Ici, je reviens à Mme Desbordes-Valmore, et je me demande si cette femme, d’une passion si grande et si naturelle, a réellement assez de langage pour faire fond de poète aux sublimités de l’émotion, et pour que sur l’art de son solfège brille mieux la poignante beauté de ses cris ? […] elle avait de l’art encore dans ses folies et ne mêlait point ses romances.
L’art, le talent, la poésie surtout, cette Isis voilée au vulgaire, sont incompréhensibles à qui n’a ni art, ni talent, ni poésie, et c’est le gros du monde, cela !
La Critique, qui doit tout comprendre et tout embrasser, excepté le faux, la Critique, qui doit même se réjouir de ce que la science ait investi l’art d’une force nouvelle, devait non-seulement applaudir à l’influence physiologique dans le roman, et dans le roman de la moralité la plus spirituelle, mais elle devait même encourager, sous toute réserve, le genre spécial du roman, qui allait fatalement tendre à se constituer, et qu’on peut appeler le roman purement physiologique. […] Mais si, au lieu d’être une étude, une tentative consciencieuse d’art, le livre n’est plus qu’un parti pris, une mystification, une hypocrisie dans la redite de cette vieille histoire du Vampire, qu’on déguise en femme pour qu’on ne le reconnaisse pas et parce qu’on sait l’empire des femmes !
L’auteur de Guy Livingstone est idéal de sentiment et d’expression, de société et de caractère, dans un temps où nous nous mourons du mal de cœur de la réalité, qu’on nous donne pour l’art ou la vie ; il est idéal, parce qu’il est un byronien d’abord et ensuite un dandy, préoccupé, comme tout dandy, de la beauté des attitudes de son orgueil ; il l’est encore parce que tous les caractères de son roman sont pris dans un milieu humain et social exceptionnel, parce que la high life est la vie des classes supérieures qui valent mieux que les autres, de cela seul (comme le mot le dit) qu’elles sont au-dessus. […] S’ils n’ont pas cette moralité qui est le dernier degré de l’art et de la difficulté pour un romancier ou un poëte, car l’homme qui se cherche dans tout ne s’intéresse guère à ce qui est irréprochable, au moins leur idéalité est-elle à moitié chemin de cette moralité, presque impossible à introduire, dans un roman ou dans un poëme sans le plus rare et le plus incroyable génie, car Richardson lui-même, qui a créé Lovelace, a raté Grandisson !
Venu à Paris, à Versailles, il y rejoignit son compatriote et camarade Bertin, qui sortait également des études ; ils se lièrent étroitement, et dans ces années 1770-1773 on les trouve tous deux membres de cette joyeuse et poétique confrérie qui s’intitulait l’Ordre de la Caserne ou de Feuillancour : « Représentez-vous, madame, écrivait Bertin dans son Voyage de Bourgogne, une douzaine de jeunes militaires dont le plus âgé ne compte pas encore cinq lustres ; transplantés la plupart d’un autre hémisphère, unis entre eux par la plus tendre amitié, passionnés pour tous les arts et pour tous les talents, faisant de la musique, griffonnant quelquefois des vers ; paresseux, délicats et voluptueux par excellence : passant l’hiver à Paris et la belle saison dans leur délicieuse vallée de Feuillancour 166 ; l’un et l’autre asile est nommé par eux la Caserne… » Et Parny, au moment où il venait de se séparer de cette chère coterie, écrivait à son frère, durant les ennuis de la traversée : « … Mon cœur m’avertit que le bonheur n’est pas dans la solitude, et l’Espérance vint me dire à l’oreille : Tu les reverras, ces épicuriens aimables, qui portent en écharpe le ruban gris de lin et la grappe de raisin couronnée de myrte ; tu la reverras cette maison, non pas de plaisance, mais de plaisir, où l’œil des profanes ne pénètre jamais… » C’est ainsi, je le soupçonne, si l’on pouvait y pénétrer, que commencent bien des jeunesses, même de celles qui doivent se couronner plus tard de la plus respectable maturité ; mais toutes ne s’organisent point aussi directement, pour ainsi dire, que celle de Parny pour l’épicuréisme et le plaisir. […] Son oreille délicate appelle le chant, sa voix trouve sans art la mélodie. […] Écoutons Ginguené, par exemple : L’esprit et l’art avaient proscrit le sentiment ; L’ironique jargon, l’indécent persiflage Prenaient, en grimaçant, le nom de bel usage ; L’Apollon des boudoirs171, d’un maintien cavalier, Abordait chaque belle en style minaudier, Et, tout fier d’un encens brûlé pour nos actrices, Infectait l’Hélicon du parfum des coulisses. […] Cette portion d’art et de réflexion, appliquée à des souvenirs encore tout brûlants et à des émotions toutes naturelles, est ce qui a fait de ce dernier livre de Parny son chef-d’œuvre, la production qu’il n’a plus jamais surpassée ni égalée. […] Après cela, nous ne ferons aucune difficulté de reconnaître qu’il développe en cette carrière nouvelle plusieurs des qualités épiques, un art véritable de composition, des agréments de conteur, et qu’il y rencontre, dans le genre gracieux, bien des peintures fines et molles, telles qu’on peut les attendre de lui : l’épisode de Thaïs et Elinin a mérité d’être extrait du poëme dont il fait partie et de trouver place dans les Œuvres choisies, où, ainsi détaché, il peut paraître comme un malicieux fabliau.
. — Les arts. — La philosophie. — La religion. — Quelles forces ont produit la civilisation présente et élaborent la civilisation future. […] En tout cas, ce ne sont pas les arts qui l’y conduisent. […] Les arts ont besoin d’esprits oisifs, délicats, point stoïciens, surtout point puritains, aisément choqués par les dissonances, enclins au plaisir sensible, et qui emploient leurs longs loisirs, leurs libres rêves à arranger harmonieusement, sans autre objet que la jouissance, les formes, les couleurs et les sons. Je n’ai pas besoin de dire qu’ici la pente des esprits est toute contraire, et l’on voit assez pourquoi, parmi ces politiques militants, ces industriels laborieux, ces hommes d’action énergiques, l’art ne peut fournir que des fruits exotiques ou déformés. […] De ce corps de vérités envahissantes sort aussi une conception originale du bien et de l’utile, et, partant, une nouvelle idée de l’État et de l’Église, de l’art et de l’industrie, de la philosophie et de la religion.
D’une part, il ouvre à l’homme un monde fictif, analogue à celui de l’art, d’un art assez bas, de l’art des romans optimistes et sentimentaux, mais d’un art qui veut se faire prendre pour la réalité même pour devenir réel. […] Il travaille sourdement pour approprier à ses fins, pour détourner à son profit les forces que suscitent ou que façonnent l’art, la religion, la pratique de la vie et même l’instinct égoïste.
On a délicatement fait sentir combien les chefs-d’œuvre de l’art antique entassés dans nos musées perdaient de leur valeur esthétique. […] Science, art, philosophie ne sauraient plus avoir de sens en dehors du point de vue du genre humain. […] Les critiques qui ne sont qu’érudits le déplorent et emploient toutes les ressources de leur art pour percer ce mystère. […] Celui qui l’a fait si doctement vous répondra : « Analyser les œuvres de la pensée humaine, en assignant à chacune son caractère essentiel, découvrir les analogies qui les rapprochent les unes des autres et chercher la raison de ces analogies dans la nature même de l’intelligence, qui, sans rien perdre de son unité indivisible, se multiplie par les productions si variées de la science et de l’art, tel est le problème que le génie des philosophes de tous les temps s’est attaché à résoudre depuis le jour où la Grèce a donné à l’homme les deux puissants leviers de l’analyse et de l’observation 106. » L’érudition ne vaut que par là. […] L’Inde aurait presque autant de droits que la Grèce à fournir des thèmes à nos arts, je ne désespère pas qu’un jour nos peintres n’empruntent des sujets à la mythologie indienne, comme à la mythologie grecque.
Un cénobite de la religion de Wichnou reçoit la notion de l’art dramatique du père des brahmanes. […] Les règles de leur littérature théâtrale, règles puisées dans la religion plus que dans l’art, révèlent, dans ces temps reculés, de profondes notions sur la manière d’émouvoir, d’intéresser, de tendre et de détendre l’esprit des hommes rassemblés, et de les faire sortir de ces représentations dans un état d’édification morale où le plaisir même profite à la sainteté. […] Les métaphysiciens de l’Inde, qui se sont occupés de l’art dramatique, comptent huit espèces d’émotions constituant le pathétique, ou la passion dont cette poésie doit agiter les âmes. […] Puissent l’imagination dramatique et le goût délicat du poète lui assurer la gloire due au grand maître de son art poétique, et puisse-t-il nous initier toujours davantage dans cette science mille fois plus sublime et plus sainte, qui nous donne la connaissance des perfections de l’Être unique en qui se résument tous les êtres : Dieu ! […] Telles étaient les représentations scéniques de l’Inde primitive, pendant que le reste de l’Asie, à l’exception de la Chine, l’Afrique, l’Europe, la Grèce, Rome et les Gaules balbutiaient encore la langue de la philosophie, de la poésie et des arts ; quoi qu’en ait dit Voltaire, le jour moral s’est levé en Orient comme le jour céleste.
Ce sont des hommes très avancés dans les arts de l’agriculture, vivant d’une manière amphibie sur une rude côte, et tirant leur nourriture à demi de la terre, à demi de la mer. […] Aussitôt qu’ils ont la force de tenir un fusil, la chasse est l’art d’agrément de tout Anglais de condition. […] L’art des nuances semble lui être inconnu, et le mot qu’il choisit est inévitablement le plus accentué. […] Oui, voilà jusqu’où mon art avec votre aide a pu porter sa puissance ! […] Sterne est roi dans cet art du double entendu et du sous-entendu.
. — L’Art de fumer, poème (1843). — Le Deux-Décembre (1852). — Vox Populi ; le Quinze Août (1852). — Une Impératrice (1853). — Le Jour impérial (1853). — Le Triomphe d’Osten-Sachen (1854). — L’Exposition (1855). — Les Deux Marseille (1855).
Disciple bien-aimé de Gustave Flaubert, il a gardé les belles notes réalistes du mâle écrivain normand, et, pour sa part, ce quelque chose en plus, la vie dans le dialogue et le grand art du raccourci.
Mestrallet ne se montre ni absolument décadent ni tout à fait parnassien ; il tient une place entre les deux formules de l’art poétique actuel, et même il ajoute à ces formules quelque chose d’intime dont la douceur sied.
Cet Art veut, sur tout autre, un suprême mérite, a dit la Fontaine.
L’Auteur y développe avec art les plus secrets ressorts des passions ; tous les mouvemens d’un cœur entraîné par la tendresse y sont peints avec naturel, intérêt, & variété.
Il y a aujourd’hui un Auteur du même nom, né à Montpellier, qui s’est également exercé dans l’Art de la Comédie, mais qui n’a eu aucune espece de succès, & qui n’annonce aucun talent.
Il entendoit bien le Grec & le Latin, & connoissoit parfaitement sa Langue ; mais ceux qui le regardent comme un de nos meilleurs Traducteurs, font consister, sans doute, l’art de traduire dans la seule fidélité à rendre le texte de l’Original.
Les Ouvrages qui ne se soutiennent que par l'esprit & les ressources de l'art, ne seront jamais lus deux fois avec la même approbation.
C'est à ce noble zele qu'on doit tant de Dictionnaires, tant d'Abrégés, tant de Compilations informes, qui couvrent le Royaume d'un déluge de papier, & qui finiront par réduire les Sciences & les Arts à des notions imperceptibles, à force de les resserrer dans de petits articles.
Chaque faculté doit avoir son corps de bâtiment séparé, à l’instar de celui de la faculté des arts qui servira de modèle pour les autres.
C’est un fait qu’en 1756 faisant le portrait du roi, Sa Majesté cherchait à s’entretenir avec lui sur son art, et que La Tour répondit à toutes les observations du monarque, Vous avez raison, Sire, mais nous n’avons point de marine.
Fragonard Tableau ovale représentant des groupes d’enfans dans le ciel. c’est une belle et grande omelette d’enfans ; il y en a par centaines, tous entrelacés les uns dans les autres, têtes, cuisses, jambes, corps, bras, avec un art tout particulier ; mais cela est sans force, sans couleur, sans profondeur, sans distinction de plans.
Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont, à qui l’on doit déjà un bon travail sur l’Art poétique d’Horace, qui a procuré cette publication d’un manuscrit oublié.
[L’Art et la Vie (1897).]