/ 2983
887. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

Un autre motif qui l’avait fait différer jusque-là, quoique cette idée de renonciation fût déjà très ancienne chez lui, c’était que, s’il avait abdiqué un peu plus tôt, et vers le temps de sa fuite d’Inspruck, il eût quitté la partie sur des revers, qu’il eût donné gain de cause aux ennemis de la foi catholique et eût paru céder au découragement moral, quand il ne se rendait qu’à la fatigue. […] Jeune et déjà émancipé, on l’avait vu patient, ne se hâtant pas de régner par lui-même, très appliqué aux affaires, mais écoutant les conseils de son ancien gouverneur, le seigneur de Chièvres, il avait fait écrire sur son bouclier cette devise : Nondum (pas encore) ! […] Car il savait bien qu’on imputerait, malgré tout, sa résolution à faiblesse, et que tous ses succès anciens, éclipsés pour un temps, seraient méconnus,, attribués uniquement et comme jetés à la fortune. […] il viendra, quelques années après, un sage appelé Montaigne qui remettra tout à sa place et à son rang dans l’estime, et qui ayant à développer cette idée, qu’un père sur l’âge, « atterré d’années et de maux, privé par sa faiblesse et faute de santé de la commune société des hommes, se fait tort et aux siens de couver inutilement un grand tas de richesses, et que c’est raison qu’il leur en laisse l’usage puisque la nature l’en prive », ajoutera pour illustrer sa pensée : « La plus belle des actions de l’empereur Charles cinquième fut celle-là, à l’imitation d’aucuns Anciens de son calibre, d’avoir su reconnoître que la raison nous commande assez de nous dépouiller, quand nos robes nous chargent et empêchent, et de nous coucher quand les jambes nous faillent : il résigna ses moyens, grandeur et puissance à son fils, lorsqu’il sentit défaillir en soi la fermeté et la force pour conduire les affaires avec la gloire qu’il y avoit acquise : Solve senescentem… » Mais entrons un peu plus avant dans les raisons qui persuadèrent à une de ces âmes d’ambitieux, si aisément immodérées, d’en agir si sensément et prudemment.

888. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Etait-il possible en 1801, comme l’abbé de Pradt l’expose, comme Napoléon lui-même semble depuis l’avoir reconnu, d’adopter un autre mode que celui du Concordat, une manière moins solennelle, moins éclatante, mais plus neuve, plus hardie dans sa simplicité, rentrant moins dans les anciennes ornières, constituant « une liberté protectrice et non directrice », et qui aurait suffi à donner pleine satisfaction alors à la religion et à la majeure partie de la société, sans être grosse des périls et des conflits qui succédèrent ? […] Mais voilà que les progrès mêmes du siècle et ses facilités matérielles nuisent à cette indépendance si désirable sur quelques points, et qui avait toujours existé dans l’ancienne Église de France. […] Voir pages 237, 300, tome IX, de ces mêmes Mémoires du duc de Doudeauville (l’ancien vicomte Sosthènes de La Rochefoucauld). […] On trouvera à la fin du volume, dans l’Appendice, quelques détails plus particuliers sur mes anciens rapports avec l’abbé Lacordaire.

889. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

Imaginez ce que ce serait si un Pausanias, un Pline,, avaient fait autrefois pour les tableaux des anciens exactement ce que Théophile Gautier fait aujourd’hui pour les nôtres : les érudits seraient dispensés de tant conjecturer sur ce qu’ils ne savent pas bien. […] Dans des articles déjà assez anciens sur Diaz, je crois avoir remarqué une des formes habituelles de son ingénieux et bienveillant procédé. […] En exécutant enfin ce Capitaine Fracasse dont il avait, il y a quelque vingt-cinq ans, donné le simple titre à son libraire, il a tenu encore une gageure des plus difficiles, laquelle consistait à composer un roman presque pastiche qui parût suffisamment de la date ancienne où la scène se passe, et qui eût en même temps ce je ne sais quoi de frais et de neuf, indispensable signature de toute œuvre moderne. […] La représentation dans la grange, chez Bellombre, un ancien camarade qu’ils ont retrouvé près de Poitiers, devenu riche par héritage et propriétaire, est un nouveau tableau.

890. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

il se lève, s’émancipe brusquement et se retourne souvent contre les plus proches : de là bien des discordes, des égarements sans doute, peut-être aussi quelques nouveautés conquises et ajoutées à grand’peine à l’héritage des anciens. […] Chez les Anciens, chez les Grecs du moins, l’ode, c’était le théâtre encore, elle avait devant elle la Grèce assemblée et les Jeux Olympiques. […] bienveillant par nature, exempt de toute envie, il ne put jamais admettre ce qu’il considérait comme des infractions extrêmes à ce point de vue primitif auquel lui-même n’était plus que médiocrement fidèle ; il croyait surtout que l’ancienne langue, celle de Racine, par exemple, suffit ; il reconnaissait pourtant qu’on lui avait rendu service en faisant accepter au théâtre certaines libertés de style, qu’il se fût moins permises auparavant, et dont la trace se retrouve évidente chez lui à dater de son Louis XI. […] (Il m’était arrivé rarement, trop rarement, avant ce Discours, d’écrire sur Casimir Delavigne ; je l’avais pourtant fait en deux circonstances, l’une déjà bien ancienne, dans le Globe, à l’occasion des Sept Messéniennes de 1827, et une autre fois assez récemment dans la Revue des Deux Mondes, à l’occasion de la Popularité (1838) ; je ne crains pas de donner ci-après, en appendice, ces deux morceaux dans lesquels, avec la différence du ton, on retrouvera exprimées plusieurs idées qui chez moi ne sont pas si nouvelles ; de tout temps, par exemple, j’ai pensé que la vocation de Casimir Delavigne était d’être classique.

891. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Voici, au reste, comment nous avons reconstruit nous-même, à une autre époque et dans un autre ouvrage, la vie et les œuvres d’Homère, d’après les monuments les plus anciens et les plus authentiques de la critique et de l’érudition grecque. […] Les traditions racontent et les anciens ont écrit qu’Orphée, le premier des poètes grecs qui chanta en vers des hymnes aux immortels, fut déchiré en lambeaux par les femmes du mont Rhodope, irritées de ce qu’il enseignait des dieux plus grands que les leurs ; que sa tête, séparée de son corps, fut jetée par elles dans l’Hèbre, fleuve dont l’embouchure est à plus de cent lieues de Smyrne ; que le fleuve roula cette tête encore harmonieuse jusqu’à la mer ; que les vagues, à leur tour, la portèrent jusqu’à l’embouchure du Mélès ; que cette tête échoua sur l’herbe, près de la prairie où Crithéis mit au monde son enfant, comme pour venir d’elle-même transmettre son âme et son inspiration à Homère. […] On appelait le chant, alors, tout ce qui parle, tout ce qui exprime, tout ce qui peint à l’imagination, au cœur, aux sens, tout ce qui chante en nous, la grammaire, la lecture, l’écriture, les lettres, l’éloquence, les vers, la musique ; car ce que les anciens entendaient par musique s’appliquait à l’âme autant qu’aux oreilles. […] En sorte que le monde ancien, histoire, poésie, arts, métiers, civilisation, mœurs, religion, est tout entier dans Homère ; que le monde littéraire, même moderne, procède à moitié de lui, et que, devant ce premier et ce dernier des chantres inspirés, aucun homme, quel qu’il soit, ne pourrait, sans rougir, se donner à lui-même le nom de poète.

892. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

En même temps, les traducteurs, parmi tant d’œuvres anciennes qu’ils transportaient dans notre langue vulgaire, ne négligeaient pas les poèmes dramatiques : Lazare de Baïf, en 1537, traduisit l’Électre de Sophocle et plus tard l’Hécube d’Euripide. […] Ils partagent l’erreur capitale du maître : ils croient toucher la perfection des œuvres anciennes, en calquant les procédés d’exécution, en dérobant les matériaux. […] Exploitant les anciens et les modernes, les poètes, les historiens, les romanciers, mais, manifestement, aimant mieux découper en scènes une action racontée, et fixer lui-même les éléments du drame, que de calquer son œuvre sur un modèle artistement construit, sans idolâtrie érudite ni engouement précieux, indépendant de Sénèque, très affranchi en somme des Italiens, et tout à fait ignorant des dramaturges espagnols, Hardy, avec ses six ou sept cents pièces, fut pendant une trentaine d’années le fournisseur habituel de l’Hôtel de Bourgogne. […] Ancien Théâtre français, Bibl.

893. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XI. L’antinomie sociologique » pp. 223-252

— Sans doute, en un certain sens, les grands courants d’idées philosophiques, religieuses et sociales peuvent avoir sur l’individu une influence libératrice, en ruinant ou en affaiblissant les disciplines anciennes et en opposant à l’idéal étroit des sociétés existantes un idéal d’affranchissement relatif. […] Le nouvel idéal social ne libère l’individu qu’en tant qu’il se dresse contre l’ancien ordre oppressif. […] Les promoteurs des idéaux nouveaux ne sont pas plus sincères que les partisans des idéaux anciens. […] L’idéaliste qui aspire à une société plus sincère et plus vraie s’aperçoit bientôt que la société nouvelle qu’il souhaite et à l’avènement de laquelle il travaille peut-être, il s’aperçoit que cette société porte déjà en elle le germe logique et nécessaire des mensonges nouveaux qui remplaceront les mensonges anciens et périmés, que tout régime politique et social est menteur par essence (Vigny), que la duperie mutuelle est la loi de toute société et que le mensonge de groupe ne fait que changer de forme.

894. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

Elle est arriérée si elle invoque d’anciens souvenirs ; elle est chimérique si elle prétend à l’actualité. […] Au premier acte, nous sommes chez le vieux marquis d’Auberive, ce gentilhomme, quinteux et sceptique, qui jouait, dans les Effrontés, le rôle d’un Méphistophélès de l’ancien régime. […] Que la satire dramatique désigne visiblement du doigt quelqu’un dans la foule, la licence est déjà terrible ; mais, qu’à travers le discours de l’orateur ou le journal du publiciste, elle frappe la conviction et le caractère… autant vaudrait relever, sur la scène, l’ancien pilori. […] Aux arguments du vieux libéral, le légitimiste frais éclos oppose le discours que va prononcer son ancien patron. « C est moi qui l’ai fait ! 

895. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Si je venais à passer sous silence ce Discours pour parler d’un livre de poésie, d’un roman ancien ou nouveau, on aurait droit de penser que la critique littéraire se récuse, qu’elle se reconnaît jusqu’à un certain point frivole, qu’il est des sujets qu’elle s’interdit comme trop imposants ou trop épineux pour elle ; et ce n’est jamais ainsi que j’ai compris cette critique, légère sans doute et agréable tant qu’elle le peut, mais ferme et sérieuse quand il le faut, et autant qu’il le faut. […] Guizot est un des hommes de ce temps-ci qui, de bonne heure et en toute rencontre, ont le plus travaillé, le plus écrit, et sur toutes sortes de sujets, un de ceux dont l’instruction est le plus diverse et le plus vaste, qui savent le plus de langues anciennes et modernes, le plus de belles-lettres, et pourtant ce n’est pas un littérateur proprement dit, dans le sens exact où se définit pour moi ce mot. […] Les faits très anciens sont ceux qui se prêtent le mieux à ce genre d’histoire systématique. […] Une personne qui le connaissait bien disait de lui : « Ce qu’il sait de ce matin, il a l’air de le savoir de toute éternité. » En effet, l’idée, en entrant dans ce haut esprit, laisse sa fraîcheur ; elle est à l’instant fanée et devient comme ancienne.

896. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Telle est l’inspiration générale de Vauvenargues, celle par laquelle il rompt avec les moralistes du siècle précédent comme avec ceux de son siècle, et qui lui arrachera cette belle parole digne d’un ancien : « Nous sommes susceptibles d’amitié, de justice, d’humanité, de compassion et de raison. […] » Vauvenargues a l’âme antique, et, comme les plus éclairés des anciens, il n’est pas disposé à admettre si aisément des contradictions dans la nature. […] Et il les a d’autant mieux, notez-le bien, qu’il n’avait guère lu les anciens, ni grecs ni latins, et qu’il ne savait pas leur langue. […] Dans l’ordre des sentiments et du goût, il ne croyait pas que nous fussions du tout au-dessus des peuples anciens, plus voisins que nous de l’instinct de la nature : « On instruit notre jugement, disait-il, on n’élève point notre goût.

897. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Le ministre, M. de Choiseul, le chargea en 1765 d’écrire, pour l’instruction du Dauphin (Louis XVI), l’histoire des troubles de Pologne ; c’est cette histoire toute contemporaine, dont la matière se déroulait chaque jour sous ses yeux, que Rulhière s’étudia à traiter durant vingt-deux ans à la manière des anciens, sans parvenir à la mener à fin, et qui forme aujourd’hui son titre le plus considérable. […] Dans l’état d’études plus avancées où l’on est aujourd’hui sur le xviie  siècle, on est amené à reconnaître que cette fatale révocation, dont la dévotion finale de Louis XIV fut le moyen et l’occasion, préexistait depuis longtemps, ou du moins flottait dans l’esprit de ce prince à l’état de projet politique, et qu’il ne fit en dernier lieu que réaliser un vœu ancien, dans lequel il fut insensiblement assisté et comme encouragé par une complicité presque universelle. […] Il leur prête des discours qui rappellent avec talent ceux des anciens dans les assemblées publiques, mais j’aimerais mieux quelques-uns de ces mots vrais et qui transportent dans la réalité. […] Où est-il l’historien qui saura unir la beauté et la pureté de la forme, propres en tout genre aux anciens, avec la profondeur des recherches imposée aux modernes, et doit-on l’espérer désormais ?

898. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Mme de Coislin, une des femmes les plus considérables et les plus consommées de l’ancienne Cour, invitait l’auteur à la venir voir. […] Villemain, dans son rapport public du 19 août dernier, n’avait jugé à propos, par un coup de talent, de rendre un éclat inattendu à cette ancienne séance. […] Villemain avait besoin, dans son rapport, d’un morceau à applaudissement, d’un air de bravoure qui fît épigramme contre l’état de choses présent, et il crut l’avoir trouvé dans cette ancienne séance où Bernardin célébrait l’aigle impériale, alors au plus haut de son vol et au zénith de sa gloire. […] Il a supposé qu’on assistait à cette ancienne séance académique ; il a donné à entendre qu’il y assistait lui-même, simple lycéen alors, pour avoir le droit de la décrire.

899. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre III. Personnages merveilleux des contes indigènes »

Lorsque cette divinité eut centralisé les attributions dans ses mains et monopolisé à son profit le culte, les anciennes divinités de second ordre passèrent au rang de grandeurs déchues, presque de démons. […] Ceci semble confirmer mon hypothèse que ce sont d’anciens dieux inférieurs comme le furent par exemple les dryades et les sylvains. […] Le véritable guinné ne saurait avoir de religion que celle de soi-même s’il est, comme je le pense, un des vestiges d’une ancienne religion panthéiste. […] Cette croyance était celle des anciens Bretons et des Allemands90.

900. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

Après avoir suivi le genre des éloges chez les peuples barbares, ou ils n’étaient que l’expression guerrière de l’enthousiasme qu’inspirait la valeur ; chez les Égyptiens, où la religion les faisait servir à la morale ; chez les anciens Grecs, où ils furent employés tour à tour par la philosophie et la politique ; chez les premiers Romains, où ils furent consacrés d’abord à ce qu’ils nommaient vertu, c’est-à-dire, à l’amour de la liberté et de la patrie ; sous les empereurs, où ils ne devinrent qu’une étiquette d’esclaves, qui trop souvent parlaient à des tyrans ; enfin, chez les savants du seizième siècle, où ils ne furent, pour ainsi dire, qu’une affaire de style et un amas de sons harmonieux dans une langue étrangère qu’on voulait faire revivre ; il est temps de voir ce qu’ils ont été en France et dans notre langue même. Je m’arrêterai peu sur les anciens monuments que nous avons dans ce genre. […] L’unique différence, c’est que nos orateurs français insultent à l’humanité en prose faible et barbare, dans ce jargon qui n’était pas encore une langue ; au lieu que l’orateur d’Italie, écrivant avec pureté dans la langue de l’ancienne Rome, ses mensonges du moins sont doux et harmonieux. […] On ne peut comparer cette espèce de culte qu’à celui que les habitants de l’ancienne Rome rendirent à la mémoire d’Antonin.

901. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

Il se produit vers la fin de l’Ancien Régime un fait assez considérable, qui modifie la littérature : on voit l’antiquité gréco-romaine reparaître, et ramener, comme il était naturel, un idéal de beauté formelle et plastique. […] La société et la littérature, depuis la querelle des anciens et des modernes, s’étaient désintéressées de l’antiquité. […] Il est grec lui aussi, et grand humaniste : aussi tente-t-il une imitation serrée de la technique des anciens.

902. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Police générale d’une Université et police, particulière d’un collège. » pp. 521-532

Un philosophe ancien disait : Je commande à toute la Grèce, car je commande à Aspasie, qui commande à Périclès, qui commande à toute la Grèce. […] Ce règlement de police diminuera successivement le nombre des élèves, depuis la première classe jusqu’à la dernière, la classe des langues anciennes où se fabriquent les poètes et les orateurs ; et tant mieux. […] Dans nos écoles où l’on n’enseigne pendant cinq ou six ans de suite que les langues anciennes, trois ou quatre élèves supérieurs éteignent toute émulation dans les autres.

903. (1864) De la critique littéraire pp. 1-13

Monsieur le Directeur, De la critique littéraire Vous m’avez fait l’honneur de me demander si je voudrais m’associer aux efforts que vous faites pour remettre dans son ancien crédit cette Revue qui a compté et compte encore parmi ses rédacteurs tant d’hommes distingués. […] Exiger du critique qu’il sache le latin et le grec, c’est peut-être un pédantisme ; passons-lui ce point, s’il peut, sans posséder leur langue, assez connaître les anciens pour les respecter et les aimer. […] Or, ces écrits, ce sont ceux des anciens et des meilleurs d’entre les modernes.

904. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IX. L’abbé Mitraud »

Comme l’homme au projet de paix perpétuelle et comme beaucoup d’autres rêveurs d’une date moins ancienne et qu’il vante dans son livre, il ne comprend rien à ce grand fait de la guerre qui, à lui seul, est toute une philosophie. […] Mais cet état des multitudes dans l’univers donne-t-il le droit d’affirmer à un penseur rigoureux que l’idéal social existe réellement sur la terre, en dehors de cette société, qu’on nous passe le mot : crépusculaire, créée par le christianisme entre les ténèbres de l’ancien monde et la lumière du Jour Divin ? […] Mitraud, au lieu de faire un livre dans sa complexe et forte unité, n’eût utilisé d’anciennes notes, des fragments épars, en les rapprochant.

905. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’architecture nouvelle »

Quelle raison peut nous faire juger beau le costume enrubanné du courtisan d’ancien régime, et vulgaire le simple vêtement bruni par le travail du terrassier, si ce n’est la pauvreté de notre esthétique, plus digne de sauvages ou d’enfants que d’hommes raffinés ? […] Ce sont en premier lieu les monuments généralement publics, qui ne sont qu’une reproduction plus ou moins exacte des monuments anciens, ou qu’un amalgame de différents styles à peine rehaussé de quelques détails, dus à l’imagination de l’artiste. […] Le besoin de créations nouvelles suscita des artistes originaux, qui délaissèrent brusquement les formules anciennes.

906. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « SAINTE-BEUVE CHRONIQUEUR » pp. -

Despois exprimait ce regret, nous nous mettions en relation avec un des plus anciens amis de Sainte-Beuve, M. […] Il en parlait quelquefois à l’un de ses anciens secrétaires, M.

907. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXIII » pp. 133-140

Il a envoyé ici un de ses anciens écuyers, M. de Locmaria, pour prendre la direction de la Quotidienne et chercher à remonter ce journal qui était le plus étroit et le plus bête, quoique loyal et honnête. […] Il avait été le fondateur de l’ancien Correspondant sous la Restauration, feuille grave, modérée et très-éclairée.

908. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mort de sir Walter Scott »

Sans doute cette faculté puissante et féconde, à laquelle nous devons tant de nobles jouissances, tant d’heures d’une émotion pure, tant de créations merveilleuses qui sont devenues une portion de nous-mêmes et de nos souvenirs, sans doute cette belle faculté commençait à faiblir sensiblement ; on n’osait plus en attendre des chefs-d’œuvre comparables aux anciens ; on craignait même de la voir se complaire dans une postérité de plus en plus débile, comme il arrive aux plus grands hommes en déclinant comme le bon Corneille ne sut pas assez l’éviter dans sa vieillesse. […] En ce moment surtout, il semble que pour l’Europe entière les anciennes générations expirent dans la personne de leurs plus augustes représentants ; il se fait un renouvellement solennel ; les têtes sacrées des maîtres de l’intelligence et de l’art tombent de toutes parts moissonnées.

909. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Et Lamartine ? »

Et c’est alors un délice, c’est un rafraîchissement inexprimable que ces vers jaillis d’une âme comme d’une source profonde, et dont on ne sait « comment ils sont faits. » Sans compter que, parmi ces vers de génie — à travers les nonchalances, les maladresses et les naïvetés de facture qui rappellent les très anciens poètes, et parfois aussi à travers les formules conservées du dix-huitième siècle  des vers éclatent et des strophes (les poètes le savent bien), d’une beauté aussi solide, d’une plénitude aussi sonore, d’une couleur aussi éclatante et d’une langue aussi inventée que les plus beaux passages de Victor Hugo ou de Leconte de Lisle. […] Mais, comme si le destin avait voulu lui faire expier cette heure extraordinaire  tout de suite après, l’abandon, l’oubli, la ruine amenée par l’ancien faste et par les charités royales, le travail forcé, une vieillesse attelée, pour vivre, à des tâches de librairie et finissant par tendre la main au peuple… Cette vie si grande le paraît encore plus, s’étant achevée dans tant de douleur.

910. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « André Theuriet »

Si vous n’êtes, d’aventure, que le fils de tout petits bourgeois de province, elle vous attendrira : Le logis des Malapert était étroit comme la vie qu’on y menait, pauvre comme la bourse de l’ancien agent voyer… Dans cette demeure froide et nue, on vivait parcimonieusement et   solitairement. […] Et, pour en revenir à Séverin Malapert, si la vie eût été plus large dans la petite maison de l’ancien agent voyer, il n’eût pas eu tant de plaisir à gagner, près du grenier, « la petite pièce, donnant sur les vignes, qui lui servait de dortoir et de cabinet de travail », et là, à relire ses poètes favoris et à rêver tout son soûl.

/ 2983