On croit qu’il va se limiter lui-même ; mais ce genre de raisonnement, qui peut être vrai pour une période historique de quelque étendue, est tout à fait trompeur et décevant pour les courtes périodes d’années qui sont si essentielles dans la vie d’une génération : Tandis que cette foule de gens d’esprit, dit-il, pour qui la Révolution est encore une émeute de séditieux, attendent, comme le paysan d’Horace, l’écoulement du ruisseau ; tandis que les déclamateurs phrasent sur la chute des arts et de l’industrie, peu de gens observent que, par sa nature destructive, la Révolution amène nécessairement la République militaire. […] Dans ces citations fréquentes que je me plais à faire des plus fortes pensées de quelques publicistes d’autrefois, je n’ai point la prétention d’ailleurs de proposer des recettes directes pour nos maux et nos inquiétudes d’aujourd’hui ; il n’est point de telles recettes souveraines. — « L’art de gouverner, disait très bien l’ancien Portalis dans une lettre à Mallet, n’est point une théorie métaphysique et absolue. Cet art est subordonné aux changements qui arrivent chez un peuple et à la situation dans laquelle il se trouve. » Je n’ai qu’un désir, c’est de présenter aux esprits qui me font l’honneur de me suivre quelques idées sérieuses qui ne soient pas étrangères à nos temps.
Le grand art de cette guerre est de ne paraître jamais défendre son terrain, et de ravager seulement celui de son ennemi, de l’accabler gaiement. […] Les grâces, triomphant sur le trône des lys, Ont ramené les arts à la Cour de Louis. […] Le Brun, vieillissant et presque aveugle, avait obtenu du gouvernement un logement au Louvre en face le pont des Arts, tout à côté du peintre David.
Sa figure commençait à se dessiner pour moi, et je voyais dans le maréchal Marmont un militaire des plus instruits, des plus éclairés, animé du génie de son art, en possédant la philosophie, à la fois plein de flamme et de cœur, et finalement malheureux. […] » Il se trouve à toutes ces actions immortelles dont l’ensemble compose le chef-d’œuvre le plus accompli qu’ait jamais produit l’art de la guerre. […] En 1810, il fit envoyer en France deux cents jeunes Croates pour y être élevés aux frais du gouvernement dans les écoles militaires ou dans celles des arts et métiers : il en retrouva plus tard bon nombre encore remplis de reconnaissance, dans les longs voyages de son exil.
Sans cesse, par une poussée instinctive qui fait sauterie lien de ses doctrines et contredit les dehors de son art, le grand poète qu’est M. […] Il vaut mieux %99 %faire observer qu’un précepte de facture reste une simple recette, que peindre d’une certaine façon ne veut jamais dire peindre bien de cette façon, que l’important est de peindre bien et que la façon n’y est pour rien, que Velasquez et Rubens se valent, que toutes les querelles et les gros mots sur les procédés manuels de l’art ne signifient rien, que la seule chose nécessaire est d’avoir du génie, que les procédés même de Cabanel, de Bouguereau, de Tony Robert Fleury, de Delaroche et d’Horace Yernet donneraient de magnifiques œuvres s’ils étaient employés par des artistes ayant le don, qu’enfin la formule du plein air est la dernière qu’il faille défendre, puisque, à l’heure actuelle, elle n’a pas encore donné un seul chef-d’œuvre ? […] Et cette lamentable fin encore du ménage artistique, cette noire existence misérable et débraillée dans l’atelier du haut de Montmartre, Claude se brutalisant, s’exaltant et s’affolant à l’impossible labeur de s’extorquer un chef d’œuvre, tandis que Christine s’attache à son amour tari, lutte contre le desséchement de cœur de son mari, finit par l’arracher à l’art auquel il tenait de toutes ses fibres, mais l’abîme et le lue du coup ; toute cette tragédie humaine donnant à toucher de pauvres chairs frissonnantes, à voir des larmes dans des orbites creux, et des mâchoires serrées, et des poings abandonnés, nous a enthousiasmé et ému.
Elle n’en est pas moins qualifiée historiquement protectrice des arts et des lettres, etc. […] De 1640 à 1660, les puritains abolirent l’art et fermèrent les spectacles ; il y eut un linceul sur tout le théâtre. […] Il y a sur ce tombeau un petit buste, d’une ressemblance douteuse et d’un art médiocre, mais, ce qui le rend vénérable, contemporain de Shakespeare.
Pourvu que les chairs ne se dissolvent point, que les parties putréfiées ne se séparent point, qu’il ne fourmille point de vers et qu’il garde ses formes, le bon goût dans l’un et l’autre art ne rejettera point cette image. […] Il y a donc un art inspiré par le bon goût dans la manière de distribuer les images dans le discours et de sauver leurs effets, un art de fixer l’œil de l’imagination à l’endroit où l’on veut.
Là où La Bruyère, dans ses Caractères, a manqué de l’art des transitions, Hello n’en a pas eu besoin, lui, tant l’Homme, qui est le sujet de son livre, en remplit bien toutes les parties, sous les noms divers qu’il leur donne ! […] Il y est dit encore, dans cette manière qui semble celle de Rivarol : « L’art qui songe aux applaudissements abdique. […] Lacordaire moulait tout un homme, en s’y reprenant avec la lenteur de l’art qui veut faire ressemblant et de l’amour qui veut qu’on reconnaisse et qu’on adore, tandis que l’auteur de la Physionomie de Saints ébauche du pouce seulement quelques traits, mais partout où le pouce a passé, il est resté de la lumière !
C’est alors aussi qu’on entendait dans les salons des gens d’esprit et réputés gens de goût, des demi-juges de l’art comme il y en a surtout dans notre pays55, affecter de dire qu’ils aimaient Musset pour sa prose, et non pour ses vers, comme si la prose de Musset n’était pas essentiellement celle d’un poète : qui avait fait les vers pouvait seul faire cette fine prose. […] Il n’était pas de ceux que la critique console de l’art, qu’un travail littéraire distrait ou occupe, et qui sont capables d’étudier, même avec emportement, pour échapper à des passions qui cherchent encore leur proie et qui n’ont plus de sérieux objet.
Si l’on compare avec les Feuilles d’Automne les anciennes élégies que j’ai précédemment appelées un charmant petit poëme, et qu’on pourrait aussi bien intituler les Feuilles ou les Boutons de Printemps, on aperçoit d’abord la différence de dimension, de coloris et de profondeur, qui, comme art du moins, est tout à l’avantage de la maturité ; il y a loin de l’horizon de Gentilly à Ce qu’on entend sur la Montagne, et du Nuage à la Pente de la Rêverie. […] Il y a donc, en ce livre de notre grand poëte, progrès d’art, progrès de génie lyrique, progrès d’émotions approfondies, amoncelées et remuantes ; mais de progrès en croyance religieuse, en certitude philosophique, en résultats moraux, le dirai-je ?
Je trouve encore l’escarre du chagrin, l’anévrisme des larmes, un culte qu’on galvaude, égruger le reste de mes jours ; la ration de fiel dont vous gorges mes jours ; un nom perdu, trahi, trimballé dans la boue ; toutes les limites de la langue, du goût, de l’art, et de la douleur exprimable, sont franchies. […] J’ignore si ce peut être un adoucissement pour les défaites du poëte ; mais je sais qu’en le lisant on se console de ne pas obtenir la gloire dans les arts, lorsqu’on voit combien ont souvent de génie enfoui et rebelle, combien de laborieuses douleurs subissent ceux même qu’elle ne devra pas couronner.
Il commence d’un ton de simplicité ce récit qui n’est pas sans composition ni sans art : il y en a partout chez Fléchier. […] Ce prédicateur habile a lu l’Astrée, il a volontiers sur sa table l’Art d’aimer traduit par le président Nicole ; en un mot, il sait par principes les règles du jeu, la carte du Tendre, mais surtout il excelle à tout voir finement autour de lui, et à démêler du coin de l’œil les nuances du cœur.
Le progrès se fait d’ailleurs ; la politique et l’art n’ont pas chômé depuis quinze jours ; trois mémorables événements se sont succédé : un recueil de chansons de Béranger, l’affaire d’Armand Carrel, le drame de Victor Hugo. […] Mais c’est un spectacle trop grandiose et trop rare en ce temps-ci pour ne pas l’admirer et s’incliner d’abord devant, dût-on argumenter et analyser ensuite, que cette trempe de caractère poétique, cette vaillance presque fabuleuse dans l’art qui, depuis tantôt douze ans, combat, construit et conquiert.
Leur supériorité consiste dans le talent d’exprimer vivement ce qu’ils voient et ce qu’ils éprouvent ; ils ont l’art d’unir intimement les réflexions philosophiques, aux sensations produites par les beautés de la campagne. […] La plus féconde des idées philosophiques, le contraste des qualités naturelles et de l’hypocrisie sociale, y est mise en action avec un art infini, et l’amour, comme je l’ai dit ailleurs54, n’est que l’accessoire d’un tel sujet.
Encourager les hommes de lettres, c’est les placer au-dessous du pouvoir quelconque qui les récompense ; c’est considérer le génie littéraire à part du monde social et des intérêts politiques ; c’est le traiter comme le talent de la musique et de la peinture, d’un art enfin qui ne serait pas la pensée même, c’est-à-dire, le tout de l’homme. […] La république, discutant en commun un grand nombre de ses intérêts, soumettant tous les choix par l’élection à la volonté générale, la république doit nous affranchir de cette foi aveugle qu’on exigeait jadis pour les secrets de l’art du gouvernement.
Dans les arts d’imitation, il faut être sévère, mais non pas rigoureux. […] Il est impossible que vous ne conveniez pas que les spectateurs savent bien qu’ils sont au théâtre, et qu’ils assistent à la représentation d’un ouvrage de l’art, et non pas à un fait vrai.
Il va au-delà de Marot, comme Béranger au-delà de Collé, par le même travail et grâce aux mêmes ressources, ayant réformé son petit cadre d’après l’art ancien, et l’ayant rempli de toutes les grandes idées de son temps. […] Il les préférait hautement aux modernes. « Art et guides, disait-il, tout est dans les Champs-Elysées. » Il avait annoté presque à chaque page Platon et Plutarque, avec profit certainement, car la plupart de ses notes sont des maximes qu’on retrouve dans ses fables.
Mais lisez maintenant cette page de Fromentin, d’un art absolument contraire : C’est une terre sans grâce, sans douceurs… Un grand pays de collines expirant dans un pays plus grand encore, et plat, baigné d’une éternelle lumière ; assez vide, assez désolé pour donner l’idée de cette chose surprenante qu’on appelle le désert ; avec un ciel toujours à peu près semblable, du silence, et de tous côtés des horizons tranquilles. […] Enfin dans les deux descriptions j’apercevrai, non pas deux procédés seulement, ni deux arts, mais deux siècles et deux hommes : d’un côté, l’esprit lettré, l’orateur, qui raisonne sa sensation et ne conçoit rien que de triste hors des conditions du monde civilisé et de la vie de société ; de l’autre, le critique, l’artiste, capable de prendre tour à tour l’âme de tous les peuples, acceptant la sensation étrange et même illogique, habile à saisir la beauté dans les moins riants aspects de la nature, dans l’égalité monotone de la lumière.
Ainsi, les thèmes consacrés de l’amour courtois continuaient d’être traités, et, à l’imitation des concours institués d’abord au Puy-en-Velay en l’honneur de la Vierge, il s’établissait un peu partout, sous le nom de puis, en Picardie, Normandie, Flandre, des concours de poésie par lesquels l’art provençal du xiiie siècle se transmit en se dégradant aux chambres de rhétorique du xve . […] Il s’est fait un art, des procédés : il a ses figures, ses allusions, ses comparaisons, ses allégories favorites, qui sont comme sa marque et sa signature dans ses œuvres.
Le fond anglais subsiste toujours : mais il s’accommode de son mieux aux principes de l’art français. […] Depuis que le marquis de Luzan a mis en castillan l’Art poétique de Boileau et le Préjugé à la mode de La Chaussée, la plupart des écrivains sont afrancesados : à la comedia nationale succèdent le drame larmoyant, la tragédie pompeuse, la comédie à la façon de Molière, ou plutôt de Destouches ou de Picard580.
Qu’est-ce que l’art ? […] On maudit le « Progrès » ; on déteste la civilisation industrielle de ce siècle, comme hostile au mystère ; on la juge écœurante de rationalisme, et, en même temps, on jouit du pittoresque spécial que cette civilisation a mis dans la vie humaine et des ressources qu’elle apporte à l’art de développer la sensibilité… Le baudelairisme serait donc, en résumé, le suprême effort de l’épicurisme intellectuel et sentimental.
Tous deux ne s’occupèrent plus de leur art qu’en qualité d’écrivains. […] Francesco Andreini et Isabelle laissaient un fils, Giovanni-Battista Andreini, né en 1579, qui se distingua dans l’art qui avait illustré ses parents.
Voilà donc des auteurs au lieu d’hommes, et l’art passant tout entier du cerveau à la main. […] Quand on lit, dans ce même Lamotte, le « suisse d’un jardin » pour une haie, le « voyage sédentaire » pour l’étude de la géographie, « l’hôte de la flatterie » pour un prince flatté, on se croit encore au bon temps où le miroir était « le conseiller des grâces », les statues « des muets illustres » ; où Cathos veut qu’au lieu de : « Voilà un laquais qui demande si vous êtes au logis », on dise : « Voilà un nécessaire qui demande si vous êtes en commodité d’être visible. » Il semble même qu’en cet art puéril de ne rien dire comme les autres, les beaux esprits du dix-huitième siècle aient renchéri sur ceux du dix-septième.
Au XIIIe siècle, les Latins, les Grecs, les Syriens, les Juifs, les Musulmans font de la scolastique, et à peu près la même scolastique, de York à Samarkand ; au XIVe siècle, tout le monde se livre au goût de l’allégorie mystique, en Italie, en Perse, dans l’Inde ; au XVIe, l’art se développe d’une façon toute semblable en Italie, au Mont-Athos, à la cour des grands Mogols, sans que saint Thomas, Barhébræus, les rabbins de Narbonne, les motécallémin de Bagdad se soient connus, sans que Dante et Pétrarque aient vu aucun soufi, sans qu’aucun élève des écoles de Pérouse ou de Florence ait passé à Dehli. […] Ce que les beaux siècles de la Grèce furent pour les arts et les lettres profanes, le siècle de Jésus le fut pour la religion.
Mais à chaque instant sa maîtresse sentait qu’il « n’aimait personne, ni elle, ni Donatella, mais qu’il les considérait l’une et l’autre comme de purs instruments de l’art, comme des forces à employer, des arcs à tendre ». […] Dans tous les arts, les Italiens sont coutumiers de telles victoires.