Je prends à témoin de la vérité de mon récit tous les comédiens qui jouaient dans mes pièces et tous les auteurs mes confrères, qui n’agissaient pas autrement que moi. […] Sans doute vous m’avez fait du mal, comme vous en avez fait à tous mes confrères en vous emparant d’un théâtre sur lequel vos succès ne vous donnaient aucun droit ; mais enfin vous avez agi dans votre intérêt, et en prouvant aux comédiens que mes ouvrages et ceux de mes confrères n’avaient pas le sens commun parce qu’ils n’étaient pas composés selon votre système, vous n’avez fait encore qu’user du droit que donnent l’esprit et l’éloquence sophistique et paradoxale sur des esprits faibles qui ont cru trouver, au bout de la route que vous leur avez indiquée, les mines du Potose ouvertes à leur avidité. […] Passez-moi cette réflexion ; mais je n’ai pu m’empêcher de la faire en songeant qu’un grand orateur, un célèbre jurisconsulte peut très mal raisonner quand il s’agit de théâtre, et qu’il vaut beaucoup mieux une vérité de convention et d’artifice qu’une réalité de nature qui ferait baisser les yeux à la jeune femme de l’avocat, s’il la conduisait aux pièces de son client. […] bien, il faut en agir avec eux comme avec une maison de commerce, une manufacture.
Le seul mérite de cette nouvelle philosophie de l’histoire, c’est qu’elle ne balbutie pas quand il s’agit de se nommer. […] quel parti pourrait se soustraire à la nécessité de dire, de penser, d’agir au rebours du gouvernement qui l’opprime, et de tomber ainsi sous l’aveugle loi des contradictions politiques ? […] La science des hommes d’État, dont il prouve l’inutilité même quand ces hommes d’État, ou qui écrivent de l’État, s’appellent saint Thomas d’Aquin, Machiavel ou Dante, n’est pour lui qu’une algèbre dont les termes sont invariablement donnés par la situation et l’opposition des peuples sur leur globe, et dont il s’agit de dégager les équations. […] Ferrari à la littérature politique et à ses panacées, et nous trouvons que la grande utilité de son livre est d’avoir montré le néant de toute cette vaine littérature ; mais est-il bien certain que l’homme n’agisse pas spontanément, directement et de tout le poids de sa liberté, sur des événements que M.
Illusoire serait donc notre conscience de choisir, d’agir, de créer. […] S’ils mordent l’un sur l’autre, et dans des proportions variables selon la vitesse du système (c’est ce qu’ils font dans l’Espace-Temps d’Einstein), alors il ne s’agit plus que d’un Espace-Temps virtuel, celui d’un physicien imaginé comme expérimentant et non plus du physicien qui expérimente. […] Il est vrai que la conception de cet Espace-Temps agira alors sur la perception de l’Espace et du Temps actuels. […] Et c’est tout naturel, puisqu’il s’agit de la même chose dans les deux cas.
Heureusement, cette fois, il s’agit d’un bel et bon ouvrage, de l’œuvre d’un véritable poète, des Légendes des bois et Chansons marines, de M.
Devenu commissaire ordonnateur, il fut employé en cette qualité dans l’armée qu’on avait formée, en 1792, sur les côtes de Bretagne, et qui était destinée à agir au cas d’une descente des Anglais. […] Les docteurs s’assemblent ; on agite bien des remèdes, et, en désespoir de cause, on a recours à un sorcier qui décide qu’il ne s’agit pour le guérir que de trouver la chemise d’un mortel parfaitement heureux, et de la faire revêtir au malade. […] un jour, une grande occasion s’est offerte ; la trempe de l’instrument s’est révélée, elle est de première vigueur : elle ne fléchira ni ne se brisera sous aucun effort ni sous aucun poids, jusqu’à la fin, tant qu’il s’agira de l'utilité publique, du service du prince et de la patrie.
Mais auparavant j’ai à donner, à ceux de nos lecteurs qui ne la connaîtraient pas, une première idée de la personne distinguée dont il s’agit et dont le nom a quelque effort à faire, ce semble, pour courir aisément sur des lèvres françaises, — pour se loger dans les mémoires françaises. […] Quand il s’agit d’une femme, même d’un modèle de sainteté, il se présente deux ou trois questions inévitables : Était-elle jolie ? […] Il s’agit d’indiquer que Mme Swetchine, retirée alors dans ses terres, manqua Mme de Staël au passage de cette dernière en Russie (1811), et que lorsqu’elle revint à Pétersbourg, elle ne l’y trouva plus ; voici comment M. de Falloux s’exprime : « Lorsque Mme Swetchine fut ramenée au centre habituelde son existence, elle n’y trouva plus qu’un brillant souvenir. » Il y en a, dit Pascal, qui masquent la nature : ils ne disent point Paris, mais la capitale du royaume ; ils ne disent point Pétersbourg, mais le centre habituel de l’existence.
Nous l’avons vu dans les assemblées du Parlement être l’oracle des opinions ; s’est-il agi de rédiger les avis, prendre la plume et, au milieu de cent cinquante personnes, aussi recueilli que dans son cabinet, nous lire des résumés qui ont été adoptés unanimement : aussi est-il la passion du Parlement, et il les a bien servis, et peut-être trop bien, lorsqu’il les a fait revenir de leur exil (1754) sans aucunes conditions qui auraient peut-être été nécessaires pour le maintien de l’autorité royale. […] Le prince en particulier dont il s’agit est, à tous les points de vue, si éminent qu’il doit quelque compte de sa conduite à l’Europe en général, à la France, et à sa famille, la plus illustre qui soit au monde. On doit s’attendre que des hommes dans sa condition ne seront pas poussés à agir par des mobiles privés… Il pourrait faire sans doute un pas extraordinaire en considération d’un mérite extraordinaire… Mais, s’il ne le fait point, aurait-on bonne grâce à s’en plaindre et à en concevoir le moindre ressentiment ?
A prendre cette épithète selon la vraie signification, elle lui est justement donnée, car il diffère, à beaucoup d’égards, de la façon d’agir et de penser des hommes du jour. […] Je mérite que vous ayez égard aux motifs qui me font toujours agir vis-à-vis de vous. […] Concevez tous les motifs que j’avais de croire l’histoire fabuleuse ; combien ma surprise et mon ignorance que j’exprimais naïvement dans mes lettres (elle était à Pougues) contribuaient à la faire regarder comme telle par les personnes qui concluaient, ainsi que moi, que le baron d’Holbach n’eût pas dû être votre premier confident ; enfin, le déplaisir que vous m’avez causé par une conduite qui déroge un peu, ce me semble, à l’amitié que vous m’avez promise. » Puis, en venant au fond, elle estime que son ami le philosophe s’est laissé bien vivement emporter au sujet d’une injustice cruelle dont il a été l’objet, et dont une pauvre tête égarée a pu seule se rendre coupable : « Mais vous, au lieu de vous irriter contre un malheureux qui ne peut vous nuire, et qui se ruine entièrement lui-même, que n’avez-vous laissé agir cette pitié généreuse, dont vous êtes si susceptible ?
« Lorsqu’il s’agit de remplir un devoir important, ne considérer les périls et la mort même que comme des inconvénients et non comme des obstacles. […] Au milieu de ces rigueurs forcées, on a pour elles des égards ; elles sont aimées dans la Commune ; un de leurs anciens fermiers ou régisseurs, le citoyen Caillot, est commandant de la garde nationale du lieu ; il agit immédiatement en leur faveur : « An II, 5 pluviôse (24 janvier 1794). — Délivrance au cit. […] Il s’agissait de la traduction d’un ouvrage anglais dont, par malheur, Dutens n‘a pu nous dire le titre ; sans quoi Ion arriverait à savoir le nom de ce moine si digne d’intérêt et si reconnaissant.
Il est vrai que le bras de Dieu, qui vous a soutenus dans les guerres passées, n’est pas encore raccourci ; mais si vous faites réflexion qu’un puissant roi s’est joint aux forces de votre prince, que les provisions, les officiers et l’union vous manquent, et que même vos obstinations vous feront abandonner de tous les princes et des États protestants…, vous ne pouvez pas espérer que la Providence divine, qui n’agit pas miraculeusement comme autrefois parmi les Israélites, veuille faire de vos ennemis ce qu’elle fit de Sennacherib ; et la parole de Dieu vous apprend que de se jeter dans les dangers sans prévoir humainement aucun moyen d’en sortir, c’est tenter Dieu qui laisse périr ceux qui aiment témérairement le danger… » On peut se figurer l’effet que dut produire la lecture d’une telle épître sur un auditoire mêlé de personnes timides, de vieillards, de femmes et d’enfants. […] Il s’agissait, pour ce peuple errant et dispersé, de se donner un rendez-vous à l’extrémité du lac de Genève, à Bex, aux portes du Valais, d’entrer en Savoie, « de l’effleurer par le territoire de Saint-Maurice, de passer à Martigny, de suivre la vallée du grand Saint-Bernard jusqu’à Orsières, de remonter le val Ferret, puis traverser le col Letrevre, descendre à Courmayeur, passer de là au petit Saint-Bernard, tourner ainsi le Mont Blanc, et venir retomber en Savoie entre le col Bonhomme et le mont Iseran du côté de Scez, sur la route qu’avaient reconnue leurs premiers éclaireurs. » Cet itinéraire habile et hardi ne fut pas suivi comme il avait été tracé d’abord ; le premier projet échoua ; la pratique et la nécessité en suggérèrent un autre : ce fut à Prangins, près de Nyon, que le rendez-vous patriotique eut lieu ; on traversa le lac à cet endroit (16 août 1689) ; on passa par Cluse, Sallanches, on attaqua le Mont-Blanc et le col du Bonhomme par un autre côté. […] Son procédé, tout en combattant le prince qu’il avait eu pour élève dans la première expédition vaudoise, était de continuer à s’en faire estimer et de ne rien porter à l’extrémité, d’épargner les moyens violents, même quand ils lut étaient commandés ; il ne s’agissait pas d’envenimer la lutte : le plus souvent on ne cessait de négocier sous main, d’échanger des pourparlers, tout en se combattant.
Les éloges se mêlent aux réprimandes, car on sent qu’elles sortent d’un cœur tendre et qui n’a en vue que le bonheur des siens : « Je suis toujours sûre du succès, si vous entreprenez une chose, le bon Dieu vous ayant douée d’une figure et de tant d’agréments, joint avec cela votre bonté, que les cœurs sont à vous si vous entreprenez et agissez ; mais je ne puis vous cocher pourtant ma sensibilité : il me revient de toutes parts et trop souvent que vous avez beaucoup diminué de vos attentions et politesses à dire à chacun quelque chose d’agréable et de convenable, de faire des distinctions entre les personnes. […] mais je veux que vous demandiez conseil à Mercy de préférence à eux, que vous le voyiez plus souvent, que vous lui parliez de tout et que vous ne rendiez rien de ce qu’il vous dira aux autres ; que vous commenciez à agir par vous-même. […] Mais il n’y avait pas moyen d’en agir ainsi ; la France aime les coups de théâtre, les changements à vue, et il y a des moments irrésistibles.
Jamais son épouse enchaînée Ne veut d’un servile hyménée Subir les honteuses douceurs ; L’amour en vain gronde et l’accuse ; Sa jalouse fierté refuse Des sujets à ses oppresseurs… » — Il s’agit vraisemblablement de l’éléphant du Jardin des Plantes et de sa femelle, qui ne reproduisait pas dans l’état de captivité. […] Je n’en sais rien, et je suis plutôt porté à croire que ce que j’ai dit serait inutile : j’ai parlé, dans cette lettre que vous avez remise, de Durant comme le seul qui me convenait et qui conviendrait à la Hollande, à la Belgique et à l’Angleterre : j’ai insisté fortement sur cela. — Ce que j’ai écrit hier doit être ignoré par vous : mais vous voilà prévenue si l’on vous en parle. — Je suis fortement occupé de ces ratifications russes qui (ne le dites pas) sont fort mauvaises : mais je crois que nous les arrangerons. — Je n’en parle pas à Paris, parce que l’on me donnerait des instructions, et que je veux agir sans en avoir : voilà encore qui est pour vous seule. — Si l’on me répond, ce sera par vous. — Figurez-vous que l’on m’écrit ici que l’affaire de Rome est arrangée, et qu’on a accepté et à Rome et à Paris une convention simultanée de l’Autriche et de la France. […] On ne se douterait certes pas, en lisant ce passage tout placide de la lettre de M. de Talleyrand, qu’il s’agît d’une affaire si récente et si chaude.
Elle a, dit-elle, été prévenue (prévenue par la Grâce, style de Nicole), un peu après son amie ; elle a agi jusqu’à onze ans par cette espèce de raison, encore enveloppée des ténèbres de l’enfance : ce n’est qu’alors que le rayon divin a commencé de luire. […] Dans toute cette partie finale et déjà bien grave de la Correspondance, au milieu des vicissitudes domestiques et des malheurs qui assiégent l’existence de celle qui n’est déjà plus une jeune fille, il ressort pourtant une qualité qu’on ne saurait assez louer ; un je ne sais quoi de sain, de probe et de vaillant, émane de ces pages ; agir, avant tout, agir : « Il est très-vrai, aime-t-elle à le répéter, que le principe du bien réside uniquement dans cette activité précieuse qui nous arrache au néant et nous rend propres à tout. » De cet amour du travail qu’elle pratique, découlent pour elle estime, vertu, bonheur, toutes choses dans lesquelles elle a su vivre, et qui ne lui ont pas fait faute même à l’heure de mourir.
Il emprunte au peuple ses comparaisons, même quand il s’agit d’un dieu, de Borée : Notre souffleur à gage S’enfle comme un ballon, Fait un vacarme de démon. […] Il y a même de l’affectation dans ces abstractions de Phèdre qui agissent comme des personnes. […] Il n’y a pas de découverte plus difficile et plus délicate que celle des changements de ton par lesquels une idée se continue dans l’idée suivante, car il s’agit alors d’imiter les véritables mouvements de l’âme, de la suivre, toute complexe et capricieuse qu’elle est, à travers les ondulations tortueuses et imprévues par lesquelles elle voyage tour à tour de la joie à la tristesse, de la tendresse à la colère.
Mais le travail était sur tout rendu malaisé parce qu’il s’agit de deux poètes modernes qui, en véritables poètes, ont dit indirectement ce qu’ils avaient à dire en réfléchissant leur pensée sur des images et des symboles. […] Le Roy, par exemple, c’est une fenêtre où deux mains apparaissent en un geste d’énigme ; mais au lieu de donner à penser qu’il évoque ainsi un moment du cœur humain, ce poète a cru devoir en avertir dès les premiers mots, et, en spécifiant qu’il s’agit des mains de la mort, il enlève beaucoup de son mystère à une vision qui demeure pourtant belle et hantante. […] Et encore s’agit-il, en cette planche comme en quelques autres d’une fantaisie d’un maître qui a du génie.
Étonnez-vous donc que la jeunesse, qui se trouve face à face avec elle dès son entrée dans le monde, compose ses traits et son âme d’après ce morne fantôme qu’il s’agit de vaincre. […] Il ne s’agit pas moins que de lui céder sa charge, de lui léguer son étude. […] Il s’agissait d’arracher de l’alcôve et de traîner à demi-nu, sur la scène, un des plus vils scandales du monde contemporain ; il fallait aborder de front une forme de l’adultère qui aurait épouvanté Juvénal.
Ici, d’ailleurs, M. de Ryons agit en bon diable, il voit clair dans cette âme troublée, il sait que la jeune femme n’a pas cessé d’aimer son mari, et, par curiosité plus que par vertu, il entreprend de réconcilier le ménage. […] Jeannine serait une courtisane dans la vie de laquelle cet homme n’aurait fait que passer, il n’en agirait pas moins comme un lâche. […] Notez que madame Aubray ne lui dit même pas le nom de la Madelonnette qu’elle lui destine in petto, et que Camille, ne se doutant point qu’il s’agit de Jeannine, le pousse, de son côté, à ce mariage expiatoire, en lui jurant qu’à sa place il épouserait, les yeux fermés, sur la parole de sa mère. « C’est raide !
Les scrupules de justice ordinaire ne sont pas, en général, ce qui arrête les hommes de la portée des Frédéric et des Napoléon, qu’il s’agisse de la Silésie ou de l’Espagne. […] Il agit noblement en repoussant le bien qui lui venait d’une main étrangère, et, sans yeux, il vit plus juste que les hommes éclairés, en croyant qu’on pouvait tenir tête au conquérant auquel n’avaient pu résister les plus puissantes armées et les plus grands généraux. […] Napoléon prépare donc à Erfurt, pour septembre et octobre de cette année, une de ces grandes représentations politiques et théâtrales comme il les entend si bien, faites pour agir sur l’esprit des souverains et sur l’imagination des peuples.
Il peut être utile à sa patrie ; il fera les délices de ses amis ; il vous comblera de satisfaction et de gloire : vous n’avez qu’à guider ses talents et laisser agir ses vertus. […] Je l’écoute, et puis j’agis ; et je m’en suis toujours bien trouvée. […] Elle y trouva le petit bossu, qui lui dit en substance qu’une dame de la Cour dont il faisait la miniature lui avait proposé de s’introduire chez Mlle Le Couvreur comme peintre, et de lui donner un philtre qui éloignerait d’elle le comte de Saxe ; que, là-dessus, deux personnes masquées, à qui il avait eu affaire pour le détail de l’exécution, lui avaient déclaré qu’il ne s’agissait pas d’un philtre, mais bien d’un poison ; qu’à cet effet on déposerait, à un certain jour, dans un if des Tuileries, des pastilles empoisonnées ; que l’abbé les irait prendre, et que, s’il les donnait à Mlle Le Couvreur, on lui assurait 600 livres de pension et une somme de 6 000 livres.
Parole bien hasardeuse quand il s’agit en effet de prononcer sur les œuvres de la nature ! […] Malgré cet exemple, je crois que j’agirai différemment, et que je ne répondrai pas un seul mot. […] Lettre à l’abbé Le Blanc, dans les Mélanges de la Société des bibliophiles, 1822. — Les articles dont il s’agit se peuvent lire dans les Nouvelles ecclésiastiques, feuille janséniste, à la date du 6 et du 13 février 1750 ; c’était une dénonciation formelle, et qui amena la Sorbonne à censurer le livre (voir encore la même feuille à la date du 26 juin 1754).
Quand il s’agit d’une jolie et gracieuse naïveté de langage, on dit aussitôt, pour la définir : C’est de la langue d’Amyot. […] Il s’agit de Numa et de ses premiers actes de législateur et de civilisateur qui adoucirent le naturel féroce des premiers Romains ; j’ai regret d’altérer dans ma citation l’orthographe ancienne, qui dans ses longueurs mêmes, et par la surabondance de ses lettres inutiles, contribue à rendre aux yeux la lenteur et la suavité de l’effet : Ayant donques Numa fait ces choses à son entrée, pour toujours gaigner de plus en plus l’amour et la bienveillance du peuple, il commença incontinent à tâcher d’amollir et adoucir, ne plus ne moins qu’un fer, sa ville, en la rendant, au lieu de rude, âpre et belliqueuse qu’elle étoit, plus douce et plus juste. […] Les Brotier, les Clavier, les Courier, donneront des éditions d’Amyot où les fautes auront disparu et où le langage excellent restera : et pour nous postérité, quand il s’agit d’Amyot, voilà notre héritage.
Il y a vingt-cinq ans, lorsqu’une école lyrique nouvelle s’annonçait en France avec éclat, Le Brun pouvait être étudié comme un précurseur18 : aujourd’hui que cette école lyrique a fourni sa course, et qu’elle a plus ou moins donné tout ce qu’on en pouvait attendre, Le Brun ne se présente plus que comme un mort qu’il s’agit de bien ressaisir en lui-même, sans préoccupation du présent et en toute impartialité. […] » Le Brun, dans ces divers petits écrits, en revenait toujours à justifier et à venger son ode des critiques injustes ; mais il y marquait un ressentiment outré, et il s’attira de Voltaire lui-même, si bon juge dès qu’il s’agissait d’un autre, cette leçon de tactique et de goût : Il y a des choses bien bonnes et bien vraies dans les trois brochures que j’ai reçues. […] S’agissait-il de célébrer, par exemple, le livre des Époques de la nature, Le Brun avait droit de s’écrier : Au sein de l’Infini ton âme s’est lancée ; Tu peuplas ses déserts de ta vaste pensée.
Il se donne à nous comme dénué de toute ambition, de tout intérêt personnel : « Mon grand défaut, mon imperturbable défaut est l’antipathie pour le mouvement. » Il avait pour principe qu’il y a de bons défauts, et qu’il ne s’agit que de savoir en prendre son parti et s’en arranger pour y trouver du bonheur. […] Il montre le royalisme tel qu’il était dès lors dans cette société de plus en plus positive : De nos jours, le royalisme n’est ni une passion, ni un enthousiasme, moins encore un fanatisme : c’est une opinion ; et les hommes qui n’agissent qu’en conséquence d’une opinion torturée par toutes les crises dont nous avons été acteurs et victimes, ne sacrifient pas la tranquillité de leur vie à des projets dont ils sentent que l’exécution est au-dessus de leur pouvoir. […] Sans doute plus d’une des causes secrètes qui le firent agir alors et varier, lui qui se pique toujours si fort d’indépendance et de paresse, nous échappe aujourd’hui : tenons-nous à l’ensemble des idées.
En prenant ce commandement des mains de Masséna, il ne se fait aucune illusion sur les difficultés de la tâche et sur la nature des moyens ; après quelques considérations sur le pays, théâtre de la guerre, il en vient au moral et au matériel des troupes : De la misère, dit-il, de l’indiscipline, du mépris de l’autorité, un mécontentement universel, et un désir immodéré de rentrer en France de la part des généraux ; une artillerie détruite en entier, et point de munitions ; une cavalerie réduite à peu de chose, et ce peu dans le plus mauvais état ; l’infanterie diminuée de près de la moitié : tel était tout à la fois le pays dans lequel je devais agir, et l’instrument dont il m’était donné de me servir. […] L’ennemi y était et l’affaire s’engage ; mais la défense à l’instant prend un tout autre caractère ; elle est offensive et fière, et l’ennemi, étonné de cette brusque attaque, n’agit plus qu’avec circonspection, lui qui peut engager en tout plus de 50 000 hommes, quand les deux maréchaux ensemble n’en ont pas 14 000. […] Il n’y avait pas une seconde à perdre pour agir, le moindre délai nous eût été funeste.