes qu’on s’est posés 24. » On trouvera dans la même leçon beaucoup d’autres idées très-dignes d’être méditées, et, dans cette lutte curieuse entre l’Église et l’hérésie, nous croyons que c’est l’Église qui avait raison.
Kant avait cherché un milieu entre ce qu’il appelait le dogmatisme et le scepticisme, entre l’ancienne métaphysique, représentée surtout pour lui par le wolfisme, et la philosophie française et anglaise du xviiie siècle. Biran a cherché exactement la même chose. […] C’est là vraiment qu’il faut chercher avec Hegel l’identité de l’être et du non-être, car au moment où je suis, je ne suis déjà plus, et, quand je ne suis plus, je suis de nouveau, de telle sorte que, renaissant sans cesse de ma propre mort, je participe à la fois par un mystère incompréhensible à l’être et au néant.
L’écrivain le plus honnête a-t-il le droit, a-t-il le pouvoir de chercher ailleurs le principal ressort et l’intérêt de son œuvre ? […] Il cherchera les causes de cette désaffection subite de son esprit, en présence d’une description prolongée, et voici quelques-unes des innombrables réflexions qu’il pourra faire. […] Toute son ambition de peintre, d’ailleurs très haute et très périlleuse, tend à éveiller dans une autre âme l’impression qu’a produite sur lui-même le spectacle de la forêt, — sur lui-même, observons-le bien, qui ne cherchait que la beauté, et appliquait à cette contemplation ses sens et son esprit.