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952. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Il est vrai que je l’aime tant que j’aurais peur, à la fin, d’aimer en lui jusqu’à un défaut. […] Jugez-en. « Nous aimons mieux vraiment, quel qu’il ait été, conclut M.  […] J’aime beaucoup Balzac, et je sais tous les grés du monde à M.  […] Avec une intuition qui n’enlève rien à la maturité de ses jugements, il devine le talent encore anonyme et se prend à l’aimer. […] L’auteur l’aime, comme peut-être le plus naturel de ses ouvrages.

953. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

On se plut même et on applaudit aux singularités les plus passées de ce langage héroïque ou amoureux, comme à de belles modes du temps de MMes de Longueville ou de La Vallière ; on aima jusqu’au parfait amant et jusqu’à l’adorable furie, tout comme on aime des meubles de Boule. […] Il fallait, remarque-t-on justement, avoir vécu sur mer, avoir aimé la mer, pour la chanter ainsi. […] Nous aimons à en rappeler ce détail aujourd’hui que M. […] » — Par contraste, dans le Mariage de Figaro, Chérubin dit bien gaiement je vous aime aux arbres, au vent, aux nuages. […] demanda l’un des convives à Talma. — J’aime le romantique, répondit-il vivement, mais surtout celui de Racine.

954. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

On a beau être courtisane, on n’aime pas être marchandée sottement, comme un cheval anglais ou un objet d’art. […] Il la plaint, il la console, il voudrait l’arracher à ce climat de feu qui la tue, il lui dit qu’il l’aime depuis longtemps, que sa vie lui appartient et qu’elle ne peut en disposer comme d’une chose à elle ; la scène est poignante de vérité douloureuse. […] Elle l’aimera donc, mais à une condition : c’est qu’il la laissera libre de sa vie, et qu’elle n’aura jamais de comptes à lui rendre. […] Elle l’ignore mais, quel qu’il soit, elle est bien près de l’aimer. […] elle l’aime déjà, de toute la folie de sa tête, de toute l’oisiveté de son cœur.

955. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

Il aime enfin tout ce qui a saveur et couleur. […] Il aime à donner à ses récits, pour fond et pour premier plan, un lieu, une contrée précise qui elle-même fait une bonne partie de l’intérêt. […] Jeune, il a aimé à la passion l’époque de Louis XIII ; il l’a fort étudiée, et son volume des Grotesques (1844) renferme une suite de portraits originaux et singuliers de ce temps-là. […] Par un effet de ce grand goût qu’il a pour l’art et un certain art de convention, il a mieux aimé étudier la vie dans la comédie que de retrouver la comédie dans la vie. […] Il aime mieux voir la nature à travers un léger travestissement.

956. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Mais si vous voulez, Sire, qu’on rompe le silence, c’est à vous de l’ordonner. » Louis XV accepte de bonne grâce cette ouverture et lui permet de libres avis ; il avait du goût pour ce genre de correspondance particulière, j’allais dire cachotière, en dehors de ses ministres en titre ; ce n’était pas précisément un insouciant que Louis XV, c’était même un curieux ; il aimait à tout savoir, le pour et le contre sur les choses et sur les gens, sauf à en très peu profiter et à n’en rien faire. […] III Un des mérites du maréchal de Noailles est, du moins, de l’avoir senti et d’avoir averti Louis XV de ce relâchement de tous les ressorts (8 juillet 1743) : « Qu’il me soit permis, Sire, de vous exprimer combien je souffre et je suis touché de voir Votre Majesté, qui mérite d’être aimée et bien servie, l’être si mal. […] « Je ne m’étendrai pas davantage pour cette fois-ci, mais j’attendrai votre réponse avec honnêtement d’inquiétude ; pensez le reste. » Il y a là quelque bon désir, quelque étincelle ; et quinze jours après (9 août), lorsque la retraite de l’armée de Bavière a ramené la guerre à notre frontière du Rhin, Louis XV dira : « Si l’on mange mon pays, il me sera bien dur de le voir croquer, sans que je fasse personnellement mon possible pour l’empêcher ; mettons-nous au moins en état de réparer de bonne heure ce que nous aurons pu perdre toute cette année-ci. » Sous des expressions peu nobles on aime à surprendre de ces réveils d’honneur. […] On aime peu à voir cette décadence de la nation, avouée et reconnue d’un roi jeune, et qui devrait protester contre, ne fût-ce que par son exemple. […] Ces soins sont une partie essentielle de ceux de la royauté, et ne sont pas les moins difficiles à remplir ; mais ils ne le seront pas pour Votre Majesté, vu les talents que Dieu lui a donnés pour se faire aimer de ceux dont elle veut l’être, et pour discerner le mérite. » Un peu de flatterie, il en faut ; il faut le passeport au conseil.

957. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

Jamais mère n’eut tant de droit de parler avec autorité que l’impératrice ; je l’ai représenté plusieurs fois dans les moments où les lettres chagrinaient : on convenait du principe, mais on s’est toujours figuré qu’on était peu aimée et qu’on serait traitée comme un enfant jusqu’à trente ans. […] M. ne m’a rien dit de plus ; elle n’en désire peut-être pas davantage ; elle trouvera une importunité de moins pendant mon absence, et quand elle aimerait mieux ma présence, elle sent bien qu’elle ne peut plus m’en parler sans répondre aux motifs clairs et décisifs que je lui ai présentés l’année dernière. […] Elle est assez bien et convenablement avec toute la famille royale, excepté qu’elle marque beaucoup trop de prédilection pour le comte d’Artois, quoiqu’au fond elle ne l’aime ni ne l’estime, mais uniquement parce qu’il l’amuse et lui procure des amusements. […] 96 Elle est maîtresse de ses volontés ; elle n’aime pas l’application, elle ne veut pas de gêne ; elle ne trouve pas beaucoup de ressources dans la famille royale, et elle craint surtout l’ennui. […] Il avait établi son influence sur elle dans l’âge où les impressions sont le plus durables, et il était aisé de voir qu’il n’avait cherché qu’à se faire aimer de son élève et s’était très-peu occupé du soin de l’instruire.

958. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

On aime, indépendamment du jugement critique, à savoir avec précision ce qu’a écrit l’auteur qu’on juge, ce qu’il a laissé d’imprimé ou d’inédit, et même ce qui a été pensé par d’autres à son sujet. […] Gautier est tel ; il aime, non pas à modifier, mais à retourner sans dire gare les jugements les plus reçus. […] Et encore, pour les deux premières, j’aime mieux renvoyer au volume que de les transcrire ici. […] J’y distingue les stances écrites pour le Prince de Chypre dans un ballet, et où l’on croirait entendre à l’avance quelque accent de Quinault ; je me rappelle aussi que madame Tastu aime particulièrement les stances qui ont pour titre les Nautonniers. […] Au défaut de ses vers, un ingénieux et savant critique, avec qui j’aime à me trouver d’accord (M.

959. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

Car toutes ces discordes domestiques et ces guerres civiles littéraires n’empêchent pas, Messieurs, et tout devant moi le prouve, que les vrais lettrés, j’entends par là ceux qui aiment les lettres pour elles-mêmes, ne soient, toute rébellion cessante, d’une même cité, d’une même famille, et que le bien acquis et par les pères et par les neveux ne compose finalement le trésor de tous. […] Après le travail, la conversation fut aisément amenée sur le chapitre des vers, que Louis XVIII aimait, comme on sait, et dont il se piquait fort. […] Casimir Delavigne aimait avant tout son art et le renom populaire qu’il s’y était fait. Il avait gravé au fond du cœur l’antique programme d’Horace : « Quem tu, Melpomene, semel… Celui, ô Melpomène, que tu as regardé d’un œil d’amour au berceau, celui-là, il ne sera ni lutteur aux jeux de Corinthe, ni vainqueur aux courses d’Élide, ni général triomphateur au Capitole ; mais il aimera les belles eaux de Tibur, et il trouvera la gloire par des vers nés à l’ombre des bois. » Et dans le cas présent d’ailleurs, il y avait mieux, il y avait de quoi tenter et retenir toute l’ambition d’une âme de poëte. […] La popularité qui lui avait souri de si bonne heure, qu’il avait goûtée avec délices, qu’il avait certes le droit d’aimer (car elle ne s’était jamais présentée à lui que sous la forme de l’estime publique), il la traduisit au théâtre dans une de ses dernières œuvres, qui n’a peut-être pas été assez appréciée.

960. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Dorante se fait passer pour un domestique, et Silvia pour une soubrette ; un homme et une femme se rencontrent, qui ont juré chacun de leur côté de né jamais aimer ; une fée s’éprend d’Arlequin balourd et niais : ces données ne représentent rien, ou pas grand chose, de réel. […] Il a posé en face l’un de l’autre ces deux êtres destinés à s’aimer, qui se sentent disposés à s’aimer avant de se connaître, et qui font effort pour se connaître avant de s’aimer, qui s’observent, s’étudient, se tendent des pièges, tâchent de forcer le mystère de l’âme par laquelle ils se voient pris irrésistiblement. […] Dans la diversité des cas particuliers, deux conditions se trouvent toujours : il faut gagner l’attention ; on est sur le chemin d’aimer quand on distingue ; et il faut intéresser la vanité, fut-ce en la blessant ; caressée ou irritée, dès qu’elle est émue, elle fouette le sentiment et fait doubler les étapes. […] Il ne s’agit plus de peindre la vie, mais de faire aimer la vertu et détester le vice.

961. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

Il aime Clémence, la fille de M. Charrier ; il en est aimé ; mais l’honneur l’attache à la femme qu’il a compromise. […] J’aime moins Vernouilhet rapportant à la marquise cent mille francs qu’elle a perdus dans sa débâcle et l’amenant, grâce à ce beau trait, à demander pour lui la main de Clémence, qui est sa filleule. […] Cette bonne dame, affligée d’une lubie chronique, se croit aimée de tous les secrétaires que prend son mari. […] Il se prend à l’aimer, avec l’emportement de la passion sans espoir.

962. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

De même en littérature, le poète qu’il aime par-dessus tout est l’Arioste : L’Arioste fait mes délices perpétuelles ; je ne puis le quitter depuis que je suis en état de l’entendre. […] Dante, au contraire, lui est pénible et difficile ; il le trouve d’un sublime dur : « Il me paraît plein de gravité, d’énergie et d’images fortes, mais profondément tristes ; aussi je n’en lis guère, car il me rend l’âme toute sombre. » Le Moyen Âge répugne à de Brosses ; il lui refuse le nom d’antiquité ; il visite au retour, à la bibliothèque de Modène, le docte Muratori, avec ses quatre cheveux blancs et sa tête chauve, travaillant malgré le froid extrême, sans feu et nu-tête, dans cette galerie glaciale, au milieu d’un tas d’antiquités ou plutôt de vieilleries italiennes : « Car, en vérité, dit-il, je ne puis me résoudre à donner le nom d’antiquités à tout ce qui concerne ces vilains siècles d’ignorance… Sainte-Palaye, au contraire, s’extasiait de voir ensemble tant de paperasses du xe  siècle. » — Tous ces jugements se tiennent, on le sent, et s’accordent soit en littérature, soit en peinture ou en musique ; et celui qui aime tant l’Arioste pourra se déclarer de la sorte en faveur de Pergolèse : Parmi tous ces musiciens, mon auteur d’affection est Pergolèse. […] « J’aime bien pis que les rois, écrivait un jour le président à Voltaire : j’aime les papes. […] Il a bien du cœur en effet, un foyer d’affection vraie et sincère ; et, après un an environ d’absence, il y a quelque chose qu’il aime encore mieux que de visiter le Capitole, « c’est d’en parler avec ce qu’on aime ».

963. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

Au milieu des changements merveilleux qui s’accomplissent et qui inaugurent de toutes parts une ère de paix et de régularité, la littérature ne saurait souffrir : pour peu qu’elle se ressemble à elle-même et à ce qu’elle a été dans les beaux temps, elle aime l’ordre, le travail, une société plus active qu’orageuse, assise et florissante, et qui n’est plus uniquement occupée chaque jour à s’empêcher de périr. […] L’abbé Barthélemy a été pour eux, à cet égard, un instituteur comme l’avait été précédemment Rollin, mais approprié au moment nouveau ; un instituteur fleuri, poli et disert, éclairé, agréable et très aimé, habile à dérober la profondeur et l’exactitude du savoir sous une grâce à demi mondaine. […] L’évêque de Marseille, qui avait été si admirable pendant la peste, le vertueux Belsunce, n’aimait point les doctrines théologiques et à demi jansénistes qu’on supposait à l’Oratoire ; il fut cause que Barthélemy alla faire ses cours de philosophie et de théologie chez les Jésuites. […] Mais Obéron, ajoute-t-il, ne l’aime pas, et il lui préfère une grande mortelle Hermione, sa propre sœur. » Cela fait allusion à la préférence un peu scandaleuse que le duc de Choiseul accordait ouvertement à la duchesse de Grammont, tout en ayant pour Mme de Choiseul les attentions les plus respectueuses, et en restant jusqu’à la fin l’objet de son amour. […] Tout le monde l’aime, excepté son mari, qui lui préfère sa propre sœur, la duchesse de Grammont, espèce d’amazone, d’un caractère fier et hautain, également arbitraire dans son amour et dans sa haine, et qui est détestée. — Mme de Choiseul, passionnément éprise de son mari, a été martyre de cette préférence, mais, à la fin, elle s’est soumise de bonne grâce ; elle a gagné un peu dans son esprit, et l’on croit qu’elle l’adore toujours. — Mais j’en doute. — Elle prend trop de peine à le persuader !

964. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Quand je dis : j’aime la chasse, je préfère la bière au vin, la vie active au repos, etc., j’émets des jugements qui peuvent paraître exprimer des estimations, mais qui sont, au fond, de simples jugements de réalité. Ils disent uniquement de quelle façon nous nous comportons vis-à-vis de certains objets ; que nous aimons ceux-ci, que nous préférons ceux-là. […] Entre ces deux propositions : J’aime ceci et Nous sommes un certain nombre à aimer ceci, il n’y a pas de différence essentielle. […] Ces mêmes valeurs qui, par certains côtés, nous font l’effet de réalités qui s’imposent à nous, nous apparaissent en même temps comme des choses désirables que nous aimons et voulons spontanément. […] Sans doute, c’est un fait que les hommes aiment une beauté, une bonté, une vérité qui ne sont jamais réalisées d’une manière adéquate dans les faits.

965. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Une âme en péril »

Et, comme ce prêtre de campagne n’aimait pas les paysans, il avait quelquefois sur eux des remarques d’une clairvoyance cruelle et d’une éloquente âpreté. […] En voici de littéraires : « Paul de Kock éclabousse la modestie et la pudeur pour faire rire. » « Tacite est merveilleux dans l’antithèse, lorsqu’il n’y est pas ridicule. » En voici de morales : « Peu aiment beaucoup ; beaucoup aiment peu. » « Un despote n’a pas d’amis. » « L’époux qui frappe sa compagne mérite-t-il le nom d’époux ?

966. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Le termite »

Il lui arrive quelque chose de fort simple : il est à la campagne ; le printemps lui fait aimer une femme, et son amour lui fait trouver la nature plus belle. […] Nous aimions naïvement les grands classiques ; nous aimions Lamartine, Hugo, Musset, Sand, Michelet, Taine, Renan.

967. (1911) La valeur de la science « Introduction »

Et pourtant je ne peux les séparer, et ceux qui aiment l’une ne peuvent pas ne pas aimer l’autre. […] En un mot, je rapproche les deux vérités, parce que ce sont les mêmes raisons qui nous les font aimer et parce que ce sont les mêmes raisons qui nous les font redouter.

968. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXX » pp. 330-337

Le roi avait déclaré, en voyant la douleur que ressentait madame Scarron de la mort du premier de ces enfants, qu’il serait doux d’être aimé par madame Scarron. […] Vous me demanderez d’où vient cela : c’est que l’orgueil de l’amie (madame Scarron) la rend révoltée contre les ordres de madame de Montespan : elle n’aime pas à obéir. […] Madame de Sévigné, fort aimée de madame Scarron, était instruite, comme madame de Coulanges, de beaucoup de particularités secrètes des relations de la gouvernante avec madame de Montespan et le roi.

969. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre II. Chimie et Histoire naturelle. »

Touchant de son âme aux cieux, et de son corps à la terre, on aimait à le voir former, dans la chaîne des êtres, l’anneau qui lie le monde visible au monde invisible, le temps à l’éternité. […] Mais quand des congrégations de savants se formèrent ; quand les philosophes, cherchant la réputation et non la nature, voulurent parler des œuvres de Dieu, sans les avoir aimées, l’incrédulité naquit avec l’amour-propre, et la science ne fut plus que le petit instrument d’une petite renommée. […] Les unes appartiennent à l’esprit, les autres au cœur ; or, il se faut donner de garde de cultiver le premier à l’exclusion du second, et de sacrifier la partie qui aime à celle qui raisonne.

970. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 18, que nos voisins disent que nos poëtes mettent trop d’amour dans leurs tragedies » pp. 132-142

On croiroit que l’amour fut une passion gaie à oüir les gentillesses que ces galands disent aux personnes qu’ils aiment ; ils ornent leurs discours enjouez de ces traits ingenieux, de ces métaphores brillantes, enfin de toutes les expressions fleuries qui ne sçauroient naître que dans une imagination libre. […] L’auteur anglois prétend que l’ancienne chevalerie et ses infantes ont laissé dans l’esprit de quelques nations le goût qui leur fait aimer à retrouver par tout un amour sans passion et ce qu’elles appellent galanterie, espece de politesse que les grecs et les romains si spirituels et si cultivez n’ont jamais connuë. […] De là sont nées les extravagances de tant d’amans dont la plûpart n’étoient point amoureux ; les uns se sont fait assommer en écrivant le nom des belles qu’ils pensoient aimer sur les murailles des villes assiegées ; d’autres sont allez de vie à trepas pour avoir voulu rompre dans les portes d’une ville ennemie leur lance enrichie des livrées d’une maîtresse qu’ils n’aimoient point, ou qu’ils n’aimoient gueres.

971. (1912) L’art de lire « Chapitre VII. Les mauvais auteurs »

C’est très dangereux : « Pourquoi aimez-vous, ce me semble, la conversation des imbéciles ? […] Pourquoi aime-t-il à lire les livres, puisque, jamais non pas une seule fois de sa vie, il n’en a trouvé un bon ? […] Figurez-vous un enfant qui, de naissance, n’aimerait pas la musique et que, par autorité paternelle, on aurait fait jouer du violon pendant dix ans : il ne pourrait plus passer devant un marchand d’instruments de musique.

972. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVI »

Si l’auteur de l’Art d’écrire (cet art de s’aimer soi-même) avait eu quelque souci de logique vraie dans la disposition des parties de son livre, à coup sûr il eût commencé par l’un des derniers chapitres, celui qu’il intitule : « Comment on crée les images ». […] Nous eussions aimé voir de ces petites âmes, qui vivent de notre âme au contact des choses, évoluer dans le langage, etc. »‌ Le singulier livre que j’aurais écrit, si j’eusse suivi le conseil de ces messieurs ! […] Je n’ai jamais aimé l’idéologie et, lorsqu’il s’agit d’enseignement, je trouve que la meilleure méthode est de démontrer, non de philosopher.

973. (1888) Poètes et romanciers

Aime-t-elle vraiment Chatterton ? […] L’Académie l’a élu ; le public l’aimera. […] mais ce n’est plus la forêt que j’ai tant aimée. […] L’homme jouit et souffre, aime et maudit. […] aimons-nous toujours !

974. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Magre, André (1873-1949) »

Je voudrais pouvoir citer plusieurs de ces pages exquises qu’il faut lire et aimer et dans lesquelles nous retrouvons tous un peu de nous-mêmes, car elles sont, fixées par un Véritable poète, les minutes fugitives d’amour, de souffrances et de joies de nos enfances et de nos vingt ans, aujourd’hui déjà devenus de lointains passés. J’ai beaucoup aimé les poèmes d’André Magre, je les ai souvent relus et, dans ma mémoire, le livre fermé, chantent encore ces strophes d’une si délicieuse mélancolie : Tu viens, je te connais, ne me dis pas ton nom ; L’ombre est chaude, il fait bon rêver de mois de femme.

975. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 92-93

Sans doute qu’il a mieux aimé suivre les impressions de son génie que la décence de son état, qui lui a paru trop sévere. […] Mais les graces les plus touchantes Ne sont pas toujours suffisantes ; Et ce seroit trop présumer D’imaginer que l’on doit faire Pour une Belle un Art d’aimer, Parce qu’elle a celui de plaire.

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