Ce n’était qu’une forme de la vie, la forme la plus exaltée et la plus fougueusement expansive qu’il avait à traverser avant d’arriver à l’équilibre définitif et à cette activité sereine qui comprendra tout. […] Arrivés au Mein, nous y trouvons mon fils qui patinait : il volait comme une flèche à travers la foule des patineurs ; ses joues étaient rougies par l’air vif, et ses cheveux châtains tout à fait dépoudrés. […] Le livre paraît : un des premiers exemplaires arrive à Hanovre. […] Je serais le plus ingrat des hommes, si je n’avouais pas que j’ai une meilleure position que je ne mérite. » Il sent que dans ce monde de luttes et où si peu arrivent, ce serait offenser Dieu et les hommes que de se plaindre pour quelques ennuis passagers, quand il a trouvé un cadre si orné et si paisible à son développement et à toutes les nobles jouissances de son être. […] Émile Montégut, pourqu’on arrivât en France à une interprétation si intime, si complète dans le meilleur sens, et à la fois si exempte de danger.
Le voyage de Mme d’Albany à Paris précéda le sien, et elle n’y était plus depuis longtemps lorsqu’il y arriva. […] C’est ainsi qu’ayant eu communication des Mémoires, alors manuscrits, de Mme de La Rochejacquelein, revus et en partie rédigés par M. de Barante, il déclarait y avoir trouvé « la jouissance la plus vive que livre puisse jamais procurer. » Il y voyait tout ce qui constitue un morceau accompli d’histoire, « l’harmonie et la justesse d’un style partout adapté à la chose, l’art pittoresque qui met toujours et la scène et les personnages devant les yeux, l’intérêt le plus vif, le plus enthousiaste, le plus vertueux, qu’aucune période de l’histoire moderne ait jamais présenté, un intérêt qui s’attache aux personnes et qui ne se perd jamais dans les masses et les nombres abstraits, comme il arrive trop souvent. » Les Lettres de Mlle de Lespinasse, nouvellement publiées (1809), lui faisaient un effet bien différent ; c’était, pour lui, une lecture singulière qui lui laissait des impressions contradictoires, et où il se sentait quelquefois rebuté par la monotonie de la passion, souvent blessé d’un manque de délicatesse et de dignité dans la victime, mais attaché en définitive par la vérité et la profondeur de l’étude morale : « Un rapprochement, dit-il, que je faisais à chaque page augmentait pour moi l’intérêt de cette Correspondance. […] C’est le repos sur un sentiment passé et non sur l’insensibilité, qui fait pour vous le charme de l’âge qui s’avance. » Mais ne nous attardons plus ; car, après bien des lenteurs, des dérangements et contre-temps dans ses projets, Sismondi enfin se met en route et arrive à ce Paris tant désiré ; il y est au commencement de janvier 1813, une date peu riante assurément ; il ne s’en aperçoit qu’à peine, et, dès le premier jour, il doit à l’amitié connue qui le lie à Mme de Staël d’être reçu et initié dans le meilleur monde, dans la plus fine société. […] cet observateur candide est arrivé assez vite à l’analyse parfaite du personnage et à l’explication la plus vraie comme la plus bienveillante. […] Aussi j’arrivai en Toscane avec du respect pour le culte catholique, avec la croyance que le bien que faisait cette religion l’emportait de beaucoup sur le mal… » Il fut obligé d’en rabattre après avoir vu de près l’intolérance maîtresse chez soi et à l’œuvre.
Sa Préface, comme il est arrivé quelquefois aux poètes, nous paraît démesurément plus grande que l’œuvre. […] Semblable en cela à Ulysse, il est arrivé, il a abordé à Ithaque, et tout d’abord il ne la reconnaît pas. […] Encore un coup, l’honneur de Du Bellay est de susciter de pareils rapprochements et de les supporter sans trop avoir à s’en repentir : « Ce n’est pas toujours en troupes que ces oiseaux visitent nos demeures, disait le grand peintre de notre âge ; quelquefois deux beaux étrangers, aussi blancs que la neige, arrivent avec les frimas : ils descendent, au milieu des bruyères, dans un lieu découvert, et dont on ne peut approcher sans être aperçu ; après quelques heures de repos ils remontent sur les nuages. […] Arrivé sous le pontificat relâché et dissolu de Jules III, il vit Marcel II, qui ne régna que vingt et un jours. […] Le volume d’étrennes qu’il se réjouissait d’envoyer à chacun de ses amis ce jour-là, et qu’il avait lui-même préparé, ne leur arriva point de sitôt ; il ne fut imprimé et publié que quelques années plus tard.
Depuis quinze ans, il n’est donc pus un poète qui soit arrivé à Paris sans entrer fatalement dans le cercle de M. […] On s’entendait sur la supériorité de la forme poétique, on en arrivait à préférer M. […] Poète en ses drames que gonfle un souffle énorme (l’épopée ; poète en ses études de critique, où il dit l’âme et le prodigieux génie de Wagner ; poète en ses fantaisies légères d’au jour le jour, harmonieuses et composées ainsi que des sonnets, en ses contes galants où, sous les fleurs de perversité et les voluptés féeriques et précieuses des boudoirs, percent parfois le piquant d’une ironie et l’amer d’un désenchantement ; poète en ses romans, surtout avec Zohar, aux baisers maudits ; même avec la Première maîtresse, et qui ne craint pas de descendre jusque dans le sombre enfer contemporain de nos avilissements d’amour, tout arrive à son cerveau en sensations, en visions de poète ; tout, sous sa plume ; se transforme en images de poète, exorbitées et glorieuses, la nature, l’homme, aussi bien que la légende et que le rêve. […] Vive donc votre ivresse, et vive Votre chant, Madame la Grive, Par qui la guérison m’arrive ! […] C’était cent fois mon avis ; et tout Paris, déjà, le partageait avec moi, saluant en ce dernier venu le triomphe du premier arrivé.
mais avec un accord qui prouve combien tous les bons esprits appelaient ce progrès, le dernier à faire avant d’arriver aux chefs-d’œuvre. […] On a vu, dans les premières années du dix-septième, Charron tenter d’y arriver, former un plan, couper et diviser sa matière. […] Et par suite l’encombrement, l’embarras, la pesanteur, ce je ne sais quoi de traînassier. comme on disait alors, dans un style sans précision, qui craignait d’autant moins de se charger en chemin de nuances, d’épithètes, d’emprunts aux autres langues, que le discours, n’ayant à aller nulle part, n’était point pressé d’arriver. […] Ce jour arriva bientôt, et, dans la vie de Balzac, la gloire du jeune homme fut comme un embarras pour l’homme mûr. […] On n’en a pas imaginé depuis lors une autre définition, ou si quelques-uns l’ont osé, il leur en est arrivé mal.
Chronique wagnérienne Le mois de février n’est pas précisément celui des souhaits et ces étrennes, et j’arrive sans doute fort tard pour offrir mes vœux de joyeuse chronique aux bénévoles lecteurs de la Revue Wagnérienne. […] J’y arrive donc, puisqu’il en est temps encore. […] Nous passerons donc légèrement sur les détails de la cérémonie, pour arriver à l’exécution du Prométhée, vaste composition doublement lyrique, dont les paroles, écrites jadis par Herder, ont été mises en musique par Listz. […] Au moment où elle désespère de trouver un chevalier qui prenne sa défense, on voit arriver Lohengrin, dans une barque dirigée par un cygne. […] En effet, Nerval ne serait arrivé que le 31 Août à Weimar et aurait été aidé par Liszt et la princesse Sayn-Wittgenstein pour écrire les comptes rendus.
Enfin le changement d’intensité entraîne toujours, même dans la sensation, un changement de qualité, un changement de contenu, de forme, de netteté ou de clarté, et aussi de ton sensitif ; il n’est donc pas étonnant que nous arrivions à distinguer tout de suite, par une différence de qualités, ce qui est perception actuelle de ce qui n’est que souvenir. […] Du monde de nos rêves nous arrivent parfois, dit James Sully, comme de brusques éclairs qui passent au milieu de nos sensations présentes, et ces éclairs sont trop rapides pour que nous reconnaissions la région d’où ils viennent. […] C’est ce qui m’est arrivé en particulier à l’époque où, en vue de la publication de mon livre, je prenais soigneusement note de tous mes rêves. […] La mémoire intellectuelle est un ensemble de signes au moyen desquels la conscience arrive à renouveler les idées par leurs contours sans renouveler les émotions et efforts qui en occupaient primitivement le fond. […] Par l’habitude acquise ou héréditaire, les procédés mécaniques deviennent de plus en plus inconscients et finissent par être du pur automatisme : c’est ce qui arrive, par exemple, chez le pianiste, dont les doigts fonctionnent avec l’exactitude d’un instrument de précision.
De loin, on rêve je ne sais quoi qui doit vous arriver, un inattendu quelconque, qu’on trouvera chez soi en descendant de fiacre. […] Ils sont comme je les ai quittés, il ne leur est arrivé rien à eux non plus. […] Il exige tout son temps, toute sa pensée, et, pour arriver à cela, il lui impose de petits devoirs matériels, comme de la forcer à se lever, tous les matins, pour lui écrire des lettres de sept ou huit pages. […] Fossé d’Arcosse, un long vieillard osseux, tout en feuilletant des paperasses qui tiennent de l’histoire : « Oui, oui, je vais y arriver, fait-il, je sais, il y a deux branches dans cette famille… et même une particularité curieuse : chacune de ces branches avait 100 000 livres de fortune sous Louis XIV. […] Cette succession lui arrive au moment où il gagnait sa vie à Bruxelles, à composer des feuillets d’un dictionnaire d’histoire et de géographie, à 40 francs la feuille.
De siècle en siècle, en effet, l’aspect du inonde change pour les hommes ; en parcourant le cycle de la vie, il leur arrive ce qui arrive aux voyageurs parcourant les grands cercles terrestres : ils voient se lever sur leurs têtes des astres nouveaux qui se couchent ensuite pour eux, et c’est seulement au terme du voyage qu’ils pourront espérer connaître toute la diversité du ciel. […] Ainsi en arrive-t-il pour Lamartine : quoique le sentiment soit vrai, trop souvent la pensée philosophique et religieuse, au lieu de projeter spontanément son expression vivante, est « traduite en vers », — en vers heureux, faciles, abondants, poétiques, mais qui n’en sont pas moins des traductions et des tours d’adresse84. […] Ensuite il faut garder le silence : A voir ce que l’on fut sur terre et ce qu’on laisse, Seul le silence est grand, tout le reste est faiblesse… … Si tu peux, fais que ton âme arrive, A force de rester studieuse et pensive, Jusqu’à ce haut degré de stoïque fierté Où, naissant dans les bois, j’ai tout d’abord monté. […] Une fois faite, en ce pessimisme, la part d’une certaine affectation aristocratique, il semble bien que le « mal du siècle » ait marché ; nous arrivons avec Vigny à l’état aigu.
Le nœud se forme, les caractères se développent, la dernière scène du cinquième acte arrive, et la toile tombe. […] Après une route longue et pénible, elle arrive dans une cabane ; la fatigue l’accable, la soif la dévore ; un paysan, touché de compassion, lui présente un peu de lait : au moment où elle le porte à ses lèvres, un enfant, qui l’a regardée pendant quelques instants avec attention, lui arrache la coupe, et s’écrie : C’est la sorcière d’Orléans. […] Mais si les Allemands ont rejeté l’introduction des chœurs dans leurs tragédies, celle d’une quantité de personnages subalternes qui arrivent d’une manière naturelle, bien qu’accidentelle, sur la scène, remplace, à beaucoup d’égards, comme nous l’avons observé précédemment, l’usage des chœurs. […] Sans ces règles, ils multiplieraient, pour arriver à leur but, des tentatives dans lesquelles ils s’écarteraient toujours davantage de la vérité, de la nature et du goût. […] La même chose lui arrive lorsqu’on l’avertit du temps qui s’est écoulé d’un acte à l’autre.
Arrivons au temps. […] Qu’il me suffise de dire que si l’on considère le mécanisme du mouvement volontaire en particulier, le fonctionnement du système nerveux en général, la vie elle-même enfin dans ce qu’elle a d’essentiel, on arrive à la conclusion que l’artifice constant de la conscience, depuis ses origines les plus humbles dans les formes vivantes les plus élémentaires, est de convertir à ses fins le déterminisme physique ou plutôt de tourner la loi de conservation de l’énergie, en obtenant de la matière une fabrication toujours plus intense d’explosifs toujours mieux utilisables : il suffit alors d’une action extrêmement faible, comme celle d’un doigt qui presse rait sans effort la détente d’un pistolet sans frottement, pour libérer au moment voulu, dans la direction choisie, une somme aussi grande que possible d’énergie accumulée. […] Voici, en gros, la conclusion où j’arrive 3. […] La zone rolandique, où l’on a localisé le mouvement volontaire, est comparable en effet au poste d’aiguillage d’où l’employé lance sur telle ou telle voie le train qui arrive ; ou encore c’est un commutateur, par lequel une excitation extérieure donnée peut être mise en communication avec un dispositif moteur pris à volonté ; mais à côté des organes du mouvement et de l’organe du choix, il y a autre chose, il y a le choix lui-même. […] Là où la lésion cérébrale est grave, et où la mémoire des mots est atteinte profondément, il arrive qu’une excitation plus ou moins forte, une émotion par exemple, ramène tout à coup le souvenir qui paraissait à jamais perdu.
Cela m’est arrivé également avec un roman de M. […] Enfin l’héritage arrive. […] Arriver, arriver aussi haut que possible, arriver à tout, elle n’a pas d’autre idée dans la cervelle. […] Et ce qui devait arriver arrive. […] Il est arrivé littéralement malgré lui.
Puis j’ai élevé l’étuve à 34°, 5 ; alors il arriva un arrêt de la germination. […] Cela arrive lorsqu’ils sont à l’état d’œuf. […] Et cela est vrai non seulement des êtres arrivés à l’état adulte, mais même pour l’œuf ou l’embryon. […] C’est ce qui arrive chez les végétaux. […] Auerbach, est transitoire et passagère le plus souvent ; c’est ce qui arrive pendant la segmentation de l’œuf.
On songea alors à fixer la prononciation, & à la faciliter aux étrangers ; ce qui arriva, poursuit cet Auteur, un peu avant le tems de Ciceron. […] Que s’il arrive qu’ils manquent de quelque mode, de quelque tems, ou de quelque personne, on les appelle défectifs. […] Mais ce sens peut quelquefois être transposé, ce qui arrive avec la conditionnelle si, qui peut fort bien commencer un discours ; si vous êtes utile à la société, elle pourvoira à vos besoins. […] Il arrive aussi que le fond des objets n’est pas toûjours diversifié à proportion de la dissemblance extérieure. […] Ce qui arrive dans certaines circonstances, arrivera toûjours de la même maniere quand les circonstances seront les mêmes ; & lorsque je ne vois que l’effet sans que je puisse découvrir la cause, je dois reconnoître ou que je suis ignorant, ou que je suis trompé, plûtôt que de me tirer de l’ordre naturel.
Vous comptez 50, 000 suffrages dans un sens, 49, 000 dans un autre : à quoi arrivez-vous ? […] Une preuve, c’est qu’il nous arrive, à nous bourgeois du xixe siècle, de n’en pas avoir horreur. […] — Mais encore à quelles conclusions pratiques arrivons-nous ? […] Voilà les grands changements qui sont arrivés dans l’état des choses de lettres au commencement de ce siècle. […] — Quoi qu’on fasse, on en arrive toujours à mettre la souveraineté quelque part.
On voit arriver l’avocat Voltore portant une large pièce d’argenterie. […] Lui parti, arrive le marchand Corvino, qui apporte une perle d’Orient et un diamant superbe. « Suis-je héritier ? […] — Célia reste seule avec Volpone, qui dépouillant sa feinte maladie, arrive sur elle aussi florissant de jeunesse et de joie, aussi ardent que le jour où, dans les fêtes de la République, il a joué le rôle du bel Antinoüs. […] Ils arrivent par troupes, et offrent leurs bruyantes félicitations à Morose. […] Par exemple, dans les Fêtes de Cynthia, trois enfants arrivent, se disputant le manteau de velours noir que d’ordinaire l’acteur met pour dire le prologue.
C’est ici le contraire du mot de Turgot sur Christophe Colomb : — « Ce que j’admire le plus en lui, — disait-il de ce découvreur de monde, — ce n’est pas d’être arrivé, mais c’est d’être parti ! » François Hugo n’était pas arrivé encore, que l’on pouvait affirmer qu’il arriverait. […] L’un, c’est la Pensée assez intense pour arriver à la folie ; — l’autre, la Sensation assez passionnée pour arriver à la souffrance ; car Dieu ne veut pas plus qu’on s’enivre avec sa pensée qu’il ne veut qu’on s’enivre avec son bonheur ! […] XIV Il me tardait d’y arriver ; car l’analogie est frappante. […] Du respect pour son auteur, ce n’est point là ce qui est rare ; mais, si vous y joignez de l’indépendance, vous arrivez à quelque chose qui, je vous le jure !
Tout d’abord sembla réussir à souhait, et la nouvelle alliance si préconisée en cour fut très bien prise encore par le public jusqu’à ce qu’arrivassent les nouvelles des premiers désastres. […] M. le duc de Mecklembourg et les Suédois n’en seront pas fort aises, et je crains bien qu’il n’en arrive des inconvénients qui balanceront les avantages. […] M. de Choiseul se trompe ; le grand habit arrive avec les dépêches fin de mars : « Il est fond blanc et les fleurs bleues ; on me le demandait fond bleu avec les fleurs blanches, mais on l’aimera autant tel qu’il est. » Et plus loin : « On a trouvé le grand habit fort joli. » L’abbé-ministre n’était pas entièrement brouillé, on l’entrevoit, avec les chiffonneries galantes. […] Avec cela, il continua d’y mêler sa chimère, laquelle consistait à rester dans le Conseil après avoir résigné son portefeuille à M. de Choiseul, à chercher à compléter le nouveau ministre et à se laisser compléter par lui : « Il peut se concerter avec moi, j’ai des choses qu’il n’a pas, il en a qui me manquent : tout cela ensemble ne peut produire qu’un bon effet. » Louis XV mécontent ne répondit pas sur cet article : il consentit à la démission de Bernis en faveur de M. de Choiseul par une lettre datée de Versailles (9 octobre 1758), qui commence ainsi : « Je suis fâché, monsieur l’abbé-comte, que les affaires dont je vous charge affectent votre santé au point de ne pouvoir plus soutenir le poids du travail… » Il y marquait nettement son système personnel en ces mots : « Je consens à regret que vous remettiez les Affaires étrangères entre les mains du duc de Choiseul, que je pense être le seul en ce moment qui y soit propre, ne voulant absolument pas changer le système que j’ai adopté, ni même qu’on m’en parle. » Choiseul n’avait plus qu’à arriver de Vienne.
Quand Tallemant des Réaux, par exemple, s’appuyant du manuscrit d’un ancien secrétaire de Du Plessis-Mornay, c’est-à-dire d’un témoignage ennemi, s’amuse à nous conter que tous les soirs, à l’Arsenal, jusqu’à la mort de Henri IV, Sully, déjà arrivé à la cinquantaine, continuait d’aimer si fort la danse « qu’il dansait tout seul avec je ne sais quel bonnet extravagant en tête, qu’il avait d’ordinaire quand il était dans son cabinet », une telle anecdote, qui n’a aucun rapport prochain ni éloigné avec les actes publics de Sully et qui ne saurait être contrôlée, est indigne d’être recueillie par un historien et n’est propre (fût-elle exacte à quelque degré) qu’à déjouer et à dérouter le jugement général, bien loin d’y rien apporter de nouveau. […] Le retour du roi de Pologne Henri III et son arrivée en France, le démenti donné du premier coup aux espérances qu’on avait de lui, ne sont pas moins bien notés ; ce dernier des Valois arrive avec le dessein, qui lui a été suggéré par de sages princes et conseillers qu’il a vus au passage (en Autriche, à Venise et en Savoie), d’octroyer la paix à tous ses sujets et de rétablir l’ordre et la concorde avec traitement égal pour tous ; mais, à peine arrivé, il fait défaut, se laisse retourner par la reine sa mère, s’engage dans je ne sais quelle petite guerre et quel petit siège qu’il est obligé de lever avec mille sortes de reproches et d’injures que lui lancent du haut des murailles les femmes et les enfants : Ce honteux décampement, dit Sully, l’aversion que le roi témoigna dès lors de toutes choses généreuses et de la vraie gloire, qui ne s’acquiert que par les armes, et une inclination et disposition portée toute au repos, aux délices et plaisirs, le firent tomber en mépris qui engendra la haine, et la haine l’audace d’entreprendre contre lui, de laquelle procéda sa perdition avec infamie. […] monsieur, lui dit l’espiègle enfant, l’on nous a dit qu’il y a plus de demi-heure que vous êtes arrivé en ce logis, et vous n’êtes point encore venu voir ma sœur !
Quand elle arriva en France à l’âge de dix-neuf ans, on ne s’attendait pas à tout cela ; on était rempli du souvenir et du regret de l’autre Madame, l’aimable Henriette, enlevée dans la fleur du charme et de la grâce : « Hélas ! […] Mme de Sévigné, dans une lettre à sa fille, a l’air de croire que Madame (comme cela était arrivé à la Madame précédente) ressent pour Louis XIV une inclination tant soit peu romanesque, et qui la tourmente sans qu’elle se rende bien compte de ce que c’est. […] mais, si ce que je crains arrivait, ce serait pour moi le plus grand malheur. » Elle raconte les dernières scènes d’adieu avec un véritable et visible attendrissement. […] Et ici nous arrivons à la grande antipathie de Madame, à ce qui, chez elle, est presque inimaginable de prévention, de haine, d’animosité, et si violent que cela en devient comique.
Balzac usa quelquefois de la faveur de Voiture en Cour, et le mit en mouvement pour faire arriver de ses œuvres sous les yeux du cardinal de Richelieu ou du cardinal Mazarin : Voiture, qui savait les difficultés et avait du tact, se prêtait à ces démarches autant qu’il fallait, et rien de plus. […] Or précisément le jour où lui arriva cette demande de Balzac de répondre à la dissertation de M. de Girac, Costar relevait d’un violent accès de goutte ; il était à jeun d’esprit, et empressé de verser sur quelque sujet le trop plein de ses tiroirs. […] Lorsque enfin il eut achevé d’écrire et de distiller sa Défense des ouvrages de M. de Voiture, ainsi qu’il l’intitula, il en fit faire deux copies, dont il envoya l’une à Balzac comme pour prendre son avis, et dont il dépêcha l’autre à Paris chez Conrart, le centre et la source des curiosités, comptant bien sur l’indiscrétion de ce dernier, et que l’ouvrage paraîtrait imprimé comme à son insu, et avant que les observations et les corrections de Balzac y pussent atteindre ; c’est en effet ce qui arriva. […] Il aimait la vérité quand elle lui était favorable, et la révérait quand même elle lui était contraire… Il m’est arrivé souvent de l’entendre parler de l’ambition déréglée de ces écrivains qui se proposaient pour fruit de leurs veilles l’approbation universelle… En le louant ainsi de cette facilité à écouter la critique, Costar se mettait peu en devoir de le suivre : car l’instant d’après il reprenait en détail toutes les objections de Girac, il se faisait fort de les réfuter une à une, et de maintenir Voiture sans tache d’un bout à l’autre et, pour ainsi dire, impeccable.
Sa maxime était « de tourner les choses de manière qu’en donnant gain de cause à celui qui avait raison, son adversaire eût cependant lieu, par quelques endroits, de se consoler d’être vaincu. » Aux difficultés qu’il rencontrait en cette tâche ingrate d’arbitre et de pacificateur des couvents, il lui arriva cependant de dire plus d’une fois qu’il était moins aisé de remettre la paix parmi les religieux et les réguliers que de ramener au devoir les prêtres séculiers. […] De telles historiettes à la Tallemant qui circulaient dans Paris, et que chacun brodait à plaisir, arrivaient à l’oreille du roi lui-même qui faisait semblant d’en rire, mais qui, tout en continuant à se servir de l’homme, tirait dès lors la barre à la fortune et au crédit de l’ambitieux. […] Voici, par exemple, l’idée d’une Pyramide qu’on proposait d’élever au prélat dans la cour même de l’archevêché, avec une inscription dont je ne donne que les lignes principales : À l’unique et l’incomparable seigneur Messire François de Champvallon, archevêque de Paris, duc de Saint-Cloud ; Proviseur des collèges de La Marche et de Sorbonne ; Fondateur du Saint-Bourbier47 ; Visiteur de l’île Notre-Dame48 ; Damoiseau de Conflans49 ; Toujours jeune, toujours souriant, de qui l’on voit le mérite dès qu’on arrive dans son antichambre ; si patient qu’au milieu de cette ville on l’a volé, sans qu’il s’en soit plaint50 ; si vigilant qu’à deux heures après minuit on l’a trouvé dans les rues ; si obligeant qu’il accorde toutes les dispenses qu’on veut ; Le Tout-Puissant ; L’Infaillible ; de qui l’on n’appelle point ; qu’on ne peut déposer ; Grand maître des lettres de cachet ; Arrondisseur de la Couronne ; Intrépide amplificateur de la Régale ; Président perpétuel des Assemblées Du Clergé ; Souverain dominateur de L’Église gallicane ; plus aimable que M. de Pierrepont ; Plus diligent que feu M. le Maréchal De La Meilleraye51 ; dont la sacrée pantoufle est à Andelys, et le cordon d’or à Pontoise52 ; que sa dignité a fait recevoir dans L’Académie ; qui parle comme il écrit et qui écrit Comme il parle ; prélat des plus qualifiés ; prélat Harlay-Quint. […] Il ne fut point fâché que l’extinction du Calvinisme, qui devint dès lors la grosse affaire, arrivât tout à propos et à point pour lui donner prétexte de les rompre.
Quand je considère cette disposition toujours croissante à une mélancolie aride et sombre, l’avenir m’effraye ; de quelque côté que je tourne les yeux, je ne vois qu’un horizon menaçant ; de noires et pesantes nuées s’en détachent de temps en temps et dévastent tout sur leur passage ; il n’y a plus pour moi d’autre saison que la saison des tempêtes… » Ici se trahit le contemporain et le compatriote de René ; et quand je parle de René et d’Oberman à propos de La Mennais, ce ne sont pas des influences qui se croisent ni des reflets qui lui arrivent de droite ou de gauche : c’est une sensibilité du même ordre qui se développe sur son propre fond, mais qui hésite encore, qui se cherche et n’a pas trouvé son accent ; c’est un autre puissant malade, enfant du siècle, qui, dans la crise qu’il traverse et avant de s’en dégager, accuse quelques-uns des mêmes symptômes et rencontre, pour les rendre, quelques expressions flottantes dans l’air et qui se font écho. […] Mais Béranger, qui aurait pu prétendre aussi à sa part de direction, appréciait mieux que personne la situation délicate et la disposition d’esprit de son nouvel ami quand il écrivait (8 février 1837) : « … Il veut se mettre à la tête d’un journal, et je crains d’arriver trop tard pour lui éviter cette folie. […] Il dut n’arriver qu’à une connaissance en gros des langues anciennes et à des à-peu-près. […] Ils méritent d’être donnés en entier et sont le plus éloquent commentaire de ce qu’a raconté de ce Concile national M. d’Haussonville au tome iv de l’Église romaine sous le premier Empire « (La Chesnaie, 1811.) — Gratien arrive et me remet tes paquets. — Comme la Providence se joue des passions humaines et de la puissance de ces hommes qu’on appelle grands !
Hugo, divers poèmes de M. de Vigny, datent et illustrent la période dont il s’agit ; mais, à part M. de Lamartine qui l’avait ouverte, ces autres poëtes, plus jeunes, n’étaient pas arrivés à leur expansion définitive : ce ne fut guère que de 1824 à 1829, dans la seconde phase du mouvement que nous décrivons, qu’ils montèrent à leur rang, groupant autour d’eux et suscitant une génération fervente. […] Ce que ne donnent ni l’effort, ni l’étude, ni la logique d’un goût attentif et perfectible, il l’atteignait au passage ; il avait dans le style cette vertu d’ascension merveilleuse qui transporte en un clin d’œil là où nul n’arrive en gravissant. […] Ce sont là, à mon sens, des vers d’une telle qualité poétique, que bien des gens de mérite qui sont arrivés à l’Académie par les leurs (M. […] C’est de là que vient ce titre la Coupe et les Lèvres ; il y avait chez les Grecs un vers devenu proverbe : Πολλὰ μεταξὺ πέλει ϰύλιϰος ϰαὶ χεὶλεος ἄϰρου, Multa cadunt inter calicem supremaque labra : ce que nos bons aieux traduisaient bourgeoisement : « Entre la bouche et la cuiller il arrive souvent du détourbier. » Et le vieux Caton en son temps disait de même : « Inter os et offam, » entre la bouche et le morceau.